Plusieurs mois se sont écoulés depuis notre billet concernant l’opus 52, la barcarolle « Promenade en gondole » de Sebastian Lee, republiée au Printemps 2024 par nos soins, après 176 ans d’oubli. Et j’écris 176 ans, car il s’agit là d’une œuvre qui n’a jamais fait l’objet de publicité dans la presse lors de sa parution. Une œuvre passée complètement inaperçue. Tout cela nous a laissé bien perplexe, et malgré un examen minutieux des œuvres précédentes et suivantes pour essayer d’en établir le contexte historique, la date de composition puis de publication, nous avions fait chou blanc. S’en est suivi quelques temps plus tard la découverte d’une lettre de Sebastian Lee à un destinataire inconnu, lui faisant savoir qu’en plus d’avoir composé une œuvre (probablement commandée) pour une « charmante fiancée », l’artiste musicien s’était permis d’offrir en sus une œuvre supplémentaire inspirée par le destinataire du courrier. Nous sommes en décembre 1847, donc peut-être à l’époque de la composition de notre opus 52, et il reste possible que le destinataire soit le dédicataire de la barcarolle. Pourquoi? Parce-que seul l’opus 52 est dédié à une femme entre 1847 et 1851, à 2 exceptions près: l’opus 54, dédié à Madame Clémence de Reseit d’Arques (1828-1907), musicienne, organisatrice de concerts, qui épouse le Vicomte Amable Enlartde Grandval (1813-1886) en 1851. Est-ce qu’elle passe commande auprès du compositeur ou est-ce monsieur le vicomte pour sa charmante fiancée en 1847? Puis, l’opus 49 dont on ne sait rien pour le moment, à part que l’opus 50 est dédié à Emile Colliau, un élève et ami du compositeur, Si l’opus 49 était dédié à une femme qui s’avérait être la fiancée d’Emile Colliau, alors on pourrait spéculer qu’Emile Colliau était le destinataire de la lettre de 1847, mais je ne crois ni à l’hypothèse du Vicomte, ni à celle d’Emile Colliau. Là, tel que je vous présente les choses, cela donne l’impression d’être encore assez embrouillé, mais restez avec moi, la réponse n’est pas loin 🙂
Reprenons donc nos éléments depuis le début: nous avons une lettre de décembre 1847 qui nous dit qu’un opus dédié à une charmante fiancée précède un opus dédié au destinataire (forcément masculin, la communauté LGBTQ+ étant encore très largement « underground » à l’époque) du courrier que nous possédons. Problème N°1: après avoir établi la liste des opus 43 à 51, rien n’a fait sens. Pas moyen de trouver une corrélation entre 2 d’entre eux et d’identifier l’opus du destinataire et celui écrit pour sa charmante fiancée. Je me suis également persuadée que l’opus 52 avait été publié pendant les événements de 1848. Cette année là, l’opéra a dû faire relâche par 2 fois, en février et en juillet, à cause des événements provoqués par la révolution antimonarchique. En réalité, l’opus 52 a été composé à la fin de l’année 1847 et envoyé en même temps que le courrier daté du 13 décembre 1847, mais il y avait un piège.
Il n’y a rien qui vous choque? Si c’est le cas vous êtes aussi dyscalculiques que moi. Ce n’est pas AVANT l’opus 52 qu’il fallait faire des recherches, mais APRES, bien sûr! Ah, quand je me suis aperçue de la méprise, j’avais déjà trouvé le dédicataire par un autre chemin, mais, sachez-le, la bourde majeure qui a bien planté les recherches a été de remonter dans le passé, alors qu’il fallait avancer dans le futur. L’opus 52 est le premier opus commandé par le mystérieux dédicataire et c’est donc l’opus 53 qui a été rajouté pour « rendre à César ce qui est à César » et dédier une deuxième œuvre en plus de la commande. La lettre à ce sujet est claire. Regardez vous-même:
Lettre de Sebastian Lee à un destinataire non identifié, BNF.
Intéressons nous donc à l’opus 53, celui qui SUIT l’opus 52, puisque la tournure de la lettre suggérait qu’un premier opus avait été composé pour la charmante fiancée du dédicataire puis un de plus au dédicataire lui-même. L’opus 53 « Fantaisie dramatique sur les motifs du Prophète, opéra de Giacomo Meyerbeer, pour violoncelle avec accompagnement de piano » est dédicacé à Napoléon III. Je sais, c’est dur à croire, mais c’est pourtant la réalité, car comme disaient Hercule Poirot ou Sherlock Holmes, je ne sais plus: « quand une seule hypothèse, même improbable, est la seule possibilité, alors c’est la solution au mystère. »
Opus 53 « Grande fantaisie dramatique sur l’opéra le Prophète de Giacomo Meyerbeer » par Sebastian Lee, publié chez Brandus.
On remarque qu’au moment de la parution de l’opus 51, donc celui qui précède la « Promenade en gondole », nous sommes déjà en 1850. C’est aussi cet élément qui m’a égaré! L’opus 52, si on suivait la chronologie linéaire des compositions, aurait dû sortir en 1850 ou après. Or, comme on a aucune publicité dans la presse, ni aucune mention de l’éditeur S.Richault, je fais une vérification (que j’aurais dû faire avant d’ailleurs) avec la plaque. Sur la couverture, on a la référence 10 174 B:
Voici un extrait des références des plaques de l’éditeur et leur année de parution d’après IMSLP:
Du coup je fais le même exercice avec l’opus 53. Il s’agit d’après la couverture et IMSLP des plaques B et C5169. En se référant au catalogue, on tombe bien sur une date cohérente 1849-1850:
Il est donc à peu près irréfutable à ce stade de l’histoire que l’opus 52, la barcarolle « promenade en gondole » dédiée à Mademoiselle Caroline Morin et éditée chez Simon Richault est parue en 1850 tandis que l’opus 53 qui lui faisait suite, la « Grande fantaisie sur l’air du Prophète de Meyebeer » et dédiée à Napoléon III est parue la même année, mais chez un autre éditeur: les frères Brandus. Ca, c’est ce qui s’est passé concernant l’édition de ces œuvres et déjà, on peut se demander pourquoi 2 éditeurs différents. Chez Richault, les affaires sont florissantes. Spécialisé dans la parution de compositions des meilleurs musiciens allemands, éditer Sebastian Lee parait naturel. Chez Brandus, les affaires vont plutôt bien malgré les dettes difficiles à éponger du précédent propriétaire, Maurice Schlesinger (voir le billet « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »). Le 1er octobre 1850, Ernest Deschamps d’Hannecourt quitte la société et c’est Samuel (dit Gemmy) Brandus, le frère de Louis, qui prend sa place en tant qu’associé. Le fonds de l’éditeur Eugène-Théodore Troupenas (1798–1850) est acquis, venant augmenter le fonds existant. L’année suivante, ils fondent une succursale à St Pétersbourg. [1] Ce n’est donc pas la santé financière précaire d’un des éditeurs qui aurait obligé notre cher Sebastian Lee a frapper à une autre porte comme se fut le cas en 1859 (voir le billet « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »).
Non. La raison pour laquelle ces 2 opus ont été publiés 4 à 5 années après leur composition est la même que la raison pour laquelle elles paraissent chez 2 éditeurs différents: pour brouiller les pistes. C’est parce-que le dédicataire était une personnalité prestigieuse que nous avons eu la chance de dégoter la lettre de Sebastian Lee de 1847 (même si le dédicataire n’est pas identifié à la BNF). C’est pour la même raison que le compositeur veut « rendre à César ce qui appartient à César« . Cette petite phrase a tourné et retourné dans ma tête. On ne peut que s’adresser à un leader, ou en tout cas à une personne d’envergure quand on la compare à César. C’est encore pour dissimuler les ébats sentimentaux impériaux hors mariage qu’il fallait s’assurer qu’aucun lien possible ne subsiste entre l’opus 52 dédié à Mademoiselle Caroline Morin, la charmante fiancée, et l’opus 53 au futur empereur Napoléon III. C’est enfin parce-qu’il s’agit de Napoléon III que nous avons des traces, des sources et de la documentation. Mademoiselle Caroline Morin, probablement la ballerine dont j’avais retrouvé la trace dans un billet précédent (voir « Le Mystère de l’Opus 52 »), a été une de ses nombreuses maitresses.
Un mot sur Napoléon III qui, bien que fort laid, eut une vie sexuelle des plus trépidantes. Non qu’il fut un amant exceptionnel, bien au contraire, il n’hésitait pas à faire usage de sa force ou de sa position pour obtenir ce qu’il désirait. [1] Nous pouvons également lire qu’il « a eu une vie très dissolue dans l’ensemble, et se comporta de manière tout à fait indigne avec les quelques femmes qui l’aimèrent et lui rendirent service. » [3]
Portrait de Napoléon III par Augustin-Aimé-Joseph Lejeune (actif de 1865 à 1870).
La jeune Caroline Morin, s’il s’agit bien de la ballerine que j’avais retrouvé, était une proie parfaite pour tous les prédateurs, nymphomanes et autres vieux dégueulasses qui sévissaient à l’Opéra à l’époque, et dont Napoléon III faisait indéniablement partie. [4]
Edgar Manet et d’autres peintres ont copieusement documenté la vie des ballerines reluquées par ces messieurs en haut-de-forme, et la triste destinée de ces jeunes femmes, prostituées souvent par leurs propres mères.
« Attente », d’Edgar Degas, 1882. Une toile qui m’a toujours bouleversé.
« Danseuse avec un admirateur derrière la scène », Jean-Louis Forain (1852-1931)
« Dans les coulisses », Jean-Louis Forain (1852-1931)
Les personnes intéressées par l’histoire tragique de ces ballerines dont le talent pour la danse ne suffisait pas à vivre, même à l’Opéra, pourront lire ce très sérieux article sur la question qui fait un tour d’horizon écœurant mais instructif sur les mœurs déplorables qui sévissaient à cette époque. Le gros Napoléon III, régulier de l’Opéra avant et après son mariage en 1851, n’appréciait donc pas que la musique et la danse de la salle Le Pelletier. Sordide réalité que ces ballerines à la recherche de ce qu’on appelait éhontément un « protecteur », c’est à dire un client régulier, afin de pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. J’aimerais pouvoir leur dédier un article complet, en particulier depuis que j’ai trouvé pendant mes recherches aux Archives Nationales de Pierrefitte, un carton contenant quantité de photos de ballerines de l’époque. Ces photos sont fascinantes à plus d’un titre. Malheureusement pour moi, je crains de ne pouvoir reprendre le chemin des archives avant longtemps. Si quelqu’un a la possibilité de prendre des photos des daguerréotypes du carton numéroté AJ/13/453, que cette personne me contacte. Je serais ravie de collaborer à la préparation d’un article sur les danseuses de l’Opéra du XIXème siècle. En attendant, on peut contempler quelques photos de ces danseuses ici.
Pour conclure, ces 2 œuvres, l’une dédiée à la charmante fiancée Caroline Morin, et l’autre à Napoléon III, nous éclairent sur la société avec laquelle notre cher Sebastian Lee était en contact. Premier violoncelle de l’Opéra de Paris, salle prestigieuse à rayonnement européen, c’est à lui que le futur empereur s’adresse pour composer une œuvre à la ballerine dont il s’est amouraché. Honneur ou déshonneur de participer à une telle gabegie, il est en tout cas un fait, c’est que notre compositeur côtoie les huiles et que son travail et son talent son appréciés de toutes. A-t-il fallu négocier pour pouvoir éditer ces œuvres et les rendre disponibles à un large public alors qu’elles faisaient l’objet d’une commande particulière? L’histoire ne le dit pas, mais je le pense. Cela justifie et explique l’édition chez 2 maisons différentes, l’écart de temps écoulé entre la composition, la livraison et la publication et surtout le fait que l’opus 52 soit passé totalement inaperçu car non relayé dans les médias de l’époque. Nous voilà donc au fait du contexte de cette jolie barcarolle, une promenade en gondole pour des amours cachés au sein de l’opéra de Paris et qui touchent aux plus hautes sphères de l’Etat français de l’époque.
Several months have passed since our blog post about opus 52, “Promenade en gondola” by Sebastian Lee, which was republished by us in 2024 – after 176 years of oblivion. We say it was 176 years because this is a work that was never advertised in the press when it was published, a work that went completely unnoticed. All this left us quite perplexed, and despite a careful examination of the preceding and following works to try to establish the historical context, the date of composition and then of publication, we had come up empty-handed. This was followed by the later discovery a letter from Sebastian Lee to an unknown recipient, informing him that, in addition to having composed a work (probably commissioned) for a “charming fiancée”, the musician had also composed an additional work inspired by the recipient of the letter. We are in December 1847, perhaps at the time opus 52 was being composed, and it remains possible that the recipient of the letter is also the recipient of the dedication of opus 52.
Why do we think this? Because between 1847 and 1851, only opus 52 is dedicated to a woman, with the exceptions of opus 54, dedicated to Madame Clémence de Reseit d’Arques (1828-1907), musician and concert organizer, who married the Vicomte Amable Enlartde Grandval (1813-1886) in 1851. Might she have commissioned the composer or did the Viscount commission it for his charming fiancée in 1847? Then we have opus 49, about which we know nothing at the moment. Opus 50 is dedicated to Emile Colliau, a (male) student and friend of the composer. If opus 49 was dedicated to a woman who turned out to be Emile Colliau’s fiancée, then we could speculate that Emile Colliau was the recipient of the 1847 letter, but I don’t believe that the recipient was either the Viscount or Emile Colliau. While this still sounds quite confusing, stay with me, the answer is not far away.
Let’s start from the beginning: we have a letter from December 1847 which tells us that an opus dedicated to a charming fiancée precedes an opus dedicated to the recipient (necessarily male, given that the LGBTQ+ community was still very largely « underground » at the time) of the letter that we have. Problem 1: after having established the list of opuses 43 to 51, nothing made sense. There was no way to find a correlation between two opuses in a row to identify the recipient’s opus and the one written for his charming fiancée. I also convinced myself that opus 52 had been published during the events of 1848. That year, the opera had to take a break twice, in February and July, because of the events caused by the anti-monarchy revolution. In reality, Opus 52 was composed at the end of 1847 and sent at the same time as the letter dated December 13, 1847, but there was a catch.
[Approximate translation:
10 opuses were written between May 1847 and January 1849, the date at which we pick up the thread of the publication history of opus 54. Before that, here is what I know:
Opus 43: […] dedicated to M. Leon Paixhans
Opus 44: [no dedication]
Opus 45: […] dedicated to his friend Theodore Delamarre
Opus 46: [no dedication]
Opus 48: [no dedication]
Opus 50: […] dedicated to Emile Colliau
Opus 51: […] dedicated to Viscount Julien de Reviers de Mauny]
Is there nothing that surprises you? If so, you are as dyscalculic as I am. It was not BEFORE opus 52 that research should have been done, but AFTER, of course! Ah, when I realized the mistake, I had already found the dedicatee by another route, but you should know, the major mistake that really muddled the research lay in looking back in time, when it was necessary to look forward. Opus 52 is the first opus commissioned by the mysterious recipient of the dedication, and it is therefore opus 53 that was added to the commission and dedicated rather mysteriously to « render unto Caesar what is Caesar’s » in addition to the commission. The letter on this subject is clear. Look for yourself:
Letter from Sebastian Lee to an unknown recipient, BNF.
[Approximate Translation:
Sir, I composed a piece about your charming fiancée which I joined [attached] to this letter. Faithful to the maxim that one must render unto Ceasar that which belongs to Ceasar, I ask you to accept the dedication of this [musical] work that you have inspired along with my sentiments of profound gratitude.
S. Lee Paris [on] the 13 December 1847]
Let us therefore focus on opus 53, the one that FOLLOWS opus 52, since the turn of the letter suggested that a first opus had been composed for the charming fiancée of the dedicatee and then one more for the dedicatee himself. Opus 53 “Fantaisie dramatique sur les motifs du Prophète, opéra de Giacomo Meyerbeer, pour violoncelle avec accompagnement de piano » is dedicated to Napoleon III. I know, it’s hard to believe, but it’s true, because as Sherlock Holmes said: « Once you eliminate the impossible, whatever remains, no matter how improbable, must be the truth. »
Opus 53 « Grande fantaisie dramatique sur l’opéra le Prophète de Giacomo Meyerbeer » by Sebastian Lee, published by Brandus.
Note that at the time of the publication of opus 51 (the one that precedes the « Gondola Ride ») we are already in 1850. This also led me astray! Opus 52, if we followed the linear chronology of the compositions, should have come out in 1850 or later. However, as there is no publicity in the press, nor any mention of the publisher S. Richault, I checked the plate (which I should have done before!). On the cover, we have the reference 10 174 B:
Here is an excerpt from the publisher’s plate references and their year of publication according to IMSLP:
So, I do the same exercise with opus 53. It is after the cover and IMSLP plates B and C5169 Referring to the catalog, we come across a consistent date 1849-1850:
It is therefore almost irrefutable at this stage that opus 52, the barcarolle « promenade en gondole » dedicated to Mademoiselle Caroline Morin and published by Simon Richault, was published in 1850, while opus 53, which followed it, the « Grande fantaisie sur l’air du Prophète de Meyebeer » dedicated to Napoleon III, was published the same year, but by another publisher: the Brandus brothers. This is what happened with the publication of these works.
One may wonder why there are two different publishers. The publishing house Richault, business is booming. Specializing in publishing compositions by the best German musicians, publishing Sebastian Lee seems like a natural fit. At Brandus, business is going rather well despite the difficult debts of the previous owner, Maurice Schlesinger (see the post « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »). On October 1, 1850, Ernest Deschamps d’Hannecourt left the company and Samuel (known as Gemmy) Brandus, Louis’s brother, took his place as partner. The collection of the publisher Eugène-Théodore Troupenas (1798–1850) was acquired, increasing the existing catalog. The following year, they founded a branch in St. Petersburg. [1] It was therefore not the precarious financial health of one of the publishers that would have forced our dear Sebastian Lee to knock on another door as was the case in 1859 (see the post « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »).
No. The reason why these two opuses were published 4 to 5 years after their composition is the same reason as why they appear with two different publishers: to cover their tracks. It is because the dedicatee was such a prestigious person that we were lucky enough to unearth Sebastian Lee’s letter from 1847 (even if the dedicatee is not identified at the BNF). It is for the same reason that the composer wants to « render to Caesar that which belongs to Caesar. » This little phrase has been going around and around in my head. One would only compare a leader, or at least a person of stature, to Caesar. Again, the purpose is to conceal the imperial frolics outside of wedlock that it was necessary to ensure that no possible link remains between the two opuses: opus 52 dedicated to Mademoiselle Caroline Morin, the charming fiancée, and opus 53 to the future Emperor Napoleon III. It is only because it concerns Napoleon III that we have traces, sources and documentation. Mademoiselle Caroline Morin, probably the ballerina whose tracks I had found in a previous post (see « Le Mystère de l’Opus 52 »), was one of his many mistresses.
A word about Napoleon III who, although not physically attractive, had a most exciting personal life. Not that he was an exceptional lover, quite the contrary, he did not hesitate to use his strength or his position to obtain what he desired. [1] It is also believed that he « led a very dissolute life overall, and behaved in a completely undignified manner with the few women who loved him and did him favors. » [3]
Portrait of Napoleon III by Augustin-Aimé-Joseph Lejeune (studio in operation from 1865 to 1870).
The young Caroline Morin, if she was indeed the ballerina I found, was a perfect target for all the predators, nymphomaniacs and other disgusting old men who were rife at the Opera at the time, of which Napoleon III was undeniably one. [4]
Edgar Manet and other painters extensively documented the lives of ballerinas ogled by these gentlemen in top hats, and the sad fate of these young women, often prostituted by their own mothers.
« Attente » [“Waiting”], by Edgar Degas, 1882. A painting that has always moved me.
« Danseuse avec un admirateur derrière la scène », [« Dancer with an admirer behind the stage »], Jean-Louis Forain (1852-1931)
« Dans les coulisses », [“Behind the scenes”], Jean-Louis Forain (1852-1931)
Those interested in the tragic story of these ballerinas whose talent for dancing was not enough to make a living, even at the Opera, can read this very serious article on the subject, which provides a sickening but instructive overview of the deplorable morals that prevailed at that time. The fat Napoleon III, a regular at the Opera before and after his marriage in 1851, therefore did not only appreciate the music and dancing at the Salle Le Pelletier. It is a sordid reality that these ballerinas were looking for what was shamelessly called a « protector » – a regular “client” – in order to be able to provide for their needs and those of their families. I would like to be able to dedicate a full article to them, especially since I found, during my research at the National Archives in Pierrefitte, a box containing a quantity of photos of ballerinas from the period. These photos are fascinating in more ways than one. Unfortunately, I fear I will not be able to return to the archives for some time. If anyone has the opportunity to take photos of the daguerreotypes in the box numbered AJ/13/453, please contact me. I would be delighted to collaborate on the preparation of an article on the dancers of the 19th century Opera. In the meantime, you can see some photos of these dancers here.
To conclude, these two works, one dedicated to the “charming fiancée” Caroline Morin, and the other dedicated to Napoleon III, shed light on the society in which our dear Sebastian Lee revolved. First cello of the Paris Opera, a prestigious hall with European influence: the future emperor turned to him to compose a work for the ballerina with whom he had fallen in love. Whether it was an honor or dishonor to participate in such a waste, it is in any case a fact that our composer rubbed shoulders with the bigwigs and that his work and his talent were appreciated by all.
Did it take negotiations to be able to publish these works and make them available to the public at large when they were the subject of a special commission? History does not say, but I think so. It would explain the publication by two different houses, the time gap between composition, delivery, and publication, and above all the fact that opus 52 went completely unnoticed because it was not discussed in the media of the time. We are therefore aware of the context of this pretty barcarolle, a gondola ride for hidden loves within the Paris Opera which touched the highest spheres of the French State of the time.
[4] Dona Martin, « Histoire des Femmes. L’Opéra, l’envers du décors » [Women’s History. Opera, Behind the Scenes], 2015 [Accessed November, 2024: http://dona-martin.blogg.org/accueil-c28582718/2]
Image ci-dessus: Homme écrivant une lettre par Gabriel Metsu (ca1664-66)
Autrice: Pascale Girard, avec l’aimable participation de Sheri Heldstab et Regina Vonrüden
Si je vous disais que mes plus beaux trésors ont toujours été dénichés alors que je cherchais tout autre chose, me croiriez vous? C’est pourtant bien ce qui est arrivé avec ce courrier, apparu comme par magie dans une recherche, alors que je farfouinais dans la base de données de la Staatsbibliothek de Berlin pour dénicher un opus qui m’échappe encore. Miraculeusement, je tombe sur ce document extraordinaire. C’est toujours une joie de trouver un courrier parce qu’on a l’impression de pouvoir saisir un tout petit peu plus le personnage. Le ton, le style, l’orthographe, le vocabulaire choisi, et surtout, surtout! L’écriture manuscrite! Quelle merveille! Je vous présente donc aujourd’hui ce document et vous raconte pourquoi il nous révèle une étape clé de la vie du compositeur.
Auparavant, un merci tout particulier à Regina Vonrüden qui a effectué la transcription allemande en un temps record. Cet exercice n’est pas seulement un défi à cause des aspects obsolètes des tournures et du vocable employés. C’est aussi une gageure de la déchiffrer, tant l’écriture manuscrite pose des difficultés particulières pour la comprendre. Certaines lettres majuscules induisent en erreur, ressemblent à d’autres, bref, c’est un jeu de piste complexe et nous avons été ravies de travailler avec Regina, Sheri Heldstab, que vous connaissez à présent puisqu’elle est la traductrice du site internet en anglais ainsi que des billets ce blog, et moi-même, car 3 cerveaux n’étaient pas de trop pour percer les mystères de ce courrier manuscrit et rédigé en allemand du XIXème siècle.
Herr Brandus sagt mir daß Sie geneigt wären eine kleine Piece die ich über Le Pardon du Ploermel für Violoncelle mit Piano Begleitung (Oeuvre: 90) gemacht habe, in Ihrem Verlage erscheinen zu lassen. Es würde mich sehr erfreuen bey dieser Gelegenheit mit Ihnen in Verbindung zu treten. Zu gleicher Zeit möchte ich Ihnen ein zweites Stück über die schönsten Themas aus der Oper Herculanum ebenfalls für Vlle und Piano (Oeuvre: 91.) deren erste Probe Blätter ich diese Tagen erwarte, anzubinden. Ich würde Ihnen beyde Stücke für 100 frs zusammen lassen, und hoffe, im Fall Sie sie annehmen würden, daß Sie mit deren Erfolg, da beyde leicht sind, zufrieden seyn werden. Ich ersuche Sie höflichst mich sehr bald mit Ihrer Antwort zu erfreuen.
Hochachtungsvoll
Der Ihrige S. Lee
73, rue des Martyrs
Mr. Bote & Bock.
Mr. Brandus me dit que vous seriez enclin à publier une petite pièce que j’ai composé sur le « Pardon de Ploërmel » [opéra de Giacomo Meyerbeer], pour violoncelle avec accompagnement de piano (Op. 90) dans votre maison d’édition. Je serais très heureux d’en profiter pour vous rencontrer. Dans le même temps, j’aimerais vous donner une charmante pièce autour des plus beaux thèmes de l’opéra Herculanum [de Félicien David] également pour violoncelle et piano (Op. 91) dont vous trouverez un premier échantillon dans les prochains jours. Je vous cèderais les deux pièces pour 100 frs [Francs] si vous les preniez ensemble, dans l’espoir que vous soyez satisfait de leur succès, comme elles sont légères [faciles]. Je vous demande bien aimablement de me faire le plaisir d’une réponse bientôt.
Bien à vous,
S. Lee
73, rue des Martyrs
Bote & Bock est une maison d’édition allemande fondée en 1838 par Gustav Bock (1813-1863) et Eduard Bote. Cependant, en 1859, ce dernier a déjà quitté la société que Gustav Bock dirige seul depuis plus de 10 ans. Aussi, il n’y a plus qu’un M. Bock à ce moment de l’histoire, ce qui nous confirme que Sebastian Lee ne connait pas son interlocuteur. Pour la petite histoire, cette maison d’édition berlinoise doit sa réussite à une succession de rachats dès sa création avec l’acquisition de C. W. Froehlich & Co, puis de Moritz Westphal (1840) et enfin de Thomas Brandenburg (1845). C’est sous l’impulsion de Hugo Bock (1848-1932), fils de Gustav, que la maison d’édition gagnera une réputation internationale. Le jeune Hugo, âgé de 15 ans, se retrouve propulsé à la direction de l’entreprise familiale, suite au décès de son père en 1863 mais son oncle Emil Bock (1816-1871) reste à ses côtés pendant 7 ans et co-dirige l’affaire. Lorsque ce dernier décède à son tour, en 1871, Hugo Bock a 23 ans et se retrouve seul au commandes. C’est à ce moment que Bote & Bock devient véritablement international. L’entreprise restée dans la famille Bock est passée de père en fils jusqu’en 1932, et en 1996, les britanniques Boosey & Hawkes rachètent leur catalogue mais conservent le nom de Bote & Bock. Pourquoi donc Sebastian Lee souhaite t-il alors faire publier ses opus 90 et 91 chez eux en 1859?
La première explication pourrait tenir à la situation de l’éditeur français chez qui notre compositeur a fait publier son morceau de salon sur l’opéra Herculanum. Il s’agit de Madame [Céleste] Cendrier. Elle fut active sur la scène parisienne de 1839 à 1859, jusqu’à sa mort, après quoi l’affaire est rachetée par E. Saint-Hilaire, puis Auguste O’Kelly (1829-1900) en 1872. Le catalogue contient une liste de plus de 500 pièces selon la BnF, parmi elles des œuvres populaires de Paul Henrion (1817-1920), Antoine-Louis Clapisson,(1808-1866) ainsi que les opéras de Felicien David (1810-1876) et Victor Massé (18-). [1] La bibliothèque canadienne de musique Marvin Duschow la cite dans un article sur le travail des femmes dans la musique en France au XIXème siècle que je ne saurais trop conseiller de lire:
Céleste Cendrier (1812–ca.1859) en est sans doute un bon exemple, car en plus de publier une variété d’œuvres pour voix ou pour piano, ainsi qu’en témoigne la publicité pour ses Nouveautés musicales, elle possédait un magasin de musique. Il y avait aussi des graveuses, dont le travail passait souvent inaperçu, leurs noms n’étant pas mentionnés ou relégués au bas de la page. Par exemple, Mme Lamourette grava la musique sur la plaque de métal qui servit à imprimer La sincère de Pauline Duchambge. [2]
Extrait du catalogue de la BnF confirmant bien que la première édition du morceau de salon pour violoncelle avec accompagnement de piano sur l’opéra Herculanum de Félicien David par Sebastian Lee a été édité en tout premier lieu chez Mme Cendrier. Source: BnF
La couverture de l’édition de 1859 de l’opéra complet de Félicien David, Herculanum [3] Il est écrit en bas de la page « Paris, au magasin de musique du CONSERVATOIRE, Faubourg Poissonnière 11, Mme CENDRIER éditions, Propriété pour tous les pays.
Madame Cendrier aurait donc eu la gestion du magasin de musique du conservatoire (écrit en lettres capitales sur la couverture, s’il vous plait!)? Cette « tag line » comme on l’appellerait aujourd’hui, me laisse un peu perplexe. Le conservatoire était situé, depuis le 1er avril 1816, à l’hôtel des Menus-Plaisirs, actuel 2 bis rue du Conservatoire et rue Bergère [4]
L’hôtel des Menus-Plaisirs en 1874 – Conservatoire national de Musique et de Déclamation (démoli) [5]
Le 11, Faubourg Poissonnière (aujourd’hui boulevard Poissonnière) n’est pas exactement au même endroit. Le boulevard Poissonnière est parallèle à la rue Bergère. Le magasin de Céleste Cendrier n’est donc pas dans le conservatoire. A-t-elle donc l’exclusivité des achats du conservatoire? Ca m’étonnerait. J’opterais plus volontiers pour un argument marketing bien trouvé. Elle avait sans doute le conservatoire dans sa clientèle, mais pas que. Quant au conservatoire, il n’avait pas de raison de se limiter à une seule maison d’édition musicale. Les marchés publics sont ce qu’ils sont, je ne doute pas que les procédures aient été aussi lourdes qu’aujourd’hui pour signer un fournisseur, mais sans preuve tangible d’un quasi-monopole sur le marché du conservatoire de Paris, je reste circonspecte sur les implications socio-économiques de la déclaration « magasin du CONSERVATOIRE » comme écrit sur la couverture d’Herculanum.
Source: Google Maps
En tout cas, nous savons désormais que cette bonne Céleste Cendrier avait cassé sa pipe en 1859, que son magasin du CONSERVATOÂRE faisait sans doute l’objet de toutes les convoitises dans un marché de l’édition musicale en tension, et allait être racheté par un certain E. Saint-Hilaire dont je ne sais rien. En allant chercher du côté du nom de famille je tombe sur une lignée de naturalistes / zoologistes, donc à mon humble avis, une mauvaise piste. J’ai également investigué un certain Emile Marco de Saint-Hilaire (1796-1877), feuilletonniste de l’époque, mais rien ne prouve qu’il s’agisse à coup sûr de notre homme.
Quant à Brandus, qui suggère à Sebastian Lee de solliciter August Bock pour faire publier son morceau sur l’opéra du Pardon de Ploërmel de Giacomo Meyerbeer, il le fait parce que Giacomo publie chez lui (c’est un ami). Chose intéressante: Brandus a déjà publié le morceau de salon de Sebastian Lee sur l’opéra le Pardon de Ploërmel en 1860. Alors qu’est-ce qui se passe?
Morceau de salon pour violoncelle avec accompagnement de piano sur l’opéra le Pardon de Plöermel de Giacomo Meyerbeer par Sebastian Lee (opus 90), publié chez G. Brandus & S. Dufour..
La société Brandus & cie est fondée en 1846 à Paris après rachat de la « Société pour la publication de la musique classique et moderne à bon marché » de Maurice Schlesinger, créée en 1834. Louis Brandus, employé de Schlesinger, récupère l’affaire qu’il dirigera tant bien que mal avec son frère Samuel, dit Gemmy, tout deux d’origine Allemande mais naturalisés français. Les dettes accumulées par Maurice Schlesinger seront difficiles à éponger, alors que Schlesinger, magnat dur en affaire, avait installé sa réputation, et dans une certaine mesure, son empire à Paris. Cet immigré Allemand, fils de libraire est, entre autres choses, le fondateur de la Gazette Musicale de Paris de janvier 1834 à octobre1835 avant qu’elle ne soit fusionnée à la Revue Musicale de François-Joseph Fétis créée le 8 février 1827. Après fusion, le titre Revue et Gazette Musicale de Paris paraitra toutes les semaines jusqu’au 31 décembre 1880. [6]
Personnage incontournable de la place musicale parisienne, une citation tirée de l’ouvrage « Le Grand amour de Flaubert » par René Dumesnil décrit Schlesinger comme suit:
« Tout musicien espérant connaître la renommée, se devait de passer par lui, souvent à compte d’auteur et sans espoir d’entrer dans ses frais. »
Ci-contre, une réclame de Maurice Schlesinger dans la Gazette musicale de Paris volume I de 1834. On lit:
Abonnement de Musique d’un genre nouveau. pour la musique instrumentale et pour les partitions d’opéra.
L’abonné paiera la somme de 50frs [Francs]; il recevra pendant l’année deux morceaux de musique instrumentale ou une partition et un morceau de musique, qu’il aura le droit de changer trois fois par semaine; et au fur et à mesure qu’il trouvera un morceau ou une partition qu’il lui plaira, dans le nombre de ceux qui figurent sur mon catalogue, il pourra le garder jusqu’à ce qu’il en ait reçu assez pour égaler la somme de 75Frs., prix marqué, et que l’on donnera à chaque abonné pour les 50 francs payés par lui. De cette manière, l’ABONNE aura la facilité de lire autant que bon lui semblera, en dépensant cinquante francs par année, pour lesquels il conservera pour 75Fr. de musique.
L’abonnement de six mois est de 30 francs, pour lesquels on conservera en propriété pour 45fr. de musique. Pour trois mois le prix est de 20fr., on gardera pour 30fr. de musique. En province, on enverra quatre morceaux à la fois. Affranchir.
N.B: Les frais de transportssont au compte de MM. les abonnés. — Chaque abonné est tenu d’avoir un carton pour porter la musique. (Affranchir.)
Gérant, MAURICE SCHLESINGER.
C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui « un volumiste » dans le jargon commercial actuel. Un business model très novateur pour l’époque, pour ne pas dire visionnaire puisque le marché de la musique commence tout juste à s’ouvrir à une bourgeoisie naissante qu’il faut servir pour capter leurs deniers. On en est pas encore à l’étiquette de retour Amazon, mais Momo Schlesinger, qui avait le sens des affaires et le goût du risque, avait bien compris qu’en réduisant ses marges tout en ayant des prix d’appel imbattables, il s’ouvrait à une clientèle immense qui allait dépenser sans compter et qu’il garderait captive grâce à son système d’abonnement. En réalité, la course à la vente est déjà très largement en marche dans la première moitié du XIXème siècle, comme énoncé par Mollier & Sorel dans leur ouvrage sur l’histoire de l’édition en France:
« C’est de ce côté du Rhin [en France] que démarra la révolution du livre de poche (1838-1953), que les collections de livres se multiplièrent presque à l’infini, que tout fut mis en œuvre pour pour faire acheter, consommer le maximum d’ouvrages imprimés. » [8]
Voilà, la messe est dite. Momo Schlesinger et ses combines pour faire consommer de la partition musicale à gogo sont tout bonnement un fait d’époque.
C’est donc intéressant de replacer Brandus & Cie, ex-Schlesinger, sur l’échiquier des libraires éditeurs de musique car tout d’un coup, le magasin de musique du CONSERVATOÂRE de Céleste Cendrier parait moins hégémonique. Ceci étant, la vie n’a pas été un long fleuve tranquille pour Brandus & Cie qui écopaient des dettes de l’époque Schlesinger dont le côté splendeur et décadence à la Paul-Loup Sulitzer n’aura échappé à personne. Spoiler alert, âmes sensibles, passez directement au paragraphe suivante, c’est le moment glauque de l’histoire. Le frangin Samuel/Gemmy ne devient partenaire qu’en 1850, s’en suit l’acquisition de l’éditeur Troupenas, puis en 1854, l’arrivée de Selim-François Dufour qui devint partenaire en sauvant la maison de la faillite. Louis Brandus se retire, passant alors la main à son fils et à son associé. La maison d’Edition prit le nom de G. Brandus, Dufour & Cie; mais le 16 février 1858, les actionnaires décident de sa dissolution; le magasin de détail parisien, le fonds de Saint-Pétersbourg et une partie des œuvres sont vendus. Le reste du fonds est repris dans une société de nom commun qui prend pour nom G. Brandus & S. Dufour. L’entreprise se spécialise dans la publication d’opérettes à succès, donc changement de business model, mais lutte toujours, plus de 10 ans après son rachat, avec les dettes héritées de Momo-la-flambe-Schlesinger qui a dû bien claquer le grisbi, y compris celui des autres, tant qu’il a pu. Après 10 ans d’existence, le magasin parisien de détail du 103 rue de Richelieu est racheté. Aux décès de Selim Dufour et Gemmy Brandus à trois mois d’intervalle, Louis Brandus reprend la direction de l’affaire en 1873 mais ses efforts pour faire repartir les affaires restent vains et, ruiné, il se suicide par empoisonnement en 1887.
Je sais, c’est l’horreur, mais ça fait partie de l’histoire de notre lettre, puisqu’en 1858, il y a une rupture suite à la dissolution et au changement de ligne éditoriale, et que c’est pour cette raison que Brandus, qui compte Sebastian Lee à son catalogue, compositeur de la première heure, publié chez Schlesinger comme chez Brandus depuis au moins 20 ans, n’est plus en position de soutenir ses œuvres puisqu’ils ont décidé (ou ont été contraints par les actionnaires suite à la dissolution) de se concentrer sur les opérettes à succès. La maison Brandus en pleine tourmente doit se résoudre à l’envoyer vers Bote & Bock, peut-être tout simplement parce-qu’ils devaient être la maison attitrée de Giacomo Meyerbeer en Allemagne.
Traditionnellement, Sebastian Lee était publié chez Cranz ou chez Böhme à Hambourg, en Allemagne, en tout cas à ses débuts, avant d’émigrer à Paris. Cependant, chez Cranz, c’est le rejeton Alwin (1834-1953) qui a repris l’affaire après papa en 1857, à l’âge de 23 ans, soit seulement 2 ans avant notre lettre. Sebastian Lee, déjà installé à Paris depuis presque 20 ans n’a peut-être plus ses entrées chez Cranz. Quant à Böhme, il y a probablement une histoire d’amitié puisque l’opus 110 de Sebastian Lee est dédié à August Böhme, qui reprendra aussi l’affaire familiale en 1839. L’essor de cette entreprise est surtout caractérisé par l’institution de prêt de musique géré en plus, et qui, après la fusion avec August Cranz en 1887, était la société leader en Allemagne avec ses 300 000 numéros.
Couverture de la première édition de l’opus 110 de Sebastian Lee « Elégie pour violoncelle et piano », 1866. Disponible sur ce site en version republiée et Collector ici.
En tout, ce sont 25 Allemands qui s’installent en tant qu’éditeurs musicaux en France entre 1760 et 1860 d’après l’excellente recherche d’Anik Devriès-Lesure [9]. Elle répertorie ainsi les arrivants:
« Ils ont été probablement plus nombreux, mais nous n’avons comptabilisé que ceux dont nous étions sûrs du lieu de naissance, dont voici la liste avec la date de leur arrivée :
Huberty (1758),
Sieber (1762),
Heina (1764),
Naderman (1764),
Guéra (1772, s’installe à Lyon),
Mezger (1785),
Bochsa (1786),
Henri Simrock (1791, frère de Nicolas Simrock de Bonn),
Pleyel (1792),
Reinhard (1795 à Paris, 1801 à Strasbourg),
Kreutzer (1802, dirige avec Cherubini et Méhul le Magasin de musique),
Frédéric André (1804, directeur de l’Imprimerie lithographique),
Meysemberg (1810),
Schlesinger (1821),
Jean et André Schott (1826-1829, avec Edouard Jung comme gérant),
Kalkbrenner (1829, associé à Pleyel),
Heinrich Probst (1831),
Schmidt et Grucker (1834-1848, à Strasbourg),
Jean Hartman (1834, chez Troupenas ; 1838, fonde sa propre maison),
Louis & Gemmy Brandus (1845),
Schott (1862-1888, Knoth gérant),
Enoch (1863, avec succursales fondées en même temps à Londres et Bruxelles),
Schoenewerk (1869, associé de Durand). »
Vous en conviendrez comme moi, ça faisait du choix pour poursuivre une collaboration avec un éditeur musical Allemand à Paris. On se demande donc ce qui pousse Sebastian Lee a aller tenter sa chance à Berlin chez August Bock pour se faire publier ses opus 90 et 91 alors qu’il ne le connait même pas.
Pour Herculanum, le cas de son auteur Félicien David me chiffonne un peu. J’ai 2 sources qui soutiennent une thèse qui n’est pas corroborée par mes documents. La légende raconte qu’en 1846, son œuvre Le Désert est représentée en grande pompe avec costumes dans la salle de spectacle d’Aix-la-Chapelle. Une performance grandiose où paraissent quarante figurants et deux chameaux en carton. Si le Désert fût pour Félicien David l’œuvre de la consécration après de longues années de vache maigre, les affaires du compositeur sont cependant au plus mal, car il doit 2 000 francs aux artistes ayant exécuté son œuvre, et son concert ne lui a rapporté que 800 francs. Pour liquider sa dette, il aurait résolu de céder à un éditeur de musique l’entière propriété de son ouvrage pour la modeste somme de 1 200 francs. Et de qui s’agit-il? Des frères Marie (Pierre-Pascal) & Léon Escudier. 2 squales de l’édition musicale parisienne qui lui font signer un contrat d’exclusivité, ce qui, semble t-il, lui pourrira la vie jusqu’au bout. Les relations entre Félicien David et la fratrie Escudier, volontiers qualifiée de « perfide », sont « glaciales » [3] Je ne suis pas sûre pour autant qu’une dette soit à l’origine de la signature de ce contrat. Félicien David, orphelin et sans le sous avait besoin de rentrées d’argent avec ou sans les chameaux en carton d’Aix-la-Chapelle. Les frangins Escudier, s’ils lui ont proposé un accord lui permettant de se mettre un peu au sec, sont arrivé comme une manne providentielle dont Félicien David avait désespérément besoin. C’est la grande histoire du show biz qui a perduré, malheureusement pour beaucoup d’artistes, jusqu’à l’émergence d’internet et la possibilité de s’autoproduire en s’affranchissant des labels musicaux trop gourmands. Pour reprendre une citation lue récemment et qui m’a beaucoup plus: « l’industrie musicale n’a que très peu d’un monde meilleur, et beaucoup du Meilleur des Mondes. » [10] Quant à cette histoire d’exclusivité chez Escudier, comment alors expliquer que la partition d’Herculanum en 1859 se retrouve au catalogue de Céleste Cendrier, au magasin du CONSERVATOÂRE?
Les frères Escudier sont nés à Castelnaudary, dans l’Aude. Très jeunes ils s’installent ensemble à Paris et fondent en 1838 leur maison d’édition musicale ainsi que l’hebdomadaire La France Musicale, exactement comme Momo Schlesinger qui les devançait de quelques années. Chez Escudier frères, c’est Giuseppe Verdi l’étoile attitrée. Léon Escudier, dirigera en plus la Salle Ventadour de 1876 à 1878 et Marie (Pierre-Pascal) Escudier écrira plusieurs ouvrages sur la musique en collaboration avec son frère. [9] Bien introduits dans la place musicale parisienne, ces 2 là ne sont pas tout mauvais. Ils ont chacun une épouse artiste (une pianiste et une chanteuse lyrique) et donnent l’impression d’être passionnés par ce qu’il font. Mais les affaires sont les affaires et Félicien David en fera apparemment les frais.
Il y a donc bien des considérations de contrats d’exclusivité, surtout en ce qui concerne les fantaisies sur des airs d’opéras. Je n’ai pas encore réussi à aller jusqu’au bout de cette recherche mais il semblerait que les maisons d’éditions commandaient ces fantaisies pour différents instruments et que cela tenait peut-être, et là c’est une hypothèse de ma part, au fait que la maison en question était l’éditeur exclusif de l’œuvre originale. J’ai, par exemple, dit que les frères Brandus étaient amis avec Giacomo Meyerbeer, et qu’ils publiaient traditionnellement ses œuvres. Il eut été logique que les mêmes se chargent des réductions et autres fantaisies pour différents instruments inspirées de l’opéra publiée chez eux. Les publicités qui paraissent pour annoncer ces sorties vont d’ailleurs dans ce sens.
Revue et gazette Musicale N°10 du 8 mars 1857, publicité de Brandus, Dufour & Cie éditeurs pour l’opéra Oberon de Weber et ses différents arrangements, tous édités dans la même maison.
On le voit, Sebastian Lee n’avait que l’embarras du choix. Musicien en vue, compositeur à succès, il était à une étape de sa carrière et dans un contexte économique qui faisait que s’il tapait dans un arbre, 10 maisons d’éditions en tombaient prêtes à le publier. Pourquoi donc aller se compliquer la vie à republier 2 œuvres déjà parues en France en Allemagne? Les éditeurs musicaux ont déjà pour beaucoup des succursales et des accords avec d’autres maisons pour assurer leur présence à l’international, certes, un coup du sort fait qu’en 1859, les maisons Cendrier comme Brandus prennent un coup de plomb dans l’aile, mais je ne pense pas que Sebastian Lee ait pris à sa charge la distribution de ses opus au-delà des frontières pour compenser le travail de ses éditeurs sur le déclin en France. C’était plus facile de retrouver une bonne maison à l’assise international à Paris. Pourtant, ce n’est pas le choix qu’il fait.
Pour ma part, je pense que Sebastian Lee prépare son retour en Allemagne. Il a déjà travaillé 19 ans en tant que violoncelle solo à l’opéra de Paris, il en faut 25 pour pouvoir prendre sa retraite. Sa fille Caroline n’a encore que 16 ans, mais elle sera bientôt en âge de se marier. Son fils ainé, Edouard, publie cette année là chez Simon Richault (donc à Paris) sa sérénade « Réponds-moi », œuvre non numérotée et dédiée à M. Roger, superstar lyrique de l’opéra de Paris. Simon Richault est un éditeur musical spécialisé dans les compositeurs Allemands de légende ou en devenir; aujourd’hui on appellerait ça un talent scout. Installé depuis 1805 au N°26 du boulevard Poissonnière, son affaire est florissante. Notre Cher Sebastian, rockstar de son époque, aurait pu aussi choisir de frapper à sa porte puisque son fils y avait déjà publié un ouvrage. En fait, compositeur de talent et violoncelle solo du grand opéra de Paris, il aurait pu frapper à n’importe quelle porte. Je pense que notre compositeur contemple sérieusement l’idée de rentrer au pays. Je ne sais pas encore pourquoi, parce qu’à présent il est clair que le départ pour Hambourg a lieu après le mariage de Caroline en 1865 avec César Böckmann. En mars 1866, le décès d’un premier violoncelle de l’opéra de Paris, annoncé dans une lettre du violoncelliste Henri Lütgen, remplaçant d’Emile Norblin nous l’apprend (voir le billet « Du Rififi à l’opéra« ). Sebastian Lee n’est plus en poste à l’opéra de Paris à ce moment-là. Il penserait déjà au retour en 1859? Une piste que je vais suivre avec intérêt.
Cette lettre est le signe d’un changement d’époque pour notre Sebastian Lee. Après la consécration des années 1840, l’assise formelle et le statut de virtuose d’élite obtenu à l’opéra pendant les années 1850 ou il va multiplier les projets, poursuivre les collaborations et remporter tous les suffrages à chaque passage dans la presse, il semble que 1859 marque la fin d’une époque et un désir de retour à la terre natale. Les raisons de ce désir ne semblent pas affecter sa musique puisqu’il poursuivra ses compositions, pour ses élèves, sur des airs d’opéras en vogue ainsi que des pièces originales du répertoire classique jusqu’à ses derniers jours à un rythme constant. Il a une place relativement sécurisée à l’opéra de Paris que seul un problème de santé aurait pu mettre en péril, et je n’ai rien vu de tel aux Archives de Pierrefitte. Il ne reste que les raisons familiales ou un profond mal du pays puisque dans la tourmente des maisons d’éditions de la place parisienne (décès de Céleste Cendrier, liquidation et changement de ligne éditoriale chez Brandus & Cie), notre compositeur ne recherche pas d’autre maison parisienne. Son regard, en 1859, est tourné vers l’Allemagne, sa partie natale.
Pour conclure, sachez que Sebastian Lee obtiendra d’August Bock la publication de son morceau sur l’opéra Le Pardon de Ploërmel de Giacomo Meyerbeer. En revanche, son « morceau léger » sur Herculanum de Félicien David sera édité chez Breitkopf & Härtel. 2 compositeurs différents et 2 maisons d’éditions distinctes pour les réductions pour violoncelle tendent à aller dans le sens de ma théorie des exclusivités des maisons d’éditions sur certaines œuvres ou certains compositeurs, ainsi que leurs réductions et autres adaptations, morceaux de salon et transcription pour d’autres instruments.
Il est temps, à présent, d’écouter ce fameux opus 91; cette pièce de violoncelle avec accompagnement de piano qualifiée de « légère » par Sebastian Lee. Elle n’a été enregistrée qu’une seule fois, à ma connaissance, mais nous avons de la chance, c’est par des Grands Maîtres. Il s’agit de Christophe Coin, auprès de qui je m’excuse s’il tombe un jour sur cette page car mon piètre enregistrement ne rend pas justice à son violoncelle napolitain du début du XVIIIème siècle. Il est accompagné de Jean-Jacques Dünki au piano.
« Souvenir d’Herculanum » (opéra de Félicien David), morceau de salon pour violoncelle et piano: Andante – Allegro Grazioso – Allegro Moderato. Exécuté par Christophe Coin au violoncelle Alessandro Gagliano, Naples vers 1720 et Jean-Jacques Dünki, pianino Kunz Neuchâtel, vers 1845, Laborie Records, 2011.
Et à présent, l’ouverture de l’opéra « Herculanum » de Félicien David dont j’apprécie particulièrement le thème de violoncelle, de 0:44 à 1:19 avant que d’autres instruments ne viennent trop s’en mêler. Il est intéressant de noter que Sebastian Lee a privilégié les airs lyriques dans son morceau de salon, à raison, d’ailleurs, car c’était bien cela qui était populaire auprès du public et c’est ce qui les rend beaux et appréciables à mon oreille peu encline au chant lyrique et à beaucoup œuvres orchestrales (et oui, c’est comme ça, je trouve aussi qu’il y a souvent trop de violon et d’alto dans la musique de Chambre, allé, on s’en remet, je reste une personne fréquentable pour autant), la pépite de cette pièce de musique, pour moi, est contenue dans la minute et les 15 secondes de thème de ce beau violoncelle. Cependant, comme vous êtes mignons, j’ai aussi inclus du chant dans l’extrait que je vous propose ci-dessous. Sans rancune 😉
« Herculanum », opéra de Félicien David, exécuté par l’orchestre philarmonique de Bruxelles dirigé par Hervé Niquet, Février-Mars 2014, Palazzetto Bru Zane – centre de musique romantique française, 2015. Chef de pupitre des violoncelles: Luc Tooten, co-chef de pupitre des violoncelles: Karel Steylaerts. Violoncelles: Kirsten Andersen, Jan Baerts, Solène Baudet, Johannes Burghoff, Barbara Gerarts, Emmanuel Tondus, Elke Wynants.
[3] Alexandre Dratwicki & al. Herculanum, Félicien David 1859, Ediciones Singulares – Centre de Musique Romantique Française, Palazzetto Bru Zane, 2015
[8] Jean-Louis Mollier & Patricia Sorel, L’histoire de l’édition, du livre et de la lecture en France aux XIXe et XXe siècles, ed. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1999, p42 [URL: https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1999_num_126_1_3280 accédé en juin 2024]
[9] Anik Devriès-Lesure, « Un siècle d’implantation allemande en France dans l’édition musicale, (1760-1860) »Institut de recherche sur le patrimoine musical en France, 2002 [URL: https://books.openedition.org/editionsmsh/6755 accédé en juin 2024]
[10] Inter territoires Electroniques, UTM / Parallax Lab, Université Toulouse le Miral, 2002, p
1859: A Turning Point in Sebastian Lee’s Life Discovered in a New Letter
16 June 2024 / sebastianleemusic
Banner image: Man Writing a Letter by Gabriel Metsu (circa 1664-66)
Author: Pascale Girard, with the kind help of Sheri Heldstab and Regina Vonrüden
Translation: Sheri Heldstab
If I told you that I have always discovered my greatest treasures while I was looking for something completely different, would you believe me? Yet that is exactly what happened with the letter below, which appeared as if by magic while I was rummaging through the database of the Staatsbibliothek in Berlin looking for a composition that still eludes me. Miraculously, I came across this extraordinary document. It is always a joy to find a letter because it allows you to understand the writer’s character and personality a bit more – the tone, the style, the spelling, the chosen vocabulary, and above all, above all! The penmanship! How wondrous! So today I present this document to you and explain why it reveals a key stage in the composer’s life.
First of all, I need to especially thank Regina Vonrüden who did the German translation in record time. This exercise is not only a challenge because of the archaic aspects of the vocabulary used and the turns of phrase, but also because it is also a challenge to decipher it, as the handwriting poses particular difficulties. Some capital letters are misleading, and may even look like other letters, in short, it is a complex treasure hunt and we were delighted to work with Regina and Sheri Heldstab, whom you may know as the English translator of the website and this blog. I was also involved, because three brains were necessary to unravel the mysteries of this 19th century handwritten letter, which was written in German.
Herr Brandus sagt mir daß Sie geneigt wären eine kleine Piece die ich über Le Pardon du Ploërmel für Violoncelle mit Piano Begleitung (Oeuv: 90) gemacht habe, in Ihrem Verlage erscheinen zu lassen. Es würde mich sehr erfreuen bey dieser Gelegenheit mit Ihnen in Verbindung zu treten. Zu gleicher Zeit möchte ich Ihnen ein zweites Stück über die schönsten Themas aus der Oper Herculanum ebenfalls für Vlle und Piano (Oeuv: 91.) deren erste Probe Blätter ich diese Tagen erwarte, anzubinden. Ich würde Ihnen beyde Stücke für 100 frs zusammen lassen, und hoffe, im Fall Sie sie annehmen würden, daß Sie mit deren Erfolg, da beyde leicht sind, zufrieden seyn werden. Ich ersuche Sie höflichst mich sehr bald mit Ihrer Antwort zu erfreuen.
Hochachtungsvoll
Der Ihrige S. Lee 73, rue des Martyrs
[Approximate translation from the original German:
Paris the 4th of October 1859.
Misters Bote & Bock.
Mister Brandus tells me that you would be inclined to have a small piece that I wrote about “Le Pardon de Ploërmel” [an opera by Giacomo Meyerbeer] for cello with piano accompaniment (Opus 90) to be published by your publishing house. I would be very pleased to take this opportunity to get in touch with you. At the same time, I would give you a second piece on the prettiest [of the] themes from the opera Herculanum [by Félicien David], also for cello and piano (Opus 91.), whose first sample sheets[proofs] I expect to be tied[bound] in the next few days. I would let you have both pieces together for 100 francs, and hope that if you accept them, you will be happy with their success, as both are light[easy to play]. I most politely request that you please me with your reply very soon[Please do me the honor of replying very soon].
Sincerely Yours
S. Lee
73, rue des Martyrs ]
Bote & Bock is a German publishing house founded in 1838 by Gustav Bock (1813-1863) and Eduard Bote. However, in 1859, Bote had already left the company and Bock had been running it by himself for over 10 years. Also, there was only one Mr. Bock at this point in history, which confirms that Sebastian Lee did not know the individuals personally. For the record, this Berlin publishing house owes its success to a series of acquisitions since its creation: first with the acquisition of C. W. Froehlich & Co, then Moritz Westphal (1840), and finally Thomas Brandenburg (1845). It was under the leadership of Hugo Bock (1848-1932), Gustav’s son, that the publishing house gained an international reputation. Young Hugo, at age 15, found himself shoved into the management of the family business, following the death of his father in 1863, but his uncle Emil Bock (1816-1871) stayed by his side for 7 years and co-managed the business. When his uncle died in 1871, Hugo was 23 and found himself alone at the helm. It was at this time that Bote & Bock became truly international. The company remained in the Bock family and was passed down from father to son until 1932, and in 1996, the British Boosey & Hawkes bought their catalogue but kept the name Bote & Bock. So why did Sebastian Lee want to publish his opus 90 and 91 with them in 1859?
The first explanation could be due to the situation of the French publisher with whom our composer had his “light” piece on the opera Herculaneum published. This was Madame [Céleste] Cendrier [1, 2]. She was active on the Parisian stage from 1839 to 1859, until her death, after which the business was bought by E. Saint-Hilaire, then Auguste O’Kelly (1829-1900) in 1872. The catalogue contains a list of more than 500 pieces according to the BnF, among them popular works by Paul Henrion (1817-1920), Antoine-Louis Clapisson (1808-1866), as well as the operas of Felicien David (1810-1876) and Victor Massé (1822-1884). The Canadian Marvin Duschow Music Library describes Cendrier in an article on the work of women in music in France during the 19th century. I cannot recommend this article highly enough:
Céleste Cendrier (1812–ca. 1859) is perhaps a good example – in addition to publishing a variety of works for voice and piano, as evidenced by the advertising for her Nouveautés Musicales, she also owned a music store. There were also engravers, whose work often went unnoticed, their names either not mentioned or relegated to the bottom of the page. For example, Mrs. Lamourette engraved the music on the metal plate used to print La Sincère by Pauline Duchambge. [2]
Extract from the BnF catalogue confirming that the first edition of the salon piece composed by Sebastian Lee for cello with piano accompaniment on the opera Herculanum by Félicien David was first published by Mrs. Cendrier. Source: BnF
The cover of the 1859 edition of Félicien David’s complete opera, Herculanum [3] The bottom of the page reads:
“Paris, at the music store of the CONSERVATOIRE, Faubourg Poissonnière 11, Mme[Madame] CENDRIER éditions, Property for all countries”.
So Madame Cendrier would have managed the music store of the conservatory (written in capital letters on the cover, please!)? This “tag line” as we would call it today, leaves me a little perplexed. Since April 1, 1816, the conservatory was located at the Hôtel des Menus-Plaisirs, now 2 bis rue du Conservatoire and rue Bergère [4]
The Menus-Plaisirs hotel in 1874 – National Conservatory of Music and Declamation1 (demolished) [5]
[Number] 11, Faubourg Poissonnière (today Boulevard Poissonnière) is not exactly in the same place. Boulevard Poissonnière is parallel to Rue Bergère. Céleste Cendrier’s store is therefore not located inside of the conservatory. Does she have exclusive rights for purchases made by the conservatory? I would be surprised if that were true. I would, however, believe it to be a brilliant marketing strategy. The conservatory was probably among her client list, but it is not likely to be her only customer. As for the conservatory, it had no reason to limit itself to a single music retailer or publishing house. Market forces being what they are, I have no doubt that the procedures to contract as a sole supplier were as cumbersome then as they are today. Lacking tangible proof of a quasi-monopoly on the Paris Conservatory market, I remain suspicious of the declaration “CONSERVATOIRE store” as written on the cover of Herculanum.
Source: Google Maps
In any case, we now know that our Mrs. Céleste Cendrier had left this mortal realm in 1859, and that her CONSERVATOIRE shop was probably highly coveted in a tense music publishing market. It would eventually be purchased by a certain E. Saint-Hilaire about whom I know nothing. When researching the family name, I came across a line of naturalists and zoologists, so in my humble opinion, this is a bad lead. I also investigated a certain Emile Marco de Saint-Hilaire (1796-1877), a serial author of the time, but nothing proves that he is definitely our man.
As for Brandus, who suggests to Sebastian Lee that he write to August Bock about publishing his piece on the opera Le Pardon de Ploërmel, he does so because Giacomo is a friend who publishes compositions with Lee. Interestingly, Brandus had already published Sebastian Lee’s salon piece on the opera Le Pardon de Ploërmel in 1860. So what is going on?
Salon piece for cello with piano accompaniment on the opera Le Pardon de Plöermel by Giacomo Meyerbeer by Sebastian Lee (opus 90), published by G. Brandus & S. Dufour.
The company Brandus & cie was founded in 1846 in Paris after the purchase of the “Société pour la publication de la musique classique et moderne à bon marché” which was created in 1834 by Maurice Schlesinger. Louis Brandus, an employee of Schlesinger, took over the business, which he managed as best he could with his brother Samuel, known as Gemmy, both of German origin but naturalized French citizens. The debts Maurice Schlesinger, a hard-working business magnate, had accumulated while he was establishing his reputation, and to a certain extent, his empire in Paris, were difficult to pay off. Brandus, the German immigrant and son of a bookseller, was, among other things, the founder and publisher of the Gazette Musicale de Paris from January 1834 to October 1835 before it was merged with the Revue Musicale created by François-Joseph Fétis on February 8, 1827. After the merger, the title Revue et Gazette Musicale de Paris will appear every week until December 31, 1880. [6]
Schlesinger was a key figure in the Parisian musical scene, as shown by this quote taken from the book “Le Grand amour de Flaubert” by René Dumesnil, who describes Schlesinger as follows: “Any musician hoping to achieve fame had to go through him, often at his own expense and with no hope of covering his expenses.”
Opposite, an advertisement by Maurice Schlesinger in the Gazette musicale de Paris volume I from 1834. It reads:
[Approximate translation:
Subscription to Music of a new kind. For instrumental music and for opera scores.
The subscriber will pay the sum of 50fr [Francs]; he will receive during the year two pieces of instrumental music or a score and a piece of music, which he will have the right to exchange three times a week; and as and when he finds a piece or a score that he likes, among the number of those that appear in my catalog, he will be able to keep it until he has received enough to equal the sum of 75 fr., list price, and which will be given to each subscriber for the 50 francs paid by him. In this way, the SUBSCRIBER will have the ability to read as much [new music] as he pleases, by spending fifty francs per year, for which he will keep 75fr of music.
The subscription for six months is 30 francs, for which 45fr. of music will be kept as property. For three months the price is 20fr., he will keep 30fr. of music. In the provinces, we will send four pieces at a time. [You will] Pay postage.
Note: The shipping costs are the responsibility of the subscribers. — Each subscriber is required to have a box to carry the music. ([Subscriber will] Pay postage.)
Manager, MAURICE SCHLESINGER. ]
This is what we would call “a volume business2” in today’s commercial jargon. It was a very innovative business model at the time, not to say visionary since the music market was just beginning to open up to the new middle class that had to be served in order to capture their money. We haven’t yet reached the Amazon return label, but Momo3 Schlesinger, who had business acumen and a taste for risk, had understood that by reducing his margins while having unbeatable introductory prices, he was creating for himself a huge client base who could spend without worrying about their household budget and whom he could keep captive thanks to his subscription system. In reality, the race to sell was already very much underway in the first half of the 19th century, as stated by Mollier & Sorel in their work on the history of publishing in France:
“It was on this side of the Rhine [in France] that the paperback revolution began (1838-1953), that book collections multiplied almost infinitely, that everything was done to make people buy and consume as many printed works as possible.” [8]
There you have it. The die was cast and there was no turning back. Momo Schlesinger and his schemes to make people consume scores galore are quite simply a sign of the times.
It is therefore interesting to place Brandus & Cie, formerly owned by Schlesinger, on the chessboard of music publishers because, all of a sudden, the music store of Céleste Cendrier’s CONSERVATOIRE seems less dominating. That being said, life has not been a smooth ride for Brandus & Cie, which was saddled with debts from the Schlesinger era, whose splendor and decadence much like Paul-Loup Sulitzer will not have escaped anyone. Spoiler alert, sensitive souls, skip to the next paragraph, this is the dark moment of the story.
Brother Samuel/Gemmy only became a partner in 1850, followed by the acquisition of the publisher Troupenas, then in 1854, the arrival of Selim-François Dufour who became a partner by saving the house from bankruptcy. Louis Brandus retired, then handing over to his son and his partner. The publishing house took the name G. Brandus, Dufour & Cie; but on February 16, 1858 (one year before our Sebastian wrote his letter to Messrs. Bote & Boke), the shareholders decided to dissolve company: the Parisian retail store, the Saint Petersburg fund and some of the works were sold. The rest of the fund was taken over by a joint-stock company which took the name G. Brandus & S. Dufour. This newly formed company specialized in publishing successful operettas, which was a change in business model, but more than 10 years after its acquisition, it still struggled with the debts inherited from Momo Schlesinger who must have blown the money, including that of others, while he could. After 10 years of existence, the Parisian retail store at 103 rue de Richelieu was acquired. When Selim Dufour and Gemmy Brandus died three months apart, Louis Brandus took over the management of the business in 1873 but his efforts to get business going again were in vain and, financially ruined, he committed suicide by poisoning in 1887.
I know, it’s horrible, but it is part of the story of our letter, since in 1858, there was a break following the dissolution and the change of editorial line, and that’s the reason why Brandus, which counted Sebastian Lee in its catalogue from the very beginning, published by Schlesinger as well as Brandus for at least 20 years, is no longer in a position to support his works since they have decided (or have been forced by the shareholders following the dissolution) to concentrate on successful operettas. The Brandus house in full turmoil must resolve to send him to Bote & Bock, perhaps simply because they were supposed to be the house of record for Giacomo Meyerbeer in Germany.
Previously, Sebastian Lee was published by Cranz ou chez Böhme in Hamburg, Germany, at least in its early days, before he emigrated to Paris. However, at Cranz, it was the son Alwin (1834-1953), at the age of 23, who took over the business after his father in 1857, only two years before our letter. Sebastian Lee, who had already been living in Paris for almost 20 years, may have lost his contacts at Cranz. As for Böhme, there is probably a story of friendship since Sebastian Lee’s opus 110 is dedicated to August Böhme, who also took over the family business in 1839. The rise of this company is mainly characterized by the music lending institution it managed, in addition to sales of publications, and which, after the merger with August Cranz in 1887, was the leading music publishing company in Germany with over 300,000 titles in its catalog.
Cover of the first edition of Sebastian Lee’s Opus 110 « Elegy for Cello and Piano », 1866. Available on our site in republished and Collector’s editions here.
In total, 25 Germans settled as music publishers in France between 1760 and 1860 according to the excellent research of Anik Devriès-Lesure [9]. According to her,
“There were probably more of them, but we only counted those whose place of birth we were sure of, here is the list with the date of their arrival:
Huberty (1758),
Sieber (1762),
Heina (1764),
Naderman (1764),
Guéra (1772, settled in Lyon),
Mezger (1785),
Bochsa (1786),
Henri Simrock (1791, brother of Nicolas Simrock from Bonn),
Pleyel (1792),
Reinhard (1795 to Paris, 1801 to Strasbourg),
Kreutzer (1802, runs the Music Store with Cherubini and Méhul),
Frédéric André (1804, director of the Lithographic Printing House),
Meysemberg (1810),
Schlesinger (1821),
Jean et André Schott (1826-1829, with Edouard Jung as manager),
Kalkbrenner (1829, associate of Pleyel),
Heinrich Probst (1831),
Schmidt et Grucker (1834-1848, to Strasbourg),
Jean Hartman (1834, at Troupenas; 1838, founds his own house),
Louis & Gemmy Brandus (1845),
Schott (1862-1888, with Knoth as manager),
Enoch (1863, with branches founded at the same time in London and Brussels),
Schoenewerk (1869, associate of Durand).”
Maybe you agree with me, it seems the decision was made to continue a collaboration with a German music publisher in Paris. We therefore wonder what pushes Sebastian Lee to try his luck in Berlin with August Bock to have his opus 90 and 91 published when he does not even know Bock.
For Herculaneum, the situation with its author, Félicien David, bothers me a little. I have two sources that support a theory that is not corroborated by my research. Legend has it that in 1846, his work Le Désert was performed with great pomp and ceremony in the Aix-la-Chapelle concert hall. It was said to be a grandiose performance in which forty extras and two cardboard camels appeared. If Le Désert was the work of exaltation after long lean years for Félicien David, the composer’s business financials were, however, dismal, because he owed 2,000 francs to the artists who had performed his work, and his concert had only brought him 800 francs. To settle his debt, he had decided to transfer the entire ownership of his work to a music publisher for the modest sum of 1,200 francs. And who were they? Brothers Marie (Pierre-Pascal) and Léon Escudier. – two sharks from the Parisian music publishing industry who made him sign an exclusive contract, which, it seems, would ruin the entire rest of his life. The relations between Félicien David and the Escudier siblings, readily described as “perfidious”, are “icy” [3] I am not sure, however, that debt was the reason for signing this contract. Félicien David, a penniless orphan, needed some income with or without the cardboard camels of Aix-la-Chapelle. The Escudier brothers, if they offered him a deal that would allow him to find shelter, came as a providential windfall that Félicien David desperately needed. This is the great story of show biz that has continued, unfortunately for many artists, until the emergence of the internet and the possibility of self-producing by freeing oneself from the extreme avarice of music labels. Or, as proclaimed in a quote I read recently and that I like a lot: “the music industry has very little of a better world, and a lot of the Brave New World.” [10] As for this story of exclusivity at Escudier, how does it explain that the score of Herculaneum can be found in the catalog of Céleste Cendrier, at the CONSERVATOIRE shop in 1859?
Caricatures of Léon and Marie Escudier, date and artist unknown.
The Escudier brothers were born in Castelnaudary, in the Aude. At a very young age, they moved together to Paris and founded their music publishing house and the weekly newspaper La France Musicale in 1838, exactly like Momo Schlesinger who was a few years ahead of them. With Escudier brothers, it is Giuseppe Verdi who is the star of the show. Léon Escudier, will also lead the Salle Ventadour from 1876 to 1878 and Marie (Pierre-Pascal) Escudier will write several works on music in collaboration with his brother. [9] Well introduced in the Parisian musical scene, these two are not entirely bad. They both have artistic wives (one, a pianist, and the other, an opera singer) and give the impression of being passionate about what they do. But business is business and Félicien David will apparently pay the price.
For Sebastian Lee, it appears that there are indeed considerations of exclusive contracts, especially with regard to fantasies on operatic airs. I have not yet managed to fully research this issue, but it would seem that the publishing houses ordered these fantasies for different instruments and I would guess (although this is only a guess) that this was perhaps due to the fact that the publisher in question was the exclusive publisher of the original work. For example, the Brandus brothers were friends with Giacomo Meyerbeer, and they traditionally published his works. It would have been logical for the same company to take charge of the publishing of the reductions and other fantasies for different instruments inspired by the very opera that they published in the first place. The advertisements announcing these secondary works seem to support my theory.
Revue et gazette Musicale No. 10 dated March 8, 1857, advertisement from Brandus, Dufour & Cie publishers for the opera Oberon by Weber and its various arrangements, all published by the same house.
As we can see, Sebastian Lee was spoiled for choices of publishers. A prominent musician, a successful composer, he was at a point in his career and in an economic situation that meant that if he hit a wall, there would easily be 10 other publishing houses ready to publish his works. So why go to the trouble of republishing two pieces in Germany which had already been published in France? Many music publishers already had branches and agreements with other houses to ensure their international presence. Of course, a stroke of bad luck meant that in 1859, the Cendrier and Brandus publishing houses took a hit, but I don’t believe that Sebastian Lee took on the distribution of his works outside of France to compensate for the work of his declining publishers in France. It was easier to find a good house with an international base in Paris. However, that was not the choice he made.
For my part, I think that Sebastian Lee is preparing for his eventual return to Germany. He has already worked 19 years as a solo cellist at the Paris Opera, where he would have been required to work 25 years before he could retire with an annuity. His daughter Caroline is still only 16, but she will soon be old enough to marry. His eldest son, Edouard, is publishing his serenade “Réponds-moi”, an unnumbered work dedicated to M. Roger, a vocal superstar of the Paris Opera, at Simon Richault (in Paris). Simon Richault is a music publisher specializing in legendary or up-and-coming German composers; today we would call him a talent scout. Established since 1805 at No. 26 Boulevard Poissonnière, his business is flourishing. Our dear Sebastian, a rock star of his time, could also have chosen to knock on his door since his son had already published a work there. In fact, as a well-known, talented composer and solo cellist of the Grand Opera of Paris, he could have knocked on any door. I think our composer is seriously contemplating the idea of returning home. I don’t yet know why he was considering this, because now it is clear that the departure for Hamburg takes place after Caroline’s marriage in 1865 to César Böckmann. In March 1866, the death of a first cellist of the Paris Opera, announced in a letter from the cellist Henri Lütgen, replacing Emile Norblin, informs us of this (see the post “Rabble-Rouser of the Paris Opera”). Sebastian Lee is no longer playing for the Paris Opera at this time. Would he already be thinking about returning in 1859? This is a thread of Lee’s life that I will follow with interest.
This letter to Messrs. Bote & Bock in Hamburg is a sign of the beginning of a new era for our Sebastian Lee. After the adoration he received in the 1840s, followed by the formalization of his status as an elite virtuoso attained at the Paris Opera, the 1850s marked a point in his career that would see him multiply his compositional projects, pursue collaborations, and win great acclaim with each notice in the press. It seems that 1859 marks the end of that era and a desire to return to his native land. The reasons for this desire do not seem to affect his music since he will continue his compositions – for his students, with popular opera arias, as well as with original pieces from the classical repertoire – at a constant pace until his final days. He has a relatively secure place at the Paris Opera that only a health problem could have jeopardized, and I have seen nothing like that in the Pierrefitte Archives. There remain only family reasons or a deep homesickness to explain his actions, since, in the turmoil of the publishing houses of the Parisian place (death of Céleste Cendrier, liquidation and change of editorial line at Brandus & Cie), our composer does not look for another Parisian house. His gaze, in 1859, is turned towards home in his native Germany.
To conclude, know that Sebastian Lee will obtain from August Bock the publication of his piece on the opera Le Pardon de Ploërmel by Giacomo Meyerbeer. On the other hand, his “light” piece on Herculanum by Félicien David will be published by Breitkopf & Härtel. The presence of two separate publishing houses (Bock and Breitkopf & Härtel) for the cello reductions of two different composers (Meyerbeer and David) tends to support my theory of publishing house exclusivities on certain works or composers and, additionally, any reductions or other adaptations, salon pieces and transcriptions for other instruments.
Now it’s time to listen to the famous opus 91; this cello piece with piano accompaniment described as “light” by Sebastian Lee. It has only been recorded once, to my knowledge, but we are lucky, as it was recorded by one of the Great Masters. This is Christophe Coin, to whom I apologize if he ever comes across this page, because my poor recording does not do justice to his Neapolitan cello from the early 18th century. He is accompanied by Jean-Jacques Dünki, on the piano.
“Souvenir d’Herculanum” (based on the opera by Félicien David), salon piece for cello and piano: Andante – Allegro Grazioso – Allegro Moderato. Performed by Christophe Coin on cello (made by Alessandro Gagliano in Naples around 1720) and Jean-Jacques Dünki on pianino4 (made by Kunz Neuchâtel, around 1845), Laborie Records, 2011.
And now, the overture of the opera “Herculanum” by Félicien David, whose cello theme, before the other instruments enter the score, I particularly like (0:44 to 1:19 minutes). It is interesting to note that Sebastian Lee favored the lyrical airs in his salon piece, and rightly so, because that was what was popular with the public and that is what makes them beautiful and enjoyable to my ear. I am not overly fond of lyrical singing and or orchestral works with a lot of instrumentation (and yes, it is true. I also find that there is often too much violin and viola in chamber music, but we will all get over it – I remain a respectable person regardless!). The gold nugget of this piece of music, for me, is contained in the minute and 15 seconds of theme of this beautiful cello. However, since you are adorable, I made certain to also include some singing in the excerpt I offer you below. No hard feelings 😉
“Herculanum”, opera by Félicien David, performed by the Brussels Philharmonic Orchestra conducted by Hervé Niquet, February-March 2014, Palazzetto Bru Zane – French Romantic Music Center, 2015. Principal cellist: Luc Tooten, Second Principal cellist: Karel Steylaerts. Cello: Kirsten Andersen, Jan Baerts, Solène Baudet, Johannes Burghoff, Barbara Gerarts, Emmanuel Tondus, Elke Wynants.
[8] Jean-Louis Mollier & Patricia Sorel, L’histoire de l’édition, du livre et de la lecture en France aux XIXe et XXe siècles, ed. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1999, p42, URL: https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1999_num_126_1_3280 Accessed June 2024.
[9] Anik Devriès-Lesure, “Un siècle d’implantation allemande en France dans l’édition musicale, (1760-1860)” Institut de recherche sur le patrimoine musical en France, 2002, URL: https://books.openedition.org/editionsmsh/6755 Accessed June 2024.
[10] Inter territoires Electroniques, UTM / Parallax Lab, Université Toulouse le Miral, 2002.
1. Declamation [archaic except in very limited uses]: in this context, the ability of a singer to project sound and articulate words in such a manner as to be heard clearly and understandably even if one was seated in the back of the venue. 2. A “volume business” is one that decreases profits on individual items in an attempt to sell a large quantity of the product. The principle is that they sell more at a lower cost and therefore make more profit than a more traditional business model. 3. “Momo” was a common French nickname or pet name for someone named “Maurcice”. 4. A pianino is an upright piano that is smaller than a grand piano, sometimes shortened to have fewer than the 88 keys and therefore a more limited range. Some English-speaking people call this instrument a “spinet”, although most would differentiate between the brash, bright sounds of a true spinet and the more mellow tones of an upright grand piano.
Comme je passe mon temps à fureter dans les archives des grandes publications musicales de l’époque, entre autres choses, j’ai l’occasion de passer en revue différents articles du Ménestrel, de l’Illustration et de l’iconique Gazette et Revue Musicale de Paris créée par François-Joseph Fétis, dit « le père », le différenciant de son rejeton Edouard, dit « le fils », qui chroniquait également dans le magazine familial. Voici donc l’article de sa série rétrospective « revue d’un demi-siècle » retranscrit mot pour mot, comme publié dans le N°42 du 20 octobre 1850 et qui retrace les 10 dernières années au Grand Opéra de Paris. Sa revue d’un demi siècle fera l’objet d’autres transcriptions futures dans ce blog, mais nous commençons par ce texte qui décrit au mieux l’environnement dans lequel Sebastian Lee évoluait dans son quotidien musical au Grand Opéra de Paris.
Revue d’un demi-siècle d’opéra (1)
L’opéra de 1840 à 1850
Ifn (2)
Carmagnola – Traduction du Freischütz – La partition de Gisèle _ La reine de Chypre – le guérillero – le vaisseau fantôme de M.Dietsch – Charles VI – Don Sébastien – reprise d’Œdipe de Sacchini – le Lazzarone – M.Niedermeyer et sa Marie Stuart – Richard en Palestine – Othello pour Mme Stoltz – L’Etoile de Séville de M.Baife – Le roi David de M.Mermet – Robert Bruce à défaut d’un nouvel opéra de Rossigni – Retraite de Mme Stoltz – détresse lyrique de 1848 – L’Opéra près de sa ruine – Le Prophète le sauve.
Encore 10 années et nous aurons terminé notre examen rétrospectif en ce qui concerne le premier théâtre lyrique de France. Nous serons bref; plus nous avançons, moins les considérations étendues sont nécessaires ; tout ce qui nous reste à dire, la génération actuelle le sait ou du moins elle l’a su, et notre seul office sera de lui remettre en mémoire. Nous n’avons d’autres prétentions que celles de dresser un inventaire indispensable pour compléter une esquisse faite à grands traits.
Un nom nouveau ouvre la période qu’il nous reste à parcourir ; c’est celui de M. Ambroise Thomas. Il n’y a rien d’étonnant à ce que le jeune maestro, qui avait fixé, sur un premier essai, sur un seul petit acte, l’attention des artistes et des connaisseurs, ait désiré s’élever jusqu’aux proportions les plus larges de la musique théâtrale. Si l’on veut nous passer un innocent jeu de mots, nous dirons que LaDouble échelle devrait tout naturellement servir à M. Ambroise Thomas pour gravir la distance qui sépare l’Opéra-Comique du grand Opéra. Le jeune artiste fut modeste d’ailleurs ; il se contenta de deux actes, sans pompe de mise en scène. Carmagnola ne répondit pas tout à fait à l’espoir de ses amis. On remarquait dans cette partition quelques morceaux agréables, mais l’ensemble manquait d’originalité. Il est vrai que M.[Eugène] Scribe, si habile et si heureux d’ordinaire, ne lui avait confié qu’un poème assez décoloré.
Le directeur de l’opéra est un des hommes de France qui ont le moins de loisirs. Rarement il lui est donné de pouvoir, non pas dormir, mais sommeiller sur les lauriers cueillis par les compositeurs et par les chanteurs attelés au char qu’il dirige. A peine a-t-il obtenu un succès qu’il doit rêver à un succès nouveau, car il en faut beaucoup pour alimenter cet espèce de tonneau des Danaïdes qu’on appelle la Caisse de l’Opéra. Des ouvrages importants se préparaient ; mais on était encore loin du jour ou l’espoir d’en faire un moyen de fortune deviendrait une réalité. Le Directeur pour laisser murir en paix la pensée des auteurs dont la verve s’échauffait à son intention, résolut d’ouvrir, par exception, les portes du théâtre national à un chef d’œuvre étranger, au Freischütz, pour lequel M.[Hector] Berlioz composa les récitatifs qui manquaient à la partition de [Karl] Weber. Ce travail, difficile pour M.Berlioz eut été impossible pour tout autre. Nul n’avait mieux pénétré l’esprit de l’école allemande, et n’était plus capable de rattacher, par des transitions bien ménagés, de nouveaux fragments à la parution du Freischutz. M.Berlioz fit comme ces peintres, habiles à reproduire le style des anciens maitres, leur empruntant le dessin, le coloris, jusqu’à la touche et rendent l’illusion assez complète pour tromper l’œil des plus fins connaisseurs. La difficulté fût de plier les gosiers de l’Opéra aux exigences d’une musique dont ils n’avaient ni l’instinct, ni l’habitude et que, dans leurs préventions, ils accusaient d’être parfois raboteuse. Mme [Roseline] Stoltz, dont la vigoureuse organisation se plaisait aux grandes hardiesses, aborda seule franchement les obstacles et les surmonta. Elle chanta son rôle avec ce mélange de poésie rêveuse et de passion qui caractérise les artistes allemands, et qu’elle sut leur emprunter.
M.[Adolphe] Adam est un compositeur spirituel et adroit, ceci est su de chacun ; mais qu’il ne s’attache pas ordinairement à la recherche de l’idéal en musique, personne ne l’ignore non plus. Une fois cependant il s’éleva jusqu’aux régions éthérées. Ce fut lorsqu’il écrivit la partition de Giselle. Il avait eu le bonheur de voir tomber entre ses mains le chef-d’œuvre des programmes de ballet, Giselle, rêve charmant d’un vrai poète, et il s’était montré digne de cette bonne fortune en mettant sa muse de niveau avec celle de Théophile Gautier.
Voici du nouveau et du sérieux : La Reine de Chypre, qui vient clore dignement l’opéra de 1841, et promettre à ce théâtre, pour l’année suivante, un repos productif. M.[Fromental] Halévy change de style à volonté. Il y avait du moyen âge allemand dans La Juive; Venise se retrouve tout entière dans La Reine de Chypre. Le compositeur a fait cette fois du coloris à la manière de Titien, de Tintoret et de Paul Véronèse. Il est aussi dramatique dans l’une que dans l’autre de ses partitions, mais d’une façon différente. Cet art d’approprier les inspirations à la nature du sujet auquel elles s’adaptent, est rare. De même que certains peintres ont sur leur palette une gamme de couleurs qui se retrouvent uniformément dans leur tableaux, de même beaucoup de musiciens n’ont qu’une forme mélodique dont ils usent en toute occasion. M. [Fromental] Halévy est assurément un des compositeurs de notre temps qui ont le mieux su éviter le défaut de la monotonie. Nous ne dirons pas en quelle estime les gens de goût comme le public (nous demandons à ce dernier pardon de la distinction), prirent la partition de La Reine de Chypre. C’est une chose au vu et au su de tout le monde. Rappelons seulement quel appui le maitre trouva dans ses interprètes, les élans chaleureux de Mme [Roseline] Stolz, la lutte de [Gilbert] Duprez et de [Paul] Barroilhet dans le fameux duo, et le brio avec lequel [Eugène] Massol enleva, pour nous servir d’un terme du vocabulaire technique des coulisses, les couplets si pittoresques du troisième acte. Conservons le souvenir de ce bel ensemble d’exécution qui, de longtemps sans doute, ne sera pas égalé.
Pour se relever de son échec de Carmagnola, M.Ambroise Thomas donna, l’année suivante (1842), le Guérillero, opéra dont M. [Théodore] Anne lui avait fourni le poème, et dans lequel il s’efforça de mettre de la couleur locale hispano-portugaise. On trouve que sa musique était sage et régulière de formes, faite selon toutes les règles de l’art, et même qu’elle offrait des mélodies aimables ; mais on lui reprocha de manquer de nerf et de chaleur. Cette critique, toute fondée qu’elle fût, n’ôtait rien au mérite de M. Ambroise Thomas ; on en pouvait seulement conclure qu’en conduisant sa muse vers le chemin de l’Opéra, il risquait de s’égarer, et qu’il y aurait plus de prudence de sa part à la retenir dans les sentiers fleuris de l’Opéra-Comique.
L’année 1842 n’est que médiocrement lyrique. AuGuérillero de M. Ambroise Thomas, l’Opéra se contenta d’ajouter LeVaisseau-Fantôme de M. [Pierre-Louis] Dietsch, poème très-fantastique, musique dont les qualités sont le goût et la distinction, et qui a pour défaut principal la monotonie. Ajoutez à cela un ballet de M. [Adolphe] Adam : La jolie fille de Gand, et vous aurez tout le bagage sorti des cartons de l’Opéra dans l’espace de douze mois. Il est vrai que le répertoire des l’années précédentes était encore plein d’attraits, et que le besoin de nouveautés ne se faisait pas sentir, comme on dit en style de réclame.
Les antipathies nationales cèdent à l’examen de la raison, les hommes éclairés s’en affranchissent ; mais il n’est pas aisé de l’extirper des masses. Longtemps encore on aura beau faire, il règnera des deux côtés de la manche un antagonisme que le premier prétexte suffira pour réveiller. Les affaires d’Orient avaient fait naitre cette circonstance, quand parut Charles VI. La population parisienne accueillit avec enthousiasme le refrain : jamais en France l’anglais ne règnera. Peut-être les auteurs n’avaient-ils pas préparé à dessein ce succès d’à-propos, comme c’était néanmoins leur droit, car les allusions ont été de tout temps un des moyens d’effet légitimement admis au théâtre. Toujours est-il que le refrain en question eut du retentissement, et fit plus pour la vogue de l’ouvrage que les plus beaux morceaux dont se compose la partition. Ce n’était pas la première fois que chose pareille arrivait en France, dans ce beau pays ou l’on a de l’esprit à revendre, mais ou le sentiment sérieux de l’art musical n’a pas encore pénétré dans les masses.
La partition de Don Sébastien [opéra de Gaetano Donizetti] fut l’œuvre d’une imagination en laquelle se manifestaient déjà les premiers symptômes d’épuisement. Ce n’était guère que formules et réminiscences. A ce manque absolu de véritable inspiration, il eut été difficile de reconnaitre l’auteur d’Anna Bolena, de Lucie [de Lamermoor], de La Favorite.
Les habitués de l’Opéra n’ont pas le goût des impressions rétrospectives. Il est à peu près sans exemple que la reprise de l’œuvre d’un ancien maître ait exercé sur eux une influence attractive. Œdipe, de [Antonio] Sacchini, ne fut pas plus heureux, en 1843, que ne l’avaient été précédemment Armide et Orphée, de [Christoph] Gluck.
Dans un moment de loisir M. [Jules-Henri Vernoy] de Saint-Georges avait ébauché le poème de Lazzarone ; dans un une heure de désœuvrement M. [Fromental] Halévy en esquissa la musique. Ils ne mirent pas grande prétention à cette fantaisie, qui cependant ne fut indigne ni de l’un ni de l’autre. Le musicien, comme le poète, ne peut laisser sa lyre perpétuellement montée au ton héroïque. Le Lazzarone était un opéra fait sans prétention, qui se bornait à offrir quelques scènes piquantes et quelques morceaux d’un faire élégant et spirituel. On y remarquera, comme une innovation plus singulière qu’heureuse, l’absence de ténor. A coup sûr ce n’était pas le compositeur qui avait voulu qu’il en fût ainsi.
Marie Stuart, de M. [Louis] Niedermeyer, était une œuvre plus grande et plus sérieuse. M. Niedermeyer y montra plus de nerf qu’on aurait pu s’y attendre d’après le style des productions par lesquelles il s’était déjà fait connaître. On crut assister à l’initiation d’un futur premier ténor de l’Opéra quand M. [Italo] Gardoni débuta dans le rôle de Bothwel. Mais les chanteurs étrangers semblent destinés à ne tenir qu’une bien faible partie de ce qu’ils promettent au premier théâtre lyrique de la France. Les personnes qui font, en toute chose, profession d’amour-propre national, s’en réjouiront.
Combien peu l’on s’inquiète de se conformer aux préceptes formulés par les poètes sous l’inspiration d’une saison. Il y a longtemps qu’un des écrivains auxquels nous devons les meilleurs enseignements a dit qu’on ne doit point forcer sa nature, sous peine de ne rien faire avec grâce. Maint auteur cependant a méconnu cette grande vérité. Homme d’esprit et de talent, M. [Adolphe] Adam ne s’y est pas plus conformé que beaucoup d’autres, lorsqu’il a composé la partition de Richard en Palestine. Sa véritable vocation est l’Opéra-Comique ; il l’a suffisamment prouvé, et les succès qu’il a obtenu dans le genre léger étaient de nature à satisfaire une raisonnable ambition. Eut-il tort de vouloir s’élever jusqu’au style lyrique proprement dit ? Nous lui laisserons à lui-même le soin de décider la question. Si jamais auteur avait pu se soustraire à toute influence d’amour-propre pour être bon juge dans sa propre cause. M. Adam, hâtons-nous de le reconnaitre, fit comme toujours de la musique très-agréable, mais la scène du Grand Opéra et le sujet qu’il avait à traiter demandaient quelque chose de plus.
Mme [Roseline] Stoltz voulait prouver à ceux qui avaient jusqu’alors prétendu, non sans raison, qu’elle avait une voix rebelle aux difficultés de la vocalisation ; voulait prouver qu’au besoin elle était capable de chanter de la musique italienne pure. On fit pour elle une traduction d’Otello [de Gioachino Rossini]. Peut-être la démonstration ne fût-elle pas tout à fait aussi convaincante qu’elle l’avait espéré, car elle ne parvint pas à dissimuler ce qu’il lui en coutait d’efforts pour surmonter les obstacles ; mais ses ennemis même, et l’on sait qu’elle avait eu l’art de s’en faire beaucoup, furent contraints de reconnaitre qu’il y avait d’immenses ressources dans cette puissante volonté et dans cette persévérance qui parvenaient à réaliser l’impossible. Nous n’apprendrons à personne que [Gilbert] Duprez et [Paul] Barroilhet furent pour Mme Stoltz de dignes, de très-dignes auxiliaires ; mais en dépit de leur talent et de leur zèle, Otello ne fournit pas une longue carrière. Tel sera toujours le sort des traductions à l’Opéra.
Un opéra et un ballet, voici tout ce que l’Académie royale de musique fournit en 1845 au large contingent des nouveautés qui sortent annuellement de l’atelier ou s’élaborent les choses dramatiques de la France. M. [Michael] Balfe donna l’Etoile de Séville. Cette étoile ne brilla pas d’un vif éclat ; mais elle resta quelques temps sur l’horizon de l’opéra et jeta une clarté agréable. On remarqua dans la partition de M. Balfe, à défaut d’une originalité prononcée, un mérite de facture dont les œuvres des musiciens anglais, nous en demandons pardon aux artistes de cette nation, offrent rarement l’exemple. L’auteur avait complètement abondé dans le sens de la manière italienne. Il s’en tira assez adroitement pour qu’on pût dire qu’il avait, non pas copié, mais seulement imité.
Le Diable à quatre vint renforcer l’Etoile de Séville, afin qu’on n’accusât point à juste titre l’Opéra d’avoir sommeillé trop profondément en l’an de grâce 1845. M [Adolphe] Adam, de qui l’on dirait qu’il est né pour le genre chorégraphique, s’il n’avait faire de jolis opéras, surtout le Chalet et Giralda dans cette nouvelle production carrière à sa muse légère, pimpante et frétillante.
Le premier opéra, joué en 1846, montre ce que peut la persévérance, et combien il faut placer l’espoir, pour le succès de ses projets, dans une grande ténacité. Celui qui écrit ces lignes (on nous permettra d’user, pour une fois seulement, de la formule usitée par un illustre poète dans de célèbres préfaces), celui qui écrit ces lignes avait pour camarade de collège un jeune homme auquel un goût passionné pour la musique faisait négliger ses autres études, au grand déplaisir de ses parents, dont l’ambition était de le voir rentrer à l’école polytechnique. Le jeune homme en question n’était pas un musicien fort habile. Il déchiffrait assez péniblement des morceaux de flûte ; mais, en revanche, il composait. Chaque jour il nous faisait entendre de nouvelles mélodies qu’il avait faites à tout hasard et qu’il se proposait d’employer plus tard dans ses opéras. Son embarras était de les revêtir de formes harmoniques quelconques ; car il ignorait l’art d’écrire à plusieurs parties et la vérité nous oblige à dire que ses efforts pour pénétrer les secrets de cet art n’étaient guère couronnés de succès. Notre camarade s’arrangea pour se faire refuser à l’école polytechnique, et dès qu’il fut sorti de pension, il n’eut plus d’autre pensée, d’autre but que la recherche d’un poème d’opéra. Pendant 15 ans, il s’occupa de cet unique objet, attendant chaque jour pour le lendemain la réalisation de ses espérances et ne perdant jamais courage au milieu de ses plus cruelles déceptions. Nous nous disions, en admirant cette patience héroïque : [Auguste] Mermet arrivera. En effet, il est parvenu à faire représenter en 1847 l’opéra biblique de David. Quoi qu’il fût notre ami, quoi qu’il fût notre ami, nous ne nous fîmes point d’illusion au point de croire qu’il venait de livrer un chef-d’œuvre à l’admiration des âges futurs. C’était déjà beaucoup, suivant nous, qu’il soit arrivé jusqu’à la scène de l’Opéra, quand nous songions qu’il était parti des solos de flûte de la pension Goubaux. Soyez persuadé que Mermet songe à affronter une seconde fois le jugement du public ? Il a ou il aura certainement un poème d’opéra. Au besoin, il s’en fera un lui-même.
[Gioachino] Rossini avait beau s’obstiner à garder le silence, on voulait absolument qu’il n’en restât point sur son chef-d’œuvre, Guillaume Tell. Dire combien de démarches furent tentées auprès de lui pour obtenir qu’il laissât tomber ses inspirations sur un poème de son choix, ce serait répéter ce que tout le monde sait. Rossini demeurait inébranlable dans sa paresse, selon quelques-uns, ou dans une résolution mûrement réfléchie, suivant d’autres mieux informés. Le directeur de l’Opéra, comprenant enfin que le maitre ne se laisserait pas fléchir, et qu’il fallait du moins un pastiche composé de morceaux d’anciens opéras italiens. Qu’à cela ne tint ; Rossini consentit très-volontiers à une combinaison qui ne changeait rien à son parti-pris, et qu’il n’avait d’ailleurs nullement le droit d’empêcher. Robert Bruce vit le jour au commencement de 1847. On applaudit à la charmante musique de Donna del Lago; mais l’effet ne fut pas, il ne pouvait pas être celui qu’aurait produit une partition nouvelle ; La gloire de Rossini demeura entière, mais elle ne s’accrue point par suite de l’emprunt fait à son ancien répertoire.
Il faut, dit-on, que le temps passe sur les grands événements pour qu’on puisse les apprécier sainement. Les contemporains, quel que soit leur désir d’impartialité, ne se dégagent pas assez complètement de toute influence étrangère, pour que leurs décisions ne soient pas suspectes ; Nous laissons donc aux historiens futurs de la scène lyrique le soin de prononcer dans la grande querelle de Mme Stoltz et de ses adversaires. Ils diront si, en effet, cette artiste, à laquelle on ne saurait refuser d’éminentes qualités, fut, pendant le temps qu’on appelle son règne à l’Opéra, un obstacle à tout ce qui ne tendait pas à flatter sa vanité, ou bien si ceux qui ont soutenu cette thèse l’ont, par hasard, calomniée. Quoi qu’il en soit, innocente ou coupable, Mme Stoltz se retira au mois d’Avril 1847. Ceux même qui voulaient qu’elle partît eurent le bon goût de lui faire une retraite triomphale. Mme Stoltz fut enterrée sous les fleurs le soir où elle parut pour la dernière fois. Ce sont ces galanteries qui caractérisent le public français et qui font l’éloge de son savoir-vivre. On dit à un artiste : Allez-vous-en, mais on l’accompagne jusqu’à la porte avec force bravos.
Ozaï, ballet océanien, musique de M. Casimir Gide, fit attendre La Bouquetière, binette de M. Adolphe Adam, qui fut donnée elle-même en attendant un ouvrage plus important. Comme cet ouvrage n’arrivait pas, le directeur appela à son aide les ressources chorégraphiques : La fille de marbre fut mise en scène pour la plus grande gloire de Mlle Fanny Cerrito et de son époux, M [Arthur] Saint-Léon. On gagna ainsi la fin de l’année 1847, où fut représenté Jérusalem. Le public parisien est peu sympathique pour la musique de M. [Giuseppe] Verdi ; l’expérience nous parait l’avoir suffisamment prouvé. Les œuvres du compositeur viennent d’être analysées, du reste, avec trop d’étendue dans les colonnes de la Gazette musicale, pour qu’il soit nécessaire de revenir sur le même sujet.
L’année 1848, à laquelle nous voici parvenus, ne sera pas marquée de blanc dans les annales de l’Opéra. Cette réflexion n’est nullement politique ; elle est artistique, pas autre chose. Ce n’est pas à nous qu’il appartient de rechercher , et dans un pareil travail, si ce régime républicain fait ou fera le bonheur de la France. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que la musique, pas plus que la peinture, pas plus que les autres arts, ne s’accommode des révolutions. L’année 1848 fut donc pour l’Opéra, ainsi que pour tout ce qu’il était art et industrie, du reste, une période de souffrance. Les nouveautés représentées pour galvaniser ce malheureux spectacle qui se mourait, furent : Grisélidis ou les Cinq sens, ballet de M [Adolphe] Adam ; l’opéra de M. Benoit, intitulé : L’Apparition ; Nisida, ballet du même compositeur, et Jeanne La Folle, de M. [Louis] Clapisson. Plusieurs reprises d’anciens ouvrages, plusieurs débuts eurent lieu. On avait beau faire, déployer de l’activité, le public ne venait pas. La triste comédie de l’émeute et du socialisme qui se donnait chaque jour dans la rue absorbait toute l’attention. Quoiqu’on n’y payât pas son billet à la porte, la France sait si ce fut un spectacle gratis ! L’abaissement du prix des places, la diminution des appointements des artistes (tristes symptômes) furent inefficaces pour rendre à l’Opéra une apparence de prospérité. On était à douter de la possibilité de l’existence de ce magnifique spectacle, qui fut, on l’a toujours dit, une des gloires de la France, et qui avait traversé jusqu’alors sain et sauf bien des tourmentes politiques.
L’Opéra était dans cette triste situation, qui menaçait de le conduire au trépas par le marasme, quand survint un événement qui lui rendit le vie. Cet événement, il est inutile de le dire, fut l’apparition du Prophète. A toutes les gloires qui ont marqué la carrière si brillante de M. [Giacomo] Meyerbeer devait se joindre la gloire de sauver d’une ruine imminente le premier théâtre lyrique du monde. L’auteur de Robert-le-Diable, des Huguenots et du Prophète est véritablement prédestiné ; il a le droit, lui aussi, de croire à son étoile.
La chronologie musicale du demi-siècle dont nous avons entrepris d’enregistrer les faits qui sont de notre domaine allait avoir une triste fin, quand apparut l’œuvre magnifique qui vint, au contraire, la terminer avec éclat. Pour notre part, nous remercions M. Meyerbeer d’avoir fait en sorte que nous ne fussions pas obligé de conclure par des lamentations à la façon de Jérémie.
Edouard Fétis
Notes
(1) Nous reprenons aujourd’hui une série d’articles que l’état de santé de notre collaborateur l’avait forcé d’interrompre, mais qui, désormais, se suivront avec rapidité.