Epilogue: Le mystérieux dédicataire de l’opus 52, la barcarolle « Promenade en gondole », enfin révélé.

Par Pascale Girard

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Plusieurs mois se sont écoulés depuis notre billet concernant l’opus 52, la barcarolle « Promenade en gondole » de Sebastian Lee, republiée au Printemps 2024 par nos soins, après 176 ans d’oubli. Et j’écris 176 ans, car il s’agit là d’une œuvre qui n’a jamais fait l’objet de publicité dans la presse lors de sa parution. Une œuvre passée complètement inaperçue. Tout cela nous a laissé bien perplexe, et malgré un examen minutieux des œuvres précédentes et suivantes pour essayer d’en établir le contexte historique, la date de composition puis de publication, nous avions fait chou blanc. S’en est suivi quelques temps plus tard la découverte d’une lettre de Sebastian Lee à un destinataire inconnu, lui faisant savoir qu’en plus d’avoir composé une œuvre (probablement commandée) pour une « charmante fiancée », l’artiste musicien s’était permis d’offrir en sus une œuvre supplémentaire inspirée par le destinataire du courrier. Nous sommes en décembre 1847, donc peut-être à l’époque de la composition de notre opus 52, et il reste possible que le destinataire soit le dédicataire de la barcarolle. Pourquoi? Parce-que seul l’opus 52 est dédié à une femme entre 1847 et 1851, à 2 exceptions près: l’opus 54, dédié à Madame Clémence de Reseit d’Arques (1828-1907), musicienne, organisatrice de concerts, qui épouse le Vicomte Amable Enlart de Grandval (1813-1886) en 1851. Est-ce qu’elle passe commande auprès du compositeur ou est-ce monsieur le vicomte pour sa charmante fiancée en 1847? Puis, l’opus 49 dont on ne sait rien pour le moment, à part que l’opus 50 est dédié à Emile Colliau, un élève et ami du compositeur, Si l’opus 49 était dédié à une femme qui s’avérait être la fiancée d’Emile Colliau, alors on pourrait spéculer qu’Emile Colliau était le destinataire de la lettre de 1847, mais je ne crois ni à l’hypothèse du Vicomte, ni à celle d’Emile Colliau. Là, tel que je vous présente les choses, cela donne l’impression d’être encore assez embrouillé, mais restez avec moi, la réponse n’est pas loin 🙂

Reprenons donc nos éléments depuis le début: nous avons une lettre de décembre 1847 qui nous dit qu’un opus dédié à une charmante fiancée précède un opus dédié au destinataire (forcément masculin, la communauté LGBTQ+ étant encore très largement « underground » à l’époque) du courrier que nous possédons. Problème N°1: après avoir établi la liste des opus 43 à 51, rien n’a fait sens. Pas moyen de trouver une corrélation entre 2 d’entre eux et d’identifier l’opus du destinataire et celui écrit pour sa charmante fiancée. Je me suis également persuadée que l’opus 52 avait été publié pendant les événements de 1848. Cette année là, l’opéra a dû faire relâche par 2 fois, en février et en juillet, à cause des événements provoqués par la révolution antimonarchique. En réalité, l’opus 52 a été composé à la fin de l’année 1847 et envoyé en même temps que le courrier daté du 13 décembre 1847, mais il y avait un piège.

Il n’y a rien qui vous choque? Si c’est le cas vous êtes aussi dyscalculiques que moi. Ce n’est pas AVANT l’opus 52 qu’il fallait faire des recherches, mais APRES, bien sûr! Ah, quand je me suis aperçue de la méprise, j’avais déjà trouvé le dédicataire par un autre chemin, mais, sachez-le, la bourde majeure qui a bien planté les recherches a été de remonter dans le passé, alors qu’il fallait avancer dans le futur. L’opus 52 est le premier opus commandé par le mystérieux dédicataire et c’est donc l’opus 53 qui a été rajouté pour « rendre à César ce qui est à César » et dédier une deuxième œuvre en plus de la commande. La lettre à ce sujet est claire. Regardez vous-même:

Lettre de Sebastian Lee à un destinataire non identifié, BNF.

Intéressons nous donc à l’opus 53, celui qui SUIT l’opus 52, puisque la tournure de la lettre suggérait qu’un premier opus avait été composé pour la charmante fiancée du dédicataire puis un de plus au dédicataire lui-même. L’opus 53 « Fantaisie dramatique sur les motifs du Prophète, opéra de Giacomo Meyerbeer, pour violoncelle avec accompagnement de piano » est dédicacé à Napoléon III. Je sais, c’est dur à croire, mais c’est pourtant la réalité, car comme disaient Hercule Poirot ou Sherlock Holmes, je ne sais plus: « quand une seule hypothèse, même improbable, est la seule possibilité, alors c’est la solution au mystère. »

Opus 53 « Grande fantaisie dramatique sur l’opéra le Prophète de Giacomo Meyerbeer » par Sebastian Lee, publié chez Brandus.

On remarque qu’au moment de la parution de l’opus 51, donc celui qui précède la « Promenade en gondole », nous sommes déjà en 1850. C’est aussi cet élément qui m’a égaré! L’opus 52, si on suivait la chronologie linéaire des compositions, aurait dû sortir en 1850 ou après. Or, comme on a aucune publicité dans la presse, ni aucune mention de l’éditeur S.Richault, je fais une vérification (que j’aurais dû faire avant d’ailleurs) avec la plaque. Sur la couverture, on a la référence 10 174 B:

Voici un extrait des références des plaques de l’éditeur et leur année de parution d’après IMSLP:

Du coup je fais le même exercice avec l’opus 53. Il s’agit d’après la couverture et IMSLP des plaques B et C5169. En se référant au catalogue, on tombe bien sur une date cohérente 1849-1850:

Il est donc à peu près irréfutable à ce stade de l’histoire que l’opus 52, la barcarolle « promenade en gondole » dédiée à Mademoiselle Caroline Morin et éditée chez Simon Richault est parue en 1850 tandis que l’opus 53 qui lui faisait suite, la « Grande fantaisie sur l’air du Prophète de Meyebeer » et dédiée à Napoléon III est parue la même année, mais chez un autre éditeur: les frères Brandus. Ca, c’est ce qui s’est passé concernant l’édition de ces œuvres et déjà, on peut se demander pourquoi 2 éditeurs différents. Chez Richault, les affaires sont florissantes. Spécialisé dans la parution de compositions des meilleurs musiciens allemands, éditer Sebastian Lee parait naturel. Chez Brandus, les affaires vont plutôt bien malgré les dettes difficiles à éponger du précédent propriétaire, Maurice Schlesinger (voir le billet « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »). Le 1er octobre 1850, Ernest Deschamps d’Hannecourt quitte la société et c’est Samuel (dit Gemmy) Brandus, le frère de Louis, qui prend sa place en tant qu’associé. Le fonds de l’éditeur Eugène-Théodore Troupenas (1798–1850) est acquis, venant augmenter le fonds existant. L’année suivante, ils fondent une succursale à St Pétersbourg. [1] Ce n’est donc pas la santé financière précaire d’un des éditeurs qui aurait obligé notre cher Sebastian Lee a frapper à une autre porte comme se fut le cas en 1859 (voir le billet « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »).

Non. La raison pour laquelle ces 2 opus ont été publiés 4 à 5 années après leur composition est la même que la raison pour laquelle elles paraissent chez 2 éditeurs différents: pour brouiller les pistes. C’est parce-que le dédicataire était une personnalité prestigieuse que nous avons eu la chance de dégoter la lettre de Sebastian Lee de 1847 (même si le dédicataire n’est pas identifié à la BNF). C’est pour la même raison que le compositeur veut « rendre à César ce qui appartient à César« . Cette petite phrase a tourné et retourné dans ma tête. On ne peut que s’adresser à un leader, ou en tout cas à une personne d’envergure quand on la compare à César. C’est encore pour dissimuler les ébats sentimentaux impériaux hors mariage qu’il fallait s’assurer qu’aucun lien possible ne subsiste entre l’opus 52 dédié à Mademoiselle Caroline Morin, la charmante fiancée, et l’opus 53 au futur empereur Napoléon III. C’est enfin parce-qu’il s’agit de Napoléon III que nous avons des traces, des sources et de la documentation. Mademoiselle Caroline Morin, probablement la ballerine dont j’avais retrouvé la trace dans un billet précédent (voir « Le Mystère de l’Opus 52 »), a été une de ses nombreuses maitresses.

Un mot sur Napoléon III qui, bien que fort laid, eut une vie sexuelle des plus trépidantes. Non qu’il fut un amant exceptionnel, bien au contraire, il n’hésitait pas à faire usage de sa force ou de sa position pour obtenir ce qu’il désirait. [1] Nous pouvons également lire qu’il « a eu une vie très dissolue dans l’ensemble, et  se comporta de manière tout à fait indigne avec les quelques femmes qui l’aimèrent et lui rendirent service. » [3]

Portrait de Napoléon III par Augustin-Aimé-Joseph Lejeune (actif de 1865 à 1870).

La jeune Caroline Morin, s’il s’agit bien de la ballerine que j’avais retrouvé, était une proie parfaite pour tous les prédateurs, nymphomanes et autres vieux dégueulasses qui sévissaient à l’Opéra à l’époque, et dont Napoléon III faisait indéniablement partie. [4]

Edgar Manet et d’autres peintres ont copieusement documenté la vie des ballerines reluquées par ces messieurs en haut-de-forme, et la triste destinée de ces jeunes femmes, prostituées souvent par leurs propres mères.

« Attente », d’Edgar Degas, 1882. Une toile qui m’a toujours bouleversé.

« Danseuse avec un admirateur derrière la scène », Jean-Louis Forain (1852-1931)

« Dans les coulisses », Jean-Louis Forain (1852-1931)

Les personnes intéressées par l’histoire tragique de ces ballerines dont le talent pour la danse ne suffisait pas à vivre, même à l’Opéra, pourront lire ce très sérieux article sur la question qui fait un tour d’horizon écœurant mais instructif sur les mœurs déplorables qui sévissaient à cette époque. Le gros Napoléon III, régulier de l’Opéra avant et après son mariage en 1851, n’appréciait donc pas que la musique et la danse de la salle Le Pelletier. Sordide réalité que ces ballerines à la recherche de ce qu’on appelait éhontément un « protecteur », c’est à dire un client régulier, afin de pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. J’aimerais pouvoir leur dédier un article complet, en particulier depuis que j’ai trouvé pendant mes recherches aux Archives Nationales de Pierrefitte, un carton contenant quantité de photos de ballerines de l’époque. Ces photos sont fascinantes à plus d’un titre. Malheureusement pour moi, je crains de ne pouvoir reprendre le chemin des archives avant longtemps. Si quelqu’un a la possibilité de prendre des photos des daguerréotypes du carton numéroté AJ/13/453, que cette personne me contacte. Je serais ravie de collaborer à la préparation d’un article sur les danseuses de l’Opéra du XIXème siècle. En attendant, on peut contempler quelques photos de ces danseuses ici.

© Photographie de Gustave Echtler. Source : Cinémathèque française – iconothèque, CLA/0106/007.

Pour conclure, ces 2 œuvres, l’une dédiée à la charmante fiancée Caroline Morin, et l’autre à Napoléon III, nous éclairent sur la société avec laquelle notre cher Sebastian Lee était en contact. Premier violoncelle de l’Opéra de Paris, salle prestigieuse à rayonnement européen, c’est à lui que le futur empereur s’adresse pour composer une œuvre à la ballerine dont il s’est amouraché. Honneur ou déshonneur de participer à une telle gabegie, il est en tout cas un fait, c’est que notre compositeur côtoie les huiles et que son travail et son talent son appréciés de toutes. A-t-il fallu négocier pour pouvoir éditer ces œuvres et les rendre disponibles à un large public alors qu’elles faisaient l’objet d’une commande particulière? L’histoire ne le dit pas, mais je le pense. Cela justifie et explique l’édition chez 2 maisons différentes, l’écart de temps écoulé entre la composition, la livraison et la publication et surtout le fait que l’opus 52 soit passé totalement inaperçu car non relayé dans les médias de l’époque. Nous voilà donc au fait du contexte de cette jolie barcarolle, une promenade en gondole pour des amours cachés au sein de l’opéra de Paris et qui touchent aux plus hautes sphères de l’Etat français de l’époque.

Notes

[1] Article sur la maison d’édition Brandus & Cie dans Wikipedia [URL accès octobre 2024: https://fr.wikipedia.org/wiki/Brandus_et_Cie]

[2] Hector Fleischmann « Napoléon III et les femmes » [URL novembre 2024: https://www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/DEF/Fleischmann/Napo_3/Femmes/N3_Fem_12.htm#_edn4]

[3] Esca2009 Napoléon et les femmes, publié le 1er mai 2011 [URL novembre 2024: https://esca2009.wordpress.com/2011/05/01/napoleon-iii-et-les-femmes/]

[4] Dona Martin, « Histoire des Femmes. L’Opéra, l’envers du décors », 2015 [URL novembre 2024: http://dona-martin.blogg.org/accueil-c28582718/2]


Epilogue: The Mysterious Recipient of the Dedication of Opus 52, the Barcarolle “Gondola Ride,” Finally Revealed.

Written by Pascale Girard and translated by Sheri Heldstab


7 January 2025sebastianleemusic


Several months have passed since our blog post  about opus 52, “Promenade en gondola” by Sebastian Lee, which was republished by us in 2024 – after 176 years of oblivion. We say it was 176 years because this is a work that was never advertised in the press when it was published, a work that went completely unnoticed. All this left us quite perplexed, and despite a careful examination of the preceding and following works to try to establish the historical context, the date of composition and then of publication, we had come up empty-handed. This was followed by the later discovery a letter from Sebastian Lee to an unknown recipient, informing him that, in addition to having composed a work (probably commissioned) for a “charming fiancée”, the musician had also composed an additional work inspired by the recipient of the letter. We are in December 1847, perhaps at the time opus 52 was being composed, and it remains possible that the recipient of the letter is also the recipient of the dedication of opus 52.


Why do we think this? Because between 1847 and 1851, only opus 52 is dedicated to a woman, with the exceptions of opus 54, dedicated to Madame Clémence de Reseit d’Arques  (1828-1907), musician and concert organizer, who married the Vicomte Amable Enlartde Grandval (1813-1886) in 1851. Might she have commissioned the composer or did the Viscount commission it for his charming fiancée in 1847? Then we have opus 49, about which we know nothing at the moment. Opus 50 is dedicated to Emile Colliau, a (male) student and friend of the composer. If opus 49 was dedicated to a woman who turned out to be Emile Colliau’s fiancée, then we could speculate that Emile Colliau was the recipient of the 1847 letter, but I don’t believe that the recipient was either the Viscount or Emile Colliau. While this still sounds quite confusing, stay with me, the answer is not far away.


Let’s start from the beginning: we have a letter from December 1847 which tells us that an opus dedicated to a charming fiancée precedes an opus dedicated to the recipient (necessarily male, given that the LGBTQ+ community was still very largely « underground » at the time) of the letter that we have. Problem 1: after having established the list of opuses 43 to 51, nothing made sense. There was no way to find a correlation between two opuses in a row to identify the recipient’s opus and the one written for his charming fiancée. I also convinced myself that opus 52 had been published during the events of 1848. That year, the opera had to take a break twice, in February and July, because of the events caused by the anti-monarchy revolution. In reality, Opus 52 was composed at the end of 1847 and sent at the same time as the letter dated December 13, 1847, but there was a catch.

[Approximate translation:

10 opuses were written between May 1847 and January 1849, the date at which we pick up the thread of the publication history of opus 54. Before that, here is what I know:

Opus 43: […] dedicated to M. Leon Paixhans

Opus 44: [no dedication]

Opus 45: […] dedicated to his friend Theodore Delamarre

Opus 46: [no dedication]

Opus 48: [no dedication]

Opus 50: […] dedicated to Emile Colliau

Opus 51: […] dedicated to Viscount Julien de Reviers de Mauny]


Is there nothing that surprises you? If so, you are as dyscalculic as I am. It was not BEFORE opus 52 that research should have been done, but AFTER, of course! Ah, when I realized the mistake, I had already found the dedicatee by another route, but you should know, the major mistake that really muddled the research lay in looking back in time, when it was necessary to look forward. Opus 52 is the first opus commissioned by the mysterious recipient of the dedication, and it is therefore opus 53 that was added to the commission and dedicated rather mysteriously to « render unto Caesar what is Caesar’s » in addition to the commission. The letter on this subject is clear. Look for yourself:


Letter from Sebastian Lee to an unknown recipient, BNF.

[Approximate Translation:

Sir, I composed a piece about your charming fiancée which I joined [attached] to this letter. Faithful to the maxim that one must render unto Ceasar that which belongs to Ceasar, I ask you to accept the dedication of this [musical] work that you have inspired along with my sentiments of profound gratitude.

S. Lee
Paris [on] the 13 December 1847]


Let us therefore focus on opus 53, the one that FOLLOWS opus 52, since the turn of the letter suggested that a first opus had been composed for the charming fiancée of the dedicatee and then one more for the dedicatee himself. Opus 53 “Fantaisie dramatique sur les motifs du Prophète, opéra de Giacomo Meyerbeer, pour violoncelle avec accompagnement de piano » is dedicated to Napoleon III. I know, it’s hard to believe, but it’s true, because as Sherlock Holmes said: « Once you eliminate the impossible, whatever remains, no matter how improbable, must be the truth. »

Opus 53 « Grande fantaisie dramatique sur l’opéra le Prophète de Giacomo Meyerbeer » by Sebastian Lee, published by Brandus.

Note that at the time of the publication of opus 51 (the one that precedes the « Gondola Ride ») we are already in 1850. This also led me astray! Opus 52, if we followed the linear chronology of the compositions, should have come out in 1850 or later. However, as there is no publicity in the press, nor any mention of the publisher S. Richault, I checked the plate (which I should have done before!). On the cover, we have the reference 10 174 B:


Here is an excerpt from the publisher’s plate references and their year of publication according to IMSLP:


So, I do the same exercise with opus 53. It is after the cover and  IMSLP plates B and C5169 Referring to the catalog, we come across a consistent date 1849-1850:


It is therefore almost irrefutable at this stage that opus 52, the barcarolle « promenade en gondole » dedicated to Mademoiselle Caroline Morin and published by Simon Richault, was published in 1850, while opus 53, which followed it, the « Grande fantaisie sur l’air du Prophète de Meyebeer » dedicated to Napoleon III, was published the same year, but by another publisher: the Brandus brothers. This is what happened with the publication of these works.


One may wonder why there are two different publishers. The publishing house Richault, business is booming. Specializing in publishing compositions by the best German musicians, publishing Sebastian Lee seems like a natural fit. At Brandus, business is going rather well despite the difficult debts of the previous owner, Maurice Schlesinger (see the post « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »). On October 1, 1850, Ernest Deschamps d’Hannecourt left the company and Samuel (known as Gemmy) Brandus, Louis’s brother, took his place as partner. The collection of the publisher Eugène-Théodore Troupenas  (1798–1850) was acquired, increasing the existing catalog. The following year, they founded a branch in St. Petersburg. [1] It was therefore not the precarious financial health of one of the publishers that would have forced our dear Sebastian Lee to knock on another door as was the case in 1859 (see the post « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »).


No. The reason why these two opuses were published 4 to 5 years after their composition is the same reason as why they appear with two different publishers: to cover their tracks. It is because the dedicatee was such a prestigious person that we were lucky enough to unearth Sebastian Lee’s letter from 1847 (even if the dedicatee is not identified at the BNF). It is for the same reason that the composer wants to « render to Caesar that which belongs to Caesar. » This little phrase has been going around and around in my head. One would only compare a leader, or at least a person of stature, to Caesar. Again, the purpose is to conceal the imperial frolics outside of wedlock that it was necessary to ensure that no possible link remains between the two opuses: opus 52 dedicated to Mademoiselle Caroline Morin, the charming fiancée, and opus 53 to the future Emperor Napoleon III. It is only because it concerns Napoleon III that we have traces, sources and documentation. Mademoiselle Caroline Morin, probably the ballerina whose tracks I had found in a previous post (see « Le Mystère de l’Opus 52 »), was one of his many mistresses.


A word about Napoleon III who, although not physically attractive, had a most exciting personal life. Not that he was an exceptional lover, quite the contrary, he did not hesitate to use his strength or his position to obtain what he desired. [1] It is also believed that he « led a very dissolute life overall, and behaved in a completely undignified manner with the few women who loved him and did him favors. » [3]


Portrait of Napoleon III by Augustin-Aimé-Joseph Lejeune (studio in operation from 1865 to 1870).

The young Caroline Morin, if she was indeed the ballerina I found, was a perfect target for all the predators, nymphomaniacs and other disgusting old men who were rife at the Opera at the time, of which Napoleon III was undeniably one. [4]

Edgar Manet and other painters extensively documented the lives of ballerinas ogled by these gentlemen in top hats, and the sad fate of these young women, often prostituted by their own mothers.

« Attente » [“Waiting”], by Edgar Degas, 1882. A painting that has always moved me.



« Danseuse avec un admirateur derrière la scène », [« Dancer with an admirer behind the stage »], Jean-Louis Forain (1852-1931)

« Dans les coulisses », [“Behind the scenes”], Jean-Louis Forain (1852-1931)


Those interested in the tragic story of these ballerinas whose talent for dancing was not enough to make a living, even at the Opera, can read this very serious article on the subject, which provides a sickening but instructive overview of the deplorable morals that prevailed at that time. The fat Napoleon III, a regular at the Opera before and after his marriage in 1851, therefore did not only appreciate the music and dancing at the Salle Le Pelletier. It is a sordid reality that these ballerinas were looking for what was shamelessly called a « protector » – a regular “client” – in order to be able to provide for their needs and those of their families. I would like to be able to dedicate a full article to them, especially since I found, during my research at the National Archives in Pierrefitte, a box containing a quantity of photos of ballerinas from the period. These photos are fascinating in more ways than one. Unfortunately, I fear I will not be able to return to the archives for some time. If anyone has the opportunity to take photos of the daguerreotypes in the box numbered AJ/13/453, please contact me. I would be delighted to collaborate on the preparation of an article on the dancers of the 19th century Opera. In the meantime, you can see some photos of these dancers here.


© Photograph by Gustave Echtler. Source: Cinémathèque française – iconothèque, CLA/0106/007.



To conclude, these two works, one dedicated to the “charming fiancée” Caroline Morin, and the other dedicated to Napoleon III, shed light on the society in which our dear Sebastian Lee revolved. First cello of the Paris Opera, a prestigious hall with European influence: the future emperor turned to him to compose a work for the ballerina with whom he had fallen in love. Whether it was an honor or dishonor to participate in such a waste, it is in any case a fact that our composer rubbed shoulders with the bigwigs and that his work and his talent were appreciated by all.

Did it take negotiations to be able to publish these works and make them available to the public at large when they were the subject of a special commission? History does not say, but I think so. It would explain the publication by two different houses, the time gap between composition, delivery, and publication, and above all the fact that opus 52 went completely unnoticed because it was not discussed in the media of the time. We are therefore aware of the context of this pretty barcarolle, a gondola ride for hidden loves within the Paris Opera which touched the highest spheres of the French State of the time.

References:

[1] Article on the publishing house Brandus et Cie on Wikipedia [Accessed October, 2024: https://fr.wikipedia.org/wiki/Brandus_et_Cie]

[2] Hector Fleischmann « Napoléon III et les femmes » [Napoleon III and Women] [Accessed November, 2024: https://www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/DEF/Fleischmann/Napo_3/Femmes/N3_Fem_12.htm#_edn4]

[3] Esca2009 Napoléon et les femmes [Napoleon and Women], published May, 2011 [Accessed November, 2024: https://esca2009.wordpress.com/2011/05/01/napoleon-iii-et-les-femmes/]

[4] Dona Martin, « Histoire des Femmes. L’Opéra, l’envers du décors » [Women’s History. Opera, Behind the Scenes], 2015 [Accessed November, 2024: http://dona-martin.blogg.org/accueil-c28582718/2]

Le mystère de l’opus 52 « Promenade en Gondole » une barcarolle de Sebastian Lee ca 1850

Par Pascale Girard

Alors qu’on s’apprête à envoyer notre prochaine republication chez l’imprimeur, je fais face à une frustration récurrente dans mes recherches, à savoir, lâcher prise. Parfois, on n’aura pas le fin-mot de l’histoire et c’est comme ça. Peut-être qu’on trouvera les réponses plus tard, mais peut-être pas; et ça c’est très dur pour moi. Je boucle, boucle et re-reboucle, et toutes les pistes sont des impasses. Alors que je dois accepter qu’on va mettre cet opus 52 sous presse dans quelques jours, je vous partage ici mes pensées non-conclusives sur sa génèse.

C’est d’abord l’histoire d’un manuscrit chiné que je récupère avec très peu d’informations. Le vendeur me dit que la publication daterait de 1850 environ. Premier problème, la Gazette et revue musicale de Paris datée du 13 janvier 1850 continent la publicité de l’opus 54 de Sebastian Lee, un air à paraître sur l’opéra de La Fée au Roses, de Fromental Halévy, sorti l’année précédente.

A gauche, la publicité parue dans la Gazette et revue musicale de Paris datée du 13 janvier 1850 et à droite, la couverture de l’opus 54 de Sebastian Lee, annoncé dans la publicité ci-contre.

Notre Promenade en Gondole, qui est l’opus 52, ainsi que l’opus 53, Grande Fantaisie dramatique sur le Prophète, un Opéra de Giacomo Meyerbeer, sont donc déjà écrits et techniquement déjà publiés. Le Prophète a été joué pour la première fois le 16 avril 1849 à l’Opéra de Paris, rebaptisé « Théâtre de la Nation » après a révolution de 1848.

Publicité Brandus & Cie tirée de la Gazette et revue musicale du 24 juin 1849

Je conclue d’abord que l’opus 53 n’a pu être composé qu’entre le 16 avril 1849 et le 24 juin 1849, date à laquelle l’opus 53 est annoncé en publicité. L’opus 52 est donc forcément antérieur à avril 1849 et pour compliquer encore un peu plus la chose, aucun périodique musical de l’époque ne fait allusion à cet opus 52. Ni en 1848, ni en 1849 et encore moins en 1850 ou on est déjà loin dans les numéros d’opus de Sebastian Lee. Je ne trouve rien, comme si cette œuvre était complètement passée sous les radars. Aucune pub sortie par S.Richault, l’éditeur, pas plus que de performance annoncée dans un concert (joué par Sebastian Lee ou pas). Non, cette année là je sais qu’Auguste Tolbecque a joué les variations de Guido et Genevra [opéra de Fromental Halévy], opus 11 paru en 1839 de Sebastian Lee, le 17 juin 1849 à un de ses concerts, que ça a plu, mais la Barcarolle, walou!

Concert philanthropique organisé salle Sainte Cécile, 49 bis, rue de la Chaussée d’Antin à Paris par Charles Bonnesseur

La même année en 1849, Sebastian Lee joue pour la 2ème fois avec Jacques Offenbach un quatuor écrit par ce dernier.

Extrait des nouvelles de la Revue et Gazette Musicale du 15 avril 1849 par Maurice Bourges

Contrairement à ce que Maurice Bourges prétend, la première représentation de ce même quatuor 4 ans plus tôt avait été un fiasco.

Extrait de la Gazette et revue musicale de paris du 27 avril 1845 relatant le concert organisé par Jacques Offenbach salle Hertz 38, rue de la Victoire à Paris, le 8 avril de cette même année et critiqué par le même Maurice Bourges.

C’est un autre concert de Jacques Offenbach au théâtre de la Tour-d’Auvergne le 24 avril 1847 qui avait été un succès. Offenbach n’avait pas fait jouer son quatuor et notre Cher Sebastian n’y avait pas participé cette année là.

Extrait de la Gazette et revue musicale de Paris du 14 avril 1847, article rédigé par Maurice Bourges (encore lui) p150

Mais je m’égare. Nous sommes donc en 1849 et je n’ai aucune trace de ma Barcarolle Promenade en Gondole, opus 52 de Sebastian Lee. Il me faut donc peut-être remonter d’avantage dans le temps. Quand j’épluche la presse musicale de 1848, je ne trouve rien non plus, mais ça me surprend moins car 48 a été une année pourrie. Edouard Monnais le résume bien dans son article d’ouverture du N°1 de la Gazette et revue musicale de Paris de janvier 1849 dont voici un extrait « En historien fidèle il faut constater que le chant des Girondins partagea seul avec la Marseillaise, l’honneur de saluer la république nouvelle. Pendant des mois entiers les Girondins et la Marseillaise composèrent tout notre répertoire lyrique […] ici l’abîme s’ouvre, une monarchie s’écroule et la république s’élève sur ses débris!!! […] que de mauvais vers et de mauvaise musique coulant à plein bords […] que de Tyrtées jeunes et vieux aspirants à détrôner Rouget de Lisle […] des concours furent ouverts pour la composition de chants nationaux, et l’expérience démontra une fois de plus qu’on ne commande pas de refrains populaires […] Il faut noter les traits courageux de quelques grands artistes que le choc révolutionnaire n’ébranla pas. Ainsi, peu de jour avant le 23 février, Mme [Marie] Pleyel avait annoncé qu’elle donnerait un concert, et, en femme vraiment forte, elle le donna peu de jour après. Elle voulu bien jouer aussi dans un concert de la Gazette musicale. [Giacomo] Meyerbeer avait promis aux directeurs de l’Opéra de leur livrer son Prophète, et, loin de songer à retirer sa parole, il se hâta de la confirmer par écrit.  Mais par malheur, les théâtres ne pouvaient pas braver les événements dont les contre-coups exercèrent d’affreux ravages.

L’Opéra National succomba le premier, après avoir essayé d’un retour au genre ancien Cirque-Olympique. L’Opéra-comique changea de direction entre la fameuse journée du 16 avril et l’autre non moins fameuse journée du 15 mai ; car désormais chaque mois avait ses journées, et nous touchions aux plus déplorables de toutes, à celles de juin, qui firent verser tant de sang et de pleurs. Le Grand Opéra venait de donner l’Apparition [opéra de Germain Delavigne], qui ne fit qu’apparaître. L’Opéra-comique reprenait la Fille du régiment, [de Gaetano Donizetti] la veille même du jour ou la guerre éclata à Paris. Le début de Mme Ulgade-Beaucé devait avoir lieu, dans le Domino Noir, [de Daniel Auber] le vendredi, jour de la première bataille. Ah ! Détournons nos souvenirs de cette funèbre époque, et consolons-nous en pensant que du moins les journées de juin furent les dernières que la France ait eu à déplorer. Il fallait à l’anarchie une leçon formidable. La leçon a été donnée, à quel prix, juste ciel ! Et nous voyons qu’elle a profité. Six mois de calme et de légalité ont dissipé bien des terreurs et cicatrisé bien des blessures.

Archives de l’Opéra de Paris. journal de Régie, 3ème série, p251, source: BNF Dernières représentations avant l’état de siège

L’Assemblée nationale est d’abord bien généreusement venue au secours de tous les théâtres, en attendant que le public fût en état d’y revenir lui-même. Peu à peu leur situation s’est améliorée et ils n’ont plus eu à subir que les chances ordinaires du plus ou du moins de succès de leurs ouvrages, du plus ou du moins de talents de leurs artistes.

Le Président de l’Assemblée nationale, M. [Armand] Marrast, a souvent invité la musique et les musiciens à ses réceptions parlementaires.

L’association des artistes-musiciens s’est signalée par l’à-propos de ses idées et par son activité à les mettre en pratique. Elle a rouvert l’Elysée nationale [1] pour y célébrer des fêtes musicales, la chapelle du palais de Versailles pour y exécuter une messe et le théâtre du même palais pour y donner un concert […] et maintenant il ne nous reste plus qu’à supplier l’année 1849 de marcher du pas le plus ferme et à la fois le plus prudent qu’il lui sera possible (car partout ou elle ira nous seront bien forcés de la suivre), d’éviter à tout prix les erreurs de sa sœur ainée, en un mot de tâcher d’être une année parfaitement sage et parfaitement heureuse, s’il y a moyen. Nous l’en conjurons au nom de l’art et des artistes qui en seraient réduits au suicide si chaque année prenait l’habitude d’amener avec elle une telle révolution ».

Le parc de l’Elysée-national sous le Second Empire (1852-1870) Source: Wikipedia

A l’Opéra, le journal de bord signal à 2 reprises l’état de siège. En Février et du 23 juin au 21 Juillet 1848.

Source: BNF

Mauvaise nouvelle pour les affaires de l’Opéra, mais la relâche des musiciens signifie que notre Cher Sebastian a eu plus de temps que d’habitude pour composer. La Barcarolle Promenade en Gondole a donc très probablement été écrite pendant la révolution de 1848 au 73 de la rue des Martyrs, dans l’appartement familial. A cette époque, son fils Edouard a 13 ans, et sa fille, la petite Caroline, 6 ans.

Maintenant qu’on sait « à la louche » quand a été composée cet opus 52 et les raisons probables de sa non-édition l’année de sa composition, intéressons nous à la dédicace. L’ouvrage est pour Mademoiselle Caroline Morin. J’ai trouvé 3 pistes: 3 fausses routes!

Piste N°1, M. [Laurent-Joseph] Morin [de Clagny] compositeur d’opéras et professeur de déclamation au Conservatoire de musique de Paris. Un voisin (il habite dans le même arrondissement que ce Cher Sebastian). Ils se connaissent très probablement et si M. Morin avait eu une fille, peut-être l’ouvrage eut-il été pour elle. Ce n’est pas le cas.

Piste N°2, Melle Caroline, ballerine de l’Opéra de Paris. Il la connaissait potentiellement. Au départ je l’ai confondue avec une Caroline Morin veuve d’un Théophile Bernard qui avait suscité mon intérêt parce-que son fils, Charles-Auguste Bernard, était régisseur au Théâtre des Variétés, selon l’acte de décès de la veuve en 1906 (voir ci-dessous). Par ailleurs, cette Melle Caroline, ballerine à l’opéra, danse à 2 reprises un divertissement avec un M. Théodore. Je me disais que je les tenais!!! Et bien pas du tout, il s’avère qu’il s’agit de Melle Caroline Lassiat et de M. Théodore Martin (qui d’ailleurs ne s’appelle pas Théophile, comme quoi, je fatigue).

Caroline Morin, qui habite dans le 9ème arrondissement de Paris, a un fils, Charles Bernard régisseur au théâtre des variétés, le bon nom, la bonne tranche d’âge, la connexion avec l’art et la musique… Et ça ne colle pas!

Mariés en 1855, Melle Caroline Morin était donc encore célibataire en 1848, date de la composition de la Barcarolle, ça pouvait coller.

Le lundi 3 décembre 1849, sous la direction de M. Auguste Mabille, chorégraphe attitré du Théâtre de la Nation, on trouve un divertissement avec 4 danseurs pendant la représentation du Prophète de Meyerbeer. La représentation, commencée à 7h15, annonce ce divertissement au 3ème acte avec un pas de 2 exécuté par Melle Caroline et M. Théodore.

Piste N°3: Par ricochet, j’apprends que le directeur du Théâtre des Variétés de 1848 à 1849 n’est autre qu’un certain Edouard Morin. Ca ne me mène nulle part non plus 🙁

Résumons-nous donc, je n’ai pas la date exacte de la composition de notre Barcarolle Promenade en Gondole. Elle a certainement été composée pendant les événements de 1848, mais il semble qu’elle n’ait jamais fait l’objet de promotion dans la presse et qu’elle n’ait peut-être même jamais été jouée en public au moment de sa sortie en 1850. Que dire encore? Que la barcarolle est un genre musical vocal ou instrumental de mesure ternaire qui évoque le mouvement lent d’une barque et, par extension, d’une gondole, car il s’agit d’un chant d’amour. Venue du mot barcaiolo, qui désigne le batelier, lui-même issu de barca, barque, la barcarole, barcarola [2] Oubliée sous la Révolution [de 1789], la Barcarolle revient à la mode sous la Restauration et jusqu’à la fin du siècle. Si cet opus 52 a été composée en 1848, date de la chute de la monarchie française, est-ce que ce n’est pas une manifestation de soutien déguisé au roi? Non, car l’opus 53 est dédié à Louis-Napoléon Bonaparte dit Napoléon III,  élu au suffrage universel masculin, le 10 décembre 1848, après coup d’état et révolution de 1848. La pub Brandus pour l’opus 53 apparait dans la gazette du 21 octobre 1849 cité p336

Je n’ai pas encore parlé de l’opus 51 qui précède la Barcarolle Promenade en Gondole et qui est aussi une bizarrerie. il s’agit de Fantaisies sur les motifs d’Obéron, Euryanthe et Presiosa de Carl Weber. D’abord ce sont 3 opéras différents, chose rare. En général, une œuvre propose les variations d’un seul et même opéra. Mais bon. Admettons.

D’abord Obéron sorti en 1826 (soit il y a 22 ans quand Sebastian Lee en compose une Fantaisie. Il ne l’a jamais joué à l’Opéra de Paris puisqu’il n’y travaille qu’à partir de 1837). C’est une histoire de Roi des Elfes, Oberon, qui se dispute sur l’inconstance humaine avec sa Reine Titania. Ils se sont jurés de ne plus s’aimer tant qu’ils n’auront pas trouvé un couple d’amoureux constants jusqu’à la mort. Sont choisis Huon et Rézia, pour relever le défi; et ils vont souffrir. Ensuite Euryanthe, opéra joué pour la 1ère fois en 1823 à Vienne et à Paris le 6 avril 1831 (toujours pas pendant que ce Cher Sebastian y travaillait). Encore un drame romantique avec un pitch qui se déroule dans le palais du roi Louis de France à Prémery ou le comte Adolar chante les louanges de sa promise, Euryanthe. Le comte Lysiart conteste la fidélité de la jeune fille et affirme qu’il pourrait la séduire s’il s’en donnait la peine. Adolar mise sa fortune et ses terres sur la fidélité d‘Euryanthe et exige que son ami lui fournisse éventuellement une preuve de sa victoire. Ca va encore mal se passer avant une fin heureuse. Et enfin Préciosa, joué à Berlin en 1821. Un 3ème opéra romantique qui se déroule cette fois en Espagne. Un jeune noble tombe amoureux d’une belle gitane et se joint à sa bande afin de pouvoir rester auprès d’elle. On découvrira par la suite que Preciosa est elle-même d’origine noble: aucun obstacle ne s’opposera plus alors à leur union.

Ce Cher Sebastian serait-il d’humeur badine? En fait, c’est peut-être le contraire. Alors que Paris est à feu et à sang, les mélodies sentimentales qu’il compose sont peut-être tout simplement une échappatoire à la brutalité qui sévit dans la réalité du Paris de 1848. Cet opus 51 est dédié à Monsieur le Vicomte Julien de Reviers de Maury, un polytechnicien officier d’artillerie.

En remontant encore le temps, je ne trouve qu’un seul article en 1847 sur les opus sortis cette année-là.

Extrait de la Gazette Musicale de Paris du 9 mai 1847 p158. Et vous avez bien lu, on en est à l’opus 42.

10 opus on été écris entre Mai 1847 et janvier 1849, date à laquelle on reprend le fil de l’histoire des parutions à l’opus 54. Auparavant, voici ce que je sais:

Opus 43: Fantaisie sur l’Ode Symphonie Le Désert et sur les Hirondelles de Félicien David pour Violoncelle avec accompagnement de Piano, 1847

Opus 44: le Premier Bal, 1847 dédié à M. Léon Paixhans

Opus 45: Souvenir du Lac des quatre Cantons. Barcarolle pour violoncelle et piano (B&H ca.1847) dédié à son ami Théodore Delamarre

Opus 46: Divertissement sur des motifs de l’opéra Luisa Strozzi de Gualterio Sanelli, Leipzig: Breitkopf & Härtel, ca. 1847

Opus 48: Sérénade sur ‘Don Pasquale’ opéra de Donizetti in G Major for Cello and Piano ca 1850

Opus 50: Réminiscences de opéra Le val d’Andorre (Lemoine) dédié à son élève et ami Emile Colliau

Opus 51: Fantaisie sur des Motifs d’Oberon, Euryanthe et de Preciosa de C.M. de Weber, pour violoncelle avec accompagnement de piano, dédié à Monsieur le Vicomte Julien de Reviers de Mauny chez Hofmeister ca 1850

Voilà, vous savez tout. Il ne me reste que très peu de temps pour faire la découverte qui relie tous les points. Si vous avez une idée, merci de me la partager en commentaire. Pendant ce temps, il me faudra m’ouvrir pleinement au Wabi Sabi japonais et accepter la nature fondamentalement imparfaite de ce travail.

Fantaisies et variations : les parents pauvres de la musique savante?

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Par Pascale Girard

Ci-dessus, gravure de Charles Bour (1814-1881) pour la publication de la partition piano et chant du Prophète de Meyerbeer (1849)

Quand j’ai commencé à reconstituer le catalogue de Sebastian Lee, j’ai assez rapidement remis la main sur des œuvres musicales de type Fantaisies sur des airs d’opéras célèbres. Toute fière de moi, je me suis empressée de montrer mes trouvailles à mon Bon Maître pour lui partager le trésor. Alors que je lui tends, tout sourire, la copie de la « Grande Fantaisie dramatique sur l’air du Prophète de Giacomo Meyerbeer », opus 53 de Sebastian Lee, chiné à grand ’peine à la bibliothèque Nationale Autrichienne et récupéré à prix d’or [1], le voilà qui y jette un œil dédaigneux et me lance : « Alors ça, laisse tomber, c’est pas intéressant. On se concentre sur des œuvres originales ». J’étais sous le choc. Pour ma part cette œuvre était tout à fait originale et écrite de la main de ce cher Sebastian. Néanmoins, connaissant mon Bon Maître, qui ne se laisse pas tourner les oreilles par quelques fanfreluches musicales, il a planté une graine. Comme il n’a jamais cessé de me surprendre par la justesse de ses goûts bien affutés et son érudition musicale — et que, surtout, quand il dit quelque chose je l’écoute — on n’a rien republié des Variations et Fantaisies de Sebastian Lee, j’ai mis le sujet en pause en me disant que je creuserai la thématique plus tard et qu’on avait déjà bien assez à faire avec les opus validés « originaux ». Cependant, récemment, un article du chercheur et musicologue Oscar Catalan Gonzalez publié par la BNF a ravivé ma curiosité à cet égard. Dans sa thèse, Oscar Catalan Gonzalez explique que « ce genre musical […] cherche à imiter les chanteurs à succès avec l’espoir d’atteindre leur vocalité, à l’instrument. » [2] Il confirme également que la « production conséquente de ce genre musical en France au XIXe siècle prouve d’emblée l’affection que l’auditeur [de l’époque] lui porte dans différentes manifestations. Néanmoins, il est surprenant de constater que malgré son succès, en plus d’être considéré comme ‘sans importance’ [3], ce répertoire est souvent qualifié de ‘mauvaise musique’ par les instrumentistes eux-mêmes. » [2] et d’ajouter que la flûte, autour de laquelle ses recherches sont axées, a une similitude de timbre avec la voix humaine. Ce qui m’a fait sourire car j’ai entendu à maintes reprises la même affirmation concernant le violoncelle. L’analyse de M. Catalan Gonzalez s’applique donc au delà du champs de la flûte qu’il étudie.

Quoi qu’il en soit, flûte ou biniou, s’il est bien un genre déprécié dans la musique savante, c’est l’art des arrangements, chers au XIXème siècle. A Paris, les théâtres lyriques faisaient sensation avec différentes productions de compositeurs, rockstars de leur temps, tels les Giacomo Meyerbeer (1791-1864), Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) ou Fromental Halévy (1799-1862). Les cantatrices qui assuraient les premiers rôles de ces productions étaient adulées par les foules. On se battait parfois pour un billet de spectacle comme le rapporte Ernest Deschamps, chroniqueur et gérant de la Revue et Gazette Musicale en 1849 aux côtés de Louis Brandus, [4]. Dans son article, il relate l’hystérie collective autour de la personne de Jenny Lind, cantatrice Suédoise en tournée à New-York pour y interpréter son rôle de Norma dans l’opéra éponyme, composé par  Vincenzo Bellini ; opéra qui, au passage avait fait sa première 20 ans plus tôt à Milan.

Source: Wikipedia

Le public au comportement fanatique montre bien l’engouement de ce siècle pour les divertissements musicaux et la manne financière que ces productions représentaient : « Le Rossignol [5]  […] n’a pas encore chanté, ce n’est que le prologue ! […] La marche triomphale du rossignol […] la présentation au rossignol de cinq cents dames auxquelles il est obligé de serrer la main ; la description du mobilier spécialement commandé à l’hôtel Irving pour le rossignol et qui a coûté 30 000frs [6], la nouvelle que Barnum, l’entrepreneur, a loué Castle Garden qui tient 8000 personnes pour donner des concerts, l’envoi d’innombrables bouquets et autres témoignages d’estime que le rossignol refuse […] jamais on a vu pareil fureur […] les chemins de fer et les bateaux à vapeur versent des torrents de voyageurs venus voir la merveille suédoise […] on nous donne [6] la description du rossignol, Jenny Lind n’est point une beauté classique, elle a beaucoup de traits d’une allemande et de ceux d’une écossaise. Un prix de 1000frs est accordé à l’auteur de la meilleure pièce de vers en l’honneur du rossignol. Il y a 750 concurrents! Et par conséquent 749 mécontents […] les journaux se remplissent de la vente [des billets de concert] de la veille, il pleuvait à torrents et cependant environ 5000 personnes se pressaient aux bureaux pour avoir des billets. Le prix primitif du billet [aux enchères] était de US$3 (15frs). Le commissaire monte sur scène et commence par déclarer qu’il est à la place même ou se trouvera le rossignol. Le premier billet adjugé donnera le droit de choisir la place qui conviendra le mieux. La première enchère va à US$25, ce sont les 2 grands hôtels, celui d’Irving et celui de York qui se font une concurrence des plus animée. Ils ont des ordres pour leurs locataires, mais ils sont ignominieusement distancés par un simple citoyen, M.Genin, chapelier, qui enlève d’assaut le premier billet au prix de US$225 (1250Frs). Quand son nom est proclamé, toute l’assemblée se lève et pousse 3 hourras en son honneur […] Quel est donc ce mystère? Est-ce un compère? Non, c’est une réclame. Cet intelligent négociant a, dit-on, approfondi la philosophie de l’annonce. On lui dit qu’il fait une folie, il répond qu’il saura bien en trouver les intérêts. On lui donne US$50 de surenchère, il n’en donnerait pas son billet pour US$500. Ses concurrents sont 3 apothicaires qui ont fait fortune par les annonces, et qui envient son sort, car maintenant le nom de Genin chapelier va faire tourner toutes les têtes. On prétend que le jour du concert, il compte se distinguer en suspendant un immense chapeau dans la salle. […] à 2h, M.[Julius] Benedict venu de Londres pour diriger l’orchestre fait son entrée. Pendant ce temps là, le rossignol se promène et jouit de la vue splendide sur la baie en s’entretenant gracieusement avec 3 dames qui ont eu le privilège d’entrer. Le rossignol a une robe à carreaux, un châle rouge et un chapeau de soie vert. Quand le rossignol apparait sur scène, il est reçu par un tonnerre d’applaudissements. Il pâlit légèrement, effet de l’émotion. Elle commence Casta Diva [Le 1er air de Norma], l’enthousiasme est cette fois impossible à décrire. On nous dit [4] que l’orchestre oublie qu’elle est une créature terrestre, et est prêt à tomber à genoux et à l’adorer. Aux portes, la foule fait émeute ; le rossignol est obligé de s’envoler par une porte dérobée […]nous craignons pour les jours du rossignol […] L’autre jour, le rossignol était sur un balcon avec deux autres dames. Une de ces dames, une des trois, après avoir mangé une pêche, jette le noyau dans la rue. On s’est battu pour le ramasser ; on craint qu’il n’y ait eu des morts ou des blessés. On assure aussi qu’un des gants du rossignol a été ramassé, et que l’heureux possesseur de ce trésor fait payer 1 shelling pour baiser l’extérieur, et 2 shellings pour baiser l’intérieur du gant. »

Vue grand angle de New York City avec Battery Park en arrière-plan, 1851. Recoloration contemporaine. Auteurs: HEINE, Wilhelm (1827-1885) et Robert KUMMER (1810-1889). Source: Christies/Wikipedia

Voilà ou on en est. Aujourd’hui il faudrait qu’une Madonna balance sa petite culotte pour attirer une telle exaltation, un noyau de pêche ne ferait pas l’affaire. Mais à cette époque, point de radio, de télé ou de Netflix. Les soirées et weekends sont rythmés par ces divertissements en salle et dans les salons bourgeois. L’enseignement de la musique, qui s’est démocratisé depuis la création du Conservatoire de musique de Paris en 1795, et encore plus avec l’émergence des manufactures d’instruments de musique en série (Boehm en 1828, Kriegelstein en 1831  et dès 1802 à Mirecourt pour les instruments à cordes frottées) connait un engouement certain et nombre de personnes « de la bonne société » organisent des événements musicaux privés dans leurs salons ou dans des salles de spectacle tel les salles Erard et Pleyel pour ne citer que des lieux de légendes parisiennes.

Extrait de la critique d’Henri Blanchard pour la revue et gazette musicale N°24 du 17 juillet 1849. Il est question de l’exécution de l’opus 11 de Sebastian Lee: Souvenirs sur le thème d’opéra Guido et Ginerva de Fromental Halévy, interprété par Auguste Tolbecque lors d ‘un concert salle Ste Cécile sous le patronage de M. Antonin Guillot [Valeton de Sainbris]

Toute cette activité musicale est copieusement commentée par différents périodiques appartenant aux grandes maisons d’éditions et qui en font des critiques, revues et autres articles. Elles s’octroient l’exclusivité de certains compositeurs et monopolisent les retranscriptions de leurs opéras à succès. Les publications de partitions de ces opéras permettent que ces spectacles soient joués dans le monde entier. En outre, ces mêmes éditeurs proposent également, dans la foulée, des réductions pour divers instruments solistes accompagnés de piano. On peut le voir sur la publicité ci-dessous, la partition du célèbre opéra du Prophète de Giacomo Meyerbeer, est proposée sous différentes réductions composées par des noms célèbres de l’époque, dont notre cher Sebastian pour le violoncelle avec accompagnement de piano. Ces réductions sont destinées aux amateurs et à l’organisation de musique de Chambre exécutée dans les Salons ou de plus petites salles de concerts lors d’événements musicaux plus intimistes.

Publicité Brandus & Cie parue dans la revue et gazette musicale N°43 du 28 octobre 1849 p343. Source: Google eBooks

La musicologue Rachel Nicole Becker explore l’opprobre jetée sur ce qu’elle nomme ironiquement « Trash Music », littéralement « musique de poubelle », pour qualifier les arrangements musicaux des opéras du XIXème siècle qu’elle tente de réhabiliter en faisant la distinction entre des réductions paraphrasant les airs d’origine et les variations qui proposent en un mouvement le résumé de tout un opéra avec moult déclinaisons, ornements et détours dont la valeur est toute différente.

Elle donne l’exemple de Franz Liszt (également mentionné dans la publicité de Brandus & Cie de 1849 ci-dessus pour ses morceaux à paraitre sur les airs du Prophète) au travers des réflexions du compositeur Joaquim Raff qui écrit de la Fantaisie de Liszt sur Le Prophète de Giacomo Meyerbeer « c’est un mystère pour moi de voir comment on peut se donner une telle peine pour arranger un thème comme celui-ci […] avec la même dépense d’inventions, on aurait facilement pu produire une pièce originale de la plus grande importance. » Et Becker de souligner que dans cet arrangement, Franz Liszt produit 765 portées de composition nouvelle d’après les 8 portées du thème de Meyerbeer. [11]

Franz Liszt (1811–1886), à l’âge de 16 ans, 1858

Kenneth Hamilton [9] remarque que « si l’on écoute un arrangement de [Sigismund] Thalberg avec plaisir, il est probable que nous trouvions une autre de ses pièces ennuyeuse ». En revanche, « chaque Fantaisie composée par Liszt offre des points d’intérêts potentiels uniques. Les compositions de Liszt basées sur des opéras existants encapsulent parfois un acte entier en une pièce de concert de 15mn, juxtaposant et combinant les thèmes dans la foulée »[8] Ce concept « d’encapsulage » d’une œuvre plus importante dans une fantaisie , nous dit Rachel Nicole Becker, est un leitmotiv chez Liszt, cependant, elle soutient que ce n’est pas un cas exclusif mais bien un trait commun caractéristique du genre. [10]

Sigismund Thalberg, vers 1880. Source: BNF / Wikipedia

Elle explique, en outre, que la production de Fantaisies sur des airs d’Opéras fonctionnaient comme des « bandes d’annonces de cinéma, offrant un aperçu des opéras étant sortis dans une ville mais pas encore distribués, permettant au public de se faire une idée du thème avant de s’engager à la dépense d’un billet et d’une soirée complète. » [8] Dans certains cas, la publication de Fantaisies sur un air d’opéra se répandait plus rapidement après la Première de l’opéra en question. Rachel Nicole Becker en donne l’exemple avec Un Ballo [in Maschera de Giuseppe Verdi] qui n’a pas été joué à Londres avant 1861 mais dont la Fantaisie sur les airs de Un Ballo in Maschera de Verdi par Joseph Rummel ainsi qu’Albert W Berg Un Ballo in Maschera pour piano ont été publié à Londres en 1859 et 1860 respectivement. [8]

Il semble également que le genre de la Fantaisie soit tombé en désuétude au profit du nouveau genre symphonique car si les Variations et Fantaisies étaient l’apanage des compositions virtuoses, cette même virtuosité s’est trouvé dénigrée par les critiques musicaux, notamment. Rachel Nicole Becker cite Dana Gooley qui parle d’un sens « d’inévitabilité historique » dans « le triomphe des artistes sur les virtuoses » et l’émergence du goût « symphonique », mais la diabolisation de la virtuosité ainsi que le déclin subséquent et dans la durée de la musique virtuose, décrite par Edouard Hanslick comme « une gâterie saturée de sensualité et d’enthousiasme » ont été fabriqués et n’étaient pas inévitables. [9] Et Becker de noter que « les écrits de Dana Gooley pointent spécifiquement la responsabilité des critiques musicaux en ayant monté l’opinion publique contre ces pièces virtuoses et leurs interprètes et en diminuant artificiellement le standing des pièces musicales comme les Fantaisies à travers (ironiquement) des répétitions mécaniques de phrases comme des ornements excessifs et de la virtuosité superficielle » [12]

« Dans la musicologie récente, les défenseurs de la Fantaisie comme genre estimable en appel au sérieux mérite de l’Art musical Allemand et mentionnent les variations de Mozart et Beethoven sur des arias d’opéra. Par exemple, le musicologue Charles Suttoni fait référence à une variation de Mozart sur Antonio Salieri, Giovanni Paisiello et Christophe Gluck ainsi que Beethoven sur Karl Dittersdorf, André Gréty et Antonio Salieri comme des proto-fantaisies » [13]

Pour ma part, j’en appelle à l’excellentissime Josep Castanyer Alonso, violoncelliste à l’Orchestre Philarmonique Royal de Stockholm et à son quintet de violoncelles exécutant un fragment de Carmen, l’opéra de Bizet, arrangé par Werner Thomas-Mifune que je trouve superbe et pour lequel j’achèterais un billet sans hésiter pour l’écouter en live. Bien évidemment, il ne s’agit pas de mes goûts, alors revenons à ce merveilleux Josep Castanyer Alonso qui, outre son talent de violoncelliste, évoque dans sa courte biographie sur YouTube qu’il (je le cite) « joue un petit peu de piano à côté ». Voici que, pour s’amuser, il a décidé de reprendre la chansonnette « Barbie Girl » sorti en 1997, une création du groupe Aqua qui aura nécessité les efforts de pas moins 4 compositeurs : la Norvégienne Lene Crawford Nystrøm , et les Danois Claus Norreen,  René Dif et Soren Rasted pour produire un morceau de 3,17mn dont voici un aperçu de la partition [consultable dans son intégralité ici]

Source : MuseScore , transcripteur Cody Walton d’après Aqua « Barbie girl »

On ne juge pas, le morceau s’est vendu à plus de 8 millions d’exemplaires.

Et voici donc les arrangements du talentueux Josep Castanyer Alonso qui décide d’en reprendre le thème au piano à la manière tour à tour de Mozart, Beethoven, Shumann, Shubert, Chopin et enfin Ravel.

Le merveilleux Josep Castanyer Alonso et ses arrangements de Barbie Girl – Source: https://www.youtube.com/@JosepCastanyerAlonso

Donc, là, on sera bien d’accord que la performance n’a rien à voir avec les sirupeux covers pudiquement nommés Easy Listening d’un pianiste paraphrasant de grands thèmes (d’opéras ou non) en se permettant parfois un rythme de Bossa Nova déplacé. Une musique volontiers qualifiée de « musique d’ascenseur » par les plus cléments, voire quand le sacrilège musical est trop important « de chiottes d’autoroute » par les plus courroucés. On peut aussi écouter la version de Barbie Girl de Josep Castanyer Alonso mais cette fois à la manière d’une fugue à trois voix — ça m’a tiré les larmes.

Le sublimissime Josep Castanyer Alonso et sa fugue à 3 voix sur le thème de Barbie Girl. Source: https://www.youtube.com/@JosepCastanyerAlonso

Et il persiste et signe en faisant une variation sur la petite mélodie scandée par le haut-parleur du van de crèmes glacées qui circule dans son quartier à la recherche de clients, prouvant, s’il en était encore besoin, que la Fantaisie et la Variation sont des genres musicaux qui transcendent leurs thèmes d’origine, ces derniers n’ayant pas d’influence sur la qualité finale de l’arrangement. Seul le compositeur, sa technique, sa créativité et son talent feront la différence et produiront une œuvre digne d’intérêt ou un vulgaire « pot-pourri insipide » pour reprendre les termes de Carl Almenräder [14]

le prodigieux Josep Castanyer Alonso et sa fugue sur le thème du « ice cream van » Suédois (oui, je suis fan!!!! Aaah!!! Si quelqu’un possède un de ces gants ou un noyau de pêche mâchouillé par sa très sainte personne, merci de contacter la rédaction. Ca nous intéresse!!!)

N’en déplaise donc à mon Bon Maître, mais je republierai donc toutes les Fantaisies et Variations sur des thèmes d’opéras arrangés par Sebastian Lee, jusqu’à la dernière, car on oubliera pas qu’il était au sommet de son art, compositeur, violoncelliste soliste du Grand Opéra de Paris pendant 30 ans, et, je l’ai découvert il y a peu, professeur au Collège Stanislas de Paris [15]. Je n’ai pas encore découvert une seule de ses œuvres ne présentant pas d’intérêt. Ouvrons donc nos chakras et redonnons leurs lettres de noblesse à ce genre trop longtemps dénigré et pourtant digne d’un regain d’intérêt.

Notes

[1] Les bibliothèques proposent des services de reproduction mais font payer très cher leurs prestation de copie et d’envoi par courrier électronique. Par ailleurs, ils ajoutent d’autres frais si les contenus reproduits sont distribués et/ou partagés. C’est pourquoi l’obtention d’un document est très onéreuse.

[2] Oscar Catalan Gonzalez, thèse de doctorat intitulée : Un modèle vocal issu de l’opéra : l’exemple des Fantaisies pour flûte sur des thèmes d’opéra en France au XIXe siècle (La Sorbonne, 2022)

[3] Charles Soullier, Nouveau dictionnaire de musique illustré, Paris, Bazault, 1855, p. 124 in

[4] Revue & gazette musicale N°39 du 29 Septembre 1850 « Jenny Lind à New-York » p325-326

[5] Le Rossignol est un surnom donné à jenny Lind par le chroniqueur Ernest Deschamps.

[6] 30 000 francs français en 1849 seraient l’équivalent de US$150 000, basé sur le prix du billet donné dans l’article (US$3 = 15frs). Rapporté à l’inflation (basé sur les publication du US Department of Labor), la somme équivaudrait à US$5,98 millions actuels.

[7] ici, l’auteur de l’article cite le journal des débats qui rapporte au bimensuel français les faits et gestes quotidiens de la cantatrice en tournée dans leur ville grâce à des communications avec des journaux locaux en mentionnant : « Nous empruntons au Journal des Débats relation extraite des journaux américains. On y verra que si le peuple des Etats-Unis ne peut, comme le peuple français, se vanter d’être le plus spirituel de la terre, il en est assurément le plus enthousiaste, et qu’il se fait un point d’honneur de laisser bien loin l’exemple déjà passablement excessif que les Anglais lui avaient donné. Du reste, les triomphes obtenus il y a quelques années dans le même pays par Fanny Eilsler rendent ceux de jenny Lind vraisemblables. La danse avait précédé le chant ; c’est l’ordre inverse de celui que la fourmi conseille à la cigale dans la fable de La Fontaine. » 

[8] Trash Music, valuing XIXth century Italian Opera Fantasias for Woodwinds, Rachel Nicole Becker, St John’s College 2017

[9] Kenneth Hamilton, « The Opera Fantasia and transcriptions of Frantz Liszt: a critical study (thèse non publiée, Université d’Orxford, 1989 p315 in Rachel Nicole becker, Trash Music, valuing XIXth century Italian Opera Fantasias for Woodwinds, St John’s College 2017

[10] Walker, “Liszt Franz 10 arrangements”, in Ibid

[11] Lewis Foreman et Susan Foreman, London: A Musical Gazetteer (Yale University Press, 2005) p302 in Ibid p15

[12] Dana Gooley, “The battle against instrumental virtuosity in the early nineteenth century”, Franz Liszt and his World, ed. By Christopher Gibbs and Dana Gooley (Oxford: Princeton University Press, 2006), p76, in ibid

[13] Suttoni, “Piano fantaisies and descriptions”, Grove Music Online, in Ibid

[14] James B. Kopp, The Bassoon (Londres: Yale University Press, 2012) p139 in Ibid.

[15] Selon un article paru dans la gazette et Revue musicale de Paris N°30 du 26 Juillet 1846 qui relate un concert philanthropique au Collège Stanislas par la Société de patronage pour les enfants dans les manufactures de Mme Emma Collard. J’en reparlerai dans un prochain article.

Banner image (above) part of the engraving by Charles Bour (1814-1881) used for the frontispiece of the original score of Le Prophète by Meyerbeer (1849).

Fantasies and Variations: The Poor Country Cousins of Classical Music?

Written by Pascale Girard. Thank you to Sheri Heldstab and friends for translating, correcting, proofreading and improving this article.

When I began to reconstruct Sebastian Lee’s catalog of compositions, it didn’t take long before I got my hands on his arrangements of Fantasies derived from famous operatic arias. I was excited to share my finds with my cello instructor, and feeling very proud of myself, I took the first opportunity to show him my new-found treasures. Smiling gleefully, I handed him a copy of the “Great Dramatic Fantasy on the Air of the Prophet by Giacomo Meyerbeer” [“Grande Fantaisie dramatique sur l’air du Prophète de Giacomo”], opus 53, by Sebastian Lee.  This was not easily found in the Austrian National Library, and obtaining the copy had been quite expensive for me, personally.[1] My instructor looked at it disdainfully and said, “Forget it, it’s not important. We’ll focus on original works.” I was shocked! This work was completely original, and written by my favorite composer, Sebastian Lee.

However, my instructor (who doesn’t allow his ears be wooed by a few musical frills) has never ceased to amaze me with his musicality and musical knowledge – so when he says something, I generally listen. Consequently, we have not republished any of Sebastian Lee’s “Variations and Fantasies”. I decided that I would delve into that at a later date since we already had enough to do with the “original” validated opuses.

Recently, however, a PhD thesis defense by researcher and musicologist Oscar Catalan-Gonzalez was published by the Bibliothèque Nationale de France (BNF).  His thesis rekindled my curiosity about Sebastian Lee’s « Variations and Fantasies ». In his thesis, Catalan-Gonzalez explains that “this musical genre […] seeks to imitate successful singers, with the hope of achieving their vocality, on the instrument.” [2] He also confirmed for me that the “consequent production of this musical genre in France in the 19th century immediately proves the affection that the listener had for it in different manifestations. Nevertheless, it is surprising to note that despite its success, in addition to being considered ‘unimportant’, this repertoire is often described as ‘bad music’ by the instrumentalists themselves.” [2] He adds that the flute, on which his research focused, is similar in timbre to the human voice. This made me smile as I have heard the same remark made about cellos time and time again. Catalan-Gonzalez’s analysis, therefore, applies to instruments other than just the flute.

No matter what the instrument, flute or bagpipe, if there is an underappreciated genre in the modern “classical” repertoire, it is in the art of arrangements, which were greatly enjoyed by the public in the 19th century. In Paris, opera theaters caused a sensation with various productions by composers – the rockstars of their time – such as Giacomo Meyerbeer (1791-1864), Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) and Fromental Halévy (1799-1862). The singers who played the leading roles in these productions were adored by the public. Crowds sometimes became violent over tickets to the shows, as reported by Ernest Deschamps, columnist and manager of the Revue et Gazette Musicale in 1849, along with Louis Brandus [3]. In Deschamps’ article, he describes the collective hysteria surrounding the Swedish singer Jenny Lind, on tour at the time in New York in her role as Norma in the opera of the same name, composed by Vincenzo Bellini, and which, incidentally, had its premiere 20 years earlier in Milan.

Source: Wikipedia

The audience’s fanatical behavior clearly shows this century’s craze for musical entertainment and the financial windfall that these productions represented: “The Nightingale[4] … has not yet sung, this is just the beginning!… The triumphal march of the Nightingale … the presentation to the Nightingale of five hundred ladies with whom she is obliged to shake hands, the description of the furniture specially ordered from the Irving Hotel for the Nightingale and which cost 30,000 francs[5], the news that Barnum, the entrepreneur, has rented Castle Garden, which holds 8000 people, to give concerts, the sending of countless bouquets and other tokens of affection that the Nightingale refuses … never have we seen such fury … the railways and steamboats pour out torrents of travelers who have come to see the Swedish marvel … we are given a description of the Nightingale, Jenny Lind is not a classic beauty, she has many features of a German and of a Scottish woman. A prize of 1000frs [francs] is awarded to the author of the best poem in honor of the Nightingale. There are 750 competitors! And as a result, 749 dissatisfied people … the newspapers were filled with news of the sale [of concert tickets] the day before, it was raining in torrents and yet around 5,000 people were rushing to the offices to get tickets. The original price of the ticket [at auction] was US$3 (15frs).The commissioner goes on stage and begins by declaring that he is in the same place where the Nightingale will be.The first ticket sold will allow the owner of the ticket to choose their own seat.The first bid goes to US$25, it is the 2 large hotels, the Irving and the York, which are in very lively competition. They have orders for their tenants, but they are ignominiously left behind by a simple citizen, Mr. Genin, a hatter [haberdasher], who storms off with the first ticket, having won the bid at the price of US$225 (1250Frs).When his name is proclaimed, the whole assembly rises and gives him three cheers … What is happening? Is he a friend? No, it’s a ploy. This intelligent businessman is said to have delved deeper into the philosophy of advertising.They tell him that he is crazy, he replies that he will know how to make a profit from it. We offer him US$50 [over his bid], he wouldn’t give his ticket for US$500. His competitors are 3 pharmacists who made their fortune through advertisements, and who envy him, because now the name of Mr. Genin the Haberdasher will turn all heads. It is claimed that on the day of the concert, he plans to distinguish himself by hanging a huge hat in the room. … at 2 a.m., Mr. [Julius] Benedict, who had come from London to conduct the orchestra, entered. Meanwhile, the Nightingale walks and enjoys the splendid view of the bay while chatting graciously with 3 ladies who had the privilege of joining her. The Nightingale has a checked dress, a red shawl and a green silk hat. When the Nightingale appears on stage, it is to thunderous applause. She turned slightly pale, the effect of overwhelming emotion. She begins Casta Diva [Norma’s first song], the enthusiasm this time is impossible to describe. We are told [6] that the orchestra forgets that she is an earthly creature, and is ready to fall on its knees and worship her. At the gates, the crowd riots; the Nightingale is forced to fly away through a back door … we fear for the days of the Nightingale … The other day the Nightingale was on a balcony with two other ladies. One of the ladies, after eating a peach, threw the pit into the street. The crowds fought to pick it up; there are concerns that there may have been deaths or injuries during the fight. It is also said that one of the Nightingale’s gloves was picked up, and that the lucky owner of this treasure charges 1 shilling [7] to kiss the outside, and 2 shillings to kiss the inside of the glove.”

Wide angle view of New York City (Manhattan Island with Battery Park in the background), 1851. Contemporary recoloring.

Authors: HEINE, Wilhelm (1827-1885) and Robert KUMMER (1810-1889). [8]

This is where we are. Today, a pop music star would have to show more than just skin to the audience to generate the same degree of rapture – a simple peach pit would not be enough. But at that time, there was no radio, TV, or Netflix. Evenings and weekends were punctuated by these entertainments, both in the theaters and in the bourgeois living rooms of the time. The teaching of music had been democratized since the creation of the Paris Conservatory of Music in 1795, and even more so with the emergence of mass-produced musical instrument manufacturers (Boehm in 1828, Kriegelstein in 1831, and, for bowed string instruments, Mirecourt in 1802). A great deal of enthusiasm was beginning to form around learning to play a musical instrument and a number of people “from good society” began to organize private musical events in their living rooms or in performance halls such as the Erard and Pleyel halls, to name only a few places of Parisian legends.

Excerpt from Henri Blanchard’s review of the performance of Sebastian Lee’s opus 11: “Memories on the theme of the opera Guido and Ginerva by Fromental Halévy”, performed by Auguste Tolbecque during a concert at the Ste Cécile hall under the patronage of Mr. Antonin Guillot [Valeton de Sainbris][9]

Approximate translation:  “Also distinguishing themselves on this musical morning were: Mr. Auguste Tolbecque, performing on the cello “Variations on Guido and Ginevra” by Mr. Lee with accuracy and good expression; Mr. Verroust, who performed a charming oboe solo of his own composition; Mr. Goria, who played an entire piece from an Italian opera on the piano for us, and his charming saltarella; and finally, Mr. Malezieux, who came to tell us about the juicy gossip currently circulating about Father Trinquefort to prove to us that he had not died of cholera as rumor had claimed.”

All this musical activity is copiously commented on by various periodicals belonging to the major publishing houses, which produce critiques, reviews, and other articles. They grant themselves exclusivity for certain composers and monopolize the transcriptions of their successful operas. The publication of these operatic scores finances the performances of the operas around the world. At the same time, these publishers also offer discounts for various solo instruments accompanied by piano. We can see in the advertisement below that the score of the famous opera “The Prophet” by Giacomo Meyerbeer is offered in different variations, composed by famous names of the time, including our dear Sebastian (for the cello with piano accompaniment). These reductions [10] are intended for amateurs and are written as Chamber music to be performed in Salons or smaller concert halls during more intimate musical events.

Brandus & Cie advertisement published in La Revue et Gazette Musicale, 1849. [11]

The musicologist Rachel Nicole Becker explores the vilification of what she ironically calls « Trash Music »[12].  She attempts to rehabilitate the instrumental arrangements of 19th century operas by making the distinction between reductions (musically paraphrasing the original works) and variations (musically summarizing an entire opera with many variations, ornaments, and changes) – the value of each being completely different.

She gives the example of Franz Liszt – also mentioned in the 1849 Brandus & Cie advertisement, above, for his pieces based upon the themes of Le Prophète – by quoting the German composer Joachim Raff’s opinions of Liszt’s Fantasy on The Prophet by Giacomo Meyerbeer “it is a mystery to me how one can go to such trouble to arrange a theme like this … with the same expenditure of inventions, one could easily have produced an original piece of the greatest importance.” In response to this critique, Becker points out that Liszt’s arrangement produces 765 staves of new composition based on the 8 staves of Meyerbeer’s theme. [12]

Franz Liszt (1811–1886), 1858

Kenneth Hamilton [13] remarks that « if we listen to one arrangement of [Sigismund] Thalberg with pleasure, we are likely to find another of his pieces boring. » On the other hand, “…each Fantasy composed by Liszt offers unique potential points of interest. Liszt’s compositions based on existing operas sometimes encapsulate an entire act into a 15-minute concert piece, juxtaposing and combining themes in the process.”[12] This concept of « encapsulating » a larger work into a Fantasy , Becker tells us, is a leitmotif in Liszt; however, she maintains that this is not an exclusive case but rather a common characteristic of the genre. [14]

Sigismund Thalberg, circa 1880. Source: BNF / Wikipedia

She further explains that the production of Fantasies of operas functioned like « cinema trailers, offering an overview of operas having been released in a city but not yet distributed, allowing the public to get an idea of the theme before committing to the expense of a ticket and a full evening.” [12] In some cases, the publication of Fantasies on operas spread more quickly after the premiere of the opera in question. Becker gives the example of Un Ballo in Maschera [by Giuseppe Verdi], which was not performed in London before 1861 but whose Fantasies, written by Joseph Rummel as well as Albert W Berg, were published in London in 1859 and 1860 respectively. [15]

It also seems that the genre of operatic Fantasy has fallen into disuse in favor of the new symphonic genre because if Variations and Fantasies were comparable to virtuoso compositions, this same virtuosity found itself denigrated – particularly by musical critics. Becker quotes Dana Gooley who speaks of a sense of « historical inevitability » in « the triumph of artists over virtuosos » and the emergence of « symphonic » taste. However, the demonization of virtuosity as well as the subsequent decline in the duration of virtuoso music, described by Edouard Hanslick as « a treat saturated with sensuality and enthusiasm » were manufactured and were not inevitable. [16] Becker also notes that « the writings of Dana Gooley specifically point to the responsibility of musical critics in having turned public opinion against these virtuoso pieces and their performers and in artificially diminishing the standing of musical pieces like the Fantasies through (ironically) mechanical repetitions of phrases like excessive ornaments and superficial virtuosity”. [12]

“In recent musicology, defenders of Fantasy as an estimable genre appeal to the serious merit of German musical art and mention the variations of Mozart and Beethoven on opera arias. For example, musicologist Charles Suttoni refers to a variation by Mozart on Antonio Salieri, Giovanni Paisiello and Christophe Gluck, as well as Beethoven on Karl Dittersdorf, André Gréty and Antonio Salieri as proto-fantasies ». [17]

For my part, I’ll look to the excellent example of Josep Castanyer Alonso, cellist at the Royal Stockholm Philharmonic Orchestra, and his cello quintet performing a fragment of Carmen (an opera written by Bizet) arranged by Werner Thomas-Mifune. I think this arrangement is superb and would buy a ticket in a heartbeat to hear it performed live. Obviously, this is not about my tastes, so let’s return to this wonderful cellist Josep Castanyer Alonso who, in addition to his talent as a cellist, mentions in his short biography on YouTube that he “…also play[s] the piano a bit…” For fun, he decided to create not one, but two Fantasies of the song “Barbie Girl”, a popular song released in 1997 by the group “Aqua”.  The original song “Barbie Girl” required the writing efforts of no less than 4 composers (Lene Crawford Nystrøm from Norway, and Claus Norreen , René Dif and Soren Rasted all from Denmark) to produce a 3.17 minute-long song.

Transcription of Aqua’s “Barbie Girl” arranged by Cody Walton [18]

(No judgment here, the song has sold more than 8 million copies!)

Here is one of the two Fantasy arrangements of “Barbie Girl” by the talented Josep Castanyer Alonso [19], who has arranged the modern theme in the style of Mozart, Beethoven, Schumann, Schubert, Chopin and finally Ravel (with hilarious commentary in the video).

The wonderful Josep Castanyer Alonso and his arrangements of Barbie Girl[20]

Perhaps we can agree that the performance has nothing to do with the syrupy covers – modestly named “Easy Listening” – of a pianist paraphrasing great themes (opera or not) sometimes allowing himself a Bossa Nova beat. This music is described as “elevator music” by the most lenient and as “motorway garbage” by the most offended when the musical sacrilege is just too much to bear. However, we can also listen to the version of “Barbie Girl” by the sublime Josep Castanyer Alonso but this time in the style of a three-part fugue – it brought tears to my eyes.

The sublime Josep Castanyer Alonso and his three-voice fugue on the theme of “Barbie Girl”. [21]

He continues his art with the creation of a variation on the short melody played by the ice cream truck that drives around his neighborhood.  The transformation of the ice cream truck’s bit of auditory doggerel proves, if proof is still necessary, that Fantasy and Variation are musical genres which transcend their original themes, with the original theme having no influence on the final quality of the arrangement. Only the composer, his technique, his creativity, and his talent will make the difference between a work worthy of interest or a vulgar “tasteless medley” to use the terms of Carl Almenräder.[22]

The prodigious Josep Castanyer Alonso and his fugue on the theme of the Swedish ice cream truck (yes, I’m a fan!!!! Aaah!!! If anyone has one of his gloves or a peach pit gnawed on by his divine person, please contact the editorial staff! We are interested!!!) [23]

Thus, with no offense intended to my cello instructor, I will be republishing all of the Fantasies and Variations on Opera Themes arranged by Sebastian Lee, right down to the last one. We should not forget that he was at the peak of his career at the time that he arranged those pieces: artist, composer, solo cellist at the Grand Opéra de Paris for 30 years, and, I recently discovered, professor at the Collège Stanislas de Paris. [24] I have yet to find a single one of his works uninteresting. So let us open our minds and restore honor to this denigrated genre which is deserving of renewed interest.

Notes:

[1] Libraries such as this one allow reproductions to be made, but they charge for scanning and emailing the document.  In addition, they charge an extra fee if the image is going to be reproduced or shared, as if they owned the copyright.  Thus, obtaining a copy of a document can be quite expensive.
[2] Oscar Catalan-Gonzalez, doctoral thesis, “A Vocal Model from Opera: The Example of Fantasies for Flute on Opera Themes in France in the 19th Century” (La Sorbonne, 2022), https://bnf.hypotheses.org/27165, (accessed online 28 December 2023).
[3] La Revue et Gazette Musicale Vol. 17, No. 39, 29 September 1850 “Jenny Lind à New-York” pp. 325-326, https://books.google.com/books?id=8NXtdepgEF4C, (accessed online 28 December 2023).

[4] “The Nightengale” is a nickname given to Jenny Lind by Ernest Deschamps.
[5] 30,000 French Francs in 1849 would have been worth approximately US(1849)$5,400 based on the bidding price by Mr. Genin given later in the same article (US$225 = 1250Frs).  When adjusted for inflation (based on records published by the U.S. Department of Labor), that would be the approximate equivalent of US(2023)$213,700.
[6] Here, the author of the article cites the Journal des Débats, which, every other week, reports the daily doings and actions of the singer on tour in their city thanks to communications with local newspapers, mentioning: “We borrow from the Journal des Débats their relationship with American newspapers. We will see that if the people of the United States cannot, like the French people, boast of being the most spiritual on earth, they are certainly the most enthusiastic, and that they make it a point of honor to surpass the already rather excessive example that the English had provided. Moreover, the triumphs obtained a few years ago in the same country by Fanny Eilsler make those of Jenny Lind plausible. The dance had preceded the song; it is the opposite order to that which the ant advises to the grasshopper in La Fontaine’s fable.
[7] A New York shilling, or “York shilling” was worth approximately 12.5 US cents.  According to Caleb Crain, “the currency and coinage in the U.S. before the Civil War is a great big mess … the emerging consensus seems to be that the New York shilling, or “York shilling,” was worth about 12.5 U.S. cents between the 1830s and 1850s, but that the actual coin referred to was a Spanish (or Latin American) real. There were eight reales in a Spanish dollar; thus the nickname for Spanish dollars, “pieces of eight.” (This would also explain the slang reference to a quarter as “two bits,” i.e., two reales, or two York shillings.)” Caleb Crain, “What was the (New) York shilling?”, https://steamthing.com/2020/02/what-was-the-new-york-shilling.html (accessed online 28 December 2023).
[8] https://en.wikipedia.org/wiki/File%3ABirds-eye_view_of_New_York,_1851.png (accessed online 28 December 2023).
[9] La Revue et Gazette Musicale Vol. 16, No. 24, 17 July 1849, p. 188, https://books.google.com/books?id=iLlCAAAAcAAJ, (accessed online 28 December 2023).
[10]In music, a reduction is an arrangement or transcription of an existing score or composition in which complexity is lessened to make analysis, performance, or practice easier or clearer; the number of parts may be reduced or rhythm may be simplified, such as through the use of block chords.”  [Wikipedia, “Reduction (music)”]
[11] La Revue et Gazette Musicale Vol. 16, No. 43, 28 October 1849, p.343, https://books.google.com/books?id=iLlCAAAAcAAJ, (accessed online 28 December 2023).
[12] Rachel Nicole Becker , “Trash Music, Valuing 19th Century Italian Opera Fantasias for Woodwinds”, St John’s College 2017, https://doi.org/10.17863/CAM.26391, (accessed online 28 December 2023).
[13] Kenneth Hamilton, “The Opera Fantasia and Transcriptions of Frantz Liszt: a Critical Study” (unpublished thesis, Oxford University, 1989) as cited on p.315 in [12].
[14] Walker, “Liszt, Franz, 10 arrangements”, as cited in [12].
[15] Lewis Foreman and Susan Foreman, “London: A Musical Gazetteer” (Yale University Press, 2005) p.302 as cited on p.15 in [12].
[16] Dana Gooley, “The Battle Against Instrumental Virtuosity in the Early Nineteenth Century, Franz Liszt and his World”, ed. Christopher Gibbs and Dana Gooley (Oxford: Princeton University Press, 2006), p76,
as cited in [12].
[17] Charles Suttoni, “Piano Fantasies and Descriptions”, Grove Music Online (https://doi.org/10.1093/gmo/9781561592630.article.O005677), as cited in [12].
[18] https://musescore.com/user/4367091/scores/11667406 (accessed online 28 December 2023).
[19] https://www.konserthuset.se/en/royal-stockholm-philharmonic-orchestra/members-in-the-orchestra/cello/josep-castanyer-alonso/ (accessed online 28 December 2023).
[20] https://www.youtube.com/watch?v=WRfsibwR5x4 (accessed online 28 December 2023).
[21] https://www.youtube.com/watch?v=qsE7H6YPfco (accessed online 28 December 2023).
[22] James B. Kopp, The Bassoon (Londres: Yale University Press, 2012) p.139 as cited in [12].
[23] https://www.youtube.com/watch?v=ZV0e7vd0mL8 (accessed online 28 December 2023).

[24] According to an article published in La Gazette et Revue Musicale No. 30, 26 July, 1846, about a philanthropic concert at the Collège Stanislas by the Society of patronage for children in the factories of Mrs. Emma Collard. To be discussed in a future blog entry.

Translation Note:  This translation attempts to be true to both the ideas and the tone of voice used by the author.  That said, some French idioms do not translate perfectly to English.  In those cases, I have attempted to maintain the concept, if not the exact words, of this translation.

Translated to English by Sheri H.