Flower Power Helvète et Ranz des Vaches en 1836: Tout sur la « Scène Suisse », opus 4 de Sebastian Lee

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Image: Ecole Suisse du XIXème siècle, paysage alpin avec personnages et chalet ». Huile sur toile de R. Leuthold, 1872

Autrice: Pascale Girard

Mes ami.e.s, après ce long silence, je viens à vous avec une merveilleuse nouvelle. Nous avons enfin mis la main sur l’opus 4 de Sebastian Lee “Scène Suisse”. Pourquoi est-ce important? Et bien parce-que c’est une œuvre orchestrale, ce qui, je l’espère, fera taire toutes les personnes ne jurant que par la symphonie, les créations de thèmes “originaux”, bref toutes ces oreilles que les fantaisies rebutent. Outre leur conseiller de lire l’article consacré à ces dernières, aujourd’hui, mon intention est de casser un mythe et de rendre ses lettres de noblesse à Sebastian Lee. Un artiste qui composait pour orchestre, comme pour quatuor, comme pour duo, comme pour instrument solo, pour le violoncelle, mais aussi le violon, le piano, le hautbois, les timbales, etc; et il le faisat seul ou avec son frère Maurice [1], le pianiste, ou encore avec ses amis Charles-Auguste Bériot [2], Henrich Panofka [3], Heinrich Ernst Kayser et Guillaume Popp [4], George Alexander Osborne [5], mais aussi le pianiste Henri Hertz [6], et encore Sigismund Thalberg [7], Edouard Wolff [8], et beaucoup d’autres. Ce n’était pas un professeur de violoncelle dont la première préoccupation était la production d’études, il n’a jamais travaillé au conservatoire de Paris et n’a eu d’élèves que parce-qu’il le souhaitait. Son revenu de Premier violoncelle du Grand Opéra de Paris aurait amplement suffit à offrir une vie confortable pour toute sa famille (pour s’en convaincre, voir notre article Du rififi à l’opéra de Paris). Il a enseigné en vacation au Collège Stanislas [9] et en cours particuliers, comme on le devine grâce aux dédicaces de ces œuvres à ses élèves. Enfin, nous pouvons balayer les préjugés concernant notre cher Sebastian. Il était bien un musicien accompli, respecté, polyvalent et polymorphe. Il jouait, enseignait, composait et était le bijou de son époque. Dévaloriser son talent ou sa mémoire en prétendant qu’il était surtout bon à écrire des études mélodieuses est une contre vérité. Voilà, c’est dit. A présent, nous allons découvrir de plus près cette œuvre très intéressante qu’est la “Scène Suisse”. Je vais vous dire tout ce que j’en sais, et j’espère que parmi vous, des personnes pourront ajouter des éléments de réflexions musicologiques car il existe encore des aspects qui me questionnent dans cette œuvre qui nécessiterait une réflexion collégiale. 

La “Scène Suisse” de Sebastian Lee, c’est d’abord une œuvre cardinale. C’est l’œuvre qu’il compose et qu’il présente lors de son premier passage à Paris au Théâtre Italien en décembre 1836. Il est alors Premier violoncelle de l’opéra de Hambourg [10], et, à 32 ans, il a bien l’intention d’éblouir la ville lumière de son talent. Pour une raison qui m’échappe encore, Sebastian Lee est décidé à quitter Hambourg et son poste, pourtant si solide, de Premier violoncelle à l’opéra de Hambourg, qui est une situation enviable pour n’importe quel musicien. A cette étape de sa vie, plusieurs choses se passent qui nous donnent des indications sur les raisons qui auraient pu motiver sa décision de quitter son pays natal.

Tout d’abord, son frère Louis (1819-1896), également violoncelliste, vient d’avoir 18 ans. Peut-être souhaite t-il lui céder la place de Premier violoncelle à l’opéra de Hambourg, sachant qu’à présent, Sebastian jouit d’une expérience et d’une renommée suffisantes pour trouver une place équivalente, voire meilleure, ailleurs. En outre, c’est à cette époque qu’il épouse Caroline Luther. C’est un challenge à au moins 2 titres. Tout d’abord elle n’est pas juive, elle est protestante [11]. Est-ce que les familles respectives étaient consentantes à ce mariage? Rien n’est moins sûr. Par ailleurs, pour alourdir encore les obstacles à cette union, Caroline est veuve. Elle a été mariée à un certain monsieur Ruhl [11]. Y a t-il eu des enfants de cette première union? On ne le sait pas. En tout cas, en 1835, elle a accouché d’Edouard, leur premier fils. Sebastian et Caroline sont en train de fonder leur famille mais ce ne sera pas à Hambourg, leur pays d’origine, qu’ils comptent s’installer. Même si on n’en connait pas la raison avec certitude, le départ a été acté. Quand Sebastian Lee démarre sa tournée Européenne  — car il se rendra également en Angleterre en 1834 [12], peut-être même avec sa femme enceinte  —  il y a quand-même un peu urgence, me semble t-il à se poser quelque part. Ce n’est pas un bon timing pour décider de tout remettre en question, sauf si on y est obligé, ce que, personnellement, je crois. Je ne pense pas que l’ont décide d’arpenter l’Europe avec sa femme et un poupon en route pour le plaisir.

Ecole Suisse du XIXème siècle représentant un paysage alpin avec des personnages et un chalet, huile sur toile de R. Leuthold, 1872.
Gazette Musicale de Paris N°37 du dimanche 14 septembre 1834, section « Nouvelles », p300

On a représenté, il y a quelques semaines, à l’Opéra Anglais de Londres, un ouvrage original; c’est un événement qui mérite d’être mentionné à cause de sa rareté. Le compositeur s’appelle Lee. il a obtenu un plein succès. la pièce a pour titre: l’Hôte mort. On a remarqué que la salle était pleine d’éditeurs de musique. On parle aussi avec beaucoup d’éloges d’un opéra de John Barnett, intitulé: Le Sylphe de la montagne.

C’est donc avec une détermination de fer que Sebastian Lee se présente à Paris. Pour cette occasion, il compose sa première œuvre orchestrale, l’opus 4 “Scène Suisse”.

Penchons nous tout d’abord sur l’aspect polymorphe de cette œuvre qui est intéressante car elle est particulièrement personnalisable et à dessein. Elle est écrite pour violoncelle solo, pour duo de violoncelle et piano — le piano n’étant là que pour accompagner le violoncelle comme le dit très justement Georges Kastner [10]  —  mais encore, pour quatuor ou pour orchestre. Qu’est-ce que cela si ce n’est une démonstration de force? Le message est bien de faire comprendre que Sebastian Lee est un musicien accompli: auteur, compositeur et interprète. Il y a bien entendu des aspects très virtuoses de la partition de violoncelle, là pour démontrer, s’il en était besoin, ses qualités techniques et la maitrise exceptionnelle de son instrument. Le XIXème siècle adore les virtuoses, les enfants prodiges et autres forces de la nature. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet et on peut écouter la très intéressante conférence de l’école des Chartes sur la fascination qu’exerçaient en particulier les enfants prodiges dans la société occidentale des temps modernes. Pour ma part, et contrairement à ce qu’Yves-Marie Bercé propose, je pense que nous ne sommes pas du tout sortis de cette époque, mais revenons à nos moutons. Sebastian Lee a conçu son opus 4 comme une œuvre qui devra être la vitrine de son talent et de sa maestria, parce-qu’il joue son va-tout sur cette performance. Et pour se faire, il a choisi le Ranz des Vaches.

Le Ranz des Vaches, c’est d’abord un chant traditionnel de la Suisse, et notons, au passage, que le « z » est muet. Le plus célèbre étant celui du comté de Fribourg, mais connu de tout Helvète qui se respecte. Ce sont les armaillis, ces bergers qui menaient les vaches dans les alpages, qui entonnaient ce chant, aussi appelé Lyoba; un mot qui vient d’une racine trouvée dans le mot patois gruérien ou l’on parle de loobeli pour nommer la vache, et on dit alyôbâ pour appeler le bétail [13] Dans la tradition du kulning nordique ou du Yodel autrichien, le Ranz des Vaches à ceci de différent qu’il n’est pas constitué d’onomatopées. Il s’agit d’un chant avec des paroles et une mélodie très identifiable. Pour préparer cet article, j’ai écouté plusieurs versions de ce Ranz des Vaches et je vous propose celui interprété par l’iconique Bernard Romanens en 1977 à l’occasion de la très célèbre Fête des Vignerons de Vevey. Organisée par la Confrérie des Vignerons de Vevey depuis 1797. L’événement a lieu cinq fois par siècles [14] et donne chaque fois l’occasion d’une nouvelle interprétation du Ranz des Vaches. C’est dire son importance et l’aspect sacré de la tradition. Il est intéressant de noter la devise de cette confrérie: Ora et Labora c’est-à-dire “prie et travaille”. Les paroles de ce Ranz des Vaches sont d’ailleurs complètement imprégnées de prières et de travail puisqu’il s’agit d’un drame pastoral qui se déroule dans l’alpage de Colombette, situé dans la commune de Vuadens, en Suisse. Les bergers, ou armaillis, mènent leurs troupeaux vers le pâturage quand ils se trouvent coincées en chemin par des fondrières. Ils mandatent l’un d’eux, Pierre pour les intimes, pour aller trouver le curé afin que ce dernier prie pour eux et que Dieu leur concède de lever l’obstacle. Le curé ne dit pas non, mais gratte un morceau de fromage pour sa peine. Tout ceci prend pas moins de 19 strophes entrecoupées de Lyoba pour être raconté, mais à la fin, les prières sont exaucées, les bergers et le bétail peuvent circuler, le curé a son fromage, et ses bénédictions sont tellement puissantes qu’arrivés au chalet, les bergers constatent que la chaudière est déjà à moitié pleine de lait avant même d’avoir commencé la traite. Il y a bien à un moment une suspicion de harcèlement sexuel sur la personne de la bonne du curé, mais les soupçons sont vite écartés au profit de la promesse d’une confession et surtout de la promesse d’un morceau de fromage qui, apparemment, vaudrait largement plus que le cul de la crémière dans cette histoire. Bref, blagounettes à part, le très sérieux Ranz des Vaches est plus qu’un chant traditionnel, pour les Suisses, c’est un anthem, au sens religieux du terme. D’ailleurs la mélodie répétitive des couplets, ponctués de ce long Lyoba en guise de refrain procède à mes oreilles d’une forme de prière dans sa structure. Traditionnellement, le Ranz des Vaches est composé de 3 sections: un récit, un cri d’appel et une énumération du bétail, ce qui rappelle encore la litanie dans ses invocations variables faites par un soliste et la réponse brève, constante et unanime de l’assemblée [15]

Peinture représentant un paysage alpin du XIXe siècle avec des personnages et un chalet, œuvre de R. Leuthold, 1872.
Peinture de paysage alpin du XIXème siècle avec des personnages et un chalet, œuvre de R. Leuthold, 1872.
Paroles du Ranz des Vaches Fribourgeois en patois Gruérien et en français, transcription d’Albert Bovigny. Source: https://www.fr.ch/sites/default/files/2019-08/le_ranz_des_vaches_paroles.pdf

On ne peut néanmoins pas mentionner le Ranz des Vaches sans dire qu’il en existe plusieurs comme l’explique Pierre Perroud: en Appenzell, dans le Simmenthal, dans l’Oberhasli, et en Ormonds [16]. Cependant, celui de La Gruyère (oui, on dit la Gruyère, est-ce que c’est parce-que c’est la région de Gruyère? Je ne sais pas, en tout cas, c’est féminin pour les Suisses et cela fait référence à la géographie, pas au fromage dont le nom dérive de son terroir), donc, le Ranz des Vaches de la Gruyère est très ancien et remonterait au XVIème siècle [17]. Rousseau en fait mention dans son Dictionnaire de la Musique de 1767 [18]. Il explique:

« Les soldats suisses exilés au service du Roi de France avait interdiction de le chanter car il faisait fondre en larmes, déserter ou mourir ceux qui l’entendaient, tant il excitait en eux l’ardent désir de revoir leur pays. »

Rien que ça.   Voilà pour l’effet patriotique du Ranz des Vaches sur nos ami.e.s Helvètes. Mythe ou réalité, j’ai envie de dire, peu importe. En revanche, ce qui atteste de l’importance de cet air pour les Suisses, outre la sacro-sainte performance séculaire à la Fête des Vignerons de Vevey, c’est qu’en 2019, deux députés UDC, Nicolas Kolly et Michel Chevalley, ont proposé le Ranz des Vaches comme hymne cantonal Fribourgeois. La proposition n’a finalement pas été adoptée pour diverses raisons, comme le fait que le canton possède déjà un hymne (moins fédérateur), «Les bords de la libre Sarine», que le Ranz des Vaches renverrait à une image passéiste de la Suisse et aussi parce-que sa portée va bien au delà des frontières du canton rendant donc son appropriation déplacée [19]. La Suisse n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai en matière de problèmes avec ses hymnes, cantonaux ou national, j’en veux pour preuve la vidéo explicative de David Castello-Lopes qui fait très bien le point sur la question et dont l’analyse musicale vaut celle de Pierre-Do Bourgknecht qui se concentre, pour sa part, sur le Ranz des Vaches qui nous intéresse. On y découvre par la même occasion le fameux bredzon Fribourgeois, monument des armallis et autres fashionistas du coin.

L’excellente analyse musicologique de Pierre-Do Bourgknecht en bredzon armailli super tendance, dans une chronique radio diffusée le jeudi 20 juin 2019 dans « Vertigo » sur RTS-La Première

Le Ranz des Vaches est donc publié pour la première fois en 1813 par Philippe Sirice Bridell et par Georges Tarenne. C’est cette information là qui, me semble t-il, est pertinente pour notre histoire de Sebastian Lee, parce-que finalement, outre les Suisses et le folklore militaire évoqué par Rousseau: qui était vraiment familier de ce style musical avant sa publication de 1813? Surement pas grand monde. Pourtant, quelques Ranz des Vaches fameux ont été composés au cours du XIXème siècle (et principalement à ce moment là, d’ailleurs, parce-que depuis… moins). On peut citer celui de la troisième partie super-connue de l’ouverture du Guillaume Tell de Gioachino Rossini  ainsi que celui de la « Scène aux champs », le troisième mouvement de la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz. Louis Adam, propose aussi son Ranz des Vaches, publié pour la 1ère fois en 1804. On peut écouter l’interprétation de Luca Montebugnoli sur un beau piano Erard de 1806. Et plus on creuse, plus on s’aperçoit qu’il y a un filon.

Franz Liszt, lui, a été chercher son inspiration directement à la source des alpages suisses avec à ses côtés, son amante Marie d’Algoult. Il compose également sa version du Ranz des Vaches de Ferdinand Hubert en 1835 pour le piano (soit 2 ans avant la performance de notre cher Sebastian). Je vous encourage à aller découvrir l’histoire de cette composition grâce à l’excellent article de Joseph Zemp [20]. On peut en écouter l’interprétation de Leslie Howard ici.

On trouve aussi le Le Ranz des vaches d’Appenzell, arrangé par Giacomo Meyerbeer sur un livret d’Eugène Scribe (dispo sur Spotify) mais aussi celui de Frédéric Chopin qui ce serait essayé à l’exercice, à la demande du marquis de Custine : « Je lui avais donné pour thème le Ranz des vaches et la Marseillaise. Vous dire le parti qu’il a tiré de cette épopée musicale, est impossible. On voyait le peuple de pasteurs fuir devant le peuple conquérant. C’était sublime » [22]

Qu’est-ce que cela nous dit? Et bien qu’en réalité le Ranz des Vaches en ce début de XIXème siècle est grave branchouille parmi les musiciens Romantiques! Joseph Zemp, dans son article sur les pérégrinations de Liszt nous l’explique:

“Depuis que les esprits des Lumières comme [Horace Bénédict] de Saussure, [Albrecht von] Haller ou [Jean-Jacques] Rousseau ont relevé la beauté majestueuse des montagnes et la pureté de la nature à l’altitude, les poètes et musiciens romantiques désireux de cultiver leur génie risquent l’aventure périlleuse dans l’univers des falaises, torrents et gouffres : qu’y a-t-il de plus palpitant que la marche exténuante sous la pluie vers les sommets ([Félix] Mendelssohn), une nuitée sur la paille dans un cabane primitive ([Richard] Wagner) ou un pique-nique avec les bergers ([Franz] Liszt)? Les têtes moins échevelées privilégient les sites lacustres, au décor montagneux, comme retraite et lieu d’inspiration ([Piotr Ilitch] Tchaïkovski, [Johannes] Brahms, [Richard] Strauss)” [20]

On dénombre au moins 11 musiciens du XIXème siècle partis chercher l’inspiration en territoire Helvète [12], comme on a connu la ruée des rockstars vers l’Inde ou le Népal dans les années 1960. Et si notre cher Sebastian avait lui aussi été trainer la savate dans les alpages suisses? Peut-être en voyage de noces, ou comme une expérience mystique au rythme des clarines et des gros bourdons. Allez savoir! En tout cas, si le choix du Ranz des Vaches m’a surpris quand j’ai découvert la partition originale, en réalité il faut bien comprendre qu’il s’agit là d’un courant artistique bobo de son temps. Se dire que Bâle, Bern ou Fribourg aient pu représenter le Katmandou ou le Goa de l’époque, c’est certes assez contre-intuitif, mais le fait est que les cloches de vaches suisses sont la hype, que dis-je, le symbole Flower Power du XIXème siècle au même titre que l’introduction du sitar dans la musique des Beatles dans les années 1965-66. Tout cela est une gymnastique intellectuelle nécessaire pour bien comprendre l’opus 4 et le replacer dans son contexte. Le Ranz des Vaches, a une certaine coolitude créative dans le monde musical du XIXème siècle parce que « la Suisse s’est désenclavée et que ses paysages à la beauté encore sauvage lui confèrent une réputation de muse auprès des compositeurs », selon Joseph Zemp [20], attirant tous les hipsters romantiques en goguette. Evidemment, la migration vers les verts pâturages Suisses pour l’inspiration est à Goa ce que la gentiane est à la Jägerbomb, ou à l’Enzianschnaps, si on veut rester en Suisse. On est sur un « trip » 100% produits laitiers, loin d’un autre courant qui fait également fureur à l’époque, c’est l’orientalisme, un tantinet plus subversif qu’Heidi et ses montagnes, avec l’érotisme de ses naïades de harem et bien sûr, la consommation du haschisch (c’est Napoléon 1er qui en interdit pour la première fois la consommation en France en 1800). On consomme déjà aussi de l’opium depuis l’ouverture des routes de la soie, encore sous prescription médicale mais beaucoup en abusent déjà et la pratique deviendra carrément mainstream en France dans les fumeries d’opium dédiées à la fin du XIXème siècle, en conséquence des guerres de l’opium provoquées par les puissances coloniales Franco-Britanniques en Chine. Dans un article très instructif, Léopold Tobisch fait l’état des lieux des habitudes de consommation de narcotiques chez les compositeurs romantiques et il balance des noms:

« Afin de soulager ses douleurs chroniques, on prescrit par exemple à [Frédéric] Chopin des doses régulières d’opium, drogue courante en Europe depuis le XVIIIe siècle et respectée par le corps médical de l’époque en tant qu’antalgique. Mais la consommation régulière d’opium, substance de prédilection parmi les artistes romantiques pour ses effets euphoriques et psychologiques, mène progressivement à une consommation récréative généralisée plutôt que thérapeutique. À la fin des années 1820, Hector Berlioz est un consommateur régulier d’opium, ou plus précisément de laudanum, puissante teinture alcoolique à base d’opium. »

Ainsi donc, Sebastian Lee ne se fracasse (peut-être) pas la tronche aux stupéfiants, même bio, il préfèrerait le voyage initiatique Suisse, d’inspiration bovine  — bien qu’en réalité, l’un n’empêche pas l’autre, voir les frasques de Brahms, Liszt, Schubert, Stravinski, Moussorgski, Tchaïkovski, Satie et d’autres, rapportées de manière croustillante par Léopold Tobisch [23]

Concernant notre cher Sebastian, je sais qu’il n’est pas orientaliste parce que rien dans son catalogue ne suggère un engouement particulier pour l’orient mystérieux. Les alpages, en revanche, sont un thème récurrent chez lui entre 1835 et 1847. Outre l’opus 4 qui nous intéresse aujourd’hui, il adaptera pour le violoncelle l’Air Tyrolien de son ami Heinrich Panofka, dont c’est l’opus 14, sorti chez Schlesinger en 1837; mais encore il signe une œuvre originale « Souvenir du lac des 4 Cantons« , son opus 43 publié en 1847 chez Breitkopf & Hartel. Il est allé en Suisse, c’est sûr! Peut-être même plusieurs fois. Les œuvres qu’il appelle « souvenir » de quelque part sont littéralement des souvenirs musicaux d’endroits ou il est allé, comme le « Souvenir de Paris », son opus 5 composé juste après sa tournée parisienne de 1836.

Côté orientalisme, il y a clairement moins d’enthousiasme dans son catalogue. Je laisse à part l’opus 43, sa « Fantaisie sur l’ode symphonie ‘Le Désert’ de Félicien David car c’est Félicien David, que j’adore aussi, qui a été trainer ses guêtres à Constantinople et au Caire et de toute façon, Sebastian Lee transcrivait pour violoncelle tous les opéras qui marchaient bien. A part ça, on trouve 2 « Airs Arabes », l’opus 61, et je compte l’opus 123 « 6 Airs Nationaux » dont un russe, un arabe et un turc qui ressemblent plus à un exercice de style qu’à une inspiration mystique venue d’orient. Voilà pour l’orientalisme chez Sebastian Lee. Non, vraiment, il semble que son truc à lui, ce soit plus le fromage et l’air frais des montagnes que le Club des Haschischins (qui ne verra le jour que quelques années plus tard mais dont il ne fera pas partie).

Un dernier indice, qui me dit qu’on est sur une mode qui a le vent en poupe, c’est cette revue du concert de Joseph Gusikov et Sebastian Lee ou il est encore question de chanteurs Tyroliens venus cette fois se produire à Paris.

Tableau représentant un paysage alpin du XIXème siècle avec des personnages et un chalet, peint par R. Leuthold en 1872.
Extrait de la Gazette Musicale de Paris N°4 du dimanche 22 janvier 1837

[Nous] conseillons de choisir mieux son quatuor. Le programme de ce concert était assez varié. Outre Monsieur Lée dont le talent délicat, pur et grâcieux a été généralement reconnu, nous avons entendu un violon et un pianiste de Berlin, MM. [Chrétien] Urhan, Huner, et des chanteurs alsaciens, dont le chant doux et expressif nous a rappelé les chanteurs tyroliens que nous avons entendus à Paris il y a 2 ans.

Je vous le dis: le chant des montagne, c’est la tendance trop stylé du gotha musical parisien de l’époque. C’est pour ça que c’est un choix à la fois audacieux et intelligent de la part de Sebastian Lee de s’en saisir et de l’exploiter pour conquérir le tout-Paris. Car soyons bien clairs sur sa démarche, elle n’a rien d’improvisée ou d’opportuniste. Elle est au contraire bien préparée et je dirais même millimétrée. Sur le seul mois de décembre 1836, Sebastian Lee donne en moyenne un concert par semaine à Paris, et pas sur un coin de trottoir comme un punk à chiens, parce qu’on est bohème, mais faut pas pousser. Non, il entre par la grande porte. Il joue avec Liszt, Berlioz, Gusikov et il est écouté au salon Pleyel, à la salle Chantereine, et au conservatoire de musique de Paris. Cela lui vaut également de bénéficier d’une couverture médiatique assez dense, grâce à sa carte de visite de Premier violoncelle de l’opéra de Hambourg et grâce à ses collaborations judicieuses. Faisons une pause pour regarder son agenda entre décembre 1836 et janvier 1837. Je trouve son planning impressionnant et les réactions de la presse tout à fait extraordinaires. En effet, le 18 décembre 1836, lors d’une matinée musicale dans la salle du Conservatoire aux côtés d’Hector Berlioz et Franz Liszt, Sebastian Lee est jugé “un talent correct et élégant sur le violoncelle” [24] mais le 22 janvier 1837, soit un mois plus tard, dans la même revue, un article relatant le dernier concert aux côtés de Joseph Gusikov, dont il partage la vedette à présent, le décrit comme suit: « M.Lee dont le talent pur, délicat et gracieux a été généralement reconnu » [25] Il a triomphé! Sa tournée parisienne est un succès total.

École suisse du XIXe siècle représentant un paysage alpin avec des personnages et un chalet, huile sur toile de R. Leuthold, 1872.


Image d'une toile représentant un paysage alpin du XIXème siècle avec des personnages et un chalet, créée par R. Leuthold en 1872.

A présent, quid de la performance de Sebastian Lee à Paris au Théâtre Italien? Elle a été est très remarquée, bien sur, et la Revue et Gazette musicale du Dimanche 30 Avril 1837 en fait l’éloge dans l’article de Georges Kastner, qui sera un fidèle de Sebastian Lee pendant toutes ses années parisiennes.

Revue et Gazette Musicale N°18 du dimanche 30 avril 1837, p154, source: Google Books

Voici donc une arrivée triomphale qui lui vaudra le siège de Louis Pierre Norblin au Théâtre Italien, puis celui de Premier violoncelle quelques années plus tard (siège qui était encore celui du même Norblin jusqu’en 1840, son ami à qui il dédiera son opus 30).

Il y a pourtant encore un petit détail qui me chiffonne sur la chronologie de la genèse de cet opus 4. Cela tient à la dédicace de cet ouvrage. Il est « composé et dédié à Monsieur le Chevalier Waagepetersen, Agent de la Cour de Sa majesté le Roi du Danemark ». Alors, a qui a t-on affaire et qu’est-ce que le Danemark vient faire là-dedans?

Tout d’abord, laissez moi vous présenter le chevalier Christan Waagepeterssen (1787-1840) à travers une série de portraits de lui. J’aime particulièrement ces œuvres parce qu’elles sont datées de la même époque que la publication de l’opus 4.

Intérieur d'une maison du 19ème siècle, avec un couple et deux enfants. La femme porte une robe noire et bleue, tenant un bébé dans ses bras, tandis que l'homme est assis à un bureau, souriant. Un enfant en tenue écossaise est à ses côtés. Les murs sont peints en vert et décorés de portraits et d'une statue.
« The Waagepetersen Family », huile sur toile de Wilhelm Ferdinand Bendz, 1830. Merci au Statens Museum for Kunst (SMK) de mettre à disposition ses œuvres pour publication sous licence Creative Commons.

Christian Waagepetersen est un marchand de vin, Conseillé d’Etat et Agent de la Cour du roi du Danemark. Il était, semble t-il, très mélomane et passionné de musique, ce qui serait corroboré par le fait qu’il aurait nommé ses fils après Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart et Ludwig van Beethoven [26]. Le SMD donne les informations suivantes concernant cette toile:

« Le tableau montre Christian Waagepetersen à son bureau, son fils Fritz [qui ne corrobore pas l’assertion de Wikipedia ci-dessus] à ses genoux et sa femme Albertine [Emmerentse Schmidt, fille d’un riche marchand  Albrecht Ludvig Schmidt (ca.1754–1821) et de Frederikke Christiane Restorff (ca. 1759–1822)] debout avec sa fille Louise dans ses bras. Selon les informations de la famille, le fils [Franz Xaver Wolfgang] Mozart (1813-1885) a servi de modèle à la mère, qui était enceinte et ne pouvait pas porter l’enfant aussi longtemps. […] l’appartement, ses peintures sur les murs (de Jens Juel, entre autres) et du mobilier […]. Le grand verre d’eau sur la table avec une grenouille vivante servait de baromètre – lorsque la grenouille grimpait, le temps serait beau ! (Cf. lettre de Bent Waagepetersen du 16 juin 1998, dossier n° 3-344/97). Le bâtiment situé au 18 Store Strandstræde appartient désormais au Conseil Nordique des Ministres.  Bendz a apporté le tableau à l’exposition de Charlottenborg en 1830, le 7 avril, une semaine après l’ouverture de l’exposition ! (Cf. Journaux d’Eckersberg, 2009, vol. 1, p. 394). L’homme d’affaires occupé lève les yeux de son travail pendant un bref instant lorsque sa femme et deux des enfants du couple entrent dans son bureau, qui se trouve dans sa maison sur Store Strandstræde à Copenhague. L’image met clairement l’accent sur l’activité du chef de famille, signalant ce qui était la base de la bourgeoisie danoise vers 1830 : la famille et le travail. La maison est meublée avec parcimonie, sans décoration inutile, reflétant le style de vie frugal au Danemark pendant les années de crise après les guerres napoléoniennes. Christian Waagepetersen, le personnage principal du tableau, est un grossiste en vin qui a contribué à établir que c’était désormais la bourgeoisie qui était devenue la classe dominante au Danemark – après la domination séculaire de la noblesse. Waagepetersen s’intéressait beaucoup à l’art et à la musique. Il organisait régulièrement des événements musicaux dans sa maison, auxquels participaient les principaux compositeurs et musiciens danois de l’époque, ainsi que certains artistes visuels. Bendz et Marstrand comme peintres préférés Waagepetersen a également commandé plusieurs tableaux qui, comme ce tableau, étaient basés sur sa propre vie et son travail. Au début, les commandes étaient confiées à Bendz, mais après sa mort prématurée, Wilhelm Marstrand reprit le rôle de peintre préféré du grossiste en vin. » Source : KMO, OTHERTEXT
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Façade d'un bâtiment en ville, avec plusieurs étages et fenêtres, entouré de voitures garées sur la route.
 Le 18 Store Strandstræde à Copenhague, construit en 1778, ses 464 m² sur 10 pièces.
Portrait de Christian Waagepetersen, un homme avec une barbe courte et des cheveux en arrière, regardant légèrement vers la droite, réalisé au crayon sur papier.
Portrait de Chritian Waagepertessen par Wilhelm Marstrand (1810-1874), daté entre 1825 et 1834. Statens Museum for Kunst

On imagine assez facilement que Sebastian Lee, Premier violoncelle de l’opéra de Hambourg, ait fréquenté le salon du chevalier Waagepetersen et ait fait partie de l’entourage artistique du mécène qui affectionnait tant les arts. Hambourg est assez proche géographiquement de Copenhague. Tout ça pourrait laisser penser que l’opus 4 n’a pas été composé pour la conquête de Paris, ou comme une œuvre démontrant les talents de l’artiste à la base. Elle a probablement été conçue par Sebastian Lee sur la commande de Christian Waagepetersen; mais ce qui constitut un double étonnement pour moi, c’est que l’opus 4 a fait l’objet de 2 éditions: une première chez Cranz en 1834 et une 2ème chez Schlesinger en 1837 et les 2 comportent les adaptations pour quatuor, orchestre, piano et solo de violoncelle. Je tiens cette information des très sérieuses Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg & Goethe Universität de Frankfort, qui possèdent les exemplaires des 2 éditions. Alors soit Sebastian Lee sait déjà qu’il doit quitter Hambourg, avec une femme enceinte en 1834, et il profite de la commande de Christian Waagepeterson pour composer une œuvre destinée également à servir ses projets d’expatriation, soit le mécène connait les intentions de l’artiste et le soutient en lui commandant une œuvre dont il connait la finalité. Dans tous les cas, il n’y a pas de hasard et si l’opus 4 a été composé avec une partie d’orchestre, ce n’est pas pour le salon de Christian Waagepetersen.

Portrait du chevalier Christian Waagepetersen, agent de la cour du roi du Danemark, en costume officiel.
Christian Waagepeterssen, lithographie par Wilhelm Heuer 1786 – 1856
La Lithographie Royale (imprimeur) 1820 – 1843 Statens Museum for Kunst

Mes ami.e.es, si vous avez lu cet article jusqu’au bout, c’est que vous faites partie des fidèles, du hardcore de notre petite communauté. Je tiens à vous remercier pour votre attention et votre soutien. Votre « toute dévouée » traverse une période de grosses turbulences, ce qui met en danger la poursuite de l’aventure Sebastian Lee. Croyez bien que je fais mon possible pour poursuivre le travail, surtout à présent que nous avons cet opus 4 qu’il serait urgent de republier. Néanmoins, si je ne pouvais plus poursuivre mes activités, je tiens à envoyer des remerciements particuliers à Alain Buron, Jean-Baptiste Susse, Odile Bourin et son enthousiasme communicatif, ainsi qu’à Rudd Meester qui m’ont partagé leurs temps, leurs sources et leurs compétences afin de compléter le catalogue de Sebastian Lee au mieux des informations que chacun possédait. Merci également à Petra Tamboer et son soutien dans l’organisation du concert de l’association à Castelsarrasin en 2022. Merci aussi à Valérie Aimard qui a répondu présente quand nous n’étions qu’à l’état embryonnaire et qui nous a donné de la visibilité dans la revue de l’Association Française du Violoncelle. Merci à Derek de la Bernardie qui a lui-aussi joué le jeu aux côtés de Valérie et qui m’a encore partagé ses lumières récemment au sujet de cet opus 4 qui m’occupe. Merci à toutes celles et tout ceux qui ont participé à notre crowdfunding comme notamment Francis Girard ou Marjolaine Favreau, et à ceux qui nous font régulièrement des dons comme Joaquim Fernandes. Merci à Marc Sounthavong pour son soutien indéfectible dans cette aventure, ainsi qu’à tous.tes les bénévoles: Sergio, Annabelle, et les autres. Merci à JJ et son talent de ouf, qui nous a trouvé une identité visuelle superbe grâce à ses maquettes magnifiques et son exigence pour nos republications. Merci à mon Bon Maître Mathieu Moriconi, qui a initié cette passion et qui m’a donné la flamme en plus de m’avoir patiemment accompagné et conseillé sur les premières partitions à republier, et à Jean-Pierre Berrié qui m’a soutenu dans la création de cette petite structure comme dans la pratique de mon instrument. Un grand merci également à Sheri Heldstab, ma complice, qui est à mes côtés sans relâche, et qui supporte mes aspects bordéliques, erratiques et incohérents avec beaucoup de patience et en toute bienveillance. C’est aussi grâce à elle que la boutique en ligne est encore active cette année. Merci à nos partenaires: le Croquenotes à Toulouse et Planète Partitions à Château-Thierry; quelle belle confiance vous nous avez témoigné! A vous aussi, abonné.e.s, visiteur.euse.s, je veux dire merci et j’espère que j’aurais à nouveau l’occasion d’écrire pour vous, à la gloire de la musique et en mémoire d’artistes merveilleux et pourtant déjà presque oubliés.

Notes

  1. Lee, Sebastian. et Maurice, « Fantaisie sur un Thème de H. Monpou », pour violoncelle & piano, conc. Wien, Mechetti 25 Ngr. Janvier 1853. Source Hofmeister [lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  2. « Duo sur des airs hongrois et styriens », pour violoncelle et piano, 1852, éditions Joubert, op.81 de Bériot; mais aussi son opus 48 « Fantaisie sur la Norma de Vincenzo Bellini » avec Julius Benedict et Sebastian Lee. Source: Hofmeister. [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  3. Opus 10 de Henrich Panofka avec Sebastian Lee “Les inséparables, 3 grands duos” chez Schlesinger, 1837 [Source: A cellist’s Companion, Henk Lambooij & Michael Feves]
  4. Heinrich Ernst Kayser. Sebastian Lee et le flûtiste Guillaume Popp, « Trios des Amateurs d’après des Chants célèbres de Mendelssohn. Offenbach, André ».
  5. George Alexander Osborne et Sebastian Lee« Duo concertant sur le Domino noir, Opéra de D.F.E. Auber », pour piano &Violoncelle. Ebend. 2 Fl. Source Hofmeister [lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  6. Henri Herz et Sebastan Lee, « Grand Duo concertant sur la Niobe » pour violoncelle et piano. ed. Mainz, Schott. 2 Fl. 24 Xr. Source: Hofmeister [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  7. Sigismund Thalberg et Sebastian Lee, « Grand Duo concertant sur les Huguenots de G. Meyerbeer », pour piano et Violoncelle. Op. 43 . Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/]
  8. Edouard Wolff et Sebastian Lee, « Grand Duo brillant sur Robert le Diable de Meyerbeer », pour piano et violoncelle. Ed. Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  9. Gazette musicale N°30 du 26 juillet 1846, article « Des concerts philanthropiques et de ceux des maisons d’éducation », p236. Source Google Books [lien accédé en mai 2025: https://books.google.fr/books?id=tb1CAAAAcAAJ&vq=L%C3%A9e&lr&hl=fr&pg=PA236#v=snippet&q=L%C3%A9e&f=false ]
  10. Revue et gazette musicale du Dimanche 30 Avril 1837, revue critique de George Kastner, p454 [Source: Google Books accédé en mai 2025: https://books.google.fr/books?id=ar5CAAAAcAAJ&vq=lee&hl=fr&pg=PA154#v=snippet&q=l%C3%A9e&f=false ]
  11. Voir son acte décès traduit sur notre page Participer
  12. Gazette Musicale de Paris N°37 du dimanche 14 septembre 1834, section « Nouvelles », p300. Source Google Books [lien accédé en mai 2025: https://books.google.fr/books?redir_esc=y&hl=fr&id=9L5CAAAAcAAJ&q=mort#v=snippet&q=Lee&f=false ]
  13. Article Ranz des Vaches de Wikipédia [lien accédé en ma 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches ]
  14. Confrérie des Vignerons de Vevey, site internet accédé en mai 2025: https://www.confreriedesvignerons.ch/
  15. Ressources Liturgiques, site internet accédé en mai 2025: https://www.ressources-liturgiques.fr/musique/les-formes-du-chant-rituel/la-litanie#:~:text=La%20litanie%20est%20une%20forme,unanime%2C%20de%20l’assembl%C3%A9e.
  16. Article de Pierre Perroud « Le Ranz des vaches Lyôbade » Source: Athena.unige.ch [Lien accédé en mai 2025: https://athena.unige.ch/athena/helvetia/le-ranz-des-vaches.pdf ]
  17. Article provenant du podcast Classique MAXXI « Un symbole de la Suisse et du Romantisme », Radio France, 1er février 2022. Lien accédé en 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/maxxi-classique/maxxi-classique-du-mardi-01-fevrier-2022-6735068
  18. Chronique « Le mot du jour » par Corinne Schneider, Radio France, mardi 11 avril 2017. Source: lien accédé en mai 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-mot-du-jour/mot-du-jour-n0162-ranz-des-vaches-8120591
  19. RTS, article « L’idée de faire du Ranz des vaches l’hymne fribourgeois crée le débat », le 6 mars 2019. Source: lien accédé en ma 2025: https://www.rts.ch/info/regions/fribourg/10266758-lidee-de-faire-du-ranz-des-vaches-lhymne-fribourgeois-cree-le-debat.html
  20.  Joseph Zemp « Franz Liszt et ses pérégrinations à travers la Suisse en 1835 », Res-Musica, le 27 février 2023. Lien accédé en mai 2025: https://www.resmusica.com/2023/02/27/franz-liszt-et-ses-peregrinations-a-travers-la-suisse-en-1835/
  21. Dossier « Voyages Suisses », Res-Musica. Source accédée en mai 2025: https://www.resmusica.com/mot-clef/dossier-voyages-suisse/
  22. Extrait d’une lettre du marquis à Sophie Gay de juin 1837 : Jean-Jacques Eigeldinger, Frédéric Chopin
    Fayard, 2003, 165 p. (ISBN 978-2-213-61731-2), p. 38.Source Wikipedia, lien accédé en mai 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches#cite_note-24
  23. Alcool, drogues & musique, un trio inséparable », Léopold Tobisch sur France Musique, jeudi 16 février 2023. Source: Radio France [Lien accédé en mai 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/alcool-drogues-et-musique-un-trio-inseparable-3733222 ]
  24. Extrait de l’article “concert de Berlioz et Liszt dans la Revue et Gazette musicale N°52 du dimanche 25 décembre 1836
  25. Revue et Gazette Musicale N°4 du dimanche 22 janvier 1837, « Concert de MM Gusikov et Lee salle Chantereine », p.3, probablement rédigé par le comte Pepoli qui a pudiquement signé « P ». Source: Google Books accédé en mai 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Pepoli ]
  26. Article « Christian Waagepetersen de Wikipedia, accédé en mai 2025: https://en.wikipedia.org/wiki/Christian_Waagepetersen#cite_note-3

Swiss Flower Power and the Ranz des Vaches in 1836: All about the “Scène Suisse,” Opus 4 by Sebastian Lee

Image: 19th Century Swiss School, Alpine landscape with figures and chalet. Oil on canvas by R. Leuthold, 1872

Written by Pascale Girard and translated by Sheri Heldstab

My friends, after this long silence, I come to you with wonderful news. We have finally gotten our hands on Sebastian Lee’s opus 4 « Scène Suisse » [“Swiss Scene”]. Why is this important? Because it is an orchestral work, which I hope will silence all those people who swear only by symphonies, the creation of « original » themes, in short, all those ears that are repelled by derivative works. Besides advising you to read the blog post devoted to the latter, today, my intention is to break a myth and restore Sebastian Lee to his former glory. A musician who composed for orchestra, as well as for quartet, for duet, and for solo instrument – the cello – but also for violin, piano, oboe, timpani, etc.; and he did it alone or with his brother Maurice [1], the pianist, or even with his friends Charles-Auguste Bériot [2], Henrich Panofka [3], Heinrich Ernst Kayser et Wilhem Popp [4], George Alexander Osborne [5], and also the pianist Henri Hertz [6], and also Sigismund Thalberg [7], Edouard Wolff [8], and many others. He was not a cello teacher whose primary concern was producing etudes; he never worked at the Paris Conservatory and only had students because he wanted to. His income as First Cello of the Grand Opéra de Paris would have been more than enough to provide a comfortable life for his entire family (to be convinced of this, see our article Du rififi à l’opéra de Paris). He taught at the Collège Stanislas [9] and also taught private lessons, as we can tell from the dedications of his works to his students. Finally, we can sweep away the prejudices concerning our dear Sebastian. He was indeed an accomplished, respected, versatile and multi-talented musician. He played, taught, composed and was the jewel of his time. To devalue his talent or his memory by claiming that he was only good at writing melodious etudes is unfair. There, I said it. Now, we are going to discover more closely this very interesting work called the “Swiss Scene”. I will tell you everything I know about it, and I hope that among you, people will be able to add elements of musicological reflection because there are still aspects that question me in this work that would require academic reflection.

Sebastian Lee’s “Scène Suisse” is first and foremost a cardinal work. It is the work he composed and presented during his first visit to Paris at the Théâtre Italien in December 1836. He was then Principal Cello at the Hamburg Opera [10], and at 32, he fully intended to dazzle the City of Lights with his talent. For a reason that still escapes me, Sebastian Lee decided to leave Hamburg and his position, however secure, as Principal Cellist at the Hamburg Opera, which was an enviable position for any musician. At this stage of his life, several things happened that give us indications of the reasons that could have motivated his decision to leave his native country.

First, his brother Louis (1819-1896), also a cellist, has just turned 18. Perhaps he wanted to give him the position of First Cellist at the Hamburg Opera, knowing that Sebastian now has sufficient experience and renown to find an equivalent, or even better, position elsewhere. In addition, it was at this time that he married Caroline Luther. This is a challenge on at least two counts. First of all, she is not Jewish, she is Protestant [11]. Did the respective families consent to this marriage? Nothing is less certain. Furthermore, to further increase the obstacles to this union, Caroline is a widow. She was married to a Mr. Ruhl [11], prior to his death. Were there any children from this first union? We do not know. In any case, in 1835, she gave birth to Edouard, the newlywed’s first son. Sebastian and Caroline are starting their family, but they don’t plan to settle in Hamburg. Even if we don’t know the reason for this with certainty, the decision was made. When Sebastian Lee begins his European tour – because he will also go to England in 1834 [12], perhaps even with his pregnant wife – there is still a bit of urgency, it seems to me, to settle down somewhere. It’s not a good time to be indecisive, unless you have to – which, personally, I believe was the case. I don’t believe a man at that time would decide to travel around Europe with his pregnant wife for the pleasure of it.

Gazette Musicale de Paris No. 37 Sunday, September 14, 1834, “News” section, page 300.




On a représenté, il y a quelques semaines, à l’Opéra Anglais de Londres, un ouvrage original; c’est un événement qui mérite d’être mentionné à cause de sa rareté. Le compositeur s’appelle Lee. il a obtenu un plein succès. la pièce a pour titre: l’Hôte mort. On a remarqué que la salle était pleine d’éditeurs de musique. On parle aussi avec beaucoup d’éloges d’un opéra de John Barnett, intitulé: Le Sylphe de la montagne.

[Approximate Translation: A few weeks ago, an original work was performed at the English Opera in London; it is an event that deserves to be mentioned because of its rarity. The composer’s name is Lee. It was a great success. The piece is entitled: l’Hôte mort [The Dead Guest]. It was noticed that the hall was full of music publishers. There is also much praise for an opera by John Barnett, entitled: Le Sylphe de la montagne [The Mountain Sylph].  ]

Sebastian Lee therefore arrived in Paris with iron determination. For this occasion, he composed his first orchestral work, Opus 4, “Scène Suisse”.

Let us first consider the multi-dimensional aspect of this work, which is interesting because it is particularly customizable for a variety of ensemble sizes, and this was by design. It is written for solo cello, for cello and piano duo — the piano being there only to accompany the cello, as Georges Kastner [10] rightly says — but also for quartet or orchestra. What is this if not a demonstration of aptitude? The message is to make it clear that Sebastian Lee is an accomplished musician: author, composer and performer. There are of course extremely virtuosic aspects of the cello score to demonstrate, if necessary, his technical abilities and the exceptional mastery of his instrument. The 19th century adores virtuosos, child prodigies and other forces of nature. There is much to say on the subject and we can listen to the very interesting conference of the school Charters on the fascination with child prodigies that existed in particular in modern Western society. For my part, and contrary to what Yves-Marie Bercé proposes, I think we are not at all out of this era, but let’s get back to our subject. Sebastian Lee has conceived his opus 4 as a work that will have to be the showcase of his talent and his mastery, because he is putting his all into this performance. And to do this, he has chosen the Ranz des Vaches.

The Ranz des Vaches, is a traditional folk song from Switzerland, and note, in passing, that the “z” is silent. The most famous of these songs being that of the county of Fribourg, but known to any self-respecting Swiss person. It was the armaillis who led the cows to the mountain pastures, who sang this song. The cowherds were also called Lyoba, a word which comes from a root found in the patois of the district of Gruyère, while the cows are referred to as loobeli, and the cattle are called alyôbâ [13]. In the tradition of the Nordic kulning or Austrian Yodel, the Ranz des Vaches is different in that it is not made up of onomatopoeia. It is a song with words and a very identifiable melody. To prepare this article, I listened to several versions of this Ranz des Vaches and I offer you the one performed by the iconic Bernard Romanens en 1977 on the occasion of the very famous Vevey Winegrowers Festival. Originally organized by the Brotherhood of Vevey Winegrowers in 1797. The event takes place five times a century [14] and each time provides the opportunity for a new interpretation of the Ranz des Vaches. This shows its importance and the sacred aspect of the tradition. It is interesting to note the motto of this brotherhood: Ora et Labora which translates as “pray and work”. The lyrics of this Ranz des Vaches are also completely imbued with prayer and work, since it is a pastoral drama that takes place in the Colombette mountain pasture, located in the commune of Vuadens, in Switzerland. The shepherds, or armaillis, lead their flocks to pasture. When they find themselves blocked by obstacles along the way, they have one of their fellow herders, Pierre to his friends, to go find a priest so that the latter can pray for them and they hope that God grants them the right to remove the obstacle. The priest does not say no, but scrapes off a piece of cheese for his trouble. All this takes no less than 19 stanzas interspersed with Lyoba to be told, but in the end, the prayers are answered, the shepherds and the cattle can move around, the priest has his cheese, and his blessings are so powerful that when they arrive at the chalet, the shepherds notice that the milk tank is already half full of milk before they have even started milking. At one point in the song, there is a suspicion of sexual harassment against the priest’s maid, but the suspicions are quickly dismissed in favor of the promise of a confession and especially the promise of a piece of cheese which, apparently, would be worth much more than the milkmaid’s virtue in this story. In short, jokes aside, the very serious Ranz des Vaches is more than a traditional song, for the Swiss, it is an anthem, in the religious sense of the term. Moreover, the repetitive melody of the verses, punctuated by this long Lyoba as a refrain, sounds to me like a form of prayer in its structure. Traditionally, the Ranz des Vaches is composed of 3 sections: a story, a call cry and an enumeration of the cattle, which is again reminiscent of the litany in its variable invocations made by a soloist and the brief, constant and unanimous response of the assembly [15]




Lyrics of the Ranz des Vaches Fribourgeois in Gruérien dialect and in French, transcription of Albert Bovigny. Source: https://www.fr.ch/sites/default/files/2019-08/le_ranz_des_vaches_paroles.pdf

However, we cannot mention the Ranz des Vaches without saying that there are several of them, as Pierre Perroud explains: Appenzell, in Simmenthal, in Oberhasli, and in Ormonds [16]. However, that of La Gruyère (yes, we say la Gruyère, is it because it is the region of Gruyère? I don’t know, in any case, it is feminine for the Swiss and it refers to the geography, not to the cheese whose name derives from its character), therefore, the Ranz des Vaches de la Gruyère is very old and dates back to the 16th century [17]. Rousseau mentions it in his Dictionary of Music of 1767 [18]. He explains:

“The Swiss soldiers exiled in the service of the King of France were forbidden to sing it because it made those who heard it burst into tears, desert or die, so much did it excite in them the ardent desire to see their country again.”

So much for the patriotic effect of the Ranz des Vaches on our Swiss friends. Myth or reality, I want to say, it doesn’t matter. On the other hand, what attests to the importance of this tune for the Swiss, beyond the sacrosanct secular performance at the Vevey Winegrowers’ Festival, is that in 2019, two members of parliament UDC, Nicolas Kolly and Michel Chevalley proposed the Ranz des Vaches as the Fribourg cantonal anthem. The proposal was ultimately not adopted for various reasons, such as the fact that the canton already has a (less unifying) anthem. «Les bords de la libre Sarine», that the Ranz des Vaches would refer to an outdated image of Switzerland and also because its scope goes well beyond the borders of the canton, making its appropriation unacceptable [19]. This is not the first time that Switzerland had difficulties with its anthems, cantonal or national, as described in this explanatory video by David Castello-Lopes which takes a very good look at the issue and whose musical analysis is worth that of Pierre-Do Bourgknecht which focuses, for its part, on the Ranz des Vaches, our point of interest. We also discover the famous Fribourgeois bredzon, a monument to the herdsmen and other local fashionistas.


The excellent musicological analysis of Pierre-Do Bourgknecht in super trendy bredzon armailli, in a radio column broadcast on Thursday June 20, 2019 in “Vertigo” on RTS-La Première

The Ranz des Vaches (folk song) was therefore published for the first time in 1813 by Philippe Sirice Bridell and by Georges Tarenne. This information, it seems to me, is relevant to our story of Sebastian Lee, because ultimately, besides the Swiss and the military folklore evoked by Rousseau: who was really familiar with this musical style before its publication in 1813? Surely not many. However, some famous Ranz des Vaches were composed during the 19th century (and mainly at that time, moreover, because since then we have very few published). We can cite that of the super-famous third part of the William Tell Overture by Gioachino Rossini  as well as the “Scène aux champs”, the third movement of the Symphonie Fantastique by Hector Berlioz. Louis Adam, also offers us Ranz des Vaches, published for the first time en 1804. We can listen to the interpretation by Luca Montebugnoli on a beautiful Erard piano from 1806. And the more you dig, the more you realize there is a gold mine.

Franz Liszt, he sought his inspiration directly from the source of the Swiss mountain pastures with his lover, Marie d’Algoult, at his side. He likewise composed his version of Ranz des Vaches de Ferdinand Hubert in 1835 for the piano (2 years before the performance of our dear Sebastian). I encourage you to discover the history of this composition thanks to the excellent article by Joseph Zemp [20]. You can listen to Leslie Howard’s interpretation here.

We also find the Le Ranz des vaches d’Appenzell, arranged by Giacomo Meyerbeer in a booklet by Eugène Scribe (available on Spotify) and then we also have Frédéric Chopin who would have tried the exercise, at the request of the Marquis de Custine: “I had given him as a theme the Ranz des vaches and la Marseillaise. It is impossible to tell you what he got out of this musical epic. We saw the people of shepherds fleeing before the conquering people. It was sublime.”[22]

What does this tell us? The Ranz des Vaches at the beginning of the 19th century was seriously trendy among Romantic musicians! Joseph Zemp, in his article on Liszt’s wanderings, explains:

“Since the spirits of the Enlightenment like [Horace Bénédict] de Saussure, [Albrecht von] Haller or [Jean-Jacques] Rousseau have noted the majestic beauty of the mountains and the purity of nature at altitude, romantic poets and musicians eager to cultivate their genius risk the perilous adventure in the universe of cliffs, torrents and chasms: what is more thrilling than the exhausting march in the rain towards the summits ([Félix] Mendelssohn), a night on straw in a primitive hut ([Richard] Wagner) or a picnic with the shepherds ([Franz] Liszt)? Those with less disheveled heads favor lakeside sites, with mountainous backdrops, as a retreat and place of inspiration. ([Piotr Ilitch] Tchaïkovski, [Johannes] Brahms, [Richard] Strauss)” [20]

There are at least 11 musicians from the 19th century who went to seek inspiration in Switzerland [12], just as we saw the rush of rock stars go to India or Nepal in the 1960s. What if our dear Sebastian had also been dragging his shoes through the Swiss mountain pastures? Perhaps on his honeymoon, or as a mystical experience to the rhythm of clarines and big drones. Who knows? In any case, if the choice of Ranz des Vaches surprised me when I discovered the original score, in reality it is important to understand that this is a trendy artistic movement of its time. To think that Basel, Bern or Fribourg could have represented the Kathmandu or Goa of the time is certainly quite counter-intuitive, but the fact is that Swiss cowbells are the hype, the Flower Power symbol of the 19th century, just like the introduction of the sitar in the music of the Beatles in the years 1965-66. All these intellectual gymnastics are necessary to fully understand Opus 4 and place it in its context. The Ranz des Vaches has a certain creative coolness in the musical world of the 19th century because “Switzerland has opened up and its landscapes, still wild in beauty, give it a reputation as a muse among composers”, according to Joseph Zemp [20], attracting all the romantic-era hipsters. Obviously, the migration to the green Swiss pastures for inspiration is to Goa what the Gentian is to Jägerbomb, or to the Enzianschnaps, if we want to stay in Switzerland. We are on a 100% dairy products “trip”, far from another trend which is also all the rage at the time, it is l’orientalisme, a tad more subversive than Heidi and her mountains, with the eroticism of the harems and of course, consumerism of hashish (c’est Napoléon 1er qui en interdit pour la première fois la consumption in France in 1800). Opium had been consumed since the opening of the Silk Roads, under medical prescription but many already abused it and the practice became downright mainstream in France in the opium dens by the end of the 19th century, as a result of the Opium Wars provoked by the Franco-British colonial powers in China. In a very informative article, Leopold Tobisch takes stock of the narcotic consumption habits of Romantic composers and he drops names:

“In order to relieve chronic pain, for example, we prescribe [Frédéric] Chopin regular doses of opium, a drug common in Europe since the 18th century and respected by the medical profession of the time as a painkiller. But the regular consumption of opium, a substance favored by Romantic artists for its euphoric and psychological effects, gradually led to widespread recreational rather than therapeutic consumption. By the end of the 1820s, Hector Berlioz is a regular user of opium, or more precisely of laudanum, a powerful alcoholic tincture made from opium.”

So, Sebastian Lee might not have baked his brain on opiods, even organic ones, he might have preferred the Swiss journey, of bovine inspiration – although in reality, one does not prevent the other, see the escapades of Brahms, Liszt, Schubert, Stravinsky, Mussorgsky, Tchaikovsky, Satie and others, crisply reported by Léopold Tobisch [23]

Concerning our dear Sebastian, I know that nothing in his catalogue suggests a particular infatuation with the mysterious Orient. The mountain pastures, on the other hand, are a recurring theme for him between 1835 and 1847. In addition to the opus 4 that interests us today, he adapted for the cello the Tyrolean Air of his friend Heinrich Panofka, of which this is opus 14, published by Schlesinger in 1837; but he also signs an original work “Souvenir du lac des 4 Cantons“, his opus 43 published in 1847 by Breitkopf & Hartel. He definitely went to Switzerland! Perhaps even several times. The works he calls “souvenir” of somewhere are literally musical memories of places he went, like “Souvenir de Paris,” his opus 5, composed just after his Parisian tour of 1836.

As for the orient, there is clearly less enthusiasm in his catalog. I leave aside opus 43, his “Fantaisie sur l’ode symphonie ‘Le Désert’ de Félicien David” because it is Félicien David, whom I also adore, who was wearing holes in his shoe leather in Constantinople and Cairo and anyway, Sebastian Lee transcribed for cello all the operas that were doing well. Apart from that, there are 2 “Airs Arabes”, opus 61, and I count opus 123 “6 Airs Nationaux” including a Russian, an Arabic and a Turkish which seem more like a stylistic exercise than a mystical inspiration from the East. So much for Sebastian Lee’s (dis)interest in the orient. No, really, it seems that his thing is more along the lines of cheese and fresh mountain air than the Club Hashish (which would only see the light of day a few years later but of which he would not be a member).

One last clue, which tells me that we are on a train that is gaining momentum, is this review of the concert by Joseph Gusikov and Sebastian Lee, which again mentions Tyrolean singers who have come this time to perform in Paris.


Extract from the Gazette Musicale de Paris No. 4 Sunday, January 22, 1837.

[Nous] conseillons de choisir mieux son quatuor. Le programme de ce concert était assez varié. Outre Monsieur Lée dont le talent délicat, pur et grâcieux a été généralement reconnu, nous avons entendu un violon et un pianiste de Berlin, MM. [Chrétien] Urhan, Huner, et des chanteurs alsaciens, dont le chant doux et expressif nous a rappelé les chanteurs tyroliens que nous avons entendus à Paris il y a 2 ans.

[Approximate translation: [We] recommend choosing your quartet more carefully. The program for this concert was quite varied. In addition to Mr. Lée, whose delicate, pure, and graceful talent was generally recognized, we heard a violinist and a pianist from Berlin, Messrs. [Chrétien] Urhan and Huner, and Alsatian singers, whose sweet and expressive singing reminded us of the Tyrolean singers we heard in Paris two years ago. ]

I’m telling you: mountain singing is the overly stylish trend of the Parisian musical elite of the time. That’s why it was both a bold and intelligent choice for Sebastian Lee to seize it and exploit it to conquer all of Paris. Let’s be clear about his approach, there’s nothing improvised or opportunistic about it. On the contrary, it’s well prepared and I’d even say precisely measured. In the month of December 1836 alone, Sebastian Lee gave an average of one concert per week in Paris, and not on a sidewalk corner like a busker with dogs – we’re bohemian, but don’t push it. No, he came in through the front door. He played with Liszt, Berlioz, Gusikov and was heard at the Salon Pleyel, the Salle Chantereine, and the Paris Conservatory of Music. This also earned him quite a lot of media coverage, thanks to his calling card as First Cello of the Hamburg Opera and his judicious collaborations. Let us pause to look at his diary between December 1836 and January 1837. I find his schedule impressive and the press reactions quite extraordinary. Indeed, on December 18, 1836, during a musical matinee in the Conservatoire hall alongside Hector Berlioz and Franz Liszt, Sebastian Lee was judged “a correct and elegant talent on the cello” [24] but on January 22, 1837, a month later, in the same magazine, an article reporting on the last concert alongside Joseph Gusikov, with whom he now shared the spotlight, described him as follows: “Mr. Lee whose pure, delicate and graceful talent has been generally recognized” [25] He triumphed! His Paris tour was a total success.


Now, what about Sebastian Lee’s performance in Paris at the Théâtre Italien? It was very well received, of course, and the Revue et Gazette musicale of Sunday, April 30, 1837, praised it in an article by Georges Kastner, who would be a loyal follower of Sebastian Lee throughout his Parisian years.


Revue et Gazette Musicale No. 18 from Sunday, April 30, 1837, p154, source: Google Books

Here is his triumphant arrival which will earn him the seat of Louis Pierre Norblin at the Théâtre Italien, then that of First Cello a few years later (a seat which was still that of the same Norblin until 1840, his friend to whom he dedicated his opus 30).

There is, however, still one small detail that bothers me about the chronology of the genesis of this opus 4. This concerns the dedication of this work. It is “composed and dedicated to Sir Knight Waagepetersen, Agent of the Court of His Majesty the King of Denmark.” So, who are we dealing with and what does Denmark have to do with it?

First of all, let me introduce you to Sir (Knight) Christian Waagepeterssen (1787-1840) through a series of portraits of him. I particularly like these works because they are dated around the same time as the publication of Opus 4.

“The Waagepetersen Family”, oil on canvas, Wilhelm Bendz, 1830. Thank you to the Statens Museum for Kunst (SMK) for making his works available for publication under a Creative Commons license.

Christian Waagepetersen was a wine merchant, State Councillor and Court Agent of the King of Denmark. He was, it seems, very fond of music and passionate about it, which would be corroborated by the fact that he named his sons after Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart and Ludwig van Beethoven [26]. The SMD provides the following information regarding this painting:

“The painting shows Christian Waagepetersen at his desk, his son Fritz [who does not corroborate Wikipedia’s assertion above] at his knees and his wife Albertine [Emmerentse Schmidt, daughter of a wealthy merchant Albrecht Ludvig Schmidt (ca.1754–1821) and Frederikke Christiane Restorff (ca. 1759–1822)] standing with her daughter Louise in her arms. According to family information, the son [Franz Xaver Wolfgang] Mozart (1813-1885) served as a model for the mother, who was pregnant and could not hold the child for so long. […] the apartment, the paintings on the walls (of Jens Juel, 1,903 / 5,000 among other things) and furniture […]. The large glass of water on the table with a live frog served as a barometer – when the frog climbed up, the weather would be fine! (Cf. Bent Waagepetersen’s letter of June 16, 1998, file no. 3-344/97). The building at Store Strandstræde 18 now belongs to the Nordic Council of Ministers. Bendz brought the painting to the Charlottenborg Exhibition in 1830 on April 7, a week after the exhibition opened! (Cf. Eckersberg Diaries, 2009, vol. 1, p. 394). The busy businessman looks up from his work for a brief moment when his wife and two of the couple’s children enter his office, which is in his house on Store Strandstræde in Copenhagen. The image clearly emphasizes the activity of the head of the family, signaling what was the basis of the Danish bourgeoisie around 1830: family and work. The house is sparsely furnished, without unnecessary decoration, reflecting the frugal lifestyle in Denmark during the crisis years following the Napoleonic Wars. Christian Waagepetersen, the main character in the painting, is a wine wholesaler who helped establish that the bourgeoisie had now become the dominant class in Denmark – after the centuries-old dominance of the nobility. Waagepetersen was very interested in art and music. He regularly held musical events in his house, which were attended by the leading Danish composers and musicians of the time, as well as some visual artists. Bendz and Marstrand were his favorite painters. Waagepetersen also commissioned several paintings that, like this one, were based on his own life and work. At first, the commissions were given to Bendz, but after his untimely death, Wilhelm Marstrand took over the role of the wine wholesaler’s favorite painter.”  Source : KMO, OTHERTEXT

18 Store Strandstræde in Copenhagen, built in 1778, its 464 m² [5,000 sq. feet] over 10 rooms.
Portrait of Christian Waagepetersen by Wilhelm Marstrand (1810-1874), dated between 1825 and 1834. Statens Museum for Kunst.

It is easy to imagine that Sebastian Lee, First Cello of the Hamburg Opera, frequented the salon of the Chevalier Waagepetersen and was part of the artistic entourage of the patron who was so fond of the arts. Hamburg is quite close geographically to Copenhagen. All this could lead one to think that Opus 4 was not composed for the conquest of Paris, or as a work demonstrating the talents of the artist at the base. It was probably conceived by Sebastian Lee on the commission of Christian Waagepetersen; but what constitutes a double astonishment for me is that Opus 4 was the subject of 2 editions: a first by Cranz in 1834 and a 2nd by Schlesinger in 1837 and both include adaptations for quartet, orchestra, piano and cello solo. I have this information from the very serious Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg & Goethe Universität  Frankfurt, who have copies of both editions. So either Sebastian Lee already knows that he has to leave Hamburg, with a pregnant wife in 1834, and he takes advantage of Christian Waagepeterson’s commission to compose a work also intended to serve his plans to leave, or the patron knows the musician’s intentions and supports him by commissioning a work whose purpose he knows. In any case, it is no coincidence and if opus 4 was composed with an orchestral part, it is not for Christian Waagepeterson’s salon.


Christian Waagepeterssen, lithography by Wilhelm Heuer 1786 – 1856

My friends, if you have read this article to the end, it is because you are part of the faithful, the hardcore members of our small community. I would like to thank you for your attention and your support. Your « devoted » self is going through a period of great turbulence, which jeopardizes the continuation of the Sebastian Lee adventure. Believe me, I am doing my best to continue the work, especially now that we have this opus 4 which urgently needs to be republished. However, if I could no longer continue my activities, I would like to send special thanks to Alain Buron, Jean-Baptiste Susse, Odile Bourin and her infectious enthusiasm, as well as Rudd Meester who shared their time, sources and skills with me in order to complete Sebastian Lee’s catalog to the best of their ability with the information each possessed. Thanks also to Petra Tamboer and her support in organizing the association’s concert in Castelsarrasin in 2022. Thanks also to Valérie Aimard who responded when we were only in an embryonic state and who gave us visibility in the journal of theAssociation Française du Violoncelle. Thanks to Derek de la Bernardie who also played the game alongside Valérie and who recently shared his insights with me again about this opus 4 which keeps me busy. Thanks to all those who participated in our crowdfunding, including Francis Girard and Marjolaine Favreau, and to those who regularly donate to us like Joaquim Fernandes. Thanks to Marc Sounthavong for his unwavering support in this adventure, as well as to all the volunteers: Sergio, Annabelle, and the others. Thanks to JJ and his incredible talent, who found us a superb visual identity thanks to his magnificent models and his high standards for our republications. Thanks to my Good Master Mathieu Moriconi, who initiated this passion and who gave me the flame in addition to having patiently accompanied and advised me on the first scores to be republished, and to Jean-Pierre Berrié who supported me in the creation of this small structure as well as in the practice of my instrument. A big thank you also to Sheri Heldstab, my accomplice, who is by my side tirelessly, and who supports my messy, erratic and incoherent aspects with great patience and kindness. It is also thanks to her that the online store is still active this year. Thanks to our partners: le Croquenotes in Toulouse and Planète Partitions in Château-Thierry; what great trust you have shown us! To you too, subscribers, visitors, I want to say thank you and I hope that I will have the opportunity to write for you again, in praise of music and in memory of wonderful and yet already almost forgotten musicians and composers.

Notes

  1. Lee, Sebastian and Maurice, “Fantaisie sur un Thème de H. Monpou”, for cello & piano, conc. Vienna, Mechetti 25 Ngr. January 1853. Source Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  2. “Duo sur des airs hongrois et styriens”, for cello and piano, 1852, Joubert editions, op.81 by Bériot; also his opus 48 “Fantaisie sur la Norma de Vincenzo Bellini” with Julius Benedict and Sebastian Lee. Source: Hofmeister. [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  3. Opus 10 by Henrich Panofka with Sebastian Lee “Les inséparables, 3 grands duos”, Schlesinger, 1837 [Source: A cellist’s Companion, Henk Lambooij & Michael Feves]
  4. Heinrich Ernst Kayser. Sebastian Lee and flautist Guillaume Popp, “Trios des Amateurs d’après des Chants célèbres de Mendelssohn. Offenbach, André”.
  5. George Alexander Osborne and Sebastian Lee, “Duo concertant sur le Domino noir, Opéra de D.F.E. Auber”, for piano & cello. Ebend. 2 Fl. Source Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  6. Henri Herz and Sebastan Lee, “Grand Duo concertant sur la Niobe” for cello and piano. ed. Mainz, published by Schott. 2 Fl. 24 Xr. Source: Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  7. Sigismund Thalberg and Sebastian Lee, “Grand Duo concertant sur les Huguenots de G. Meyerbeer”, for piano and cello. Op. 43. Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/]
  8. Edouard Wolff and Sebastian Lee, “Grand Duo brillant sur Robert le Diable de Meyerbeer”, for piano and cello. Ed. Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  9. Gazette musicale No. 30, 26 July 1846, article “Des concerts philanthropiques et de ceux des maisons d’éducation”, p236. Source Google Books [Accessed May, 2025: https://books.google.fr/books?id=tb1CAAAAcAAJ&vq=L%C3%A9e&lr&hl=fr&pg=PA236#v=snippet&q=L%C3%A9e&f=false ]
  10. Revue et gazette musicale from Sunday, April 30, 1837, critical review by George Kastner, page 454 [Source: Google Books. Accessed May, 2025: https://books.google.fr/books?id=ar5CAAAAcAAJ&vq=lee&hl=fr&pg=PA154#v=snippet&q=l%C3%A9e&f=false ]
  11. See his death certificate translated on our page Participer
  12. Gazette Musicale de Paris No. 37 Sunday, September 14, 1834, “News” section, page 300. Source Google Books [Accessed May, 2025: https://books.google.fr/books?redir_esc=y&hl=fr&id=9L5CAAAAcAAJ&q=mort#v=snippet&q=Lee&f=false ]
  13. Ranz des Vaches[Accessed May, 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches ]
  14. Confrérie des Vignerons de Vevey, Website. Accessed May, 2025: https://www.confreriedesvignerons.ch/
  15. Ressources Liturgiques, Website.  Accessed May, 2025: https://www.ressources-liturgiques.fr/musique/les-formes-du-chant-rituel/la-litanie#:~:text=La%20litanie%20est%20une%20forme,unanime%2C%20de%20l’assembl%C3%A9e.
  16. “Le Ranz des vaches Lyôbade” Source: Athena.unige.ch [Accessed May, 2025: https://athena.unige.ch/athena/helvetia/le-ranz-des-vaches.pdf ]
  17. Podcast, “Un symbole de la Suisse et du Romantisme”, Radio France, 1 February 2022. [Accessed 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/maxxi-classique/maxxi-classique-du-mardi-01-fevrier-2022-6735068]
  18. “Le mot du jour” with Corinne Schneider, Radio France, Tuesday, April 11, 2017.  [Accessed May, 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-mot-du-jour/mot-du-jour-n0162-ranz-des-vaches-8120591 ]
  19. RTS, article “L’idée de faire du Ranz des vaches l’hymne fribourgeois crée le débat”, 6 March 2019.[Accessed May, 2025: https://www.rts.ch/info/regions/fribourg/10266758-lidee-de-faire-du-ranz-des-vaches-lhymne-fribourgeois-cree-le-debat.html]
  20.  Joseph Zemp “Franz Liszt et ses pérégrinations à travers la Suisse en 1835”, Res-Musica,  27 Febuary 2023. [Accessed May, 2025: https://www.resmusica.com/2023/02/27/franz-liszt-et-ses-peregrinations-a-travers-la-suisse-en-1835/ ]
  21. Dossier “Voyages Suisses”, Res-Musica. [ Accessed May, 2025: https://www.resmusica.com/mot-clef/dossier-voyages-suisse/
  22. Excerpt from a letter from the Marquis to Sophie Gay from June 1837: Jean-Jacques Eigeldinger, Frédéric Chopin, Fayard, 2003, 165 p. (ISBN 978-2-213-61731-2), p. 38.  [Accessed May, 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches#cite_note-24 ]
  23. “Alcool, drogues & musique, un trio inséparable”, Léopold Tobisch on France Musique, Thursday, February 16, 2023. Source: Radio France [Accessed May, 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/alcool-drogues-et-musique-un-trio-inseparable-3733222 ]
  24. Excerpt of the article “Concert de Berlioz et Liszt” Revue et Gazette musicale No. 52 Sunday, December 25, 1836.
  25. Revue et Gazette Musicale No. 4 of Sunday, January 22, 1837, “Concert de MM Gusikov et Lee salle Chantereine”, p.3, probably written by the comte Pepoli who modestly signed it “P”. [Accessed May, 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Pepoli ]
  26. Article “Christian Waagepetersen” [Accessed May, 2025: https://en.wikipedia.org/wiki/Christian_Waagepetersen#cite_note-3]

Du rififi à l’Opéra de Paris

English

Image: L’orchestre par Edgar Degas, 1870.

Par Pascale Girard

Alors que mes recherches aux Archives Nationales piétinent malgré 2 séjours effectués là-bas, j’aimerais quand même vous raconter une histoire de mouvement social qui montre que tout d’abord les artistes musiciens étaient déjà bien organisés au XIXème siècle, et qu’en outre, on n’a pas attendu notre époque pour inventer les chiffriers qui, par excès d’un zèle mal placé opèrent des coupes franches en ayant pas la moindre idée de ce qu’ils font et des conséquences de leurs actes. C’est donc l’histoire des révoltes de l’orchestre et de l’opposition qu’ils ont rencontré pour se faire entendre que je vais vous raconter aujourd’hui.

On le sait, l’opéra de Paris n’a jamais été un établissement financièrement profitable. Cela n’a d’ailleurs jamais été sa vocation et le théâtre a pu traverser les siècles grâce aux subventions publiques qui, de tout temps, ont été son moteur économique. La raison de cet investissement séculaire et pouvant s’apparenter au tonneau des Danaïdes, c’est que le grand opéra de Paris a vocation à servir la splendeur de la France, et pas moins! Ce sont les meilleurs artistes musiciens, les plus grands compositeurs, la crème de la crème des têtes couronnées et hommes d’Etat qui convergent à l’opéra. La réputation de l’établissement est internationale et se doit d’être un des fleurons de la nation. Il ne s’agit pas là de n’importe quelle maison et d’une troupe de quelques troubadours. Le grand opéra de Paris est un établissement réunissant le meilleur de la musique de son temps grâce à des moyens qu’il faut bien lui fournir. Les ventes des billets ne suffisant pas aux investissements nécessaires en costumes, décors, salaires du personnel et entretien des bâtiments. Il est d’ailleurs intéressant de se plonger dans les livres de comptabilité disponibles aux Archives Nationales pour s’apercevoir que l’opéra a de lourdes charges, relativement incompressibles, très variées, mais qui sont la condition sine qua none du rayonnement international qui fait la fierté de son pays.

Je vous propose une note, en amuse-bouche, écrite probablement en 1830, date à laquelle Louis Désiré Veron prend ses fonctions en tant que directeur de l’opéra. Sont également cités François Habeneck et Henri Valentino qui co-dirigent l’orchestre de l’opéra entre 1824 et 1831.

Portrait d’Henri Valentino par P.C Van Geel

Note cruelle et ignorante de ce comptable qui réduit l’opéra à un vulgaire produit mercantile sans en avoir saisi toute la portée artistique et surtout politique.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Note (copie)

Le personnel actuel coûte 129 500F. Il est composé de 84 musiciens, y compris le chef d’orchestre. M.Veron n’étant tenu de conserver que 80 musiciens, il peut en remercier 4. Il faut remarquer que M.M [François] Habeneck, [Henri] Valentino, [Pierre] Baillot représentent déjà 17 000F à eux 3. M.M [Henri] Valentino et [Pierre] Baillot sont inutiles.

L’orchestre du théâtre italien composé de 50 personnes (dont le chef d’orchestre) coûte par an 49 000F. Or, d’après la règle de proportions, 50 est à 49 000, comme 80 est à 78 400. La comparaison est très juste car on ne peut prétendre que comme faisant partie d’un orchestre, M. Kermel, flûte de l’opéra à 1700F vaut mieux  que Camus, première flûte des Bouffes à 1400F, que M. [François] Dacosta, clarinette de l’opéra à 2100F vaut mieux que M.[Frédéric] Berr à 1400F, enfin que M.[Louis François] Dauprat, premier cor de l’opéra à 2500 vaut mieux que Sallay à 1400F.

Il y a plus. C’est que de l’aveu de M. Habeneck, M.[Jean-Baptiste Philémon] Cuvillon, premier violon aux Bouffes à 1000F d’appointements, ne serait pas déplacé parmi les premiers violons de l’opéra.

Ainsi donc, bien que la comparaison ne paraisse très juste, en supposant à la rigueur que le directeur de l’opéra doive payer individuellement les musiciens plus cher qu’aux Bouffes, j’estime qu’avec 85 ou 90 000F au plus on doit avoir un bel orchestre à l’opéra. C’est donc bien certainement une économie de 42 000F au moins.

Ah, le comptable-chiffrier tellement sûr de son fait! Les mathématiques ont-elles parlé? La sacro-sainte règle de 3 a t-elle encore frappé? Oui, hélas. Si François Habeneck ne partira à la retraite qu’en 1846, Henri Valentino sera évincé par Véron, qui aura suivi le conseil du financier cette année-là en 1830. Quant à Pierre Ballot, 1er violon de l’époque, il quitte définitivement l’opéra en 1831 après 10 ans de service. Les velléités d’économies seront récurrentes à l’opéra. Les revendications des employés également. Voyons un peu ce que les musiciens de l’orchestre demandent dans leur courrier du 22 septembre 1864.

Copie de la lettre adressée à S.E [Son Excellence] par MM les délégués de l’orchestre

M.le M

Votre Excellence n’ignore peut-être pas qu’à la suite d'[XXX?] faites par les artistes de l’Opéra auprès de M.E.P [Emile Perrin], leur directeur, dans le but d’obtenir une augmentation d’appointement, car [xxx?] contenant un exposé de motifs à l’appui, a été remis à M.EM, à la demande par les soussignés délégués de l’orchestre.

M. le directeur de l’Opéra a opposé à nos réclamations une fin de non-recevoir qu’il a cru devoir nous faire signifier par une lettre adressée à M.Georges Hainl, chef d’orchestre, qui en a donné une simple lecture aux intéressés.

Indépendamment de la rigueur de sa décision, M.E.P nous a paru vouloir établir par sa réponse décevante, un droit nouveau dont l’importance nous a mis dans la nécessité de prier notre chef d’orchestre de nous confier une copie de la lettre de M.E.P mais cette demande maintes fois réitérée a été constamment repoussée.

En conséquence, Monsieur le M., notre situation présente et à venir se trouve assez mal définie par défaut du dernier refus que nous venons d’essuyer. Nous avons songé à nous adresser directement à V.E [Votre Excellence], nous avons donc l’honneur de vous solliciter une audience, afin de vous demander d’abord, Monsieur le Ministre, de la réponse de Monsieur Emile Perrin [écrit E.P] relativement à la question des appointements de l’orchestre de l’Opéra en l’unique solution que nous ayons à attendre du ministère de la maison de l’Empereur, et ensuite pour soumettre à votre haute approbation certains points de la réponse de Monsieur Emile Perrin.

Dans l’attente d’une réponse et confiants dans la bienveillance habituelle de Votre Excellence à l’égard des artistes en général, nous avons l’honneur…

Les délégués ect…

On trouve bien peu de choses sur le violoncelliste Emile Dufour si ce n’est cette entrée dans le Dictionnaire des lauréats du conservatoire de musique de Paris

Cette lettre adressée à Monsieur le Maréchal, a pour destinataire un polytechnicien nommé Jean-Baptiste Philibert Vaillant, qui occupa le poste de ministre des Beaux-Arts de 1863 à 1870 .

le Maréchal Vaillant, photo de Pierre-Louis Pierson, 1865

Quel aveu d’échec des pourparlers entre la direction de l’opéra et l’orchestre!

Directeur de l’opéra depuis 1862, Emile Perrin restera à la tête de l’établissement jusqu’en 1871, date à laquelle il est révoqué.

Alors que se passe t-il avec Monsieur le directeur? On peut supposer qu’il n’a pas apprécié l’escalade de ses employés, décidant d’aller parler à César sans passer par lui.

Emile Perrin, atelier Nadar, sans date, collection de la BnF

Ce que l’on sait avec certitude, c’est que le mouvement social s’est déjà largement propagé dans tous les théâtres parisiens entre 1864 et 1865 et que la presse s’en est déjà mêlé. Je vous propose un article de presse retrouvé dans les papiers de Monsieur le directeur et dont une phrase est citée dans le courrier qu’il envoie à sa hiérarchie. La raison qu’a Emile Perrin de conserver cet article, qui ne parle que des théâtres lyriques autres que l’Opéra est qu’il pense, à juste titre, que la condition des musiciens de l’orchestre de l’Opéra est considérablement meilleure que celle des musiciens des autres théâtres.

Article extrait du journal Le Temps. Date incertaine.

Nous avons annoncé hier que les artistes musiciens des théâtres de Paris avaient résolu de cesser leur service s’ils n’obtenaient pas de leur directeur une notable augmentation de traitement. Il est bon que, sur ce point comme sur tous les autres, le public soit instruit de la situation des plaignants, et puisse apprécier en connaissance de cause la justice ou l’injustice des réclamations qui se produisent. Nous ne voulons pas nous occuper aujourd’hui de l’orchestre de l’opéra, placé dans des conditions spéciales et sur lequel nous nous proposons de revenir. Nous bornerons cet exposé aux théâtres lyriques et aux théâtres ordinaires. Dans les premiers, le rôle de l’orchestre est considérable. Les artistes qui le composent sont pour la plupart des musiciens de grand talent, et quelques uns, les solistes particulièrement, sont de véritables virtuoses, tenant le premier rang parmi les instrumentistes. Or il faut dix ans d’études et des dispositions spéciales pour s’assoir à un pupitre de soliste, et ce but atteint, on est à peu près assuré d’un traitement souvent moindre de 1 400F et ne dépassant pas 2 000F. Dans ces mêmes théâtres, le quatuor, à l’exception des chefs de pupitres reçoit un salaire qui varie entre 60F et 80F. Il y a des seconds violons à 50F. On remarquera que l’orchestre est obligé à de nombreuses répétitions dans la journée, et que les artistes sont dans l’impossibilité presque absolue de se procurer, par un autre travail, un complément indispensable de revenu. Dans les théâtres de drame et de vaudeville, c’est encore pire, et des hommes, contraints de passer 365 soirées dans un théâtre, les yeux brûlés par le gaz, la tête alourdie par le récit cent fois répété d’un drame ennuyeux touchent (nous parlons des plus heureux) deux francs cinquante centimes par soirée. Il en est auxquels on donne 30 F par mois, un franc par jour! Comme il n’est que trop commun de mesurer l’estime des gens aux bénéfices qu’ils réalisent, on peut juger de la considération dont jouissent les musiciens de la part même des directeurs qui leur font une situation si misérable. Quelques-uns depuis la réorganisation des musiques militaires (et seulement dans la garde) ont cumulé la profession de gagiste et celle de musicien d’orchestre, mais ce sont là des exceptions qui ne font que mieux ressortir l’insuffisance des salaires ordinaires. Nous pourrions citer un théâtre ou les musiciens, outre leur service du soir, doivent faire deux répétitions par semaine, ce qui fixe en moyenne la rétribution des heures de travail à 35 centimes. Tout a augmenté, et les vivres et les loyers, surtout pour les musiciens qui, par la nature de leur occupation ne peuvent pas aller se loger dans les quartiers excentriques. Nous en connaissons cependant qui demeurent par économie à la tour Malakoff et dans la grande rue de Saint Ouen. Ceux-là rentrent chez eux à deux heures du matin. cependant les musiciens d’orchestre sont de plus en plus mal rétribués. L’excès du mal a donc fini par faire sortir de leur torpeur ces martyrs inconnus, et ils veulent aujourd’hui que leurs appointements soient fixés de la façon suivante: 200F par mois pour tous les solistes, 150F pour tous les autres. Sinon, moins payés que les ouvriers, ils useront des bénéfices de la loi sur les coalitions et se mettront en grève; et alors, plus de tremolo à l’entrée du traitre, plus de joyeux flons-flons à l’entrée du comique, plus de ces méloludes en situation qui ajoutent un si grand intérêt au jeu muet des acteurs, et partout le rideau se lèvera froidement, comme pour les pièces à succès de la Comédie-Française. Laissera t-on les choses en arriver à cette extrémité? Nous espérons le contraire. Les directeurs doivent aviser. Qu’ils examinent avec soin la situation de ces modestes artistes, qu’ils se rendent compte de leurs besoins, qu’ils s’entendent avec eux et que l’exemple de monsieur Ducoux et ses cochers ne soit perdu pour personne.

S’en suit un brouillon de la lettre qu’Emile Perrin adressera a sa hiérarchie lorsqu’il prend connaissance de la démarche de l’orchestre contre lui. Et, on peut l’affirmer avec certitude: il n’est pas très content.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Paris, le 22 Septembre 1864

Les réclamations des artistes de l’orchestre portent sur deux points

  1. La modicité de leur traitement
  2. La situation de la caisse des pensions de retraite

Sur le premier point:

Il est vrai que les artistes musiciens sont peu rétribués. On peut en dire autant de tous les corps nombreux dans le personnel de tous les théâtres. Le salaire est faible parce-que la concurrence est grande et le recrutement facile: il faut beaucoup d’études pour former un bon instrumentiste, les professions libérales, les services administratifs, le métier des armes, demandent aussi à ceux qui embrassent ces diverses carrières de longs travaux, de durs sacrifices en retour desquels plus d’un homme de mérite ne trouve souvent qu’une position précaire. MM les artistes musiciens se plaignent donc là d’un malaise [barré: général] dont ils ne souffrent pas seuls, auquel il est bien difficile de remédier [barré: car encore une fois, la rémunération s’abaisse en raison du nombre des concurrents plutôt qu’elle ne se proportionne à la valeur]. Le budget général de l’orchestre de l’Opéra est de 147 300F. Ce budget se décompose ainsi qu’il suit:

  • 32 artistes à 1200F,
  • 35 artistes de 1200F à 2000F,
  • 13 artistes de 2000F à 2800F,
  • 2 chefs, un premier à 12 000F, un second à 4000F
  • = 147 000F

En moyenne ces appointements sont supérieurs à ceux de tous les autres théâtres lyriques de Paris, sans compter la presque certitude d’une pension de retraite. Car le bénéfice de cette institution est surtout acquis au musiciens de l’orchestre dont les services peuvent le plus facilement atteindre la durée prescrite par les règlements.

En outre, il est juste d’observer que ce seul fait d’appartenir à l’orchestre de l’Opéra augmente et facilite pour les [barré: artistes] instrumentistes les diverses ressources qu’ils peuvent tirer de leur art, soit dans les concerts, soit par les leçons, et pour répondre à ce grief articulé dans la pétition remise à Sa Majesté que la majeure partie de leur temps est exigée par les répétitions, il suffira de dire que cette année ou le travail a été des plus suivis, les répétitions générales de l’orchestre ont été en tout de 24.

En résumé, il est hors de doute que les artistes de l’orchestre sont dignes d’intérêt. Mais ce que l’on fera pour l’orchestre, il le faudra faire pour les chœurs, pour le ballet, pour les machinistes, pour les ouvriers, pour tout ce nombreux personnel dont les réclamations devront être accueillies à leur tour. Ce serait un remaniement complet du budget de l’Opéra. Les ressources actuelles ne sauraient suffire puisque le budget peut à peine se maintenir en équilibre.

Sur le second point

MM les musiciens [barré: semblent manifester de l’inquiétude sur ] affectent de se préoccuper de la situation actuelle de la caisse des pensions de retraite. C’est d’abord un peu de l’ingratitude car cette caisse est une des plus lourdes charges qui pèsent sur le budget de l’Opéra. Il serait facile d’établir qu’elle lui coûte annuellement plus de 100 000F. Mais ils savent très bien que une représentation au bénéfice de la caisse est affectée pour dimanche [NDLE: 3 octobre 1864]. le comité a demandé que l’on donnât par extraordinaire « Roland à Roncevaux [NDLE: opéra d’Auguste Mermet] et le directeur s’est employé à souscrire à ce désir. [NDLE: pour lire la critique de ce concert, c’est ici]

Que MM les artistes de l’orchestre [ajouté au dessus: se rassurent] demandent que l’ont fasse cesser les appréhensions qu’ils peuvent avoir pour l’avenir. Je crois que [barré: c’est aller bien loin dans la voie de la méfiance] ces appréhensions [XXX?] chimériques. Ils savent très bien que la caisse possède à cette heure un capital suffisant pour assurer le service des pensions à l’époque ou ces pensions devront être servies, que l’arriéré qui a pu s’établir par des circonstances indépendantes de la volonté de tous sera comblé avant de remettre aux mains de l’Empereur une sorte de plainte qui semble accuser d’indifférence la direction de l’Opéra, l’administration des théâtres, le surintendant général et le ministre, ils auraient dû mieux s’assurer que leur réclamation était juste et bien fondée.

La plainte qu’ils ne craignaient pas de faire parvenir jusqu’aux de l’empereur.

Les intérêts de la caisse en ce qui touche les représentations sont administrés par un comité composé des divers chefs de service de l’Opéra et présidé par le directeur. Cette organisation a un inconvénient. L’initiative manque, appartient-elle du comité? Doit-elle venir du directeur? Les intentions sont bonnes mais l’unité d’action manque, on arrive officiellement à une conclusion [XXX?] au lendemain le temps se perd et l’arriéré se créé.

leurs intérêts ne sont nullement compromis. La situation de la caisse est bonne. Elle possède à l’heure présente un capital de 1, 140 000F. Ce capital devrait être plus considérable il est vrai. [XX?] a regretter que l’on ait laissé [barré: il est vrai] s’établir un arriéré de représentations. Cela a tenu à plusieurs causes. A la difficulté d’abord d’organiser des représentations fructueuses, aux circonstances qui ont souvent entravé les représentations, aux complications qui sont survenues. Cette année a deux époques favorables, il a fallu donner deux de ces représentations extraordinaires, [dans la marge: d’urgence et sur ordre de Sa Majesté] l’une au bénéfice de la caisse des auteurs, l’autre au bénéfice de M.[Hugues] Bouffé [NDLE: La représentation de retraite est jouée le 17 novembre 1864. et c’est Napoléon III en personne qui ordonne que l’Opéra soit mis à la disposition de l’artiste. La recette de la soirée s’élevant à plus de 25 000 francs.] Cet arriéré avait déjà éveillé la sollicitation de Son Excellence le ministre de la maison de l’Empereur. Il a donné ordre que des mesures soient prises pour l’organisation d’une fête semblable à celle qui en 18.. a versé dans la caisse des pensions de retraite, la somme de . . . .

Quelques journaux ont annoncé que les artistes des orchestres des théâtres de Paris avaient résolu de se mettre en grève s’ils n’obtenaient point de leurs directeurs une amélioration notable de leurs appointements. « Que les directeurs avisent », dit l’un de ces journaux, « que l’exemple de Monsieur [François Joseph] Ducoux [NDLE: Le directeur de la Compagnie des Petites-Voitures de Paris qui dû faire face à un mouvement social et à une grève du 16 au 23 juin 1864] et des cochers ne soit perdu pour personne. »

L’exemple pourrait être mieux choisi quant au succès de la coalition d’abord, puis surtout eu égard aux artistes qui comptent dans leurs rangs de véritables illustrations et qui doivent être médiocrement flattés de cette étrange assimilation. Mais puisqu’on fait à ce sujet appel à l’Opinion, il peut être opportun de mettre sous les yeux du public des faits mais des chiffres exacts.

Avant tout, et c’est là le côté le plus actuel de la question, [barré: est-il possible] la mise en grève, c’est-à-dire [NDLE: écrit c.a.d dans le texte] la cessation subite et simultanée du service des artistes de l’orchestre dans tous les théâtres est-elle à craindre, est-elle admissible, peut-elle même entrer dans l’esprit de ceux auxquels on prête [barré: un peu légèrement on peut répandre la dimension] ce dessein?

Dans tous les théâtres ou l’orchestre est sérieusement constitué, les artistes sont [barré: attachés] liés avec le directeur par un contrat dont la durée et les conditions sont librement débattues et acceptées. Ordinairement la durée de ce contrat est d’une année et chaque année, il se renouvelle [barré: d’année en année] à la condition que les deux parties contractantes, directeur et artiste, devront se prévenir mutuellement six mois à l’avance au cas ou [barré: il ne voudraient pas convenir au renouvellement] l’un des deux serait [XXX?] [XXX?] de résilier ce contrat. L’artiste est donc toujours [barré: libre] à même de reconquérir dans un délais très court sa liberté d’utiliser plus fructueusement ses talents, s’il trouve sa condition mauvaise, si une meilleure lui est offerte. Mais rompre violemment un contrat c’est se mettre hors la loi, c’est aussi s’exposer aux dommages, aux poursuites que peut entrainer cette rupture notamment au paiement du délit signalé dans chaque contrat. On peut donc affirmer que ce projet de mise en grève, s’il est vrai qu’il ait germé, [barré: XXXX] quelques esprits ardents, ne peut rencontrer une sérieuse [barré: approbation] adhésion de la part [barré: des artistes dans leur grand nombre] de la majorité. Des artistes mieux édifiés sur leurs devoirs et sur leurs véritables intérêts. Venons maintenant à la rémunération dont l’insuffisance est, dit-on, de nature à justifier cette mesure extrême du refus de concours. Le tableau suivant donne la composition du personnel de l’orchestre dans chacun des quatre grands théâtres lyriques de Paris, le chiffre total du budget de ce service, et la moyenne des appointements par chaque artiste [NDLE: le tableau a été préparé mais n’est pas rempli]

Le Théâtre Italien n’est ouvert que pendant sept mois, le Théâtre Lyrique est autorisé à une clôture annuelle de deux mois, l’Opéra et l’Opéra-Comique jouent seuls toute l’année. L’Opéra-Comique seul tous les jours. Le nombre règlementaire des représentations de l’Opéra est de 182. Le nombre des répétitions est en moyenne de 25 à 30 par année. Ces répétitions ont toujours lieu le soir. Les artistes-musiciens attachés à l’orchestre de l’Opéra ont donc la libre disposition de toutes leurs journées et [barré: d’un peu moins de la moitié] [XXX?] de leurs soirées. Ils peuvent donc tirer de leurs talents d’autres profits, soit comme professeur, soit comme virtuose. Il est [barré: donc] de toute fausseté de [barré: prétendre] dire que « ces artistes se trouvent dans l’impossibilité presque absolue de se procurer par un autre travail un complément indispensable de revenu ». Au contraire les artistes-musiciens de l’Opéra jouissent pour la plupart d’une notoriété qui leur rend le complément plus facile. Pour beaucoup d’entre eux, le traitement qu’ils reçoivent comme attachés à l’orchestre de l’Opéra n’est point leur ressource la plus lucrative mais [barré: ce n’en est pas moins une] c’est une position stable recherchée par tous les instrumentistes [barré: parce-qu’elle est attachée] à laquelle sont attachés d’ailleurs d’autres avantages tout spéciaux.

Aussitôt que l’Opéra est rentré dans les attributions de la maison de l’Empereur, l’administration s’est empressée de rétablir la caisse des pensions et retraites. Or, le fonds de réserve de cette caisse se forme non seulement de sa retenue règlementaire opérée sur les appointements mais encore et surtout de dotations spéciales et d’abandons faits à son profit par l’administration et absolument à la charge de cette dernière. Ce n’est point la [barré: d’ailleurs] la seule amélioration que l’on ait à constater. Depuis quelques années les appointements des artistes de l’orchestre sont sensiblement accrus à l’Opéra. en 1832, la moyenne des appointements était de 1 167F en 1848 de 1 392F, en 1854 de 1 398F. Elle est aujourd’hui de 1 687F. cette amélioration suit donc une marche [barré: régulière] progressive [barré: progressive, sensible] que l’administration ne demande qu’à hâter par sa propre initiative mais que tout semblant de contrainte tendrait plutôt à retarder. Ce que nous [XXX?] l’Opéra est vrai aussi pour les autres théâtres. Le mouvement y est le même, les intentions également bonnes. Lorsqu’il s’agit d’un personnel dont les bonnes ou mauvaises dispositions peuvent améliorer ou compromettre l’exécution et par conséquent satisfaire ou mécontenter le public, l’intérêt, bien-entendu, de tout directeur est de céder dans la mesure du possible ou plutôt de devancer lui-même les réclamations. Mais tout moyen de coercition serait souverainement inique, car encore une fois, entre les administrations théâtrales et les artistes, les transactions sont absolument libres. Le taux actuel des appointements s’est établi par la force naturelle des choses, sans surprise, ni pression quelconque. Les instrumentistes sont nombreux, si nombreux que depuis quelques années, une concurrence considérable, l’accroissement des théâtres lyriques, l’établissement de quelques concerts publics dont quelques uns obtiennent une vogue méritée, la propagation générale du goût et de l’étude de la musique n’ont pu élever sensiblement les appointement des musiciens d’orchestre. C’est que la production est plus considérable encore que la demande. Le jour où la situation changerait de face, ou les artistes trouveraient en dehors des administrations théâtrales actuellement existantes une rémunération plus avantageuse, le jour ou des débouchés plus nombreux aussi sûrs s’ouvriraient devant eux, ce jour là, leurs exigences deviendraient justes, seraient nécessairement admises et leur [condition?] s’améliorerait d’elle-même, sans effort, sans crise par ce seul fait de l’équilibre naturel qui s’établit entre l’offre et la demande. [Note en marge: Les classes du Conservatoire fournissent à elles seules 140 instrumentistes, non-comprises les classes de piano qui sont étrangères à la question qui nous occupe]

Jusque là l’intérêt peut s’attacher à une classe d’artistes dont la position est modeste [barré: et dont plusieurs] qui comptent parmi eux des hommes d’un réel mérite. Mais ont-ils le droit [barré: de se faire justice] de se montrer si impatients et de tenter de se faire justice à eux-mêmes? On dit qu’il faut des années d’études pour faire un bon instrumentiste, c’est vrai, mais dans l’administration, dans l’armée, dans l’université, dans les arts, dans les professions libérales, combien de positions [barré: modestes] médiocrement rétribuées exigent une somme de travail et d’aptitudes au moins égales [qu’on demande à la plupart des artistes attachés à l’orchestre des théâtres de Paris] à celles que doit posséder un artiste pour être attaché à l’orchestre d’un théâtre.

On sent bien que Monsieur le directeur a murement réfléchi son argumentaire pour terrasser les revendications de ses employés récalcitrants. Je ne peux pas m’empêcher de trouver que beaucoup de ses arguments sont fallacieux, à commencer par le fait que le conservatoire produirait pléthore de musiciens tous les ans. Mais enfin! Il n’est pas raisonnable de comparer les virtuoses d’exception que comptent les rangs de l’orchestre de l’opéra avec le tout venant du conservatoire! Chaque année, il n’y a qu’un seul premier prix pour chaque instrument. Même le conservatoire fait le distinguo entre les élèves qui complètent leur cycle d’apprentissage, ce qui rend cette loi d’offre et de la demande proprement démagogique. Mais, ça ne va pas s’arranger pour Emile Perrin et sa rhétorique travaillée ne va pas suffire à calmer les esprits. Au contraire, l’année 1865 va connaître une nouvelle escalade qui va très certainement éprouver les nerfs de Monsieur le directeur.

On ne connait pas la résolution du mouvement social de l’Automne 1864, ni s’il y a eu intervention de la part de l’Empereur. En revanche, nous avons quand-même une note de décembre 1864 qui semble proposer quelques éléments de négociation.

Décembre 1864

Note

Car les 3 rapports ci-joints, monsieur le premier chef d’orchestre proposent l’adoption des mesures suivantes:

  1. Une augmentation de traitement de 300F en faveur de monsieur [Louis-Ferdinand] Leudet, violon solo, troisième chef d’orchestre
  2. L’admission sans concours, contrairement au règlement du 5 mai 1821, articles 259, 265 et 266 de monsieur [Henri Joseph] Dupont comme corniste au traitement de 1600F en remplacement de monsieur [François Antoine Frédéric Auguste] Duvernoy, admis à faire valoir ses droits à la retraite et dont le traitement était de 2 200F.
  3. Une gratification de 300F au profit de monsieur [Antoine] Halary, 5ème cor en remplacement

S’il appartient au chef de service d’appeler l’attention de l’administration sur ceux des artistes placés sous ses ordres qui, par leurs bons services et le talent dont ils ont fait preuve ont mérité des encouragements ou de l’avancement, il lui appartient [barré: au même titre] surtout de ne former ses demandes qu’après s’être bien assuré de la possibilité d’en obtenir la réalisation en ce qui concerne notamment la partie administrative et financière de l’établissement [XXX?] une marche contraire au système d’entente préalable sur les questions dont il s’agit

Ci-dessous les mini-biographies des intéressés retrouvées dans les archives du conservatoire de Paris qui a tenu un registre détaillé de tous ses lauréats depuis sa création. Pour beaucoup de musiciens c’est la seule trace qui subsiste de leur parcours musicale et cela nous donne de précieuses indications sur leurs carrières.

Pourtant, le 28 mai 1865, Emile Perin reçoit un nouveau pli à son bureau, et c’est toujours les mêmes!

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

A Monsieur le Directeur du Théâtre impérial de l’Opéra

Monsieur,

Nous soussignés membres du Comité des Artistes de l’orchestre de l’opéra ayant à vous faire une communication au noms de nos collègues, nous prions de vouloir bien nous indiquer le jour et l’heure où il vous plaira de nous recevoir.

Nous avons l’honneur, Monsieur, de vous prier d’agréer l’expression de nos sentiments respectueux.

le 28 mai 1865

On l’aura remarqué, le ton de la lettre du comité est formel, courtois mais déterminé et pas de « serviteurs tout dévoués » sur ce courrier là. Les artistes semblent prêts à en découdre!

A réception du courrier, Perrin prévient à nouveau sa hiérarchie avant la rencontre. Le brouillon de sa lettre nous en apprend sur son état d’esprit et laisse à penser que ce comité des artistes de l’orchestre de l’opéra est de création récente.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Monsieur le Ministre [NDLE: en dessous au crayon à papier « Monsieur le surintendant »]

J’ai dû déjà à plusieurs reprises signaler à Votre Excellence une certaine excitation des esprits parmi les artistes de l’orchestre de l’opéra. Cet état permanent d’irritation, de résistances, a compromis plus d’une fois la bonne exécution . Il tend à créer de sérieux embarras à l’administration.

J’étais instruit que depuis quelques temps, des réunions s’organisaient en dehors de la direction, à l’insu du chef d’orchestre, réunions pour lesquelles les artistes discutaient leurs intérêts, concertaient leurs exigences. Aujourd’hui, ce qui n’était qu’une présomption devient une réalité. J’ai reçu d’un comité élu par les artistes de l’orchestre, une lettre par laquelle les membres de ce comité, au nombre de 8, demandent à me faire, au nom de leurs collègues, une communication importante.

Voilà donc un comité, c’est-à-dire [NDLE: écrit C.A.D dans le texte original] une sorte d’autorité créée par les artistes en dehors des règlements, à côté de leur chef direct auquel ils n’ont même pas fait connaître la nature de leurs demandes ou de leurs réclamations, qui n’a point été consulté par eux, qui est censé tout ignorer. Afin de rétablir le principe hiérarchique, j’ai exigé que le chef d’orchestre fût présent à la réunion qui est indiquée pour après-demain jeudi.

Mais avant que cette réunion ait lieu, je crois qu’il est facile de prévoir les points sur lesquels vont porter les réclamations des artistes, d’examiner le bien-fondé de leurs demandes, de décider si elles doivent être accueillies [barré : la part qui pourrait y être faite], de se préparer enfin aux éventualités que peuvent amener un débat entre l’administration et les artistes, et finalement un refus de service de leur part puisque ce mot a déjà été prononcé parmi eux.

Les réclamations des artistes se résument en ceci. D’abord une augmentation de salaire, ensuite, la prétention qu’ils ont déjà manifesté de s’administrer par eux-mêmes, c’est-à-dire [NDLE: écrit C.A.D dans le texte original] de contrôler en dehors de l’administration et de leur chef, leur service qui leur est indiqué, les ordres qui leurs sont donnés, de mettre, en un mot, leur appréciation personnelle en lieu et place des règlements et des obligations qu’ils ont consentis.

Il n’est pas besoin d’un long examen pour faire justice de cette prétention. C’est l’autorité méconnus, l’administration rendue impossible, la discipline anéantie.

La demande d’une augmentation de salaire paraîtrait plus admissible. Mais dans quelles circonstances, de quelle façon cette augmentation est-elle demandée ? Autant l’administration de la maison de l’empereur est naturellement portée à améliorer la situation de tout ceux [ NDLE : rajouté au-dessus « de ses employés »] qui savent mériter sa bienveillance, autant il est de son devoir de résister à ce qui ressemble à une pression, à une intimidation quelconque, autant elle doit refuser avec fermeté ce que l’on semble exiger d’elle comme un droit.

Depuis que le théâtre de l’opéra est dans la maison de l’empereur, cette amélioration des petits appointements s’est produite par un mouvement spontané, graduel et constant. Aujourd’hui, pour nous en tenir à l’orchestre, le budget général de ce service, je parle du personnel fixe, est de 148 505F, il était en 1854,  [ NDLE : rajouté au-dessus « direction de M.[Nestor] Roqueplan»] de 118 000F. En 1832, (direction de M.[Louis-Désiré] Veron), de 94 550F, en 1831 (ancienne liste civile) de 129 000F. Il est facile de voir par le rapprochement de ces 2 chiffres si l’administration particulière se montrerait aussi paternelle que celle de l’Etat.

En moyenne les appointements des personnes fixes de l’orchestre sont de 1700F environ par artiste. Il n’y a point d’émoluments au-dessous de 1200F. Quel est leur service règlementaire ? 182 représentations par année, environ 25 à 30 répétitions soit 212 soirées car jamais l’orchestre ne répète pendant le jour, donc toutes les journées libres et la possibilité pour les artistes de les utiliser en donnant des leçons ou de tirer tout autre profit des ressources de leurs talents.

Que l’on compare ce service à celui des artistes engagés dans l’orchestre de l’opéra-comique et du théâtre lyrique qui jouent tous les jours, répètent le matin, et pour une moindre rétribution ont moitié plus de travail.

Mais, disent les artistes de l’orchestre de l’opéra, c’est une juste proportion qu’il est de notre dignité d’établir les appointements des artistes de la scène qui ne sont plus en rapport avec les nôtres. Il est vrai que les émoluments des chanteurs se sont accrus depuis quelques années d’une façon effrayante, qu’ils tendent à s’augmenter chaque jour. Mais c’est là une loi qu’il nous faut subir. La loi inflexible de l’offre et de la demande. Les artistes que nous disputent les théâtres étrangers à Londres et Pétersbourg exigent le prix fixé par cette concurrence. Ce n’est point de gaité de cœur, c’est en dépit de sa résistance que l’opéra a vu le budget des artistes du chant qui était en 1832 de 297 600F, s’élever, progressivement et [allegro ?] en 1865 du chiffre de 890 000F. Et à ce prix-là même, l’opéra a peine à se procurer des chanteurs. Que des artistes de l’orchestre viennent à manquer, il les remplacera aussitôt et, dussent-ils lui manquer tous à la fois, la reconstitution d’un orchestre entier en un temps assez court , n’est point une chose impossible. Nous touchons ici le vif de la question. Car je sais quelle est la pensée, je ne dirais pas de la majeure et de la plus saine partie de l’orchestre, mais de quelques meneurs qui poussent les autres aux résolutions extrêmes. Je sais que la question du refus de service s’est agitée. [barré : Le vent de la grève souffle aussi de ce côté]

Que les artistes de l’orchestre de l’opéra s’assimilent [XXX ?] aux ouvriers [barré : c’est sans doute un fait, mais c’est encore moins son droit] et songent à se mettre en grève à leur tour, c’est à coup sûr prendre peu considération de leur dignité, mais c’est surtout se méprendre singulièrement sur leurs droits. [XXX ?] l’entreprise particulière des artistes de l’orchestre, comme les choristes, étaient attachés à l’opéra par des engagements que l’on renouvelait chaque année et qui liaient l’artiste et l’administration, sauf les cas de rupture prévus par le règlement. Aujourd’hui, sous l’empire de l’ancien règlement général de 1821, les artistes de l’orchestre sont simplement admis. Mais au terme de ce règlement, l’administration ne peut se séparer d’un artiste qu’en l’avertissant 6 mois à l’avance. L’obligation est réciproque. Donc, de deux choses l’une. Ou les musiciens de l’orchestre sont liés par un contrat synallagmatique renouvelé d’année en année par tacite reconduction, ou bien soumis au règlement ils ne peuvent se retirer qu’en signifiant leur intention 6 mois à l’avance. Les artistes de l’orchestre ne sont donc pas libres, ils sont liés par un contrat, et s’ils venaient à le rompre violemment, ils s’exposeraient à une action judiciaire et au paiement de dommages et intérêts.

Il faut espérer qu’ils n’en viendront pas à cette extrémité, mais cette regrettable éventualité d’un refus de service, l’administration doit la prévenir et ne pas trop s’en effrayer, car ce serait la fin d’un état de crise qui dure depuis trop longtemps. [barré : « ou bien faudrait-il essayer de prévenir cette crise suprême en recherchant les récalcitrants, les instigateurs, et en les frappant, s’il en est encore temps ?»]

Un mot encore sur la question pécuniaire, elle ne semble ici que secondaire, mais elle a bien son importance. Cette augmentation de salaire, si on l’accorde à l’orchestre, il faudra l’accorder à tous les autres services, car tous la réclament. Si l’exploitation n’était point onéreuse pour la liste civile, l’administration se laisserait aisément aller à son instinct naturel de générosité. Mais depuis que l’opéra est dans la maison de l’empereur, tous les budgets annuels, sauf celui de 1863, se sont soldés en déficit, et le total de ces déficits s’élève à plus de 700 000F. Lorsque les réclamations des artistes de l’orchestre seront formulées d’une manière précise, j’aurais l’honneur de vous les soumettre immédiatement [NDLE barré : « à son Excellence »] mais j’ai cru dès aujourd’hui devoir prévenir votre Excellence, afin de pouvoir, s’il y a lieu, prendre préalablement ses instructions.

J’ai l’honneur d’être ………

J’avoue avoir été choquée par la teneur de ce brouillon de lettre à la hiérarchie du directeur de l’opéra. Je ne doute pas que le courrier final fut, en substance, du même acabit. Affirmer que les musiciens d’un orchestre d’élite comme celui de l’opéra sont des éléments interchangeables et aisément remplaçables montre au mieux une grossière diffamation, au pire une méconnaissance spectaculaire de l’art musical et lyrique. Cet argument récurrent de Perrin le rend, à mes yeux, le vilain de l’histoire, bien qu’il fut à son tour une victime, comme on le verra par la suite.

Georges Hainl, date et auteur inconnus

La lettre adressée à Perrin montre une rupture de confiance entre les musiciens et leur chef, avant tout autre chose. Mais Perrin ne va pas en rester là et il s’empresse de mettre le chef d’orchestre dans la boucle. A ce moment de l’histoire, c’est le violoncelliste Georges Hainl qui assure depuis 2 ans les fonctions de chef d’orchestre à l’opéra. Je fais une aparté ici pour dire que j’ai retrouvé un nombre invraisemblable de courriers de ce dernier ayant travaillé la direction de l’opéra au corps pour obtenir le poste. Il a usé de toutes les stratégies possibles sur un temps incroyablement long (des mois!) pour pouvoir accéder à ces fonctions: recommandations, insistance, supplications, ces lettres au directeur pourraient être l’objet d’un article à part entière et ce qui ressort de cette candidature étrange, étalée dans le temps et fastidieuse, est que Georges Hainl n’était probablement pas le candidat favori pour cette fonction qu’il semble avoir fini par obtenir à l’usure. C’est aussi le cas de sa précédente fonction en tant que chef d’orchestre au grand théâtre de Lyon dont il a hérité grâce à une cooptation de son frère qui l’a placé là après avoir quitté le poste. George Hainl est un opportuniste ambitieux mais a t-il les compétences requises pour ce poste? Rien n’est moins sur. Quant à Perrin qui n’a aucune formation de musicien, ce sont sans doute ses relations qui le hissent à la place de directeur de l’opéra, lui qui est à l’origine un simple décorateur de théâtre. En tout cas, il a le bon reflexe, celui de confronter Hainl sur les raisons de la défiance des musiciens de l’orchestre vis-à-vis de son autorité.

Le 28 mai 1865

Mon cher Georges Hainl,

Huit des artistes de l’orchestre, MM. [Adolphe] Leroy, [Jules] Garcin, [Alexandre] Tilmant, [Felix] Berthélémy, [Hippolyte] Maury, [Emile] Dufour, [Alfred] Viguier et Baraud-Mainvielle viennent de m’adresser une lettre dans laquelle ils me demandent de m’assigner un jour et une heure afin qu’ils puissent me faire au nom du comité dont ils sont membres, une communication de la part de leurs collègues.

Les artistes de l’orchestre seront toujours les bienvenus et ils peuvent être, à l’avance, assurés de mon entière bonne volonté, s’ils demandent quelque chose de juste et qui soit en mon pouvoir. Mais j’ignorais, je vous l’avoue, l’existence d’un comité des artistes de l’orchestre de l’opéra et je ne saurais d’ailleurs admettre aucun rapport entre les artistes de l’orchestre et le directeur sans l’intermédiaire hiérarchique du chef direct. Rien ne doit se passer à son insu ni en son absence. Veuillez donc dire à ces messieurs que j’aurais grand plaisir à les recevoir eux et vous, mercredi prochain à 2h, et que je les écouterai avec toute l’attention, tout l’intérêt que commandent les questions qui se rattachent à l’orchestre de l’opéra.

Veuillez, mon cher Georges Hainl, recevoir l’assurance de mes sentiments les plus sincèrement dévoués.

Le directeur de l’opéra

Emile Perrin

Par la suite, cela semble totalement dégénérer avec cette missive adressée au Préfet de police de la ville de Paris

Paris, 2 mai 1865

Note pour monsieur [Charles-Gabriel] Nusse [préfet de police de la ville de Paris]

Monsieur le chef de la police municipale est prié de faire exercer une surveillance convenable près de la réunion des artistes de l’orchestre de l’Opéra qui est autorisée pour le 3 mai sans indication d’heure [souligné dans le texte], rue Rochechouart dans la salle de concert de MM Pleyel, Wolff & Cie pour choisir entre eux les membres d’un comité qui examinerait avec la direction de l’Opéra l’état de leur position actuelle et de rendre compte de cette surveillance par un rapport spécial.

Le chef de cabinet

Le chef de bureau

Eugène Humbert

Communiqué au directeur de l’Opéra le mercredi 3 mai à 2h et demi.

Mais même dans les rangs des insurgés, il n’y a pas unanimité et bien qu’on sente que le mouvement rallie à sa cause une majorité de musiciens, il est quelques brebis égarées loin du troupeau et, ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’il s’agit des postes les moins bien rémunérés.

A monsieur Emile Perrin, directeur de l’Académie Impériale de Musique

Monsieur le directeur,

J’ai l’honneur de vous informer que depuis le 29 juillet, j’ai envoyé à messieux les délégués composant le comité de l’orchestre de l’Opéra mon désistement avec défense de faire aucun usage de mon nom ou de ma signature.

Veuillez agréer monsieur le directeur l’assurance de ma plus parfaite considération.

[Théophile] Semet [cimballier]

Artiste de l’orchestre

24 août 1864

Examinons, si vous le voulez bien à présent, les réalités comptables des salaires de l’orchestre dans le temps et voyons si ce que Perrin avance en terme d’augmentation suivant « un mouvement spontané, graduel et constant » est exact, puisqu’il se trouve que nous avons ces chiffres écrits noir sur blanc.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Bon, il faut admettre tout de suite que par rapport à ce que la presse rapporte des salaires misérables des musiciens d’orchestre des théâtres parisiens (pour rappel, en moyenne 200F par mois pour un soliste et 150F pour tous les autres), là, on rajoute quand-même un zéro, voire plus, à presque toutes les payes. En revanche, on constate que les 2 extrêmes du tableau, l’année 1830 et l’année 1864 ont des salaires quasi équivalents. Il y a eu une grosse chute sur la période qui a suivi la Première Restauration, après la révolution de Juillet 1830 et le passage du comptable-chiffrier dont la note nous est parvenu. Les salaires dégringolent, tout le monde perd entre 100F et 600F de revenus, ce qui parait énorme. La révolution de Février (1848) semble avoir généré moins de chaos mais il n’y a pas de données entre 1850 et 1853. En revanche rien ne bouge ou si peu pendant presque 10 ans. Il suffit de comparer le tableau de l’évolution de l’inflation au cours du XIXème siècle réalisé par Olivier Berruyer pour voir à quel point les salaires sont décorrélés de la réalité économique, en particulier de l’inflation. Il n’est donc absolument pas surprenant que les artistes musiciens de l’orchestre de l’opéra se sentent financièrement lésés, car si ces salaires sont de bons salaires pour l’époque, ils ont plutôt eu tendance à baisser sur les 30 ans que nous pouvons étudier et surtout ils ont entièrement été gelés depuis l’arrivée de Perrin en 1862. Sa plaidoirie consistant à vanter la générosité naturelle de l’administration et l’amélioration des petits appointements qui se serait produite « par un mouvement spontané, graduel et constant » n’est que pure invention de sa part. L’évolution des salaires a la forme d’une parabole et remonte péniblement la pente à partir de 1860 pour atteindre une phase de plateau. Pour autant, l’argument de Perrin qui avance que les répétitions sont le soir et que les musiciens ont toute la journée de libre, me fait penser à la rhétorique des détracteurs de l’Education Nationale qui prétendent que les profs se la coulent douce parce-qu’ils ont toutes les vacances scolaires. C’est bien évidemment occulter le temps consacré à préparer ses cours, corriger ses copies ou pratiquer son instrument, apprendre les morceaux avant les répétitions. Bref, je suis médusée par autant médisance de la part de Perrin comme de Hainl.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Autre fait marquant, on constate comme l’orchestre est une entité très hétérogène. Contrairement à ce que Perrin voudrait faire croire, tous les musiciens ne sont pas logés à la même enseigne et certains ont de vraies raisons de se plaindre. Notons, par exemple, le hautbois N°3, dont le salaire accessoirement 35% plus bas que le hautbois N°2, n’a pratiquement fait que baisser et qui retrouve péniblement le salaire de 1830, mais ce salaire en 1864 n’a pas bougé de 5 longues années. Si on le compare avec la contrebasse N°3 qui est payé seulement 7% de moins que la contrebasse N°2, il y a de quoi grincer des dents.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Visiblement les écarts se creusent, particulièrement entre vents et cordes. Le 2ème basson fait une nettement moins bonne affaire que la 2ème clarinette, rémunérée 300F de plus. Quant aux cors, leurs salaires est nettement moins dégressif selon qu’on est 1er ou 3ème cor par rapport à tous les autres instruments: 2100F de salaire pour le 3ème cor, c’est plus que le Premier alto ou la Première contrebasse. Il semble n’y avoir aucune harmonisation et des grilles peu fiables; comme si chacun pouvait négocier sa paye personnellement, sans tenir compte des autres membres de l’orchestre. C’est très surprenant!

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Encore une fois, les vents me semblent avantagés. Les pistons en particulier. Le 2ème piston a vu son salaire augmenter de 25% sur les 10 dernières années. En revanche, le 2ème trombone qui était monté jusqu’à 1700F, en 1842 se retrouve rétrogradé à 1300F en 1849 et touche 250F de moins que le 2ème piston. Dur, dur… A moins qu’il ne s’agisse d’un changement de musicien, plus jeune et moins expérimenté. Nous n’avons malheureusement pas cette information, mais c’est assez probable. Qui accepterait un tel écart de salaire d’une année à l’autre?

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Voilà donc les salaires les plus bas exposés. Il existe donc bien des appointements très en-dessous de 1200F, contrairement à ce que soutient Emile Perrin. Ce cher Théophile Semet, le cimballier aux cheveux qui frisent et au regard torve, qui se désolidarise du mouvement des rebelles de l’orchestre, les tambours et le triangle en font partie. Evidemment il y a toujours pire. Il y a ceux qui ne touchent même pas le salaire qui leur est dû.

Monsieur le Directeur,

Permettez-moi de vous rappeler à votre bienveillante promesse de vouloir bien vous occuper s’il y a possibilité de me faire tomber mes appointements en remplacement de monsieur [Emile] Norblin [violoncelliste, fils du violoncelliste Louis Norblin]

[XX?] monsieur le Directeur, l’assurance de ma haute considération.

Henri Lütgen

Paris, le 30 décembre 64

Henri Lütgen photographié par Pierre Petit, collection Gallica, BnF

A présent, faisons juste un petit bond dans le temps, en 1866, et prenons connaissance d’un courrier de Georges Hainl à Emile Perrin concernant les revendications salariales d’un des musiciens de l’orchestre, 1er de pupitre.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Paris, le 14 mars 1866

Mon cher monsieur Perrin,

[Antoine] Dieppo sort de chez moi, je lui ai dit que son traitement était exceptionnel, qu’il tenait plus à sa personne qu’à sa qualité de tromboniste chef de pupitre, que dans mon opinion; abstraction faite de sa personne, il m’était impossible d’assimiler la position de 1er trombone à celle de 1ère flûte, clarinette, [hautbois?] etc. que telle était la raison qui avait fait qu’aucune augmentation ne lui avait été faite.

Je crois avoir bien agit, en un [?] en aucune façon faire part. Il a, m’a t-il dit, dormi sa décision pour la fin de l’année.

En terminant, Dieppo m’a demandé si je serais contrarié qu’il vous écrit.

J’ai répondu non, apportant que le travail fait avait été agréé par le ministre et [?] dépisté.

Je vous informe de ce fait afin que votre réponse soit conforme à la mienne.

[?] aussi le plus dévoué de vos serviteurs

Georges Hainl

Que cet homme écrit mal! Et je ne parle pas juste de son écriture mais de son style. Comparé aux nombreux courriers que j’ai pu lire aux archives et qui émanaient de personnes de rangs sociaux bien inférieurs, écrivant pour demander une audition ou un emploi d’homme à tout faire, Georges Hainl se distingue vraiment par son style littéraire médiocre.

Quant à Antoine Dieppo, il quittera définitivement l’orchestre de l’opéra de Paris en 1867, soit quelques mois après cette rencontre avec Hainl. Dieppo est un tromboniste très en vue, professeur au conservatoire de musique de Paris, il n’a pas besoin du poste de trombone à l’opéra. Il l’occupe certainement par plaisir et aussi parce-que c’est la formation orchestrale suprême de la nation, comme on l’a dit plus haut. C’est un poste de prestige. Le 1er trombone est payé 2500F en 1864 d’après les registres que nous possédons. La 1ère flûte a le même salaire, tout comme la 1ère clarinette. Les augmentations variables des salaires à partir de 1865 ont donc dû creuser des disparités qui n’existaient pas auparavant entre les 1ers de pupitre et du même coup, attiser des rivalités. Cela coûtera le meilleur trombone de la place parisienne à l’opéra, quoi qu’en dise Hainl, qui se permet de remettre en question la qualité de tromboniste d’Antoine Dieppo. Le cuistre!

Notons cependant que cette plainte émane d’un des musiciens les mieux payés de tout l’orchestre, mais son pedigree lui permet cette revendication.

Mais poursuivons plutôt notre investigation sur les revendications de l’orchestre en ces années 1864-65 pendant les répétitions de l’Africaine, opéra de Giacomo Meyerbeer. Voici une réponse qui émane, je pense, d’Emile Perrin à George Hainl. Nous n’avons pas le courrier initial écrit par Hainl, mais vu la réponse, on en devine le contenu. Des intentions extrêmes semblent être réprimandées de manière claire et définitive. Il n’est pas sûr, en revanche, que le discours tenu soit bien celui de Perrin. Ce dernier ne ferait-il que répéter les ordres du ministère? C’est très possible, car lui qui prétendait pouvoir remplacer n’importe quel musicien de l’orchestre sans trop de difficultés dans un courrier plus haut, le son de cloche est désormais très différent.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Monsieur & cher Maître,

Je déplore comme vous et je ne suis malheureusement pas à souffrir pour la première fois de l’esprit d’indiscipline qui anime l’orchestre de l’opéra. Ce même esprit, moins violent chez les autres corps existe pourtant et fait de l’administration une tâche ingrate et pénible. Cela tient à l’organisation même du théâtre et ce surtout à une cause que je n’ai point à apprécier.

J’ai dû vous donner avis de ces difficultés avec lesquelles nous avons sans cesse à compter. En ce qui me touche, Monsieur, j’aime à croire que vous n’avez pas à articuler une plainte. Plein de respect pour vous d’abord, puis pour la mission que vous aviez accepté, vous saviez avec quel empressement et quelle déférence j’ai mis à votre disposition tous les éléments dont peut disposer l’opéra. Tous les Chefs de Service en ce qui touche la partie musicale ont obéi à l’impulsion que vous leur donniez et se sont fait les interprètes de votre pensée.

Depuis plus de 4 mois que les études de l’Africaine sont commencées, elles ont été suivies sans interruption autres que celles que n’agitent les cas de force majeure et les indispositions inévitables dans un certain espace de temps. Nous voici arrivés maintenant aux répétitions de l’orchestre. C’est l’épreuve [barré: à ce moment] décisif où l’ensemble de l’œuvre se dégage pour la première fois. C’est à ce moment ou vous avez le plus besoin du zèle attentif et de l’ardeur que vous rencontrez dans l’orchestre, ce sentiment d’insubordination qui vous froisse d’autant plus qu’il vous semble de nature à compromettre la bonne exécution de l’œuvre qui vous est confiée. Je comprends très bien votre irritation et il y a là de quoi justifier l’opinion sévère que vous formulez dans votre lettre de ce matin. Mais enfin, Monsieur, ces éléments, si défectueux que vous les jugiez, il ne m’est pas donné de les changer, ni même de les modifier à courte échéance. Il vous faut vivre avec cet ennemi et en tirer le meilleur parti possible.

A Dieu ne plaise, Monsieur que je fasse peser [barré: remonter] sur vous la responsabilité de l’imprévu [barré: d’accidents que l’on ne peut prévenir]. Hier, Mme [Marie] Battu manquant à la répétition, l’autorisation accordée par le chef de chœur [barré: qu’il vous a été refusé de permettre] de permettre à son personnel [barré: vous aux chœurs] de se retirer après la lecture du 4ème acte. Ce sont là des accidents imprévus. Lorsque la répétition fut levée un peu inopinément, je me suis permis de vous demander s’il n’y aurait pas eu moyen d’employer [barré: d’utiliser] encore une heure de travail à redire les morceaux dont n’étaient ni les chœurs, ni Mme Battu absente. J’exprimais un regret, voilà tout, Monsieur. J’ai une confiance absolue dans la direction que vous imprimez aux études musicales de l’Africaine et dans le résultat que vous attendrez, même en passant sur certains déraillements que [rature] qui me sont plus pénibles qu’à vous-même. Mais vous savez quel est notre désir commun d’arriver le plus vite possible à ce résultat. Permettez-moi donc d’insister auprès de vous pour ce fait seulement que les répétitions d’orchestre soient les plus longues et les plus fructueuses possibles afin qu’il y en ait un moins grand nombre. Sans doute les artistes de l’orchestre qui se plaignent [discrètement?] se plaignent encore plus qu’on [XXX?] un travail plus long que de la fréquence des convocations. Je sais bien, Monsieur, comme vous le disiez hier, qu’ils doivent obéir et se conformer aux ordres qui leurs sont données. Mais [barré; quoique fusse] tout en étant bien loin de me faire avocat de leur cause, je suis contraint de ménager leur aspect irritable et je me fais violence à moi-même pour tourner une position qui devrait être abordée de front.

Je vous prie aussi, Monsieur, de [barré: vouloir bien] me donner vos instructions précises afin que le travail soit bien arrêté à l’avance entre nous et qu’il ne souffre aucun retard ni hésitation.

Encore une fois, Monsieur & cher Maître, croyez…

Là, quelqu’un vient de se prendre ce qu’il convient d’appeler une tatouille, je crois qu’il n’y a pas d’autre mot. Mais la tatouille venait peut-être de plus haut. N’ayant pas la date exacte du courrier ci-dessus, il est délicat de créer des liens de cause à effet, mais gageons que, si le courrier qui suit n’a rien à voir avec le précédent, il montre que tout directeur de l’opéra qu’on soit, on est aussi à la merci de l’étage du dessus. Ce poste de management tampon, comme on appellerait ça aujourd’hui a ses aspects très inconfortables. Reconnaissons donc à Perrin les difficultés qui sont les siennes.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Le 20 mai 1864

Princesse,

Il ne fallait pas moins que la toute puissance, et plus encore, la toute grâcieuse intervention de Votre Altesse, me voilà bien forcé de faire grâce.

J’avais dû à regret me décider à sévir. Il m’en coûte bien un peu de revenir sur une décision rigoureuse mais juste. Mais j’avais eu deux fois raison de la prendre puisqu’elle m’a valu une lettre de Votre Altesse et le plaisir de me soumettre à un désir manifesté par vous.

Tout est bien qui fini bien, Princesse, et j’espère que votre protégé se souviendra et se montrera à l’avenir digne d’une telle protection. J’ai l’honneur d’être, Princesse, avec mon plus profond respect de Votre Altesse, le très obéissant et très dévoué serviteur.

Emile Perrin

Là, c’est la maxi-tatouille et qui émane, en plus, directement de la maison mère puisque le courrier est adressé à « Son Altesse la Princesse Mathilde [Bonaparte] » en bas de page. Il ne s’agit pas de la hiérarchie directe, mais de l’intervention d’une VIP qui fait plier ce pauvre Perrin a qui il faut reconnaitre un certain panache dans le fiasco d’autorité auquel il doit faire face.

Et ça ne va faire qu’empirer, je dirais même que ça va barder pour le matricule de Perrin.

Le 14 décembre 1866

A Monsieur le Directeur de l’Académie Impériale de Musique

Monsieur le Directeur,

Je vous avais demandé, et vous aviez bien voulu me promettre de me donner les primeurs [souligné dans le texte] de votre jardin. Je trouve dans La Liberté [souligné dans le texte], l’article ci-joint. Si les faits sont fruits a tout de primeur [souligné dans le texte]. Alors, vous m’avez oublié! Si les faits sont inexacts, mettez-moi en moteur de [XX?] et d’y répondre de manière à ce que je vous sois utile, au moins tant que je serais agréable à mon abonné – voulez-vous que je vous adresse les [fourniers?] que j’ai chargé de rendre compte des faits et gestes de votre grande et belle administration à compter du 1er janvier.

Compliments [empressés?]

Leber ou Lebez?

Et quel est donc cet article de La Liberté dont ce mystérieux Leber / Lebez (pas commode, d’ailleurs) fait état? Et bien le voici:

Hier soir à minuit, à l’issue de la représentation de la Source, les Chefs de pupitre furent prévenus que Monsieur Perrin avait une communication à leur faire, et qu’il leur donnait rendez-vous dans son cabinet pour ce matin samedi. Nous croyons savoir qu’il s’agit d’une révolution dans les habitudes du théâtre de l’Opéra, déterminé par l’approche de l’Exposition Universelle et la nécessité de fournir aux plaisirs et à l’agrément d’une population subitement doublée, aurait pris une résolution grave, celle de jouer six fois par semaine et cette mesure serait mise à exécution à partir du 15 janvier 1867.

Ne serait-ce pas l’occasion pour Monsieur Perrin de résoudre une vieille question depuis longtemps jugée devant l’opinion publique, mais pendante encore devant l’administration: l’augmentation des traitements de l’orchestre? Les musiciens de l’Opéra, on le sait, ne sont pas des musiciens ordinaires, ce sont des virtuoses, des artistes. Au moment ou l’on se propose d’imposer à chacun d’eux une plus grande somme de travail, ne serait-il pas convenable d’effacer les vieux griefs, de donner satisfaction à des exigences qui ont toujours été modestes, à des réclamations qui se sont toujours légalement produites, et d’attribuer enfin à ses excellents artistes un salaire en rapport avec les services qu’ils rendent et le talent qu’ils possèdent?

Evidemment, force est de constater que les artistes ont la sympathie de la presse et du public. Et ce pauvre Emile Perrin qui se retrouve pris en étau. Même si je ne cautionne pas ses arguments, je reconnais la difficulté de sa position et comme il doit manœuvrer et faire bonne figure pour essayer de contenter tout le monde: savoir encaisser les tatouilles avec élégance; celles des VIP, celles de la Presse, celles de sa hiérarchie, celle de ses employés, et garder le cap!

Bon, enfin, il a aussi des travers qui le rendent quand-même assez désagréable.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Cette répression dut-elle avoir pour résultat momentané d’aggraver encore pour un moment la situation, dut-on, en cas de révolte ouverte, aller jusqu’à la reconstitution partielle ou même complète de l’orchestre de l’Opéra, je crois qu’il faut avoir à tout prix raison de ce foyer d’indiscipline. La dignité d’une grande entreprise c’est l’avenir [barré: et songer que l’avenir de l’Opéra] que l’on [barré: fort du] [XXX?] sauver ou compromettre [barré: si l’on agit ou si l’on temporise]

J’appuie donc les conclusions du rapport de monsieur Georges Hainl et je vous supplie de vouloir bien statuer d’urgence sur cette grave question [barré: importante affaire]

J’ai l’honneur d’être…

Perrin semble paniquer et l’ambiance est de plus en plus pourrie, si vous voulez mon avis.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

N’ont pas signé

Donis

Altès. Henry [1er flûtiste]

Altès Ernest [violoniste]

Gard …

Ont protesté

[Théophile] Semet [cimballier]

[Josph-François] Rousselot [corniste]

[Jean-Auguste] Tolbecque 1. [violoniste]

[Auguste] Tolbecque 2. [violoncelliste]

[Victor Frédéric]Verrimst [1er contrebassiste]

[Charles-Félix] Berthélémy [Hautboïste]

[Hippolyte] Maury [corniste à pistons]

[Paul Emile] Dufour [violoncelle] [1]

[Antoine] Dieppo [corniste]

La petite note baltringue à souhait! Alors qui sont les voyoux? Il semble y avoir autant de cordes que de vents dans la bande des rebelles. Les Tolbecque père (violon) et fils (violoncelle) s’alliant au corniste Joseph-François Rousselot (frère du violoncelliste Scipion Rousselot), le violoncelliste Emile Dufour est de tous les scandales, le corniste Hippolyte Maury et le tromboniste Antoine Dieppo également n’ont plus leur réputation à faire, on retrouve leurs signature partout! Le contrebassiste Victor Verrimst et son look de gentil grand-père ne dupe plus personne; quant au hautboïste Felix Berthélémy, syndicaliste avant l’heure, il est de tous les mauvais coups! Mais qui sont ces gros thugs qui veulent la peau de Perrin?!

Et notre cher Sebastian Lee? Ou est-il en ces années tourmentées qui annoncent La Commune? Je pense qu’il est déjà reparti à Hambourg. Je n’en ai pas encore la preuve absolue, mais je perds complètement sa trace après le mariage de sa fille unique Caroline, à Paris, avec Jean-César Böckmann, le banquier hambourgeois, le samedi 29 juillet 1865. Il a pu choisir de ne pas adhérer au mouvement et considérer que parce-qu’il était étranger ou parce-que son salaire lui paraissait correct ou pour toute autre raison, sa participation n’était pas requise. Mais je pense qu’il s’était déjà retiré dans son Allemagne natale. Ce que je sais également maintenant, c’est qu’en 1866, le Premier violoncelle de l’orchestre de l’Opéra décède. Je ne sais pas encore qui il est, mais je sais que ce n’est pas Sebastian Lee.

Paris le 31 mars 1866

A Son Excellence Monsieur le Comte Bacchiocci

Monsieur le Comte,

L’emploi de premier violoncelle à l’orchestre du théâtre de l’opéra vient de devenir vacant par suite du décès de son titulaire qui, sans aucun doute, devra être remplacé sans délai.

M’appuyant, Monsieur le Compte, sur la recommandation de Monsieur le Comte de Komar, dont mon beau-père, Monsieur Raimondi était le professeur d’escrime, m’appuyant en outre sur les bons rapports que je n’ai pas cessé d’entretenir jusqu’à ce jour avec monsieur le directeur de l’opéra et avec le chef d’orchestre, je prends la liberté de vous demander de vouloir bien m’accorder votre puissant patronage pour obtenir l’emploi de premier violoncelle.

J’espérais que Monsieur le Comte de Komar aurait pu présenter ma requête à Votre Excellence mais j’ai appris qu’il était souffrant et j’ai dû me décider à m’adresser directement à vous.

J’ai l’honneur d’être, de Votre Excellence, le très obéissant serviteur.

Henri Lütgen, violoncelliste à l’opéra

Comme on l’a vu, Henri Lütgen, qui a dû relancer Emile Perrin pour toucher sa paye (tu parles d’une belle entente avec le dirlo!) remplaçait jusqu’à présent Emile Norblin, souffrant, et qui ne décède qu’en 1880. Donc ce n’était pas lui le premier violoncelle. La chasse au premier violoncelle est ouverte!

Epilogue

Pour le plaisir, voici un petit florilège de lettres choisies qui ne feront l’objet d’aucun billet mais que je trouve intéressantes.

Paris, 8 août 1854

A Son Excellence Monsieur le Ministre d’Etat et de la Maison de Sa Majesté l’Empereur

Monsieur le Ministre

La section de musique de l’Académie des Beaux-Arts avait fait une demande à Monsieur le Ministre de l’Intérieur pour faire accorder la décoration de la légion d’honneur à Monsieur Georges Hainl, membre de l’académie de Lyon, chef d’orchestre depuis de nombreuses années au grand théâtre de cette ville. Nous pensons que cette demande a été renvoyée à Votre Excellence, elle est d’ailleurs appuyée par monsieur [Claude-Marius] Vaïsse administrateur du département du Rhône. Il est de notre devoir de rappeler à Votre Excellence tous les services que monsieur Hainl a rendu à l’art musical dans la seconde ville de l’Empire. Il y a fondé une société philarmonique qui est dans un état de prospérité qui la met au premier rang: il a fait connaître tous les chefs d’œuvre symphoniques et dramatiques dont Paris semblait avoir le monopole. Lui-même comme exécutant marche sur les traces de [Adrien-François] Servais et de [Alexandre] Batta et a constamment montré un dévouement sans borne pour tout ce qui peut contribuer à la propagation de notre art.

[Page 1]

Lyon, le 5 janvier 1854

Monsieur,

Vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 25 décembre dernier au sujet de monsieur Georges Hainl, chef d’orchestre au grand théâtre de Lyon pour me faire part de la demande que vous et vos collègues de la section de musique de l’Institut avez fait en sa faveur auprès de Monsieur le Ministre afin de faire obtenir à monsieur Hainl la croix d’honneur et m’exprimez le désir que je rappelle cette demande à Son Excellence [NDLE: S.E dans le texte], en lui recommandant l’artiste distingué qui en est l’objet.

J’aurais été heureux, monsieur, de m’associer à vous pour faire rendre justice à un artiste distingué. Malheureusement, et comme l’a annoncé Le Moniteur du 27 décembre [NDLE: 1853] dernier, il n’y a pas de décoration accordée dans l’ordre civil. Cette déclaration a rendu, et je le regrette, tout mon bon […]

Monsieur Adolphe Adam, Membre de l’Institut, Paris

[Page 2]

[…] bon vouloir inutile. Une démarche en faveur de monsieur Hainl resterait actuellement sans résultat; mais quand un temps plus opportun arrivera, je me ferais un plaisir, en m’appuyant de votre opinion, de faire valoir les titres qui le rendent digne de la distinction que vous souhaitez pour lui.

Agréez monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Le Conseiller d’Etat chargé de l’administration du Rhône

[Claude-Marius] Vaïsse

Paris, Juillet 1852

Monsieur le Ministre,

Les artistes d’un talent éminent qui se résignent à habiter la province dans le but d’y propager les saines doctrines de l’art, ont plus que d’autres peut-être droit aux encouragement du gouvernement. Nous venons appeler votre attention sur monsieur Georges Hainl, violoncelliste distingué et chef d’orchestre du Grand Théâtre de Lyon.

Elève du conservatoire de Paris ou il avait remporté le premier prix de violoncelle [NDLE: en 1830], monsieur Georges Hainl, après avoir fait applaudir son talent dans cette ville ainsi qu’à Londres, Vienne, Berlin et dans les principales villes de l’Europe s’est fixé depuis douze ans à Lyon ou il dirige l’orchestre du grand théâtre. Grâce à ses soins et à son zèle infatigable cet orchestre est devenu excellent et digne de rivaliser avec les meilleurs de Paris.

Monsieur Hainl a organisé à Lyon de grands concerts à l’instar de ceux du conservatoire de Paris et a initié les Lyonnais à la connaissance des chefs d’œuvre symphoniques de Mozart et de Beethoven. Au théâtre il a rendu excellente l’exécution des grandes œuvres lyriques, celle du Prophète…

Rabble-Rousers of the Paris Opera

4 May 2024 / sebastianleemusic

Banner image: L’orchestre by Edgar Degas, 1870.

By Pascale Girard, translated to English by Sheri Heldstab

While my research at the National Archives is stalled, despite two trips there, I would like to tell you a story of a social movement that occurred in the 19th century.  This movement shows that musicians were a well-organized labor industry at the time.  Moreover, it clearly demonstrates that we did not wait until the present to invent the bean counter [accountant] who, due to an excess of misplaced zeal, makes drastic cuts without the slightest understanding of what they are doing or of the consequences of their actions. This is the story of the orchestra’s strife and the opposition they encountered in making themselves heard.

The Paris Opera has never been a financially profitable establishment. This has never been its purpose, and the performing arts have been able to survive through the centuries thanks to public subsidies, which have always been their economic engine. The reason for this centuries-long investment, which can be compared to Danaïdes barrel1, is that the Grand Opera of Paris serves as an example of the splendor of France, and nothing less! The best musical artists, the greatest composers, the crème de la crème of crowned heads and statesmen converge at the opera. The reputation of the establishment is international and, therefore, must be of the highest quality – one of the jewels of the nation. This is not just any venue with a troupe of a few troubadours. The Grand Opera of Paris is an establishment bringing together the best music of its time, and it survives with the public resources provided to it. Ticket sales are not enough to cover the necessary investments in costumes, sets, staff salaries, and building maintenance. It is also interesting to delve into the accounting books available at the National Archives to see that the opera has heavy, relatively incompressible, and extremely varied operational costs, without which, the caliber of the orchestra, which is the pride of its country, would not merit its international influence.

I offer you this note as an appetizer.  It was probably written in 1830, the year in which Louis Désiré Veron became the director of the opera. Also mentioned are François Habeneck and Henri Valentino who were co-directors of the opera orchestra between 1824 and 1831.

Portrait of Henri Valentino by P.C Van Geel

Below:  A rather harsh and idiotic memo from a bean counter, who reduces the opera to a commercial product — without having grasped the opera’s full artistic and, above all, political significance.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

Note (copy)

The current staff costs 129,500F [francs]. It is composed of 84 musicians, including the conductor. Mr. Veron is only required to keep 80 musicians, so he can dismiss 4 of them. It should be noted that Misters [François] Habeneck, [Henri] Valentino, [Pierre] Baillot already represent 17,000F between the three of them. Misters Valentino and Baillot are useless.

The orchestra of the Théâtre Italien [is] composed of 50 people (including the conductor) [and] costs 49,000F per year. Now, according to the rule of proportions, 50 is 49,000, as 80 is 78,400. The comparison is very fair because one cannot claim that as part of an orchestra, Mr. Kermel, flautist of the opera at 1700F is worth more than Camus, first flute des Bouffes at 1400F, that Mr. [François] Dacosta, clarinetist of the opera at 2100F is better than Mr.[Frédéric] Berr at 1400F, finally that Mr.[Louis François] Dauprat, first horn of the opera at 2500 is better than Sallay at 1400F.

There is more. By Mr. Habeneck’s admission, Mr.[Jean-Baptiste Philémon] Cuvillon, first violin at the Bouffes with a salary of 1000F, would not be out of place among the first violins of the opera.

So, although the comparison does not seem very fair, assuming that the director of the opera must pay the musicians individually more than [musicians make in the] Bouffes, I estimate that with 85 or 90,000F at the most you should have a beautiful orchestra at the opera. So it is certainly a savings of at least 42,000F.  ]

Ah, the bean counter is so certain of his facts! Have the numbers spoken? Has the sacrosanct rule of three2 struck again? Yes, alas. While François Habeneck did not retire until 1846, Henri Valentino will be retired by Véron, who followed the accountant’s advice in 1830. As for Pierre Ballot, first violin at the time, he left the opera for good in 1831 after 10 years of service. The desire for decreasing expenses would be recurrent at the opera. The demands of the employees will be recurrent as well. Let’s see what the musicians of the orchestra asked for 33 years later, in their letter of September 22, 1864.

This letter to Monsieur le Maréchal [the Marshall, or Mr. M], is addressed to a military cadet named Jean-Baptiste Philibert Vaillant, who held the post of Minister of Fine Arts from 1863 to 1870.

[Approximate Translation:

Copy of the letter addressed to H.E. [His Excellency] by the delegates of the orchestra

Mr. M[arshall]

Your Excellency may not be aware of the following [request?] made by the artists of the Opera to Mr. E.P. [Emile Perrin], their director, with the aim of obtaining a salary increase, because [our letter?] containing a statement of reasons in support [of a pay increase], was given to Mr. E.P., at the request of the undersigned delegates of the orchestra.

The director of the Opera opposed our complaints with a refusal delivered by letter, which he believed should have notified us, addressed to Mr. Georges Hainl, conductor, who simply read it to those concerned.

Regardless of the rigor of his decision, Mr. E.P. appeared to want to establish, by his disappointing response, a new right, the importance of which made it necessary for us to ask our conductor to give us a copy of Mr. E.P.’s letter, but this request, repeated many times, was consistently rejected.

Consequently, Mr. M., our present and future situation is rather poorly defined by default [as a result] of the latest refusal that we have just received. We thought of addressing ourselves directly to Y.E. [Your Excellency], we therefore have the honor of requesting an audience with you, in order to ask you first, Mr. Minister, for the response of Mr. E.P. concerning the question of the salaries of the Opera’s orchestra as the only solution that we find viable is with the Ministry of the Household of the Emperor, and then to submit for your high approval certain points of the response of Mr. Emile Perrin.

While awaiting a response and confident in Your Excellency’s usual goodwill towards artists in general, we have the honor…

The delegates etc.…

There is very little to be found on the cellist Emile Dufour, except for this entry in the Dictionnaire des lauréats du conservatoire de musique de Paris [Dictionary of Laureates of the Paris Conservatory of Music].

Dufour, (Paul-Emile), born in Paris, February 21, 1826. Cello: acc. 1847, 2nd prize 1850, orchestra of the Porte St Marin; lyric theater, opera December 1, 1852 to 1882; Pasdeloup concerts (soloist); Société des Concerts, October 15, 1867.

What an admission of failure of the negotiations between the opera management and the orchestra!

Director of the opera since 1862, Emile Perrin remained the director of the Opera until 1871, when he was dismissed. What is going on with Mister Director? We can assume that he didn’t appreciate the escalation of his employees, deciding to go to the Big Boss without going through him.

Marshall Vaillant, photo by Pierre-Louis Pierson, 1865

What we know with certainty is that the social movement had already spread widely in all Parisian theatres between 1864 and 1865, and that the press had already become involved. I offer you a newspaper article found in the papers of the Director, a sentence of which is quoted in the letter he sent to his superiors. The reason Emile Perrin had for keeping this article, which only speaks of musical theatres other than the Opera, is that he rightly thinks that the condition of the musicians of the Opera orchestra is considerably better than that of the musicians of the other theatres.

Emile Perrin, Nadar Photography Studio [atelier Nadar], undated, BnF collection

Article from the newspaper Le Temps. Date unknown (circa early 1860’s).

[Approximate Translation: We announced yesterday that the musicians of the Paris theatres had decided to go on strike if they did not obtain from their director a notable increase in salary. It is good that, on this point as on all others, the public should be informed of the situation of the complainants, and should be able to appreciate, with full knowledge of the facts, the justice or injustice of the claims which arise. We do not wish to deal today with the orchestra of the opera, placed in special conditions and to which we propose to return. We will limit this presentation to musical theatres and ordinary theatres. In the Opera, the role of the orchestra is considerable. The artists who compose it are for the most part musicians of great talent, and some, the soloists particularly, are true virtuosos, holding the first rank among the instrumentalists. Now it takes decades of study and special aptitude to be a soloist, and once this goal is achieved, one is more or less assured of a salary often less than 1,400F and not exceeding 2,000F. In these same [musical] theatres, the quartet, with the exception of the section leaders, receives a salary which varies between 60F and 80F. There are second violins at 50F. It will be noted that the orchestra is obliged to have numerous rehearsals during the day, and that the musicians have almost no possibility of obtaining, through other work, any supplemental income. In the theatres of drama and vaudeville, it is even worse, and men, forced to spend 365 evenings in a theatre, their eyes burned by gas3, their heads weighed down by the story of a boring drama repeated a hundred times, receive (we are talking at the most) two francs fifty centimes per evening. There are some who are given thirty francs per month, one franc per day! As it is only too common to measure people’s worth by the profits they make, we can judge the esteem enjoyed by musicians even by the directors who make their situation so miserable. Since the reorganization of military music (and only in the guard), some have combined the profession of individual gagiste4 and that of orchestral musician, but these are exceptions which only highlight the inadequacy of ordinary salaries. We could cite a theater where the musicians, in addition to their evening service, must do two rehearsals per week, which fixes on average the remuneration for working hours at 35 centimes. [The cost of] Everything has increased, both food and rent, especially for musicians who, by the nature of their occupation, cannot go and live in outlying districts. However, we know some who live for economy purposes in the Malakoff Tower and in the main street of Saint Ouen. They go home at two o’clock in the morning. However, orchestral musicians are increasingly poorly paid. The excess of evil has therefore ended up bringing these unknown martyrs out of their torpor, and today they want their salaries to be fixed as follows: 200F per month for all soloists, 150F for all others. Otherwise, [if they remain] paid less than the workers, they will use the benefits of the law on work unions and go on strike; and then, no more tremolo at the entrance of the traitor, no more joyful flourishes at the entrance of the comedian, no more of these musical interludes in situations which add such great interest to the silent play of the actors, and everywhere the curtain will rise coldly, as for the successful plays of the Comédie-Française5. Will things be allowed to come to this extreme? We hope otherwise. The directors must take notice. Let them carefully examine the situation of these modest musicians, let them realize their needs, let them come to an agreement with them, and let the example of Mr. Ducoux6 and his coachmen4 not be lost on anyone.  ]  

What follows is a draft of the letter that Emile Perrin sent to his superiors when he learned of the orchestra’s action against him. And, we can say with certainty – he was not very happy.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate translation:

22 September 1864

The complaints of the orchestra’s artists concern two points

1. The low level of their treatment

2. The situation of the retirement pension fund

On the first point:

It is true that the musicians are poorly paid. The same can be said of all the numerous persons in the employ of all the theatres. The salary is low because the competition is great and recruitment is easy: a lot of study is required to train a good instrumentalist, the liberal professions, the administrative services, the military profession, also demand from those who embrace these various careers long work, hard sacrifices in return for which more than one man of merit often finds only a precarious position. M[ister] M[arshall] the musicians therefore complain of a malady [crossed out: general] from which they do not suffer alone, which is very difficult to remedy [crossed out: because once again, the remuneration is lowered because of the number of competitors rather than being proportionate to the value]. The general budget of the orchestra of the Opera is 147,300F. This budget is broken down as follows:

32 musicians at 1200F,
35 musicians at 1200F to 2000F,
13 musicians at 2000F to 2800F,
2 conductors, a principal at 12 000F, a second at 4000F
{= 147,000F}

On average these salaries are higher than those of all the other musical theatres in Paris, without counting the almost certainty of a retirement pension. Because the benefit of this pension is mainly achieved by the musicians of the orchestra whose services can most easily reach the tenure prescribed by the regulations.

Furthermore, it is fair to observe that this very fact of belonging to the orchestra of the Opera increases and facilitates for the [crossed out: artists] instrumentalists the various resources that they can draw from their art, either in concerts or through lessons, and to respond to this grievance articulated in the petition submitted to His Majesty that the greater part of their time is required by rehearsals, it will suffice to say that this year when the work has been most intensive, the orchestra’s general rehearsals have been 24 in all. In short, there is no doubt that the artists of the orchestra are worthy of interest. But what will be done for the orchestra, will have to be done for the choirs, for the ballet, for the stagehands, for the workers, for all these numerous personnel whose complaints will have to be accepted in their turn. It would be a complete reorganization of the budget of the Opera. The current resources would not be sufficient since the budget can barely maintain a balance.

On the second point

M[ister] M[arshall] the musicians [crossed out: seem to show concern about] affect to be concerned about the current situation of the retirement pension fund. This is first of all a bit of ingratitude because this fund is one of the heaviest burdens weighing on the budget of the Opera. It would be easy to prove that it costs it more than 100,000F annually. But they know very well that a performance for the benefit of the fund is allocated for Sunday [Editor’s note: October 3, 1864]. The committee has requested that we especially perform “Roland à Roncevaux” [Editor’s note: opera by Auguste Mermet] and the director has endeavored to subscribe to this desire. [Author’s note: to read the review of this concert, see here.]

That the artists of the orchestra [added above: rest assured] ask that the apprehensions they have for their retirement be put to an end. I believe that [crossed out: this is going very far down the path of mistrust] these apprehensions [illegible] are unfounded. They know very well that the fund currently has sufficient capital to ensure the service of pensions at the time when these pensions will have to be paid, that the arrears which may have been established by circumstances independent of the will of all will be filled before handing over to the Emperor a sort of complaint which seems to accuse the management of the Opera, the administration of the theatres, the general superintendent and the minister of indifference, they should have been more certain that their claim was just and well founded.

The complaint that they had no fear in sending to the emperor.

The [financial] interests of the fund as regards performances are administered by a committee composed of the various heads of department of the Opera and chaired by the director. This administrative framework has a drawback. The initiative is lacking, does it belong to the committee? Should it come from the director? The intentions are good but the unity of action is lacking, [by the time] we officially arrive at a conclusion [illegible] the next day time is lost and the backlog is created.

Their interests [income] are in no way compromised. The situation of the fund is good. It currently has a capital of 1,140,000F. This capital should be more considerable, it is true. [illegible] to regret that we have allowed [crossed out: it is true] a backlog of performances to build up. This was due to several causes. Firstly, because of the difficulty of organizing successful performances, to the circumstances which have often hindered performances, and because of the complications which have arisen. This year has two favorable periods, it was necessary to give two of these extraordinary performances, [in the margin: urgently and by order of His Majesty] one for the benefit of the authors’ fund, the other for the benefit of Mr.[Hugues] Bouffé [Author’s note: The retirement performance was played on November 17, 1864, and it is Napoléon III in person who ordered that the Opera to be placed at the disposal of the artist. The takings of the evening amounted to more than 25,000 francs.] This debt had already aroused the solicitation of His Excellency the Minister of the Household of the Emperor. He gave orders that measures be taken for the organization of a party similar to that which in 18– paid into the retirement pension fund the sum of …

Some newspapers have announced that the artists of the orchestras of the theaters of Paris have decided to go on strike if they do not obtain from their directors a notable improvement in their salaries. « Let the directors take notice, » says one of these newspapers, “that the example of Monsieur [François Joseph] Ducoux and the coachmen are not lost on anyone.”  [Author’s note: Ducoux had to deal with a social movement and a strike by his coachmen from June 16 to 23, 1864]

The example could be better chosen with regard to the success of the coalition [labor union] first, then especially with regard to the artists who count in their ranks real notables and who must be poorly flattered by this strange assimilation. But since we are appealing to Opinion on this subject, it may be opportune to put before the eyes of the public facts and exact figures.

First of all, and this is the most topical aspect of the question, [crossed out: is it possible] is the strike, i.e., the sudden and simultaneous cessation of the service of the musicians of the orchestra in all the theatres to be feared, is it admissible, can it even enter into the minds of those to whom we attribute [crossed out: a little lightly we can spread the dimension] this plan?

In all theatres where the orchestra is seriously established, the artists are [crossed out: attached] bound to the director by a contract whose duration and conditions are freely debated and accepted. Usually, the duration of this contract is one year and each year, it is renewed [crossed out: from year to year] on the condition that the two contracting parties, director and musician, must notify each other six months in advance in the event that [crossed out: they would not agree to the renewal] one of the two would be [illegible] [illegible] to terminate this contract. The artist is therefore always [crossed out: free] able to regain in a very short time his freedom to use his talents more fruitfully, if he finds his condition bad, if a better one is offered to him. But to violently break a contract is to put oneself outside the law, it is also to expose oneself to the damages, to the prosecutions that this break can entail, in particular to the payment of the offense reported in each contract. We can therefore affirm that this threat of striking, if it is true that it has germinated, [crossed out: illegible] some ardent minds, cannot meet with a serious [crossed out: approval] adherence on the part [crossed out: artists in their great number] of the majority. Musicians better informed about their duties and their true interests. Let us now come to the remuneration whose insufficiency is, it is said, of a nature to justify this extreme measure of refusal to work. The following table gives the composition of the personnel of the orchestra in each of the four great musical theaters of Paris, the total figure of the budget of this service, and the average of the salary by each artist [Author’s note: the table has been drawn but is missing the data]. The Théâtre Italien is only open for seven months, the Théâtre Lyrique is authorized an annual closure of two months, the Opéra and the Opéra-Comique are the only two that play all year round. The Opéra-Comique alone plays every day of the year. The statutory number of performances at the Opera is 182. The number of rehearsals is on average 25 to 30 per year. These rehearsals always take place in the evening. The musicians attached to the orchestra of the Opera therefore have free disposal of all their days and [crossed out: a little less than half] [illegible] of their evenings. They can therefore draw other profits from their talents, either as a teacher or as a virtuoso. It is [crossed out: therefore] completely false to [crossed out: claim] to say that “the musicians have almost no possibility of obtaining an indispensable supplement to their income through other work”. On the contrary, the musicians of the Opera enjoy for the most part a notoriety that makes the supplemental income easier for them to find. For many of them, the salary they receive from the orchestra of the Opera is not their most lucrative resource but [crossed out: it is no less one] it is a stable position sought by all the instrumentalists [crossed out: because it is attached] to whom are attached moreover other very special advantages.

As soon as the Opera returned to the control of the emperor’s household, the administration hastened to re-establish the pension and retirement fund. However, the reserves of this fund are formed not only from its regulatory deduction made from salaries but also and above all from special endowments and donations made for its benefit by the administration and absolutely at the latter’s expense. This is not [crossed out: moreover] the only improvement that can be noted. For some years now, the salaries of the artists of the orchestra have increased significantly at the Opera. In 1832, the average salary was 1,167F, in 1848 1,392F, in 1854 1,398F. Today it is 1,687F. This improvement therefore follows a progressive [crossed out: regular] [crossed out: progressive, noticeable] course that the administration only asks to hasten by its own initiative but that any semblance of constraint would tend rather to delay. What we [illegible] the Opera is also true for the other theatres. The movement is the same there, the intentions equally good. When it is a question of a staff whose good or bad dispositions can improve or compromise the performance and consequently satisfy or displease the public, the interest, of course, of any director is to give in as far as possible or rather to anticipate the complaints himself. But any means of coercion [by the staff] would be supremely improper, because once again, between the theatre administrations and the musicians, transactions are absolutely free[employment at the theater is voluntary]. The current rate of salaries has been established by the natural force of things, without surprise or any pressure whatsoever. There are many instrumentalists, so many that for some years now, considerable competition, the growth of opera houses, the establishment of a few public concerts, some of which have achieved a well-deserved popularity, the general spread of taste and the study of music have not been able to significantly raise the salaries of orchestral musicians. This is because production [the number of musicians] is even greater than demand. The day the situation changes, or musicians find more advantageous remuneration outside the currently existing theatrical administrations, the day more numerous and equally secure outlets open up to them, that day their demands will become just, will necessarily be accepted and their [condition?] will improve by itself, without effort, without crisis, by the simple fact of the natural balance that is established between supply and demand. [Note in the margin: The Conservatory classes alone provide 140 instrumentalists, not including the piano classes which are not applicable to the question before us]

So far, interest can be attached to a class of musicians whose position is modest [crossed out: and several of whom] count among them men of real merit. But do they have the right [crossed out: to do themselves justice] to show themselves so impatient and to try to do themselves justice? It is said that it takes years of study to make a good instrumentalist, it is true, but in the administration, in the army, in the university, in the arts, in the liberal professions, how many [crossed out: modest] positions poorly paid require a sum of work and skills at least equal [as demanded of most artists attached to the orchestra of the theaters of Paris] to those that a musician must possess to be attached to the orchestra of a theater.  ]

We can clearly see that the director has carefully considered his argument against the demands of his recalcitrant employees. I find that many of his arguments are fallacies, starting with the fact that the conservatory produces a plethora of musicians every year. But seriously? It is not reasonable to compare the exceptional virtuosos in the ranks of the opera orchestra with the general public at the conservatory! Each year, there is only one first prize for each instrument. Even the conservatory distinguishes between the truly exceptional students and the other students who complete their apprenticeship, which makes this law of supply and demand a downright ridiculous claim. But things are not going to get any better for Emile Perrin and his elaborate rhetoric is not going to be enough to calm things down. On the contrary, the year 1865 will see a new escalation that will most certainly test the nerves of the director.

We do not know the resolution of the social movement of the Autumn of 1864, nor whether there was intervention on the part of the emperor. On the other hand, we do have a note from December 1864 which seems to propose some elements of negotiation.

[Approximate Translation:

December 1864

Note[memo]

Because [of] the three attached reports, Mister First Conductor of the orchestra proposes the adoption of the following measures:

1. A salary increase of 300F in favor of Mr. [Louis-Ferdinand] Leudet, solo violin, third conductor

2. The admission without audition, contrary to the regulations of May 5, 1821, articles 259, 265 and 266 of Mister [Henri Joseph] Dupont as horn player at a salary of 1,600F to replace Mister [François Antoine Frédéric Auguste] Duvernoy, who is asserting his retirement rights and whose salary was 2,200F.

3. A gratuity of 300F to the benefit of Mr. [Antoine] Halary, fifth horn as replacement

If it is up to the head of department to draw the attention of the administration to those musicians under his command who, through their good services and the talent they have demonstrated, have deserved encouragement or advancement, it is up to him [crossed out: in the same way] above all to only make his requests after having made sure of the possibility of obtaining their realization, particularly with regard to the administrative and financial part of the establishment [illegible] a step contrary to the system of prior agreement on the issues in question.]

Below are the mini-biographies of the interested parties found in the archives of the Paris Conservatory, which has kept a detailed register of all its prize winners since its creation. For many musicians, this is the only trace that remains of their musical career and it gives us valuable information about their careers.

However, on 28 May 1865, Emile Perrin received a new letter at his office, and it was still the same!

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

To the Director of the Imperial Opera Theatre

Sir,

We, the undersigned members of the Committee of Musicians of the opera orchestra, having a communication to make to you on behalf of our colleagues, ask you to kindly indicate the day and time when you would like to receive us.

We have the honour, Sir, to ask you to accept the expression of our respectful feelings.

28 May 1865  ]

The tone of this letter from the committee is formal and courteous, but also determined, and there is no « devoted servants », or indeed a complimentary close of any sort, in this letter. The artists seem ready to fight!

On receipt of the letter, Perrin again warns his superiors before the meeting. The draft of his letter tells us about his state of mind and suggests that this committee of the opera’s musicians is a recent creation.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

Mister Minister [below in pencil « Mister Superintendent »]

I have already had to report to Your Excellency on several occasions a certain excitement among the musicians of the opera orchestra. This permanent state of irritation, of resistance, has compromised the proper execution [of a performance] more than once. It tends to create serious embarrassment for the administration.

I was informed that for some time, meetings had been organized outside of management, without the conductor’s knowledge, meetings for which the musicians discussed their interests, and agreed upon their demands. Today, what was only a presumption becomes a reality. I received from a committee elected by the musicians of the orchestra, a letter in which the members of this committee, 8 in number, ask me to make, on behalf of their colleagues, an important communication.

So here is a committee, that is to say [“C.A.D” in the original text] a sort of authority created by the artists outside of the regulations, away from their direct leader to whom they have not even made known the nature of their requests or their complaints, who has not been consulted by them, who I suppose to be ignorant of everything. In order to re-establish the hierarchical principle, I demanded that the conductor be present at the meeting which is scheduled for the day after tomorrow, Thursday.

But before this meeting takes place, I believe that it is easy to foresee the points on which the musicians’ complaints will bear, to examine the merits of their requests, to decide whether their requests should be accepted [crossed out: “the part that could be given to them”], to prepare finally for the eventualities that a debate between the administration and the musicians may bring about, and finally a work stoppage on their part since this has already been discussed among them.

The musicians’ demands can be summed up as follows. First, a salary increase, then, the claim they have already expressed to administer themselves, that is to say [“C.A.D” in the original text] to control the orchestra outside of the administration and their leader, their service which is indicated to them, the orders which are given to them, to put, in a word, their personal preferences in place of the regulations and obligations which they have agreed to.

There is no need for a long examination to do justice to this claim. It is authority disregarded, administration made impossible, discipline annihilated.

The request for a salary increase would seem more admissible. But in what circumstances, in what way is this increase requested? As much as the administration of the emperor’s householdis naturally inclined to improve the situation of all those [added above: « of its employees »] who understand how to deserve his benevolence, it is the emperor’s household administration’s duty to resist what resembles pressure, any intimidation, it must firmly refuse what seems to be demanded of it as a right.

Since the opera house has been in the emperor’s house, this improvement in small salaries has occurred through a spontaneous, gradual and constant movement. Today, to stick to the orchestra, the general budget for this service, I am talking about the permanent staff, is 148,505F, it was in 1854, [added above “direction of M.[Nestor] Roqueplan”] 118,000F. In 1832, (direction of M.[Louis-Désiré] Veron), 94,550F, in 1831 (old civil list) 129,000F. It is easy to see by comparing these numbers whether the private administration would be as genial as that of the State.

On average, the salaries of the permanent members of the orchestra are approximately 1700F per person. There are no salaries below 1200F. What is their statutory service? 182 performances per year, approximately 25 to 30 rehearsals, or 212 evenings, because the orchestra never rehearses during the day, so all of their days are free and the artists can use them to give lessons or to make any other additional income using their talents.

Compare this service to that of the musicians engaged in the orchestra of the opéra-comique and the théâtre lyrique who play every day, rehearse in the morning, and for less remuneration the opera orchestra musicians have half as much work.

But, say the musical artists of the opera orchestra, it is a fair proportion that it is our dignity to establish the salaries of the artists of the stage which are no longer in relation to ours. It is true that the salaries of the singers have increased in a frightening way for some years, that they tend to increase every day. But this is a law that we must submit to. The inflexible law of supply and demand. The artists that the foreign theaters in London and Petersburg compete for demand from us a price fixed by this competition. It is not with a light heart, it is in spite of its resistance that the opera has seen the budget of the singing artists which in 1832 was 297,600F, rise, progressively and [illegible] in 1865 to the figure of 890,000F. And at this price even, the opera has difficulty in obtaining singers. If any artists in the orchestra should be missing, the opera will replace them immediately, and even if they all leave the opera at once, the reconstitution of an entire orchestra in a fairly short time is not an impossible thing. We are touching here on the heart of the matter. For I know what the opinion is, I would not say of the greater and healthier part of the orchestra, but of a few leaders who are pushing the others to extreme resolutions. I know that the question of a work stoppage has been stirred up. [crossed out: The wind of the strike is also blowing from that side]

That the members of the orchestra of the opera assimilate [illegible] themselves to the workers [crossed out: this is doubtless a fact, but it is even less their right] and [the workers] think of going on strike in their turn, is certainly to take little consideration of their dignity, but it is above all to be singularly mistaken about their rights. [Illegible] the particular enterprise of the members of the orchestra, like the choristers, were attached to the opera by contracts that were renewed each year and which linked the musician and the administration, except in cases of breach provided for by the regulations. Today, under the empire of the old general regulations of 1821, the musical artists of the orchestra are simply admitted. But under the terms of these regulations, the administration can only separate from an artist by notifying him 6 months in advance. The obligation is reciprocal. So, one of two things. Either the musicians of the orchestra are bound by a synallagmatic7 contract renewed from year to year by tacit agreement, or subject to the regulations they can only withdraw by notifying their intention 6 months in advance. The artists of the orchestra are therefore not free, they are bound by a contract, and if they were to breach it violently, they would expose themselves to legal action and the payment of damages.

It is to be hoped that it will not come to this extreme, but this regrettable possibility of a work stoppage, the administration must prevent it and not be too frightened by it, because it would be the end of a state of crisis that has lasted for too long. [crossed out: “or should we try to prevent this supreme crisis by seeking out the recalcitrants, the instigators, and by striking them, if there is still time?”]

One more word on the financial question, it seems only secondary here, but it is indeed important. This salary increase, if granted to the orchestra, will have to be granted to all the other services, because they are all demanding it. If the operation were not onerous for the civil list, the administration would easily give in to its natural instinct of generosity. But since the opera has been in the emperor’s house, all the annual budgets, except that of 1863, have ended in deficit, and the total of these deficits amounts to more than 700,000F. When the claims of the artists of the orchestra are formulated in a precise manner, I will have the honor of submitting them to you immediately [crossed out: « to his Excellency »] but I believed it necessary to notify your Excellency today, in order to be able, if necessary, to take your instructions beforehand. I have the honor to be ………]

I confess to being shocked by the content of this draft letter to the hierarchy of the director of the opera. I have no doubt that the final letter was, in substance, of the same ilk. To assert that the musicians of an elite orchestra like that of the opera are interchangeable and easily replaceable elements shows at best a gross defamation, at worst a spectacular ignorance of musical and lyrical art. This recurring argument of Perrin makes him, in my eyes, the villain of the story, although he was, in turn, a victim also, as we will see later.

Georges Hainl, date and artist/photographer unknown

Above all else, the letter addressed to Perrin shows a breakdown in trust between the musicians and their conductor. But Perrin is not going to stop there and he is quick to bring the conductor into the loop. At this point in the story, it is the cellist Georges Hainl who has been conducting the opera for 2 years. I digress here to say that I have found an incredible number of letters from the latter who worked on the direction of the opera in order to obtain the position. He used all possible strategies over an incredibly long period of time (months!) to be able to access these functions: recommendations, insistence, supplications, these letters to the director could be the subject of an article in their own right and what emerges from this strange application, spread out over time and tedious, is that Georges Hainl was probably not the preferred candidate for this position that he seems to have ended up obtaining by attrition. This is also the case for his previous position as conductor at the Grand Théâtre de Lyon, which he inherited through nepotism on the part of his brother who placed him there after leaving the post himself. George Hainl is an ambitious opportunist, but does he have the skills required for this position? Nothing could be less certain. As for Perrin, who has no training as a musician, it is undoubtedly his connections that elevate him to the position of director of the opera, he who was originally a simple set designer. In any case, he has the right instincts in confronting Hainl on the reasons for the orchestra’s musicians’ distrust of Hainl’s authority.

[Approximate Translation:

28 May 1865

My dear Georges Hainl,

Eight of the members of the orchestra, Misters. [Adolphe] Leroy, [Jules] Garcin, [Alexandre] Tilmant, [Felix] Berthélémy, [Hippolyte] Maury, [Emile] Dufour, [Alfred] Viguier and Baraud-Mainvielle have just sent me a letter in which they ask me to assign a day and time so that they can speak with me on behalf of the committee of which they are members, on behalf of their colleagues.

The musicians of the orchestra will always be welcome and they can be assured in advance of my entire good will, if they ask for something fair and within my power. But I was unaware, I confess, of the existence of a committee of musicians of the opera orchestra and I could not acknowledge any relationship between the musicians of the orchestra and the director without the hierarchical intermediary of the conductor. Nothing must happen without his knowledge or in his absence. Please tell these gentlemen that I would have great pleasure in receiving them and you, next Wednesday at 2 o’clock, and that I will listen to them with all the attention, all the interest that the questions relating to the opera orchestra demand.

Please, my dear Georges Hainl, accept the assurance of my most sincerely devoted sentiments.

The director of the opera

Emile Perrin  ]

Subsequently, things seemed to have completely degenerated, as described in this letter addressed to the Prefect of Police of the city of Paris:

[Approximate Translation:

Paris, 2 May 1865

Note for Mister [Charles-Gabriel] Nusse [head of the Paris Police]

The head of the municipal police is requested to exercise suitable surveillance near the meeting of the musicians of the Opera orchestra which is authorized for May 3 without indication of time, rue Rochechouart in the concert hall of Misters Pleyel, Wolff, and Cie to choose from among them the members of a committee which would examine, with the management of the Opera, the state of their current position and to report on this surveillance by a special report.

Chief of Staff

Bureau Chief

Eugène Humbert

(Communicated to the director of the Opera on Wednesday, 3 May at 2:30 p.m.)  ]

But even within the ranks of the insurgents, the feelings are not unanimous, and although one senses that the movement is rallying a majority of musicians to its cause, there are a few sheep who have strayed far from the flock and, of particular interest, the stray sheep consist primarily of those in the lowest paid positions.

[Approximate Translation

To Mr. Emile Perrin, Director of the Imperial Academy of Music

Mister Director,

I have the honor to inform you that since July 29, I have sent to the men of the committee of the orchestra of the Opera my withdrawal with a prohibition of the use of my name or my signature.

Please accept, Mr. Director, the assurance of my highest consideration.

[Théophile] Semet [cymbal player]

Orchestra artist [musician] 24 August 1864  ]

Let us now examine, if you will, the accounting realities of orchestra salaries over time and see if Mr. Perrin’s claims are correct in terms of increases in salary following “a spontaneous, gradual and constant movement”, since it just so happens that we have these figures written in black and white.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Well, we immediately see that compared to what the press reports about the miserable salaries of orchestra musicians in Parisian theaters (as a reminder, on average 200F per month for a soloist and 150F for all the others), we must add a zero, or even more, to almost all the salaries. On the other hand, we note that the two extremes of the table, the year 1830 and the year 1864, have almost equivalent salaries. There was a big drop in remuneration during the period following the First Restoration, after the revolution of July 1830 and the letter from the bean counter whose note has reached us. Salaries plummeted, everyone lost between 100F and 600F of income, which seems enormous. The February Revolution (1848) seems to have generated less chaos but there is no data between 1850 and 1853. On the other hand, nothing changes very much for almost 10 years. It is enough to compare the table of the progression of inflation during the 19th century carried out by Olivier Berruyer to see to what extent salaries are not correlated with economic reality, in particular inflation. It is therefore absolutely not surprising that the musicians of the opera orchestra feel financially disadvantaged, because if these salaries are good salaries for the time, they have tended to fall over the 30 years for which we have data, and above all, they have been completely frozen since Perrin’s arrival in 1862. His argument consisting of praising the natural generosity of the administration and the improvement of small salaries that would have occurred « by a spontaneous, gradual and constant movement » is pure invention on his part. The progression of salaries is paraboli, and painfully climbs back up from 1860 to reach a plateau phase. However, Perrin’s argument that rehearsals are in the evening and that musicians have the whole day free reminds me of the rhetoric of the detractors of National Education who claim that teachers have life easy because they have all the school holidays. This is obviously ignoring the time spent preparing lessons, correcting papers or practicing an instrument, learning pieces before rehearsals. In short, I am as astounded by Perrin’s inaccurate claim as Hainl was.

Another striking fact is that we can see how the salaries of the orchestra musicians are not similar to each other. Contrary to what Perrin would have us believe, not all musicians are treated equally and some have real reasons to complain. For example, the third oboe’s salary, which was 35% lower than the second oboe’s salary, has effectively decreased and is struggling to regain the salary of 1830, but this salary in 1864 has not changed for 5 long years. If we compare it with the third double bass, who is paid only 7% less than the second double bass, it is enough to make one’s teeth grind.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Clearly the gaps are widening, particularly between the woodwinds and the strings. The second bassoon is much worse off than the second clarinet, who was paid 300F more. As for the French horns, their salaries are decreasing more slowly depending on whether you are first or third French horn compared to all the other instruments: the 2100F salary for the third horn is more than the First viola or the First contrabass. There seems to be no consistency and the salary scales seem random; as if everyone could negotiate their pay personally, without taking into account the other members of the orchestra. It is very surprising!

Yet again, the woodwinds seem to me to be at an advantage. The French horns2 in particular. The second French horn saw his salary increase by 25% over the last 10 years. On the other hand, the second trombone who had gone up to 1700F in 1842 found his pay diminished to 1300F in 1849 and received 250F less than the second French horn. That is harsh… Unless it was a change of musician, younger and less experienced. Unfortunately, we do not have this information, but it is quite likely. Who would accept such a salary change from one year to the next?

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

So here are the lowest salaries exposed. There are many salaries well below 1200F, contrary to what Emile Perrin states. This dear Théophile Semet, the cymbal player with the curly hair and the foreboding look, who dissociates himself from the movement of the rebels of the orchestra, is part of the percussion section which definitely seems underpaid. Obviously, there is always worse. There are some who do not even receive the salary that is owed to them.

[Approximate Translation:

Mister Director,

Allow me to remind you of your kind promise to be willing to take care of it if there is a possibility of acquiring the salary owed to me in replacement of Mr. [Emile] Norblin [cellist, son of cellist Louis Norblin].

[illegible], Mr. Director, the assurance of my highest consideration.

Henri Lütgen Paris, 30 December [18]64  ]

Henri Lütgen photographed by Pierre Petit, collection Gallica, BnF

Now, let’s just jump to 1866 and read a letter from Georges Hainl to Emile Perrin concerning the salary demands of one of the orchestra’s musicians, first desk.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[ Approximate Translation:

Paris, 14 March 1866

My dear Mister Perrin,

[Antoine] Dieppo leaves my house, I told him that his salary was exceptional, that his recompense had more to do with his reputation than his ability to play his instrument, that in my opinion; apart from his person, it was impossible for me to equate the position of first trombone with that of first flute, clarinet, oboe, etc. that this was the reason why no increase had been given to him.

I believe I have acted well, in a [illegible] in no way to share. He has, he told me, put off his decision for the end of the year.

In closing, Dieppo asked me if I would be upset if he wrote to you.

I answered no, stating that the work done had been approved by the minister and [illegible] screened.

I inform you of this fact so that your response is consistent with mine.

[illegible] also the most devoted of your servants

Georges Hainl  ]

His writing is horrible! And I am not just talking about his penmanship, but about his style. Compared to the many letters I have read in the archives, which came from people of much lower social rank, writing to ask for an audition or a job as a handyman, Georges Hainl really stands out for his mediocre prose.

As for Antoine Dieppo, He would definitively leave the orchestra of the Paris Opera in 1867, a few months after this meeting with Hainl. Dieppo was a very prominent trombonist, a professor at the Paris Conservatory of Music, he did not need the position of trombone at the opera. He certainly held it for pleasure and also because it was the most esteemed orchestra of the nation, as mentioned above. It was a prestigious position. The first trombone was paid 2500F in 1864 according to the registers that we have. The first flute had the same salary, as did the first clarinet. The variable increases in salaries from 1865 onwards must therefore have created disparities that did not previously exist between the principal musicians and, at the same time, stirred up rivalries. This will cost the Opera the best trombone in Paris, however much Hainl questions Antoine Dieppo’s quality as a trombonist. The boor!

It should be noted, however, that this complaint comes from one of the highest paid musicians in the entire orchestra, but his pedigree allows him to make this claim.

But let us now continue our investigation into the demands of the orchestra in 1864 and 1865, during the rehearsals of l’Africaine, an opera by Giacomo Meyerbeer. Here is a response that (I think) comes from Emile Perrin to George Hainl. We do not have the initial letter written by Hainl, but given the response, we can guess its content. Extreme intentions seem to be reprimanded in a clear and definitive manner. It is not certain, however, that the opinions given are indeed that of Perrin. Was the latter simply repeating the orders of the ministry? It is very possible, because he who claimed, in the letter above, to be able to replace any musician in the orchestra without too much difficulty has changed his tune. The tone of the story is very different now.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

Mister and dear Master,

I deplore [the behavior] like you, and I am unfortunately not suffering for the first time from the spirit of indiscipline which animates the orchestra of the opera. This same spirit, less violent in other organizations, nevertheless exists and makes the administration a thankless and painful task. This is due to the very organization of the theater and above all to a cause which I have no business assessing.

I had to inform you of these difficulties with which we must constantly contend. As far as I am concerned, Sir, I like to believe that you do not have to articulate a complaint. Full of respect for you first, then for the mission that you had accepted, you knew of the eagerness and deference with which I placed, at your disposal, all the elements that the opera can have. All the Heads of Department with regard to the music have obeyed the impulse that you gave them and made themselves the interpreters of your thoughts.

For more than 4 months since the [theatrical] studies of l’Africaine began, they[the studies] have continued without interruption other than those that are instigated by cases of force majeure and the inevitable indispositions in a certain space of time. We have now arrived at the orchestra rehearsals. This is the decisive test [crossed out: at this moment] where the whole of the work emerges for the first time. It is at this moment when you most need the attentive zeal and the ardor that you encounter in the orchestra, this feeling of insubordination which offends you all the more because it seems to you likely to compromise the proper execution of the work entrusted to you. I understand your irritation very well and there is enough there to justify the severe opinion that you express in your letter this morning. But finally, Sir, these elements, however defective you judge them to be, it is not for me to change them, or even to modify them in the short term. You have to live with this enemy and make the best of it.

God forbid, Sir, that I should place [crossed out: to bring up] the responsibility for the unforeseen [crossed out: accidents that cannot be prevented] on you. Yesterday, Mrs. [Marie] Battu missing from the rehearsal, the permission granted by the choirmaster [crossed out: which you were refused permission] to allow his staff [crossed out: you to the choirs] to withdraw after the reading of the 4th act. These are unforeseen accidents. When the rehearsal was adjourned somewhat unexpectedly, I took the liberty of asking you if there would not have been a way of employing [crossed out: of using] another hour of work to repeat the pieces in which neither the choirs nor Mrs. Battu were needed. I was expressing regret, that’s all, Sir. I have absolute confidence in the direction you are giving to the musical studies of l’Africaine and in the result you will deliver, even passing over certain derailments that [crossed out] are more painful to me than to you. But you know that our common desire is to arrive at this result as quickly as possible. Allow me therefore to insist with you on this fact alone that orchestral rehearsals should be as long and fruitful as possible so that there are fewer of them. No doubt the orchestral artists who complain [discreetly?] [will] complain even more about [illegible] working longer hours than about the frequency of summons[rehearsals]. I know well, Sir, as you said yesterday, that they must obey and conform to the orders given to them. But [crossed out; although] while being very far from making myself an advocate for their cause, I am forced to accommodate their irritable disposition and I am forcing myself to navigate around a situation that should be tackled head on.

I also ask you, Sir, to [crossed out: be so kind] to give me your precise instructions so that the work is well decided in advance between us and that it does not suffer any delay or hesitation.

Once again, Sir & dear Master, believe…  ]

Someone has just taken what should be called a thrashing, I think there is no better word. But the thrashing may have come from higher up. Not having the exact date of the above letter, it is difficult to create cause and effect links, but I would bet that, if the following letter has nothing to do with the previous one, it shows that no matter how much you are an opera director, you are also at the mercy of the organizational level above you. This ‘buffer management’ position, as we would call it today, has some very uncomfortable aspects. Let us acknowledge Perrin’s difficulties.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

20 May 1864

Princess,

It took nothing less than the omnipotence, and even more, the most gracious intervention of Your Highness, and here I am forced to grant mercy.

I had to regretfully decide to take action. It costs me a little to go back on a rigorous but just decision. But I was twice right to take it since it earned me a letter from Your Highness and the pleasure of submitting to a desire expressed by you.

All’s well that ends well, Princess, and I hope that your protégé will remember and prove himself worthy of such protection in the future.

I have the honor to be, Princess, with my deepest respect, Your Highness’s most obedient and devoted servant.

Emile Perrin  ]

There it is, the mega-thrashing which, in addition, comes directly from the parent company since the letter is addressed to « Her Highness Princess Mathilde [Bonaparte] » at the bottom of the page. It is not about the direct hierarchy, but the intervention of a VIP who makes this poor Perrin bend, and who must be recognized for his self confidence in the fiasco of authority that he must face.

And it will only get worse, I would even say that Perrin’s number is about to come up, and things will become very messy for him.

[Approximate Translation:

14 December 1866

To the Director of the Imperial Academy of Music

Mister Director,

I had asked you, and you had kindly promised to give me the firsts[news scoops] of your garden. I find the attached article in La Liberté. If the facts are the first of all fruit, then you have forgotten me! If the facts are inaccurate, put me in the position of [illegible] and answer them in such a way that I am useful to you, at least as long as I am pleasant to my subscribers – would you like me to introduce you to Mr. Fournier who I have charged to report on the facts and gestures of your great and beautiful administration since January 1st

Hurried compliments,

[Leber? Lebez?] ]

And where is this article from La Liberté that this mysterious Leber/Lebez (who sounds rather irascible, by the way) is referring to? Well, here it is:

[ Approximate translation:

The Theatrical and Musical World

Yesterday evening at midnight, after the performance of La Source, the section heads[principal musicians] were informed that Mr. Perrin had a message for them, and that he would meet them in his office on this morning, Saturday. We believe that this is a revolution in the habits of the Opera theater, determined by the approach of the 1867 Paris Exposition[World’s Fair] and the need to provide for the pleasures and enjoyment of a suddenly doubled population, would have taken a serious resolution, that of playing six times a week and this measure would be put into effect from January 15, 1867.

Would this not be an opportunity for Mr. Perrin to resolve an old question long since judged before public opinion, but still pending before the administration: the increase in the orchestra’s salaries? The musicians of the Opera, as we know, are not ordinary musicians, they are virtuosos, artists. At a time when it is proposed to impose on each of them a greater amount of work, would it not be appropriate to erase old grievances, to give satisfaction to demands that have always been modest, to complaints that have always been legally produced, and to finally award to its excellent musicians a salary in proportion to the services they render and the talent they possess?]

Obviously, it is clear that the musicians have the sympathy of the press and the public. Poor Emile Perrin, he is trapped in a vice. Even if I don’t agree with his arguments, I recognize the difficulty of his position and how he must maneuver and put on a brave face to try to please everyone – knowing how to take the nagging with elegance: that of the VIPs, that of the Press, that of his hierarchy, that of his employees, and stay the course!

Be that as it may, he also has some faults that make him quite unpleasant.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[ Approximate translation:

Even if this repression had to have the temporary result of making the situation even worse for a while, even if, in the event of an open revolt, we had to go as far as the partial or even complete reconstitution of the Opera orchestra, I believe that we must, at all costs, overcome this hotbed of indiscipline. The dignity of a great enterprise is the future [crossed out: and think that the future of the Opera] that we [crossed out: strong in the] [illegible] save or compromise [crossed out: if we act or if we temporize]

I therefore support the conclusions of Mr. Georges Hainl’s report and I implore you to be so kind as to rule urgently on this serious question [crossed out: important matter]

I have the honor to be…]

Perrin seems to be panicking and the atmosphere is increasingly ugly, in my opinion.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[ Approximate translation:

Did not sign

Donis

Altès. Henry [1st flute]

Altès Ernest [violin]

Gard …

Have Protested

[Théophile] Semet [cymbals]

[Josph-François] Rousselot [French horn]

[Jean-Auguste] Tolbecque 1 [violin]

[Auguste] Tolbecque 2 [cello]

[Victor Frédéric]Verrimst [1st contrabass]

[Charles-Félix] Berthélémy [French horn]

[Hippolyte] Maury [French horn]

[Paul Emile] Dufour 1 [cello]

[Antoine] Dieppo [French horn]  ]

This little note is as petty as can be! So, who are the thugs? There seem to be as many strings as horns in the rebels. The Tolbecque father (violin) and son (cello) team up with French horn player Joseph-François Rousselot (brother of cellist Scipion Rousselot), cellist Emile Dufour is in all the scandals, French horn player Hippolyte Maury and trombonist Antoine Dieppo also have their reputations well established, their signatures are everywhere! Contrabass player Victor Verrimst, who looks like someone’s kind grandfather (see link above), no longer fools anyone; as for French horn player Felix Berthélémy, a union leader before his time, he is part of all the bad behavior! But who are all these big thugs who want Perrin’s head?!

And our dear Sebastian Lee? Where is he in those troubled years that heralded the Commune? I think he had already gone back to Hamburg. I do not yet have absolute proof, but I completely lose track of him in the historical records after the marriage of his only daughter Caroline, in Paris, to Jean-César Böckmann, the Hamburg banker, on Saturday, July 29, 1865. He may have chosen not to join the movement and concluded that his participation was not required, either because he was a foreigner or because he foresaw the instability of the French government, and knew he might be moving back to Hamburg8. Personally, I think he had already moved back to his native Hamburg. What I also know now is that in 1866, the First Cello of the Opera Orchestra died. I have not yet been able to determine who he was, but I know that the first cello at that time was not Sebastian Lee.

[ Approximate translation:

Paris 31 March 1866

To His Excellency The Count Bacchiocci

Mister Count9,

The position of first cello in the orchestra of the opera house has just become vacant following the death of its holder, who will undoubtedly have to be replaced without delay.

Relying, Sir, on the recommendation of Count Komar, whose fencing teacher was my father-in-law, Mr. Raimondi, and relying further on the good relations that I have maintained to this day with the director of the opera and with the conductor, I take the liberty of asking you to grant me your powerful patronage to obtain the position of first cello.

I had hoped that Count Komar would have been able to present my request to Your Excellency, but I learned that he was ill and I had to decide to address you directly.

I have the honour of being, Your Excellency, your most obedient servant.

Henri Lütgen, cellist at the opera  ]

As we’ve seen, Henri Lütgen, who had to contact Emile Perrin to collect his pay (talk about a great understanding with the director!) replaced Emile Norblin, who was ill, and who died in 1880. So Mr. Lütgen was not the first cellist. The hunt for the first cellist is open!

Epilogue

For fun, here is an approximate translation of a small anthology of selected letters which will not be the subject of any post but which we (both the author and translator) find interesting.

[Approximate translation:

Paris, 8 August 1854

To His Excellency the Minister of State and Household of His Majesty the Emperor

Mister Minister,

The music section of the Academy of Fine Arts had made a request to the Minister of the Interior to have the decoration of the Legion of Honor10 awarded to Mr. Georges Hainl, member of the Academy of Lyon, conductor for many years at the Grand Theater of this city. We believe that this request has been referred to Your Excellency, it is also supported by Mister [Claude-Marius] Vaïsse administrator of the Rhone department. It is our duty to remind Your Excellency of all the services that Mr. Hainl has rendered to musical art in the second city of the Empire. He founded a philharmonic society there which is in a state of prosperity that places it in the first rank: he has made known all the symphonic and dramatic masterpieces of which Paris seemed to have the monopoly. He himself as a performer follows in the footsteps of [Adrien-François] Servais and [Alexandre] Batta and has consistently shown boundless dedication to anything that can contribute to the propagation of our art.  ]

[Approximate translation:

Lyon, 5 January 1854

Sir,

You did me the honour of writing to me on 25 December last concerning Mr. Georges Hainl, conductor at the Grand Théâtre de Lyon, to inform me of the request that you and your colleagues from the music section of the Institute made on his behalf to the Minister in order to obtain for Mr. Hainl the Cross of Honour and expressed the desire that I remind His Excellency [H.E. as originally written] of this request, recommending to him the distinguished artist who is the subject of it.

I would have been happy, sir, to join you in doing justice to a distinguished artist. Unfortunately, and as announced in Le Moniteur  of December 27 last [1853], there is no decoration awarded in the civil order. This declaration has rendered, and I regret it, all my good […]

Mister Adolphe Adam, Member of the Institute, Paris

[Page 2]

[…] useless goodwill. An approach in favor of Mr. Hainl would currently remain without result; but when a more opportune time arrives, I would be pleased, based on your opinion, to assert the titles that make him worthy of the distinction that you wish for him.

Please accept, sir, the assurance of my most distinguished consideration.

The State Councilor in charge of the administration of the Rhône

[Claude-Marius] Vaïsse  ]

Translator’s Notes:

1.  Danaïdes barrel is a story from Greek Mythology.  The connotation in this sense is the senselessness of performing a repetitive task which can never be completed.
2.  The “rule of three” in mathematics is a principle by which if three numbers are unknown, but one number is known, and the numbers are proportional to each other in some way, the other three numbers can be calculated from the one known number.
3.  Limelight was used in theatres and music halls. An intense illumination is created when a flame fed by oxygen and hydrogen is directed at a cylinder of quicklime (calcium oxide).  A byproduct of this burning of quicklime was the creation of calcium hydroxide, a chemical which is corrosive to eyes and skin, and which can result in corneal damage or blindness.
4.  There is no English equivalent word for “gagiste”.  A gagiste is a person who performs for hire at small events, which English calls “gigs”.  A “gagiste” would be someone who plays gigs.
5.  La Comédie-Française is a state-run theatre in France, founded in 1680.  It is the oldest active theatre company in the world.
6.  François Joseph Ducoux (1808 – 1873) was a military doctor.  After the February Revolution of 1848, he rose to a local degree of political prominence. In February 1851 Ducoux submitted a bill to the Legislative Assembly that proposed to establish a state-run Labour Exchange in Paris. His project was also submitted to the Paris Municipal Commission. The project was abandoned. After the coup in December of 1851, he was arrested and fell from political favor.  He started a horse-drawn cab company during this time.  His coach drivers (along with many others in the city) went on strike for better wages from June 16th to June 23rd, 1864.  In 1871, Ducoux returned to politics.  After his death, the idea of a Labour Exchange was revived in 1875 and 1883, and eventually came into being in 1886.  The article was obviously written after this work stoppage occured, and is using Ducoux’s cab company as an example of what can happen to an organization that does not pay a living wage.
7.  A synallagmatic contract is a contract in which each party to the contract is bound to provide something to the other party.  In this case, money (pay) is provided for music (performance of work).
8.  From 1815 until 1866 Hamburg was an independent and sovereign state of the German Confederation, then became an independent and sovereign state of the North German Confederation from 1866 to 1871.  Given the political upheaval in France at the time, Hamburg would have been a relatively safe city to live in.
9.  At the time this letter was written, many continental European countries had “Count” or “Compte” as a Peerage rank.  The equivalent Peerage ranking in England was “Earl”, which is why an Earl’s wife is referred to as a “Countess”.
10.  During the French Revolution, all of the French orders of nobility were abolished. Napoleon Bonaparte, as First Consul, wanted to create an award to commend civilians and soldiers, and thus was created the Légion d’honneur[Legion of Honor], a body of men that was not an order of peerage.  Napoleon believed that France needed a recognition of merit rather than a new system of peerage.  The equivalent honor in the United States of America would be the Presidential Medal of Freedom.  In the UK, the equivalent honor would be being knighted by the Monarch (thus, the UK has retained the Peerage rank, but the rank of “knight” has lost its relation to the nobility).

La grande bagarre linguistique

Ci-dessus, tableau de Charles Meynier « Entrée de Napoléon à Berlin. 27 octobre 1806 », 1810.

Par Pascale Girard

Il y a quelques temps, un internaute m’a envoyé une question qui, je le sais d’expérience, en taraude plus d’un. Il prononçait « Sebastian Lee » à l’anglaise et s’est fait reprendre par son professeur de violoncelle qui lui a dit que Lee, en allemand, ça se prononce Lée. Effectivement, le « e » en allemand se prononce « é ». Je souhaite aujourd’hui publier la réponse que j’ai fait à ce visiteur pour tenter de jeter un peu de lumière sur une question qui est au centre d’un débat ouvert.

Si Sebastian Lee était bien allemand, son patronyme, en revanche, est britannique. Les recherches généalogiques entreprises par notre association ne nous permettent pas encore de dire avec certitude d’où venait sa famille.

Source: Geneanet

Sur les partitions originales du XIXème siècle que nous avons pu récupérer, il est intéressant de constater la présence ou nom d’un accent sur le premier « e » de son nom de famille, écrit parfois « Lée » ou parfois « Lee ». L’accent aigu n’existant pas en allemand, il est probable que cette orthographe sous-entende une francisation pour les besoins de son intégration. On notera toutefois que jamais le prénom de Sebastian n’a été dépossédé de son « a » et écrit à la française « Sébastien » (même si l’accent aigu sur le premier « e » est presque systématiquement rajouté par les éditeurs). Il était peut-être plus attaché à garder son prénom original que son patronyme auquel il semble avoir renoncé à imposer une prononciation spécifique aux français qui l’ont accueilli pendant 30 ans.

Si vous souhaitez faire plaisir à votre professeur et prononcer le nom de Sebastian Lee à l’allemande, il faudra également convertir les 2 « s » de Sebastian en « z », ce qui est peu naturel en français.

En général, les noms propres sont altérés et adaptés aux langues natives (comme Friedrich Nitzsche dont le « e » final n’est pas prononcé en français alors qu’il l’est en allemand). Ces déformations sont acceptées. Parfois même quand un nom propre est trop difficile à prononcer, on en transforme même l’orthographe (c’est le cas des noms de villes comme Warsaw qui devient Varsovie ou même Hamburg qui devient Hambourg).

Je dirais que c’est un sujet ouvert ou il n’y a pas de position strictement correcte. Si l’on est puriste, alors on prononcera « Zébaztianne  » à l’Allemande, mais « Sébastianne Li » est tout à fait acceptable de mon point de vue. Il reste cohérent phonétiquement, basé, certes sur l’anglais, mais le patronyme Lee étant anglosaxon et notre bonne langue française étant très imprégnée d’anglicismes en tous genres, tout cela n’est pas choquant. Il y a plusieurs années déjà que le double « e » sans accent aigu est prononcé « i » en français quand les mots sont d’origine anglosaxonne (Green, Week-end, feeling, etc.)

L’Académie Française a publié une liste des néologismes anglais consultables ici et dans laquelle il est inclus un intéressant témoignage daté de 1855 et rédigé par Jean-Pons Guillaume qui, remonté comme un coucou, rédige un pamphlet en vers contre les anglicismes. Un bijou! Académicien du XIXème siècle, il s’efforce de défendre notre langue tout en se louant de la concorde qui grandit entre la France et l’Angleterre. La question était donc déjà d’actualité du vivant de notre compositeur.

Pour conclure, remettons-nous en à ce bon Laurent-Joseph Morin de Clagny, professeur de déclamation lyrique au Conservatoire de musique de Paris à la même époque (de 1827 à 1829 puis de 1835 à 1865) et qui a publié, entre autres choses, un très sérieux traité de prononciation qui explique avec moult détails comment prononcer le « é »

Quel que soit votre choix de prononciation, notre cher Sebastian Lee, grand voyageur de son époque, ne s’en formaliserait pas, j’en suis sûre. Seule la musique est un langage universel, et jouer ses œuvres est la meilleure façon de lui rendre hommage.