Il y a quelques temps, un internaute m’a envoyé une question qui, je le sais d’expérience, en taraude plus d’un. Il prononçait “Sebastian Lee” à l’anglaise et s’est fait reprendre par son professeur de violoncelle qui lui a dit que Lee, en allemand, ça se prononce Lée. Effectivement, le “e” en allemand se prononce “é”. Je souhaite aujourd’hui publier la réponse que j’ai fait à ce visiteur pour tenter de jeter un peu de lumière sur une question qui est au centre d’un débat ouvert.
Si Sebastian Lee était bien allemand, son patronyme, en revanche, est britannique. Les recherches généalogiques entreprises par notre association ne nous permettent pas encore de dire avec certitude d’où venait sa famille.

Sur les partitions originales du XIXème siècle que nous avons pu récupérer, il est intéressant de constater la présence ou nom d’un accent sur le premier “e” de son nom de famille, écrit parfois “Lée” ou parfois “Lee”. L’accent aigu n’existant pas en allemand, il est probable que cette orthographe sous-entende une francisation pour les besoins de son intégration. On notera toutefois que jamais le prénom de Sebastian n’a été dépossédé de son “a” et écrit à la française “Sébastien” (même si l’accent aigu sur le premier “e” est presque systématiquement rajouté par les éditeurs). Il était peut-être plus attaché à garder son prénom original que son patronyme auquel il semble avoir renoncé à imposer une prononciation spécifique aux français qui l’ont accueilli pendant 30 ans.
Si vous souhaitez faire plaisir à votre professeur et prononcer le nom de Sebastian Lee à l’allemande, il faudra également convertir les 2 “s” de Sebastian en “z”, ce qui est peu naturel en français.
En général, les noms propres sont altérés et adaptés aux langues natives (comme Friedrich Nitzsche dont le “e” final n’est pas prononcé en français alors qu’il l’est en allemand). Ces déformations sont acceptées. Parfois même quand un nom propre est trop difficile à prononcer, on en transforme même l’orthographe (c’est le cas des noms de villes comme Warsaw qui devient Varsovie ou même Hamburg qui devient Hambourg).
Je dirais que c’est un sujet ouvert ou il n’y a pas de position strictement correcte. Si l’on est puriste, alors on prononcera “Zébaztianne Lé” à l’Allemande, mais “Sébastianne Li” est tout à fait acceptable de mon point de vue. Il reste cohérent phonétiquement, basé, certes sur l’anglais, mais le patronyme Lee étant anglosaxon et notre bonne langue française étant très imprégnée d’anglicismes en tous genres, tout cela n’est pas choquant. Il y a plusieurs années déjà que le double “e” sans accent aigu est prononcé “i” en français quand les mots sont d’origine anglosaxonne (Green, Week-end, feeling, etc.)
L’Académie Française a publié une liste des néologismes anglais consultables ici et dans laquelle il est inclus un intéressant témoignage daté de 1855 et rédigé par Jean-Pons Guillaume qui, remonté comme un coucou, rédige un pamphlet en vers contre les anglicismes. Un bijou! Académicien du XIXème siècle, il s’efforce de défendre notre langue tout en se louant de la concorde qui grandit entre la France et l’Angleterre. La question était donc déjà d’actualité du vivant de notre compositeur.
Pour conclure, remettons-nous en à ce bon Laurent-Joseph Morin de Clagny, professeur de déclamation lyrique au Conservatoire de musique de Paris à la même époque (de 1827 à 1829 puis de 1835 à 1865) et qui a publié, entre autres choses, un très sérieux traité de prononciation qui explique avec moult détails comment prononcer le “é”

Quel que soit votre choix de prononciation, notre cher Sebastian Lee, grand voyageur de son époque, ne s’en formaliserait pas, j’en suis sûre. Seule la musique est un langage universel, et jouer ses œuvres est la meilleure façon de lui rendre hommage.