Flower Power Helvète et Ranz des Vaches en 1836: Tout sur la « Scène Suisse », opus 4 de Sebastian Lee

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Image: Ecole Suisse du XIXème siècle, paysage alpin avec personnages et chalet ». Huile sur toile de R. Leuthold, 1872

Autrice: Pascale Girard

Mes ami.e.s, après ce long silence, je viens à vous avec une merveilleuse nouvelle. Nous avons enfin mis la main sur l’opus 4 de Sebastian Lee “Scène Suisse”. Pourquoi est-ce important? Et bien parce-que c’est une œuvre orchestrale, ce qui, je l’espère, fera taire toutes les personnes ne jurant que par la symphonie, les créations de thèmes “originaux”, bref toutes ces oreilles que les fantaisies rebutent. Outre leur conseiller de lire l’article consacré à ces dernières, aujourd’hui, mon intention est de casser un mythe et de rendre ses lettres de noblesse à Sebastian Lee. Un artiste qui composait pour orchestre, comme pour quatuor, comme pour duo, comme pour instrument solo, pour le violoncelle, mais aussi le violon, le piano, le hautbois, les timbales, etc; et il le faisat seul ou avec son frère Maurice [1], le pianiste, ou encore avec ses amis Charles-Auguste Bériot [2], Henrich Panofka [3], Heinrich Ernst Kayser et Guillaume Popp [4], George Alexander Osborne [5], mais aussi le pianiste Henri Hertz [6], et encore Sigismund Thalberg [7], Edouard Wolff [8], et beaucoup d’autres. Ce n’était pas un professeur de violoncelle dont la première préoccupation était la production d’études, il n’a jamais travaillé au conservatoire de Paris et n’a eu d’élèves que parce-qu’il le souhaitait. Son revenu de Premier violoncelle du Grand Opéra de Paris aurait amplement suffit à offrir une vie confortable pour toute sa famille (pour s’en convaincre, voir notre article Du rififi à l’opéra de Paris). Il a enseigné en vacation au Collège Stanislas [9] et en cours particuliers, comme on le devine grâce aux dédicaces de ces œuvres à ses élèves. Enfin, nous pouvons balayer les préjugés concernant notre cher Sebastian. Il était bien un musicien accompli, respecté, polyvalent et polymorphe. Il jouait, enseignait, composait et était le bijou de son époque. Dévaloriser son talent ou sa mémoire en prétendant qu’il était surtout bon à écrire des études mélodieuses est une contre vérité. Voilà, c’est dit. A présent, nous allons découvrir de plus près cette œuvre très intéressante qu’est la “Scène Suisse”. Je vais vous dire tout ce que j’en sais, et j’espère que parmi vous, des personnes pourront ajouter des éléments de réflexions musicologiques car il existe encore des aspects qui me questionnent dans cette œuvre qui nécessiterait une réflexion collégiale. 

La “Scène Suisse” de Sebastian Lee, c’est d’abord une œuvre cardinale. C’est l’œuvre qu’il compose et qu’il présente lors de son premier passage à Paris au Théâtre Italien en décembre 1836. Il est alors Premier violoncelle de l’opéra de Hambourg [10], et, à 32 ans, il a bien l’intention d’éblouir la ville lumière de son talent. Pour une raison qui m’échappe encore, Sebastian Lee est décidé à quitter Hambourg et son poste, pourtant si solide, de Premier violoncelle à l’opéra de Hambourg, qui est une situation enviable pour n’importe quel musicien. A cette étape de sa vie, plusieurs choses se passent qui nous donnent des indications sur les raisons qui auraient pu motiver sa décision de quitter son pays natal.

Tout d’abord, son frère Louis (1819-1896), également violoncelliste, vient d’avoir 18 ans. Peut-être souhaite t-il lui céder la place de Premier violoncelle à l’opéra de Hambourg, sachant qu’à présent, Sebastian jouit d’une expérience et d’une renommée suffisantes pour trouver une place équivalente, voire meilleure, ailleurs. En outre, c’est à cette époque qu’il épouse Caroline Luther. C’est un challenge à au moins 2 titres. Tout d’abord elle n’est pas juive, elle est protestante [11]. Est-ce que les familles respectives étaient consentantes à ce mariage? Rien n’est moins sûr. Par ailleurs, pour alourdir encore les obstacles à cette union, Caroline est veuve. Elle a été mariée à un certain monsieur Ruhl [11]. Y a t-il eu des enfants de cette première union? On ne le sait pas. En tout cas, en 1835, elle a accouché d’Edouard, leur premier fils. Sebastian et Caroline sont en train de fonder leur famille mais ce ne sera pas à Hambourg, leur pays d’origine, qu’ils comptent s’installer. Même si on n’en connait pas la raison avec certitude, le départ a été acté. Quand Sebastian Lee démarre sa tournée Européenne  — car il se rendra également en Angleterre en 1834 [12], peut-être même avec sa femme enceinte  —  il y a quand-même un peu urgence, me semble t-il à se poser quelque part. Ce n’est pas un bon timing pour décider de tout remettre en question, sauf si on y est obligé, ce que, personnellement, je crois. Je ne pense pas que l’ont décide d’arpenter l’Europe avec sa femme et un poupon en route pour le plaisir.

Ecole Suisse du XIXème siècle représentant un paysage alpin avec des personnages et un chalet, huile sur toile de R. Leuthold, 1872.
Gazette Musicale de Paris N°37 du dimanche 14 septembre 1834, section « Nouvelles », p300

On a représenté, il y a quelques semaines, à l’Opéra Anglais de Londres, un ouvrage original; c’est un événement qui mérite d’être mentionné à cause de sa rareté. Le compositeur s’appelle Lee. il a obtenu un plein succès. la pièce a pour titre: l’Hôte mort. On a remarqué que la salle était pleine d’éditeurs de musique. On parle aussi avec beaucoup d’éloges d’un opéra de John Barnett, intitulé: Le Sylphe de la montagne.

C’est donc avec une détermination de fer que Sebastian Lee se présente à Paris. Pour cette occasion, il compose sa première œuvre orchestrale, l’opus 4 “Scène Suisse”.

Penchons nous tout d’abord sur l’aspect polymorphe de cette œuvre qui est intéressante car elle est particulièrement personnalisable et à dessein. Elle est écrite pour violoncelle solo, pour duo de violoncelle et piano — le piano n’étant là que pour accompagner le violoncelle comme le dit très justement Georges Kastner [10]  —  mais encore, pour quatuor ou pour orchestre. Qu’est-ce que cela si ce n’est une démonstration de force? Le message est bien de faire comprendre que Sebastian Lee est un musicien accompli: auteur, compositeur et interprète. Il y a bien entendu des aspects très virtuoses de la partition de violoncelle, là pour démontrer, s’il en était besoin, ses qualités techniques et la maitrise exceptionnelle de son instrument. Le XIXème siècle adore les virtuoses, les enfants prodiges et autres forces de la nature. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet et on peut écouter la très intéressante conférence de l’école des Chartes sur la fascination qu’exerçaient en particulier les enfants prodiges dans la société occidentale des temps modernes. Pour ma part, et contrairement à ce qu’Yves-Marie Bercé propose, je pense que nous ne sommes pas du tout sortis de cette époque, mais revenons à nos moutons. Sebastian Lee a conçu son opus 4 comme une œuvre qui devra être la vitrine de son talent et de sa maestria, parce-qu’il joue son va-tout sur cette performance. Et pour se faire, il a choisi le Ranz des Vaches.

Le Ranz des Vaches, c’est d’abord un chant traditionnel de la Suisse, et notons, au passage, que le « z » est muet. Le plus célèbre étant celui du comté de Fribourg, mais connu de tout Helvète qui se respecte. Ce sont les armaillis, ces bergers qui menaient les vaches dans les alpages, qui entonnaient ce chant, aussi appelé Lyoba; un mot qui vient d’une racine trouvée dans le mot patois gruérien ou l’on parle de loobeli pour nommer la vache, et on dit alyôbâ pour appeler le bétail [13] Dans la tradition du kulning nordique ou du Yodel autrichien, le Ranz des Vaches à ceci de différent qu’il n’est pas constitué d’onomatopées. Il s’agit d’un chant avec des paroles et une mélodie très identifiable. Pour préparer cet article, j’ai écouté plusieurs versions de ce Ranz des Vaches et je vous propose celui interprété par l’iconique Bernard Romanens en 1977 à l’occasion de la très célèbre Fête des Vignerons de Vevey. Organisée par la Confrérie des Vignerons de Vevey depuis 1797. L’événement a lieu cinq fois par siècles [14] et donne chaque fois l’occasion d’une nouvelle interprétation du Ranz des Vaches. C’est dire son importance et l’aspect sacré de la tradition. Il est intéressant de noter la devise de cette confrérie: Ora et Labora c’est-à-dire “prie et travaille”. Les paroles de ce Ranz des Vaches sont d’ailleurs complètement imprégnées de prières et de travail puisqu’il s’agit d’un drame pastoral qui se déroule dans l’alpage de Colombette, situé dans la commune de Vuadens, en Suisse. Les bergers, ou armaillis, mènent leurs troupeaux vers le pâturage quand ils se trouvent coincées en chemin par des fondrières. Ils mandatent l’un d’eux, Pierre pour les intimes, pour aller trouver le curé afin que ce dernier prie pour eux et que Dieu leur concède de lever l’obstacle. Le curé ne dit pas non, mais gratte un morceau de fromage pour sa peine. Tout ceci prend pas moins de 19 strophes entrecoupées de Lyoba pour être raconté, mais à la fin, les prières sont exaucées, les bergers et le bétail peuvent circuler, le curé a son fromage, et ses bénédictions sont tellement puissantes qu’arrivés au chalet, les bergers constatent que la chaudière est déjà à moitié pleine de lait avant même d’avoir commencé la traite. Il y a bien à un moment une suspicion de harcèlement sexuel sur la personne de la bonne du curé, mais les soupçons sont vite écartés au profit de la promesse d’une confession et surtout de la promesse d’un morceau de fromage qui, apparemment, vaudrait largement plus que le cul de la crémière dans cette histoire. Bref, blagounettes à part, le très sérieux Ranz des Vaches est plus qu’un chant traditionnel, pour les Suisses, c’est un anthem, au sens religieux du terme. D’ailleurs la mélodie répétitive des couplets, ponctués de ce long Lyoba en guise de refrain procède à mes oreilles d’une forme de prière dans sa structure. Traditionnellement, le Ranz des Vaches est composé de 3 sections: un récit, un cri d’appel et une énumération du bétail, ce qui rappelle encore la litanie dans ses invocations variables faites par un soliste et la réponse brève, constante et unanime de l’assemblée [15]

Peinture représentant un paysage alpin du XIXe siècle avec des personnages et un chalet, œuvre de R. Leuthold, 1872.
Peinture de paysage alpin du XIXème siècle avec des personnages et un chalet, œuvre de R. Leuthold, 1872.
Paroles du Ranz des Vaches Fribourgeois en patois Gruérien et en français, transcription d’Albert Bovigny. Source: https://www.fr.ch/sites/default/files/2019-08/le_ranz_des_vaches_paroles.pdf

On ne peut néanmoins pas mentionner le Ranz des Vaches sans dire qu’il en existe plusieurs comme l’explique Pierre Perroud: en Appenzell, dans le Simmenthal, dans l’Oberhasli, et en Ormonds [16]. Cependant, celui de La Gruyère (oui, on dit la Gruyère, est-ce que c’est parce-que c’est la région de Gruyère? Je ne sais pas, en tout cas, c’est féminin pour les Suisses et cela fait référence à la géographie, pas au fromage dont le nom dérive de son terroir), donc, le Ranz des Vaches de la Gruyère est très ancien et remonterait au XVIème siècle [17]. Rousseau en fait mention dans son Dictionnaire de la Musique de 1767 [18]. Il explique:

« Les soldats suisses exilés au service du Roi de France avait interdiction de le chanter car il faisait fondre en larmes, déserter ou mourir ceux qui l’entendaient, tant il excitait en eux l’ardent désir de revoir leur pays. »

Rien que ça.   Voilà pour l’effet patriotique du Ranz des Vaches sur nos ami.e.s Helvètes. Mythe ou réalité, j’ai envie de dire, peu importe. En revanche, ce qui atteste de l’importance de cet air pour les Suisses, outre la sacro-sainte performance séculaire à la Fête des Vignerons de Vevey, c’est qu’en 2019, deux députés UDC, Nicolas Kolly et Michel Chevalley, ont proposé le Ranz des Vaches comme hymne cantonal Fribourgeois. La proposition n’a finalement pas été adoptée pour diverses raisons, comme le fait que le canton possède déjà un hymne (moins fédérateur), «Les bords de la libre Sarine», que le Ranz des Vaches renverrait à une image passéiste de la Suisse et aussi parce-que sa portée va bien au delà des frontières du canton rendant donc son appropriation déplacée [19]. La Suisse n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai en matière de problèmes avec ses hymnes, cantonaux ou national, j’en veux pour preuve la vidéo explicative de David Castello-Lopes qui fait très bien le point sur la question et dont l’analyse musicale vaut celle de Pierre-Do Bourgknecht qui se concentre, pour sa part, sur le Ranz des Vaches qui nous intéresse. On y découvre par la même occasion le fameux bredzon Fribourgeois, monument des armallis et autres fashionistas du coin.

L’excellente analyse musicologique de Pierre-Do Bourgknecht en bredzon armailli super tendance, dans une chronique radio diffusée le jeudi 20 juin 2019 dans « Vertigo » sur RTS-La Première

Le Ranz des Vaches est donc publié pour la première fois en 1813 par Philippe Sirice Bridell et par Georges Tarenne. C’est cette information là qui, me semble t-il, est pertinente pour notre histoire de Sebastian Lee, parce-que finalement, outre les Suisses et le folklore militaire évoqué par Rousseau: qui était vraiment familier de ce style musical avant sa publication de 1813? Surement pas grand monde. Pourtant, quelques Ranz des Vaches fameux ont été composés au cours du XIXème siècle (et principalement à ce moment là, d’ailleurs, parce-que depuis… moins). On peut citer celui de la troisième partie super-connue de l’ouverture du Guillaume Tell de Gioachino Rossini  ainsi que celui de la « Scène aux champs », le troisième mouvement de la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz. Louis Adam, propose aussi son Ranz des Vaches, publié pour la 1ère fois en 1804. On peut écouter l’interprétation de Luca Montebugnoli sur un beau piano Erard de 1806. Et plus on creuse, plus on s’aperçoit qu’il y a un filon.

Franz Liszt, lui, a été chercher son inspiration directement à la source des alpages suisses avec à ses côtés, son amante Marie d’Algoult. Il compose également sa version du Ranz des Vaches de Ferdinand Hubert en 1835 pour le piano (soit 2 ans avant la performance de notre cher Sebastian). Je vous encourage à aller découvrir l’histoire de cette composition grâce à l’excellent article de Joseph Zemp [20]. On peut en écouter l’interprétation de Leslie Howard ici.

On trouve aussi le Le Ranz des vaches d’Appenzell, arrangé par Giacomo Meyerbeer sur un livret d’Eugène Scribe (dispo sur Spotify) mais aussi celui de Frédéric Chopin qui ce serait essayé à l’exercice, à la demande du marquis de Custine : « Je lui avais donné pour thème le Ranz des vaches et la Marseillaise. Vous dire le parti qu’il a tiré de cette épopée musicale, est impossible. On voyait le peuple de pasteurs fuir devant le peuple conquérant. C’était sublime » [22]

Qu’est-ce que cela nous dit? Et bien qu’en réalité le Ranz des Vaches en ce début de XIXème siècle est grave branchouille parmi les musiciens Romantiques! Joseph Zemp, dans son article sur les pérégrinations de Liszt nous l’explique:

“Depuis que les esprits des Lumières comme [Horace Bénédict] de Saussure, [Albrecht von] Haller ou [Jean-Jacques] Rousseau ont relevé la beauté majestueuse des montagnes et la pureté de la nature à l’altitude, les poètes et musiciens romantiques désireux de cultiver leur génie risquent l’aventure périlleuse dans l’univers des falaises, torrents et gouffres : qu’y a-t-il de plus palpitant que la marche exténuante sous la pluie vers les sommets ([Félix] Mendelssohn), une nuitée sur la paille dans un cabane primitive ([Richard] Wagner) ou un pique-nique avec les bergers ([Franz] Liszt)? Les têtes moins échevelées privilégient les sites lacustres, au décor montagneux, comme retraite et lieu d’inspiration ([Piotr Ilitch] Tchaïkovski, [Johannes] Brahms, [Richard] Strauss)” [20]

On dénombre au moins 11 musiciens du XIXème siècle partis chercher l’inspiration en territoire Helvète [12], comme on a connu la ruée des rockstars vers l’Inde ou le Népal dans les années 1960. Et si notre cher Sebastian avait lui aussi été trainer la savate dans les alpages suisses? Peut-être en voyage de noces, ou comme une expérience mystique au rythme des clarines et des gros bourdons. Allez savoir! En tout cas, si le choix du Ranz des Vaches m’a surpris quand j’ai découvert la partition originale, en réalité il faut bien comprendre qu’il s’agit là d’un courant artistique bobo de son temps. Se dire que Bâle, Bern ou Fribourg aient pu représenter le Katmandou ou le Goa de l’époque, c’est certes assez contre-intuitif, mais le fait est que les cloches de vaches suisses sont la hype, que dis-je, le symbole Flower Power du XIXème siècle au même titre que l’introduction du sitar dans la musique des Beatles dans les années 1965-66. Tout cela est une gymnastique intellectuelle nécessaire pour bien comprendre l’opus 4 et le replacer dans son contexte. Le Ranz des Vaches, a une certaine coolitude créative dans le monde musical du XIXème siècle parce que « la Suisse s’est désenclavée et que ses paysages à la beauté encore sauvage lui confèrent une réputation de muse auprès des compositeurs », selon Joseph Zemp [20], attirant tous les hipsters romantiques en goguette. Evidemment, la migration vers les verts pâturages Suisses pour l’inspiration est à Goa ce que la gentiane est à la Jägerbomb, ou à l’Enzianschnaps, si on veut rester en Suisse. On est sur un « trip » 100% produits laitiers, loin d’un autre courant qui fait également fureur à l’époque, c’est l’orientalisme, un tantinet plus subversif qu’Heidi et ses montagnes, avec l’érotisme de ses naïades de harem et bien sûr, la consommation du haschisch (c’est Napoléon 1er qui en interdit pour la première fois la consommation en France en 1800). On consomme déjà aussi de l’opium depuis l’ouverture des routes de la soie, encore sous prescription médicale mais beaucoup en abusent déjà et la pratique deviendra carrément mainstream en France dans les fumeries d’opium dédiées à la fin du XIXème siècle, en conséquence des guerres de l’opium provoquées par les puissances coloniales Franco-Britanniques en Chine. Dans un article très instructif, Léopold Tobisch fait l’état des lieux des habitudes de consommation de narcotiques chez les compositeurs romantiques et il balance des noms:

« Afin de soulager ses douleurs chroniques, on prescrit par exemple à [Frédéric] Chopin des doses régulières d’opium, drogue courante en Europe depuis le XVIIIe siècle et respectée par le corps médical de l’époque en tant qu’antalgique. Mais la consommation régulière d’opium, substance de prédilection parmi les artistes romantiques pour ses effets euphoriques et psychologiques, mène progressivement à une consommation récréative généralisée plutôt que thérapeutique. À la fin des années 1820, Hector Berlioz est un consommateur régulier d’opium, ou plus précisément de laudanum, puissante teinture alcoolique à base d’opium. »

Ainsi donc, Sebastian Lee ne se fracasse (peut-être) pas la tronche aux stupéfiants, même bio, il préfèrerait le voyage initiatique Suisse, d’inspiration bovine  — bien qu’en réalité, l’un n’empêche pas l’autre, voir les frasques de Brahms, Liszt, Schubert, Stravinski, Moussorgski, Tchaïkovski, Satie et d’autres, rapportées de manière croustillante par Léopold Tobisch [23]

Concernant notre cher Sebastian, je sais qu’il n’est pas orientaliste parce que rien dans son catalogue ne suggère un engouement particulier pour l’orient mystérieux. Les alpages, en revanche, sont un thème récurrent chez lui entre 1835 et 1847. Outre l’opus 4 qui nous intéresse aujourd’hui, il adaptera pour le violoncelle l’Air Tyrolien de son ami Heinrich Panofka, dont c’est l’opus 14, sorti chez Schlesinger en 1837; mais encore il signe une œuvre originale « Souvenir du lac des 4 Cantons« , son opus 43 publié en 1847 chez Breitkopf & Hartel. Il est allé en Suisse, c’est sûr! Peut-être même plusieurs fois. Les œuvres qu’il appelle « souvenir » de quelque part sont littéralement des souvenirs musicaux d’endroits ou il est allé, comme le « Souvenir de Paris », son opus 5 composé juste après sa tournée parisienne de 1836.

Côté orientalisme, il y a clairement moins d’enthousiasme dans son catalogue. Je laisse à part l’opus 43, sa « Fantaisie sur l’ode symphonie ‘Le Désert’ de Félicien David car c’est Félicien David, que j’adore aussi, qui a été trainer ses guêtres à Constantinople et au Caire et de toute façon, Sebastian Lee transcrivait pour violoncelle tous les opéras qui marchaient bien. A part ça, on trouve 2 « Airs Arabes », l’opus 61, et je compte l’opus 123 « 6 Airs Nationaux » dont un russe, un arabe et un turc qui ressemblent plus à un exercice de style qu’à une inspiration mystique venue d’orient. Voilà pour l’orientalisme chez Sebastian Lee. Non, vraiment, il semble que son truc à lui, ce soit plus le fromage et l’air frais des montagnes que le Club des Haschischins (qui ne verra le jour que quelques années plus tard mais dont il ne fera pas partie).

Un dernier indice, qui me dit qu’on est sur une mode qui a le vent en poupe, c’est cette revue du concert de Joseph Gusikov et Sebastian Lee ou il est encore question de chanteurs Tyroliens venus cette fois se produire à Paris.

Tableau représentant un paysage alpin du XIXème siècle avec des personnages et un chalet, peint par R. Leuthold en 1872.
Extrait de la Gazette Musicale de Paris N°4 du dimanche 22 janvier 1837

[Nous] conseillons de choisir mieux son quatuor. Le programme de ce concert était assez varié. Outre Monsieur Lée dont le talent délicat, pur et grâcieux a été généralement reconnu, nous avons entendu un violon et un pianiste de Berlin, MM. [Chrétien] Urhan, Huner, et des chanteurs alsaciens, dont le chant doux et expressif nous a rappelé les chanteurs tyroliens que nous avons entendus à Paris il y a 2 ans.

Je vous le dis: le chant des montagne, c’est la tendance trop stylé du gotha musical parisien de l’époque. C’est pour ça que c’est un choix à la fois audacieux et intelligent de la part de Sebastian Lee de s’en saisir et de l’exploiter pour conquérir le tout-Paris. Car soyons bien clairs sur sa démarche, elle n’a rien d’improvisée ou d’opportuniste. Elle est au contraire bien préparée et je dirais même millimétrée. Sur le seul mois de décembre 1836, Sebastian Lee donne en moyenne un concert par semaine à Paris, et pas sur un coin de trottoir comme un punk à chiens, parce qu’on est bohème, mais faut pas pousser. Non, il entre par la grande porte. Il joue avec Liszt, Berlioz, Gusikov et il est écouté au salon Pleyel, à la salle Chantereine, et au conservatoire de musique de Paris. Cela lui vaut également de bénéficier d’une couverture médiatique assez dense, grâce à sa carte de visite de Premier violoncelle de l’opéra de Hambourg et grâce à ses collaborations judicieuses. Faisons une pause pour regarder son agenda entre décembre 1836 et janvier 1837. Je trouve son planning impressionnant et les réactions de la presse tout à fait extraordinaires. En effet, le 18 décembre 1836, lors d’une matinée musicale dans la salle du Conservatoire aux côtés d’Hector Berlioz et Franz Liszt, Sebastian Lee est jugé “un talent correct et élégant sur le violoncelle” [24] mais le 22 janvier 1837, soit un mois plus tard, dans la même revue, un article relatant le dernier concert aux côtés de Joseph Gusikov, dont il partage la vedette à présent, le décrit comme suit: « M.Lee dont le talent pur, délicat et gracieux a été généralement reconnu » [25] Il a triomphé! Sa tournée parisienne est un succès total.

École suisse du XIXe siècle représentant un paysage alpin avec des personnages et un chalet, huile sur toile de R. Leuthold, 1872.


Image d'une toile représentant un paysage alpin du XIXème siècle avec des personnages et un chalet, créée par R. Leuthold en 1872.

A présent, quid de la performance de Sebastian Lee à Paris au Théâtre Italien? Elle a été est très remarquée, bien sur, et la Revue et Gazette musicale du Dimanche 30 Avril 1837 en fait l’éloge dans l’article de Georges Kastner, qui sera un fidèle de Sebastian Lee pendant toutes ses années parisiennes.

Revue et Gazette Musicale N°18 du dimanche 30 avril 1837, p154, source: Google Books

Voici donc une arrivée triomphale qui lui vaudra le siège de Louis Pierre Norblin au Théâtre Italien, puis celui de Premier violoncelle quelques années plus tard (siège qui était encore celui du même Norblin jusqu’en 1840, son ami à qui il dédiera son opus 30).

Il y a pourtant encore un petit détail qui me chiffonne sur la chronologie de la genèse de cet opus 4. Cela tient à la dédicace de cet ouvrage. Il est « composé et dédié à Monsieur le Chevalier Waagepetersen, Agent de la Cour de Sa majesté le Roi du Danemark ». Alors, a qui a t-on affaire et qu’est-ce que le Danemark vient faire là-dedans?

Tout d’abord, laissez moi vous présenter le chevalier Christan Waagepeterssen (1787-1840) à travers une série de portraits de lui. J’aime particulièrement ces œuvres parce qu’elles sont datées de la même époque que la publication de l’opus 4.

Intérieur d'une maison du 19ème siècle, avec un couple et deux enfants. La femme porte une robe noire et bleue, tenant un bébé dans ses bras, tandis que l'homme est assis à un bureau, souriant. Un enfant en tenue écossaise est à ses côtés. Les murs sont peints en vert et décorés de portraits et d'une statue.
« The Waagepetersen Family », huile sur toile de Wilhelm Ferdinand Bendz, 1830. Merci au Statens Museum for Kunst (SMK) de mettre à disposition ses œuvres pour publication sous licence Creative Commons.

Christian Waagepetersen est un marchand de vin, Conseillé d’Etat et Agent de la Cour du roi du Danemark. Il était, semble t-il, très mélomane et passionné de musique, ce qui serait corroboré par le fait qu’il aurait nommé ses fils après Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart et Ludwig van Beethoven [26]. Le SMD donne les informations suivantes concernant cette toile:

« Le tableau montre Christian Waagepetersen à son bureau, son fils Fritz [qui ne corrobore pas l’assertion de Wikipedia ci-dessus] à ses genoux et sa femme Albertine [Emmerentse Schmidt, fille d’un riche marchand  Albrecht Ludvig Schmidt (ca.1754–1821) et de Frederikke Christiane Restorff (ca. 1759–1822)] debout avec sa fille Louise dans ses bras. Selon les informations de la famille, le fils [Franz Xaver Wolfgang] Mozart (1813-1885) a servi de modèle à la mère, qui était enceinte et ne pouvait pas porter l’enfant aussi longtemps. […] l’appartement, ses peintures sur les murs (de Jens Juel, entre autres) et du mobilier […]. Le grand verre d’eau sur la table avec une grenouille vivante servait de baromètre – lorsque la grenouille grimpait, le temps serait beau ! (Cf. lettre de Bent Waagepetersen du 16 juin 1998, dossier n° 3-344/97). Le bâtiment situé au 18 Store Strandstræde appartient désormais au Conseil Nordique des Ministres.  Bendz a apporté le tableau à l’exposition de Charlottenborg en 1830, le 7 avril, une semaine après l’ouverture de l’exposition ! (Cf. Journaux d’Eckersberg, 2009, vol. 1, p. 394). L’homme d’affaires occupé lève les yeux de son travail pendant un bref instant lorsque sa femme et deux des enfants du couple entrent dans son bureau, qui se trouve dans sa maison sur Store Strandstræde à Copenhague. L’image met clairement l’accent sur l’activité du chef de famille, signalant ce qui était la base de la bourgeoisie danoise vers 1830 : la famille et le travail. La maison est meublée avec parcimonie, sans décoration inutile, reflétant le style de vie frugal au Danemark pendant les années de crise après les guerres napoléoniennes. Christian Waagepetersen, le personnage principal du tableau, est un grossiste en vin qui a contribué à établir que c’était désormais la bourgeoisie qui était devenue la classe dominante au Danemark – après la domination séculaire de la noblesse. Waagepetersen s’intéressait beaucoup à l’art et à la musique. Il organisait régulièrement des événements musicaux dans sa maison, auxquels participaient les principaux compositeurs et musiciens danois de l’époque, ainsi que certains artistes visuels. Bendz et Marstrand comme peintres préférés Waagepetersen a également commandé plusieurs tableaux qui, comme ce tableau, étaient basés sur sa propre vie et son travail. Au début, les commandes étaient confiées à Bendz, mais après sa mort prématurée, Wilhelm Marstrand reprit le rôle de peintre préféré du grossiste en vin. » Source : KMO, OTHERTEXT
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Façade d'un bâtiment en ville, avec plusieurs étages et fenêtres, entouré de voitures garées sur la route.
 Le 18 Store Strandstræde à Copenhague, construit en 1778, ses 464 m² sur 10 pièces.
Portrait de Christian Waagepetersen, un homme avec une barbe courte et des cheveux en arrière, regardant légèrement vers la droite, réalisé au crayon sur papier.
Portrait de Chritian Waagepertessen par Wilhelm Marstrand (1810-1874), daté entre 1825 et 1834. Statens Museum for Kunst

On imagine assez facilement que Sebastian Lee, Premier violoncelle de l’opéra de Hambourg, ait fréquenté le salon du chevalier Waagepetersen et ait fait partie de l’entourage artistique du mécène qui affectionnait tant les arts. Hambourg est assez proche géographiquement de Copenhague. Tout ça pourrait laisser penser que l’opus 4 n’a pas été composé pour la conquête de Paris, ou comme une œuvre démontrant les talents de l’artiste à la base. Elle a probablement été conçue par Sebastian Lee sur la commande de Christian Waagepetersen; mais ce qui constitut un double étonnement pour moi, c’est que l’opus 4 a fait l’objet de 2 éditions: une première chez Cranz en 1834 et une 2ème chez Schlesinger en 1837 et les 2 comportent les adaptations pour quatuor, orchestre, piano et solo de violoncelle. Je tiens cette information des très sérieuses Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg & Goethe Universität de Frankfort, qui possèdent les exemplaires des 2 éditions. Alors soit Sebastian Lee sait déjà qu’il doit quitter Hambourg, avec une femme enceinte en 1834, et il profite de la commande de Christian Waagepeterson pour composer une œuvre destinée également à servir ses projets d’expatriation, soit le mécène connait les intentions de l’artiste et le soutient en lui commandant une œuvre dont il connait la finalité. Dans tous les cas, il n’y a pas de hasard et si l’opus 4 a été composé avec une partie d’orchestre, ce n’est pas pour le salon de Christian Waagepetersen.

Portrait du chevalier Christian Waagepetersen, agent de la cour du roi du Danemark, en costume officiel.
Christian Waagepeterssen, lithographie par Wilhelm Heuer 1786 – 1856
La Lithographie Royale (imprimeur) 1820 – 1843 Statens Museum for Kunst

Mes ami.e.es, si vous avez lu cet article jusqu’au bout, c’est que vous faites partie des fidèles, du hardcore de notre petite communauté. Je tiens à vous remercier pour votre attention et votre soutien. Votre « toute dévouée » traverse une période de grosses turbulences, ce qui met en danger la poursuite de l’aventure Sebastian Lee. Croyez bien que je fais mon possible pour poursuivre le travail, surtout à présent que nous avons cet opus 4 qu’il serait urgent de republier. Néanmoins, si je ne pouvais plus poursuivre mes activités, je tiens à envoyer des remerciements particuliers à Alain Buron, Jean-Baptiste Susse, Odile Bourin et son enthousiasme communicatif, ainsi qu’à Rudd Meester qui m’ont partagé leurs temps, leurs sources et leurs compétences afin de compléter le catalogue de Sebastian Lee au mieux des informations que chacun possédait. Merci également à Petra Tamboer et son soutien dans l’organisation du concert de l’association à Castelsarrasin en 2022. Merci aussi à Valérie Aimard qui a répondu présente quand nous n’étions qu’à l’état embryonnaire et qui nous a donné de la visibilité dans la revue de l’Association Française du Violoncelle. Merci à Derek de la Bernardie qui a lui-aussi joué le jeu aux côtés de Valérie et qui m’a encore partagé ses lumières récemment au sujet de cet opus 4 qui m’occupe. Merci à toutes celles et tout ceux qui ont participé à notre crowdfunding comme notamment Francis Girard ou Marjolaine Favreau, et à ceux qui nous font régulièrement des dons comme Joaquim Fernandes. Merci à Marc Sounthavong pour son soutien indéfectible dans cette aventure, ainsi qu’à tous.tes les bénévoles: Sergio, Annabelle, et les autres. Merci à JJ et son talent de ouf, qui nous a trouvé une identité visuelle superbe grâce à ses maquettes magnifiques et son exigence pour nos republications. Merci à mon Bon Maître Mathieu Moriconi, qui a initié cette passion et qui m’a donné la flamme en plus de m’avoir patiemment accompagné et conseillé sur les premières partitions à republier, et à Jean-Pierre Berrié qui m’a soutenu dans la création de cette petite structure comme dans la pratique de mon instrument. Un grand merci également à Sheri Heldstab, ma complice, qui est à mes côtés sans relâche, et qui supporte mes aspects bordéliques, erratiques et incohérents avec beaucoup de patience et en toute bienveillance. C’est aussi grâce à elle que la boutique en ligne est encore active cette année. Merci à nos partenaires: le Croquenotes à Toulouse et Planète Partitions à Château-Thierry; quelle belle confiance vous nous avez témoigné! A vous aussi, abonné.e.s, visiteur.euse.s, je veux dire merci et j’espère que j’aurais à nouveau l’occasion d’écrire pour vous, à la gloire de la musique et en mémoire d’artistes merveilleux et pourtant déjà presque oubliés.

Notes

  1. Lee, Sebastian. et Maurice, « Fantaisie sur un Thème de H. Monpou », pour violoncelle & piano, conc. Wien, Mechetti 25 Ngr. Janvier 1853. Source Hofmeister [lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  2. « Duo sur des airs hongrois et styriens », pour violoncelle et piano, 1852, éditions Joubert, op.81 de Bériot; mais aussi son opus 48 « Fantaisie sur la Norma de Vincenzo Bellini » avec Julius Benedict et Sebastian Lee. Source: Hofmeister. [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  3. Opus 10 de Henrich Panofka avec Sebastian Lee “Les inséparables, 3 grands duos” chez Schlesinger, 1837 [Source: A cellist’s Companion, Henk Lambooij & Michael Feves]
  4. Heinrich Ernst Kayser. Sebastian Lee et le flûtiste Guillaume Popp, « Trios des Amateurs d’après des Chants célèbres de Mendelssohn. Offenbach, André ».
  5. George Alexander Osborne et Sebastian Lee« Duo concertant sur le Domino noir, Opéra de D.F.E. Auber », pour piano &Violoncelle. Ebend. 2 Fl. Source Hofmeister [lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  6. Henri Herz et Sebastan Lee, « Grand Duo concertant sur la Niobe » pour violoncelle et piano. ed. Mainz, Schott. 2 Fl. 24 Xr. Source: Hofmeister [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  7. Sigismund Thalberg et Sebastian Lee, « Grand Duo concertant sur les Huguenots de G. Meyerbeer », pour piano et Violoncelle. Op. 43 . Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/]
  8. Edouard Wolff et Sebastian Lee, « Grand Duo brillant sur Robert le Diable de Meyerbeer », pour piano et violoncelle. Ed. Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Lien accédé en mai 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  9. Gazette musicale N°30 du 26 juillet 1846, article « Des concerts philanthropiques et de ceux des maisons d’éducation », p236. Source Google Books [lien accédé en mai 2025: https://books.google.fr/books?id=tb1CAAAAcAAJ&vq=L%C3%A9e&lr&hl=fr&pg=PA236#v=snippet&q=L%C3%A9e&f=false ]
  10. Revue et gazette musicale du Dimanche 30 Avril 1837, revue critique de George Kastner, p454 [Source: Google Books accédé en mai 2025: https://books.google.fr/books?id=ar5CAAAAcAAJ&vq=lee&hl=fr&pg=PA154#v=snippet&q=l%C3%A9e&f=false ]
  11. Voir son acte décès traduit sur notre page Participer
  12. Gazette Musicale de Paris N°37 du dimanche 14 septembre 1834, section « Nouvelles », p300. Source Google Books [lien accédé en mai 2025: https://books.google.fr/books?redir_esc=y&hl=fr&id=9L5CAAAAcAAJ&q=mort#v=snippet&q=Lee&f=false ]
  13. Article Ranz des Vaches de Wikipédia [lien accédé en ma 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches ]
  14. Confrérie des Vignerons de Vevey, site internet accédé en mai 2025: https://www.confreriedesvignerons.ch/
  15. Ressources Liturgiques, site internet accédé en mai 2025: https://www.ressources-liturgiques.fr/musique/les-formes-du-chant-rituel/la-litanie#:~:text=La%20litanie%20est%20une%20forme,unanime%2C%20de%20l’assembl%C3%A9e.
  16. Article de Pierre Perroud « Le Ranz des vaches Lyôbade » Source: Athena.unige.ch [Lien accédé en mai 2025: https://athena.unige.ch/athena/helvetia/le-ranz-des-vaches.pdf ]
  17. Article provenant du podcast Classique MAXXI « Un symbole de la Suisse et du Romantisme », Radio France, 1er février 2022. Lien accédé en 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/maxxi-classique/maxxi-classique-du-mardi-01-fevrier-2022-6735068
  18. Chronique « Le mot du jour » par Corinne Schneider, Radio France, mardi 11 avril 2017. Source: lien accédé en mai 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-mot-du-jour/mot-du-jour-n0162-ranz-des-vaches-8120591
  19. RTS, article « L’idée de faire du Ranz des vaches l’hymne fribourgeois crée le débat », le 6 mars 2019. Source: lien accédé en ma 2025: https://www.rts.ch/info/regions/fribourg/10266758-lidee-de-faire-du-ranz-des-vaches-lhymne-fribourgeois-cree-le-debat.html
  20.  Joseph Zemp « Franz Liszt et ses pérégrinations à travers la Suisse en 1835 », Res-Musica, le 27 février 2023. Lien accédé en mai 2025: https://www.resmusica.com/2023/02/27/franz-liszt-et-ses-peregrinations-a-travers-la-suisse-en-1835/
  21. Dossier « Voyages Suisses », Res-Musica. Source accédée en mai 2025: https://www.resmusica.com/mot-clef/dossier-voyages-suisse/
  22. Extrait d’une lettre du marquis à Sophie Gay de juin 1837 : Jean-Jacques Eigeldinger, Frédéric Chopin
    Fayard, 2003, 165 p. (ISBN 978-2-213-61731-2), p. 38.Source Wikipedia, lien accédé en mai 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches#cite_note-24
  23. Alcool, drogues & musique, un trio inséparable », Léopold Tobisch sur France Musique, jeudi 16 février 2023. Source: Radio France [Lien accédé en mai 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/alcool-drogues-et-musique-un-trio-inseparable-3733222 ]
  24. Extrait de l’article “concert de Berlioz et Liszt dans la Revue et Gazette musicale N°52 du dimanche 25 décembre 1836
  25. Revue et Gazette Musicale N°4 du dimanche 22 janvier 1837, « Concert de MM Gusikov et Lee salle Chantereine », p.3, probablement rédigé par le comte Pepoli qui a pudiquement signé « P ». Source: Google Books accédé en mai 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Pepoli ]
  26. Article « Christian Waagepetersen de Wikipedia, accédé en mai 2025: https://en.wikipedia.org/wiki/Christian_Waagepetersen#cite_note-3

Swiss Flower Power and the Ranz des Vaches in 1836: All about the “Scène Suisse,” Opus 4 by Sebastian Lee

Image: 19th Century Swiss School, Alpine landscape with figures and chalet. Oil on canvas by R. Leuthold, 1872

Written by Pascale Girard and translated by Sheri Heldstab

My friends, after this long silence, I come to you with wonderful news. We have finally gotten our hands on Sebastian Lee’s opus 4 « Scène Suisse » [“Swiss Scene”]. Why is this important? Because it is an orchestral work, which I hope will silence all those people who swear only by symphonies, the creation of « original » themes, in short, all those ears that are repelled by derivative works. Besides advising you to read the blog post devoted to the latter, today, my intention is to break a myth and restore Sebastian Lee to his former glory. A musician who composed for orchestra, as well as for quartet, for duet, and for solo instrument – the cello – but also for violin, piano, oboe, timpani, etc.; and he did it alone or with his brother Maurice [1], the pianist, or even with his friends Charles-Auguste Bériot [2], Henrich Panofka [3], Heinrich Ernst Kayser et Wilhem Popp [4], George Alexander Osborne [5], and also the pianist Henri Hertz [6], and also Sigismund Thalberg [7], Edouard Wolff [8], and many others. He was not a cello teacher whose primary concern was producing etudes; he never worked at the Paris Conservatory and only had students because he wanted to. His income as First Cello of the Grand Opéra de Paris would have been more than enough to provide a comfortable life for his entire family (to be convinced of this, see our article Du rififi à l’opéra de Paris). He taught at the Collège Stanislas [9] and also taught private lessons, as we can tell from the dedications of his works to his students. Finally, we can sweep away the prejudices concerning our dear Sebastian. He was indeed an accomplished, respected, versatile and multi-talented musician. He played, taught, composed and was the jewel of his time. To devalue his talent or his memory by claiming that he was only good at writing melodious etudes is unfair. There, I said it. Now, we are going to discover more closely this very interesting work called the “Swiss Scene”. I will tell you everything I know about it, and I hope that among you, people will be able to add elements of musicological reflection because there are still aspects that question me in this work that would require academic reflection.

Sebastian Lee’s “Scène Suisse” is first and foremost a cardinal work. It is the work he composed and presented during his first visit to Paris at the Théâtre Italien in December 1836. He was then Principal Cello at the Hamburg Opera [10], and at 32, he fully intended to dazzle the City of Lights with his talent. For a reason that still escapes me, Sebastian Lee decided to leave Hamburg and his position, however secure, as Principal Cellist at the Hamburg Opera, which was an enviable position for any musician. At this stage of his life, several things happened that give us indications of the reasons that could have motivated his decision to leave his native country.

First, his brother Louis (1819-1896), also a cellist, has just turned 18. Perhaps he wanted to give him the position of First Cellist at the Hamburg Opera, knowing that Sebastian now has sufficient experience and renown to find an equivalent, or even better, position elsewhere. In addition, it was at this time that he married Caroline Luther. This is a challenge on at least two counts. First of all, she is not Jewish, she is Protestant [11]. Did the respective families consent to this marriage? Nothing is less certain. Furthermore, to further increase the obstacles to this union, Caroline is a widow. She was married to a Mr. Ruhl [11], prior to his death. Were there any children from this first union? We do not know. In any case, in 1835, she gave birth to Edouard, the newlywed’s first son. Sebastian and Caroline are starting their family, but they don’t plan to settle in Hamburg. Even if we don’t know the reason for this with certainty, the decision was made. When Sebastian Lee begins his European tour – because he will also go to England in 1834 [12], perhaps even with his pregnant wife – there is still a bit of urgency, it seems to me, to settle down somewhere. It’s not a good time to be indecisive, unless you have to – which, personally, I believe was the case. I don’t believe a man at that time would decide to travel around Europe with his pregnant wife for the pleasure of it.

Gazette Musicale de Paris No. 37 Sunday, September 14, 1834, “News” section, page 300.




On a représenté, il y a quelques semaines, à l’Opéra Anglais de Londres, un ouvrage original; c’est un événement qui mérite d’être mentionné à cause de sa rareté. Le compositeur s’appelle Lee. il a obtenu un plein succès. la pièce a pour titre: l’Hôte mort. On a remarqué que la salle était pleine d’éditeurs de musique. On parle aussi avec beaucoup d’éloges d’un opéra de John Barnett, intitulé: Le Sylphe de la montagne.

[Approximate Translation: A few weeks ago, an original work was performed at the English Opera in London; it is an event that deserves to be mentioned because of its rarity. The composer’s name is Lee. It was a great success. The piece is entitled: l’Hôte mort [The Dead Guest]. It was noticed that the hall was full of music publishers. There is also much praise for an opera by John Barnett, entitled: Le Sylphe de la montagne [The Mountain Sylph].  ]

Sebastian Lee therefore arrived in Paris with iron determination. For this occasion, he composed his first orchestral work, Opus 4, “Scène Suisse”.

Let us first consider the multi-dimensional aspect of this work, which is interesting because it is particularly customizable for a variety of ensemble sizes, and this was by design. It is written for solo cello, for cello and piano duo — the piano being there only to accompany the cello, as Georges Kastner [10] rightly says — but also for quartet or orchestra. What is this if not a demonstration of aptitude? The message is to make it clear that Sebastian Lee is an accomplished musician: author, composer and performer. There are of course extremely virtuosic aspects of the cello score to demonstrate, if necessary, his technical abilities and the exceptional mastery of his instrument. The 19th century adores virtuosos, child prodigies and other forces of nature. There is much to say on the subject and we can listen to the very interesting conference of the school Charters on the fascination with child prodigies that existed in particular in modern Western society. For my part, and contrary to what Yves-Marie Bercé proposes, I think we are not at all out of this era, but let’s get back to our subject. Sebastian Lee has conceived his opus 4 as a work that will have to be the showcase of his talent and his mastery, because he is putting his all into this performance. And to do this, he has chosen the Ranz des Vaches.

The Ranz des Vaches, is a traditional folk song from Switzerland, and note, in passing, that the “z” is silent. The most famous of these songs being that of the county of Fribourg, but known to any self-respecting Swiss person. It was the armaillis who led the cows to the mountain pastures, who sang this song. The cowherds were also called Lyoba, a word which comes from a root found in the patois of the district of Gruyère, while the cows are referred to as loobeli, and the cattle are called alyôbâ [13]. In the tradition of the Nordic kulning or Austrian Yodel, the Ranz des Vaches is different in that it is not made up of onomatopoeia. It is a song with words and a very identifiable melody. To prepare this article, I listened to several versions of this Ranz des Vaches and I offer you the one performed by the iconic Bernard Romanens en 1977 on the occasion of the very famous Vevey Winegrowers Festival. Originally organized by the Brotherhood of Vevey Winegrowers in 1797. The event takes place five times a century [14] and each time provides the opportunity for a new interpretation of the Ranz des Vaches. This shows its importance and the sacred aspect of the tradition. It is interesting to note the motto of this brotherhood: Ora et Labora which translates as “pray and work”. The lyrics of this Ranz des Vaches are also completely imbued with prayer and work, since it is a pastoral drama that takes place in the Colombette mountain pasture, located in the commune of Vuadens, in Switzerland. The shepherds, or armaillis, lead their flocks to pasture. When they find themselves blocked by obstacles along the way, they have one of their fellow herders, Pierre to his friends, to go find a priest so that the latter can pray for them and they hope that God grants them the right to remove the obstacle. The priest does not say no, but scrapes off a piece of cheese for his trouble. All this takes no less than 19 stanzas interspersed with Lyoba to be told, but in the end, the prayers are answered, the shepherds and the cattle can move around, the priest has his cheese, and his blessings are so powerful that when they arrive at the chalet, the shepherds notice that the milk tank is already half full of milk before they have even started milking. At one point in the song, there is a suspicion of sexual harassment against the priest’s maid, but the suspicions are quickly dismissed in favor of the promise of a confession and especially the promise of a piece of cheese which, apparently, would be worth much more than the milkmaid’s virtue in this story. In short, jokes aside, the very serious Ranz des Vaches is more than a traditional song, for the Swiss, it is an anthem, in the religious sense of the term. Moreover, the repetitive melody of the verses, punctuated by this long Lyoba as a refrain, sounds to me like a form of prayer in its structure. Traditionally, the Ranz des Vaches is composed of 3 sections: a story, a call cry and an enumeration of the cattle, which is again reminiscent of the litany in its variable invocations made by a soloist and the brief, constant and unanimous response of the assembly [15]




Lyrics of the Ranz des Vaches Fribourgeois in Gruérien dialect and in French, transcription of Albert Bovigny. Source: https://www.fr.ch/sites/default/files/2019-08/le_ranz_des_vaches_paroles.pdf

However, we cannot mention the Ranz des Vaches without saying that there are several of them, as Pierre Perroud explains: Appenzell, in Simmenthal, in Oberhasli, and in Ormonds [16]. However, that of La Gruyère (yes, we say la Gruyère, is it because it is the region of Gruyère? I don’t know, in any case, it is feminine for the Swiss and it refers to the geography, not to the cheese whose name derives from its character), therefore, the Ranz des Vaches de la Gruyère is very old and dates back to the 16th century [17]. Rousseau mentions it in his Dictionary of Music of 1767 [18]. He explains:

“The Swiss soldiers exiled in the service of the King of France were forbidden to sing it because it made those who heard it burst into tears, desert or die, so much did it excite in them the ardent desire to see their country again.”

So much for the patriotic effect of the Ranz des Vaches on our Swiss friends. Myth or reality, I want to say, it doesn’t matter. On the other hand, what attests to the importance of this tune for the Swiss, beyond the sacrosanct secular performance at the Vevey Winegrowers’ Festival, is that in 2019, two members of parliament UDC, Nicolas Kolly and Michel Chevalley proposed the Ranz des Vaches as the Fribourg cantonal anthem. The proposal was ultimately not adopted for various reasons, such as the fact that the canton already has a (less unifying) anthem. «Les bords de la libre Sarine», that the Ranz des Vaches would refer to an outdated image of Switzerland and also because its scope goes well beyond the borders of the canton, making its appropriation unacceptable [19]. This is not the first time that Switzerland had difficulties with its anthems, cantonal or national, as described in this explanatory video by David Castello-Lopes which takes a very good look at the issue and whose musical analysis is worth that of Pierre-Do Bourgknecht which focuses, for its part, on the Ranz des Vaches, our point of interest. We also discover the famous Fribourgeois bredzon, a monument to the herdsmen and other local fashionistas.


The excellent musicological analysis of Pierre-Do Bourgknecht in super trendy bredzon armailli, in a radio column broadcast on Thursday June 20, 2019 in “Vertigo” on RTS-La Première

The Ranz des Vaches (folk song) was therefore published for the first time in 1813 by Philippe Sirice Bridell and by Georges Tarenne. This information, it seems to me, is relevant to our story of Sebastian Lee, because ultimately, besides the Swiss and the military folklore evoked by Rousseau: who was really familiar with this musical style before its publication in 1813? Surely not many. However, some famous Ranz des Vaches were composed during the 19th century (and mainly at that time, moreover, because since then we have very few published). We can cite that of the super-famous third part of the William Tell Overture by Gioachino Rossini  as well as the “Scène aux champs”, the third movement of the Symphonie Fantastique by Hector Berlioz. Louis Adam, also offers us Ranz des Vaches, published for the first time en 1804. We can listen to the interpretation by Luca Montebugnoli on a beautiful Erard piano from 1806. And the more you dig, the more you realize there is a gold mine.

Franz Liszt, he sought his inspiration directly from the source of the Swiss mountain pastures with his lover, Marie d’Algoult, at his side. He likewise composed his version of Ranz des Vaches de Ferdinand Hubert in 1835 for the piano (2 years before the performance of our dear Sebastian). I encourage you to discover the history of this composition thanks to the excellent article by Joseph Zemp [20]. You can listen to Leslie Howard’s interpretation here.

We also find the Le Ranz des vaches d’Appenzell, arranged by Giacomo Meyerbeer in a booklet by Eugène Scribe (available on Spotify) and then we also have Frédéric Chopin who would have tried the exercise, at the request of the Marquis de Custine: “I had given him as a theme the Ranz des vaches and la Marseillaise. It is impossible to tell you what he got out of this musical epic. We saw the people of shepherds fleeing before the conquering people. It was sublime.”[22]

What does this tell us? The Ranz des Vaches at the beginning of the 19th century was seriously trendy among Romantic musicians! Joseph Zemp, in his article on Liszt’s wanderings, explains:

“Since the spirits of the Enlightenment like [Horace Bénédict] de Saussure, [Albrecht von] Haller or [Jean-Jacques] Rousseau have noted the majestic beauty of the mountains and the purity of nature at altitude, romantic poets and musicians eager to cultivate their genius risk the perilous adventure in the universe of cliffs, torrents and chasms: what is more thrilling than the exhausting march in the rain towards the summits ([Félix] Mendelssohn), a night on straw in a primitive hut ([Richard] Wagner) or a picnic with the shepherds ([Franz] Liszt)? Those with less disheveled heads favor lakeside sites, with mountainous backdrops, as a retreat and place of inspiration. ([Piotr Ilitch] Tchaïkovski, [Johannes] Brahms, [Richard] Strauss)” [20]

There are at least 11 musicians from the 19th century who went to seek inspiration in Switzerland [12], just as we saw the rush of rock stars go to India or Nepal in the 1960s. What if our dear Sebastian had also been dragging his shoes through the Swiss mountain pastures? Perhaps on his honeymoon, or as a mystical experience to the rhythm of clarines and big drones. Who knows? In any case, if the choice of Ranz des Vaches surprised me when I discovered the original score, in reality it is important to understand that this is a trendy artistic movement of its time. To think that Basel, Bern or Fribourg could have represented the Kathmandu or Goa of the time is certainly quite counter-intuitive, but the fact is that Swiss cowbells are the hype, the Flower Power symbol of the 19th century, just like the introduction of the sitar in the music of the Beatles in the years 1965-66. All these intellectual gymnastics are necessary to fully understand Opus 4 and place it in its context. The Ranz des Vaches has a certain creative coolness in the musical world of the 19th century because “Switzerland has opened up and its landscapes, still wild in beauty, give it a reputation as a muse among composers”, according to Joseph Zemp [20], attracting all the romantic-era hipsters. Obviously, the migration to the green Swiss pastures for inspiration is to Goa what the Gentian is to Jägerbomb, or to the Enzianschnaps, if we want to stay in Switzerland. We are on a 100% dairy products “trip”, far from another trend which is also all the rage at the time, it is l’orientalisme, a tad more subversive than Heidi and her mountains, with the eroticism of the harems and of course, consumerism of hashish (c’est Napoléon 1er qui en interdit pour la première fois la consumption in France in 1800). Opium had been consumed since the opening of the Silk Roads, under medical prescription but many already abused it and the practice became downright mainstream in France in the opium dens by the end of the 19th century, as a result of the Opium Wars provoked by the Franco-British colonial powers in China. In a very informative article, Leopold Tobisch takes stock of the narcotic consumption habits of Romantic composers and he drops names:

“In order to relieve chronic pain, for example, we prescribe [Frédéric] Chopin regular doses of opium, a drug common in Europe since the 18th century and respected by the medical profession of the time as a painkiller. But the regular consumption of opium, a substance favored by Romantic artists for its euphoric and psychological effects, gradually led to widespread recreational rather than therapeutic consumption. By the end of the 1820s, Hector Berlioz is a regular user of opium, or more precisely of laudanum, a powerful alcoholic tincture made from opium.”

So, Sebastian Lee might not have baked his brain on opiods, even organic ones, he might have preferred the Swiss journey, of bovine inspiration – although in reality, one does not prevent the other, see the escapades of Brahms, Liszt, Schubert, Stravinsky, Mussorgsky, Tchaikovsky, Satie and others, crisply reported by Léopold Tobisch [23]

Concerning our dear Sebastian, I know that nothing in his catalogue suggests a particular infatuation with the mysterious Orient. The mountain pastures, on the other hand, are a recurring theme for him between 1835 and 1847. In addition to the opus 4 that interests us today, he adapted for the cello the Tyrolean Air of his friend Heinrich Panofka, of which this is opus 14, published by Schlesinger in 1837; but he also signs an original work “Souvenir du lac des 4 Cantons“, his opus 43 published in 1847 by Breitkopf & Hartel. He definitely went to Switzerland! Perhaps even several times. The works he calls “souvenir” of somewhere are literally musical memories of places he went, like “Souvenir de Paris,” his opus 5, composed just after his Parisian tour of 1836.

As for the orient, there is clearly less enthusiasm in his catalog. I leave aside opus 43, his “Fantaisie sur l’ode symphonie ‘Le Désert’ de Félicien David” because it is Félicien David, whom I also adore, who was wearing holes in his shoe leather in Constantinople and Cairo and anyway, Sebastian Lee transcribed for cello all the operas that were doing well. Apart from that, there are 2 “Airs Arabes”, opus 61, and I count opus 123 “6 Airs Nationaux” including a Russian, an Arabic and a Turkish which seem more like a stylistic exercise than a mystical inspiration from the East. So much for Sebastian Lee’s (dis)interest in the orient. No, really, it seems that his thing is more along the lines of cheese and fresh mountain air than the Club Hashish (which would only see the light of day a few years later but of which he would not be a member).

One last clue, which tells me that we are on a train that is gaining momentum, is this review of the concert by Joseph Gusikov and Sebastian Lee, which again mentions Tyrolean singers who have come this time to perform in Paris.


Extract from the Gazette Musicale de Paris No. 4 Sunday, January 22, 1837.

[Nous] conseillons de choisir mieux son quatuor. Le programme de ce concert était assez varié. Outre Monsieur Lée dont le talent délicat, pur et grâcieux a été généralement reconnu, nous avons entendu un violon et un pianiste de Berlin, MM. [Chrétien] Urhan, Huner, et des chanteurs alsaciens, dont le chant doux et expressif nous a rappelé les chanteurs tyroliens que nous avons entendus à Paris il y a 2 ans.

[Approximate translation: [We] recommend choosing your quartet more carefully. The program for this concert was quite varied. In addition to Mr. Lée, whose delicate, pure, and graceful talent was generally recognized, we heard a violinist and a pianist from Berlin, Messrs. [Chrétien] Urhan and Huner, and Alsatian singers, whose sweet and expressive singing reminded us of the Tyrolean singers we heard in Paris two years ago. ]

I’m telling you: mountain singing is the overly stylish trend of the Parisian musical elite of the time. That’s why it was both a bold and intelligent choice for Sebastian Lee to seize it and exploit it to conquer all of Paris. Let’s be clear about his approach, there’s nothing improvised or opportunistic about it. On the contrary, it’s well prepared and I’d even say precisely measured. In the month of December 1836 alone, Sebastian Lee gave an average of one concert per week in Paris, and not on a sidewalk corner like a busker with dogs – we’re bohemian, but don’t push it. No, he came in through the front door. He played with Liszt, Berlioz, Gusikov and was heard at the Salon Pleyel, the Salle Chantereine, and the Paris Conservatory of Music. This also earned him quite a lot of media coverage, thanks to his calling card as First Cello of the Hamburg Opera and his judicious collaborations. Let us pause to look at his diary between December 1836 and January 1837. I find his schedule impressive and the press reactions quite extraordinary. Indeed, on December 18, 1836, during a musical matinee in the Conservatoire hall alongside Hector Berlioz and Franz Liszt, Sebastian Lee was judged “a correct and elegant talent on the cello” [24] but on January 22, 1837, a month later, in the same magazine, an article reporting on the last concert alongside Joseph Gusikov, with whom he now shared the spotlight, described him as follows: “Mr. Lee whose pure, delicate and graceful talent has been generally recognized” [25] He triumphed! His Paris tour was a total success.


Now, what about Sebastian Lee’s performance in Paris at the Théâtre Italien? It was very well received, of course, and the Revue et Gazette musicale of Sunday, April 30, 1837, praised it in an article by Georges Kastner, who would be a loyal follower of Sebastian Lee throughout his Parisian years.


Revue et Gazette Musicale No. 18 from Sunday, April 30, 1837, p154, source: Google Books

Here is his triumphant arrival which will earn him the seat of Louis Pierre Norblin at the Théâtre Italien, then that of First Cello a few years later (a seat which was still that of the same Norblin until 1840, his friend to whom he dedicated his opus 30).

There is, however, still one small detail that bothers me about the chronology of the genesis of this opus 4. This concerns the dedication of this work. It is “composed and dedicated to Sir Knight Waagepetersen, Agent of the Court of His Majesty the King of Denmark.” So, who are we dealing with and what does Denmark have to do with it?

First of all, let me introduce you to Sir (Knight) Christian Waagepeterssen (1787-1840) through a series of portraits of him. I particularly like these works because they are dated around the same time as the publication of Opus 4.

“The Waagepetersen Family”, oil on canvas, Wilhelm Bendz, 1830. Thank you to the Statens Museum for Kunst (SMK) for making his works available for publication under a Creative Commons license.

Christian Waagepetersen was a wine merchant, State Councillor and Court Agent of the King of Denmark. He was, it seems, very fond of music and passionate about it, which would be corroborated by the fact that he named his sons after Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart and Ludwig van Beethoven [26]. The SMD provides the following information regarding this painting:

“The painting shows Christian Waagepetersen at his desk, his son Fritz [who does not corroborate Wikipedia’s assertion above] at his knees and his wife Albertine [Emmerentse Schmidt, daughter of a wealthy merchant Albrecht Ludvig Schmidt (ca.1754–1821) and Frederikke Christiane Restorff (ca. 1759–1822)] standing with her daughter Louise in her arms. According to family information, the son [Franz Xaver Wolfgang] Mozart (1813-1885) served as a model for the mother, who was pregnant and could not hold the child for so long. […] the apartment, the paintings on the walls (of Jens Juel, 1,903 / 5,000 among other things) and furniture […]. The large glass of water on the table with a live frog served as a barometer – when the frog climbed up, the weather would be fine! (Cf. Bent Waagepetersen’s letter of June 16, 1998, file no. 3-344/97). The building at Store Strandstræde 18 now belongs to the Nordic Council of Ministers. Bendz brought the painting to the Charlottenborg Exhibition in 1830 on April 7, a week after the exhibition opened! (Cf. Eckersberg Diaries, 2009, vol. 1, p. 394). The busy businessman looks up from his work for a brief moment when his wife and two of the couple’s children enter his office, which is in his house on Store Strandstræde in Copenhagen. The image clearly emphasizes the activity of the head of the family, signaling what was the basis of the Danish bourgeoisie around 1830: family and work. The house is sparsely furnished, without unnecessary decoration, reflecting the frugal lifestyle in Denmark during the crisis years following the Napoleonic Wars. Christian Waagepetersen, the main character in the painting, is a wine wholesaler who helped establish that the bourgeoisie had now become the dominant class in Denmark – after the centuries-old dominance of the nobility. Waagepetersen was very interested in art and music. He regularly held musical events in his house, which were attended by the leading Danish composers and musicians of the time, as well as some visual artists. Bendz and Marstrand were his favorite painters. Waagepetersen also commissioned several paintings that, like this one, were based on his own life and work. At first, the commissions were given to Bendz, but after his untimely death, Wilhelm Marstrand took over the role of the wine wholesaler’s favorite painter.”  Source : KMO, OTHERTEXT

18 Store Strandstræde in Copenhagen, built in 1778, its 464 m² [5,000 sq. feet] over 10 rooms.
Portrait of Christian Waagepetersen by Wilhelm Marstrand (1810-1874), dated between 1825 and 1834. Statens Museum for Kunst.

It is easy to imagine that Sebastian Lee, First Cello of the Hamburg Opera, frequented the salon of the Chevalier Waagepetersen and was part of the artistic entourage of the patron who was so fond of the arts. Hamburg is quite close geographically to Copenhagen. All this could lead one to think that Opus 4 was not composed for the conquest of Paris, or as a work demonstrating the talents of the artist at the base. It was probably conceived by Sebastian Lee on the commission of Christian Waagepetersen; but what constitutes a double astonishment for me is that Opus 4 was the subject of 2 editions: a first by Cranz in 1834 and a 2nd by Schlesinger in 1837 and both include adaptations for quartet, orchestra, piano and cello solo. I have this information from the very serious Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg & Goethe Universität  Frankfurt, who have copies of both editions. So either Sebastian Lee already knows that he has to leave Hamburg, with a pregnant wife in 1834, and he takes advantage of Christian Waagepeterson’s commission to compose a work also intended to serve his plans to leave, or the patron knows the musician’s intentions and supports him by commissioning a work whose purpose he knows. In any case, it is no coincidence and if opus 4 was composed with an orchestral part, it is not for Christian Waagepeterson’s salon.


Christian Waagepeterssen, lithography by Wilhelm Heuer 1786 – 1856

My friends, if you have read this article to the end, it is because you are part of the faithful, the hardcore members of our small community. I would like to thank you for your attention and your support. Your « devoted » self is going through a period of great turbulence, which jeopardizes the continuation of the Sebastian Lee adventure. Believe me, I am doing my best to continue the work, especially now that we have this opus 4 which urgently needs to be republished. However, if I could no longer continue my activities, I would like to send special thanks to Alain Buron, Jean-Baptiste Susse, Odile Bourin and her infectious enthusiasm, as well as Rudd Meester who shared their time, sources and skills with me in order to complete Sebastian Lee’s catalog to the best of their ability with the information each possessed. Thanks also to Petra Tamboer and her support in organizing the association’s concert in Castelsarrasin in 2022. Thanks also to Valérie Aimard who responded when we were only in an embryonic state and who gave us visibility in the journal of theAssociation Française du Violoncelle. Thanks to Derek de la Bernardie who also played the game alongside Valérie and who recently shared his insights with me again about this opus 4 which keeps me busy. Thanks to all those who participated in our crowdfunding, including Francis Girard and Marjolaine Favreau, and to those who regularly donate to us like Joaquim Fernandes. Thanks to Marc Sounthavong for his unwavering support in this adventure, as well as to all the volunteers: Sergio, Annabelle, and the others. Thanks to JJ and his incredible talent, who found us a superb visual identity thanks to his magnificent models and his high standards for our republications. Thanks to my Good Master Mathieu Moriconi, who initiated this passion and who gave me the flame in addition to having patiently accompanied and advised me on the first scores to be republished, and to Jean-Pierre Berrié who supported me in the creation of this small structure as well as in the practice of my instrument. A big thank you also to Sheri Heldstab, my accomplice, who is by my side tirelessly, and who supports my messy, erratic and incoherent aspects with great patience and kindness. It is also thanks to her that the online store is still active this year. Thanks to our partners: le Croquenotes in Toulouse and Planète Partitions in Château-Thierry; what great trust you have shown us! To you too, subscribers, visitors, I want to say thank you and I hope that I will have the opportunity to write for you again, in praise of music and in memory of wonderful and yet already almost forgotten musicians and composers.

Notes

  1. Lee, Sebastian and Maurice, “Fantaisie sur un Thème de H. Monpou”, for cello & piano, conc. Vienna, Mechetti 25 Ngr. January 1853. Source Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  2. “Duo sur des airs hongrois et styriens”, for cello and piano, 1852, Joubert editions, op.81 by Bériot; also his opus 48 “Fantaisie sur la Norma de Vincenzo Bellini” with Julius Benedict and Sebastian Lee. Source: Hofmeister. [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  3. Opus 10 by Henrich Panofka with Sebastian Lee “Les inséparables, 3 grands duos”, Schlesinger, 1837 [Source: A cellist’s Companion, Henk Lambooij & Michael Feves]
  4. Heinrich Ernst Kayser. Sebastian Lee and flautist Guillaume Popp, “Trios des Amateurs d’après des Chants célèbres de Mendelssohn. Offenbach, André”.
  5. George Alexander Osborne and Sebastian Lee, “Duo concertant sur le Domino noir, Opéra de D.F.E. Auber”, for piano & cello. Ebend. 2 Fl. Source Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  6. Henri Herz and Sebastan Lee, “Grand Duo concertant sur la Niobe” for cello and piano. ed. Mainz, published by Schott. 2 Fl. 24 Xr. Source: Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  7. Sigismund Thalberg and Sebastian Lee, “Grand Duo concertant sur les Huguenots de G. Meyerbeer”, for piano and cello. Op. 43. Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/]
  8. Edouard Wolff and Sebastian Lee, “Grand Duo brillant sur Robert le Diable de Meyerbeer”, for piano and cello. Ed. Mainz, Schott 2 Fl. 42 Xr. Source: Hofmeister [Accessed May, 2025: https://hofmeister.rhul.ac.uk/ ]
  9. Gazette musicale No. 30, 26 July 1846, article “Des concerts philanthropiques et de ceux des maisons d’éducation”, p236. Source Google Books [Accessed May, 2025: https://books.google.fr/books?id=tb1CAAAAcAAJ&vq=L%C3%A9e&lr&hl=fr&pg=PA236#v=snippet&q=L%C3%A9e&f=false ]
  10. Revue et gazette musicale from Sunday, April 30, 1837, critical review by George Kastner, page 454 [Source: Google Books. Accessed May, 2025: https://books.google.fr/books?id=ar5CAAAAcAAJ&vq=lee&hl=fr&pg=PA154#v=snippet&q=l%C3%A9e&f=false ]
  11. See his death certificate translated on our page Participer
  12. Gazette Musicale de Paris No. 37 Sunday, September 14, 1834, “News” section, page 300. Source Google Books [Accessed May, 2025: https://books.google.fr/books?redir_esc=y&hl=fr&id=9L5CAAAAcAAJ&q=mort#v=snippet&q=Lee&f=false ]
  13. Ranz des Vaches[Accessed May, 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches ]
  14. Confrérie des Vignerons de Vevey, Website. Accessed May, 2025: https://www.confreriedesvignerons.ch/
  15. Ressources Liturgiques, Website.  Accessed May, 2025: https://www.ressources-liturgiques.fr/musique/les-formes-du-chant-rituel/la-litanie#:~:text=La%20litanie%20est%20une%20forme,unanime%2C%20de%20l’assembl%C3%A9e.
  16. “Le Ranz des vaches Lyôbade” Source: Athena.unige.ch [Accessed May, 2025: https://athena.unige.ch/athena/helvetia/le-ranz-des-vaches.pdf ]
  17. Podcast, “Un symbole de la Suisse et du Romantisme”, Radio France, 1 February 2022. [Accessed 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/maxxi-classique/maxxi-classique-du-mardi-01-fevrier-2022-6735068]
  18. “Le mot du jour” with Corinne Schneider, Radio France, Tuesday, April 11, 2017.  [Accessed May, 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-mot-du-jour/mot-du-jour-n0162-ranz-des-vaches-8120591 ]
  19. RTS, article “L’idée de faire du Ranz des vaches l’hymne fribourgeois crée le débat”, 6 March 2019.[Accessed May, 2025: https://www.rts.ch/info/regions/fribourg/10266758-lidee-de-faire-du-ranz-des-vaches-lhymne-fribourgeois-cree-le-debat.html]
  20.  Joseph Zemp “Franz Liszt et ses pérégrinations à travers la Suisse en 1835”, Res-Musica,  27 Febuary 2023. [Accessed May, 2025: https://www.resmusica.com/2023/02/27/franz-liszt-et-ses-peregrinations-a-travers-la-suisse-en-1835/ ]
  21. Dossier “Voyages Suisses”, Res-Musica. [ Accessed May, 2025: https://www.resmusica.com/mot-clef/dossier-voyages-suisse/
  22. Excerpt from a letter from the Marquis to Sophie Gay from June 1837: Jean-Jacques Eigeldinger, Frédéric Chopin, Fayard, 2003, 165 p. (ISBN 978-2-213-61731-2), p. 38.  [Accessed May, 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ranz_des_vaches#cite_note-24 ]
  23. “Alcool, drogues & musique, un trio inséparable”, Léopold Tobisch on France Musique, Thursday, February 16, 2023. Source: Radio France [Accessed May, 2025: https://www.radiofrance.fr/francemusique/alcool-drogues-et-musique-un-trio-inseparable-3733222 ]
  24. Excerpt of the article “Concert de Berlioz et Liszt” Revue et Gazette musicale No. 52 Sunday, December 25, 1836.
  25. Revue et Gazette Musicale No. 4 of Sunday, January 22, 1837, “Concert de MM Gusikov et Lee salle Chantereine”, p.3, probably written by the comte Pepoli who modestly signed it “P”. [Accessed May, 2025: https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Pepoli ]
  26. Article “Christian Waagepetersen” [Accessed May, 2025: https://en.wikipedia.org/wiki/Christian_Waagepetersen#cite_note-3]

Epilogue: Le mystérieux dédicataire de l’opus 52, la barcarolle « Promenade en gondole », enfin révélé.

Par Pascale Girard

English

Plusieurs mois se sont écoulés depuis notre billet concernant l’opus 52, la barcarolle « Promenade en gondole » de Sebastian Lee, republiée au Printemps 2024 par nos soins, après 176 ans d’oubli. Et j’écris 176 ans, car il s’agit là d’une œuvre qui n’a jamais fait l’objet de publicité dans la presse lors de sa parution. Une œuvre passée complètement inaperçue. Tout cela nous a laissé bien perplexe, et malgré un examen minutieux des œuvres précédentes et suivantes pour essayer d’en établir le contexte historique, la date de composition puis de publication, nous avions fait chou blanc. S’en est suivi quelques temps plus tard la découverte d’une lettre de Sebastian Lee à un destinataire inconnu, lui faisant savoir qu’en plus d’avoir composé une œuvre (probablement commandée) pour une « charmante fiancée », l’artiste musicien s’était permis d’offrir en sus une œuvre supplémentaire inspirée par le destinataire du courrier. Nous sommes en décembre 1847, donc peut-être à l’époque de la composition de notre opus 52, et il reste possible que le destinataire soit le dédicataire de la barcarolle. Pourquoi? Parce-que seul l’opus 52 est dédié à une femme entre 1847 et 1851, à 2 exceptions près: l’opus 54, dédié à Madame Clémence de Reseit d’Arques (1828-1907), musicienne, organisatrice de concerts, qui épouse le Vicomte Amable Enlart de Grandval (1813-1886) en 1851. Est-ce qu’elle passe commande auprès du compositeur ou est-ce monsieur le vicomte pour sa charmante fiancée en 1847? Puis, l’opus 49 dont on ne sait rien pour le moment, à part que l’opus 50 est dédié à Emile Colliau, un élève et ami du compositeur, Si l’opus 49 était dédié à une femme qui s’avérait être la fiancée d’Emile Colliau, alors on pourrait spéculer qu’Emile Colliau était le destinataire de la lettre de 1847, mais je ne crois ni à l’hypothèse du Vicomte, ni à celle d’Emile Colliau. Là, tel que je vous présente les choses, cela donne l’impression d’être encore assez embrouillé, mais restez avec moi, la réponse n’est pas loin 🙂

Reprenons donc nos éléments depuis le début: nous avons une lettre de décembre 1847 qui nous dit qu’un opus dédié à une charmante fiancée précède un opus dédié au destinataire (forcément masculin, la communauté LGBTQ+ étant encore très largement « underground » à l’époque) du courrier que nous possédons. Problème N°1: après avoir établi la liste des opus 43 à 51, rien n’a fait sens. Pas moyen de trouver une corrélation entre 2 d’entre eux et d’identifier l’opus du destinataire et celui écrit pour sa charmante fiancée. Je me suis également persuadée que l’opus 52 avait été publié pendant les événements de 1848. Cette année là, l’opéra a dû faire relâche par 2 fois, en février et en juillet, à cause des événements provoqués par la révolution antimonarchique. En réalité, l’opus 52 a été composé à la fin de l’année 1847 et envoyé en même temps que le courrier daté du 13 décembre 1847, mais il y avait un piège.

Il n’y a rien qui vous choque? Si c’est le cas vous êtes aussi dyscalculiques que moi. Ce n’est pas AVANT l’opus 52 qu’il fallait faire des recherches, mais APRES, bien sûr! Ah, quand je me suis aperçue de la méprise, j’avais déjà trouvé le dédicataire par un autre chemin, mais, sachez-le, la bourde majeure qui a bien planté les recherches a été de remonter dans le passé, alors qu’il fallait avancer dans le futur. L’opus 52 est le premier opus commandé par le mystérieux dédicataire et c’est donc l’opus 53 qui a été rajouté pour « rendre à César ce qui est à César » et dédier une deuxième œuvre en plus de la commande. La lettre à ce sujet est claire. Regardez vous-même:

Lettre de Sebastian Lee à un destinataire non identifié, BNF.

Intéressons nous donc à l’opus 53, celui qui SUIT l’opus 52, puisque la tournure de la lettre suggérait qu’un premier opus avait été composé pour la charmante fiancée du dédicataire puis un de plus au dédicataire lui-même. L’opus 53 « Fantaisie dramatique sur les motifs du Prophète, opéra de Giacomo Meyerbeer, pour violoncelle avec accompagnement de piano » est dédicacé à Napoléon III. Je sais, c’est dur à croire, mais c’est pourtant la réalité, car comme disaient Hercule Poirot ou Sherlock Holmes, je ne sais plus: « quand une seule hypothèse, même improbable, est la seule possibilité, alors c’est la solution au mystère. »

Opus 53 « Grande fantaisie dramatique sur l’opéra le Prophète de Giacomo Meyerbeer » par Sebastian Lee, publié chez Brandus.

On remarque qu’au moment de la parution de l’opus 51, donc celui qui précède la « Promenade en gondole », nous sommes déjà en 1850. C’est aussi cet élément qui m’a égaré! L’opus 52, si on suivait la chronologie linéaire des compositions, aurait dû sortir en 1850 ou après. Or, comme on a aucune publicité dans la presse, ni aucune mention de l’éditeur S.Richault, je fais une vérification (que j’aurais dû faire avant d’ailleurs) avec la plaque. Sur la couverture, on a la référence 10 174 B:

Voici un extrait des références des plaques de l’éditeur et leur année de parution d’après IMSLP:

Du coup je fais le même exercice avec l’opus 53. Il s’agit d’après la couverture et IMSLP des plaques B et C5169. En se référant au catalogue, on tombe bien sur une date cohérente 1849-1850:

Il est donc à peu près irréfutable à ce stade de l’histoire que l’opus 52, la barcarolle « promenade en gondole » dédiée à Mademoiselle Caroline Morin et éditée chez Simon Richault est parue en 1850 tandis que l’opus 53 qui lui faisait suite, la « Grande fantaisie sur l’air du Prophète de Meyebeer » et dédiée à Napoléon III est parue la même année, mais chez un autre éditeur: les frères Brandus. Ca, c’est ce qui s’est passé concernant l’édition de ces œuvres et déjà, on peut se demander pourquoi 2 éditeurs différents. Chez Richault, les affaires sont florissantes. Spécialisé dans la parution de compositions des meilleurs musiciens allemands, éditer Sebastian Lee parait naturel. Chez Brandus, les affaires vont plutôt bien malgré les dettes difficiles à éponger du précédent propriétaire, Maurice Schlesinger (voir le billet « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »). Le 1er octobre 1850, Ernest Deschamps d’Hannecourt quitte la société et c’est Samuel (dit Gemmy) Brandus, le frère de Louis, qui prend sa place en tant qu’associé. Le fonds de l’éditeur Eugène-Théodore Troupenas (1798–1850) est acquis, venant augmenter le fonds existant. L’année suivante, ils fondent une succursale à St Pétersbourg. [1] Ce n’est donc pas la santé financière précaire d’un des éditeurs qui aurait obligé notre cher Sebastian Lee a frapper à une autre porte comme se fut le cas en 1859 (voir le billet « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »).

Non. La raison pour laquelle ces 2 opus ont été publiés 4 à 5 années après leur composition est la même que la raison pour laquelle elles paraissent chez 2 éditeurs différents: pour brouiller les pistes. C’est parce-que le dédicataire était une personnalité prestigieuse que nous avons eu la chance de dégoter la lettre de Sebastian Lee de 1847 (même si le dédicataire n’est pas identifié à la BNF). C’est pour la même raison que le compositeur veut « rendre à César ce qui appartient à César« . Cette petite phrase a tourné et retourné dans ma tête. On ne peut que s’adresser à un leader, ou en tout cas à une personne d’envergure quand on la compare à César. C’est encore pour dissimuler les ébats sentimentaux impériaux hors mariage qu’il fallait s’assurer qu’aucun lien possible ne subsiste entre l’opus 52 dédié à Mademoiselle Caroline Morin, la charmante fiancée, et l’opus 53 au futur empereur Napoléon III. C’est enfin parce-qu’il s’agit de Napoléon III que nous avons des traces, des sources et de la documentation. Mademoiselle Caroline Morin, probablement la ballerine dont j’avais retrouvé la trace dans un billet précédent (voir « Le Mystère de l’Opus 52 »), a été une de ses nombreuses maitresses.

Un mot sur Napoléon III qui, bien que fort laid, eut une vie sexuelle des plus trépidantes. Non qu’il fut un amant exceptionnel, bien au contraire, il n’hésitait pas à faire usage de sa force ou de sa position pour obtenir ce qu’il désirait. [1] Nous pouvons également lire qu’il « a eu une vie très dissolue dans l’ensemble, et  se comporta de manière tout à fait indigne avec les quelques femmes qui l’aimèrent et lui rendirent service. » [3]

Portrait de Napoléon III par Augustin-Aimé-Joseph Lejeune (actif de 1865 à 1870).

La jeune Caroline Morin, s’il s’agit bien de la ballerine que j’avais retrouvé, était une proie parfaite pour tous les prédateurs, nymphomanes et autres vieux dégueulasses qui sévissaient à l’Opéra à l’époque, et dont Napoléon III faisait indéniablement partie. [4]

Edgar Manet et d’autres peintres ont copieusement documenté la vie des ballerines reluquées par ces messieurs en haut-de-forme, et la triste destinée de ces jeunes femmes, prostituées souvent par leurs propres mères.

« Attente », d’Edgar Degas, 1882. Une toile qui m’a toujours bouleversé.

« Danseuse avec un admirateur derrière la scène », Jean-Louis Forain (1852-1931)

« Dans les coulisses », Jean-Louis Forain (1852-1931)

Les personnes intéressées par l’histoire tragique de ces ballerines dont le talent pour la danse ne suffisait pas à vivre, même à l’Opéra, pourront lire ce très sérieux article sur la question qui fait un tour d’horizon écœurant mais instructif sur les mœurs déplorables qui sévissaient à cette époque. Le gros Napoléon III, régulier de l’Opéra avant et après son mariage en 1851, n’appréciait donc pas que la musique et la danse de la salle Le Pelletier. Sordide réalité que ces ballerines à la recherche de ce qu’on appelait éhontément un « protecteur », c’est à dire un client régulier, afin de pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. J’aimerais pouvoir leur dédier un article complet, en particulier depuis que j’ai trouvé pendant mes recherches aux Archives Nationales de Pierrefitte, un carton contenant quantité de photos de ballerines de l’époque. Ces photos sont fascinantes à plus d’un titre. Malheureusement pour moi, je crains de ne pouvoir reprendre le chemin des archives avant longtemps. Si quelqu’un a la possibilité de prendre des photos des daguerréotypes du carton numéroté AJ/13/453, que cette personne me contacte. Je serais ravie de collaborer à la préparation d’un article sur les danseuses de l’Opéra du XIXème siècle. En attendant, on peut contempler quelques photos de ces danseuses ici.

© Photographie de Gustave Echtler. Source : Cinémathèque française – iconothèque, CLA/0106/007.

Pour conclure, ces 2 œuvres, l’une dédiée à la charmante fiancée Caroline Morin, et l’autre à Napoléon III, nous éclairent sur la société avec laquelle notre cher Sebastian Lee était en contact. Premier violoncelle de l’Opéra de Paris, salle prestigieuse à rayonnement européen, c’est à lui que le futur empereur s’adresse pour composer une œuvre à la ballerine dont il s’est amouraché. Honneur ou déshonneur de participer à une telle gabegie, il est en tout cas un fait, c’est que notre compositeur côtoie les huiles et que son travail et son talent son appréciés de toutes. A-t-il fallu négocier pour pouvoir éditer ces œuvres et les rendre disponibles à un large public alors qu’elles faisaient l’objet d’une commande particulière? L’histoire ne le dit pas, mais je le pense. Cela justifie et explique l’édition chez 2 maisons différentes, l’écart de temps écoulé entre la composition, la livraison et la publication et surtout le fait que l’opus 52 soit passé totalement inaperçu car non relayé dans les médias de l’époque. Nous voilà donc au fait du contexte de cette jolie barcarolle, une promenade en gondole pour des amours cachés au sein de l’opéra de Paris et qui touchent aux plus hautes sphères de l’Etat français de l’époque.

Notes

[1] Article sur la maison d’édition Brandus & Cie dans Wikipedia [URL accès octobre 2024: https://fr.wikipedia.org/wiki/Brandus_et_Cie]

[2] Hector Fleischmann « Napoléon III et les femmes » [URL novembre 2024: https://www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/DEF/Fleischmann/Napo_3/Femmes/N3_Fem_12.htm#_edn4]

[3] Esca2009 Napoléon et les femmes, publié le 1er mai 2011 [URL novembre 2024: https://esca2009.wordpress.com/2011/05/01/napoleon-iii-et-les-femmes/]

[4] Dona Martin, « Histoire des Femmes. L’Opéra, l’envers du décors », 2015 [URL novembre 2024: http://dona-martin.blogg.org/accueil-c28582718/2]


Epilogue: The Mysterious Recipient of the Dedication of Opus 52, the Barcarolle “Gondola Ride,” Finally Revealed.

Written by Pascale Girard and translated by Sheri Heldstab


7 January 2025sebastianleemusic


Several months have passed since our blog post  about opus 52, “Promenade en gondola” by Sebastian Lee, which was republished by us in 2024 – after 176 years of oblivion. We say it was 176 years because this is a work that was never advertised in the press when it was published, a work that went completely unnoticed. All this left us quite perplexed, and despite a careful examination of the preceding and following works to try to establish the historical context, the date of composition and then of publication, we had come up empty-handed. This was followed by the later discovery a letter from Sebastian Lee to an unknown recipient, informing him that, in addition to having composed a work (probably commissioned) for a “charming fiancée”, the musician had also composed an additional work inspired by the recipient of the letter. We are in December 1847, perhaps at the time opus 52 was being composed, and it remains possible that the recipient of the letter is also the recipient of the dedication of opus 52.


Why do we think this? Because between 1847 and 1851, only opus 52 is dedicated to a woman, with the exceptions of opus 54, dedicated to Madame Clémence de Reseit d’Arques  (1828-1907), musician and concert organizer, who married the Vicomte Amable Enlartde Grandval (1813-1886) in 1851. Might she have commissioned the composer or did the Viscount commission it for his charming fiancée in 1847? Then we have opus 49, about which we know nothing at the moment. Opus 50 is dedicated to Emile Colliau, a (male) student and friend of the composer. If opus 49 was dedicated to a woman who turned out to be Emile Colliau’s fiancée, then we could speculate that Emile Colliau was the recipient of the 1847 letter, but I don’t believe that the recipient was either the Viscount or Emile Colliau. While this still sounds quite confusing, stay with me, the answer is not far away.


Let’s start from the beginning: we have a letter from December 1847 which tells us that an opus dedicated to a charming fiancée precedes an opus dedicated to the recipient (necessarily male, given that the LGBTQ+ community was still very largely « underground » at the time) of the letter that we have. Problem 1: after having established the list of opuses 43 to 51, nothing made sense. There was no way to find a correlation between two opuses in a row to identify the recipient’s opus and the one written for his charming fiancée. I also convinced myself that opus 52 had been published during the events of 1848. That year, the opera had to take a break twice, in February and July, because of the events caused by the anti-monarchy revolution. In reality, Opus 52 was composed at the end of 1847 and sent at the same time as the letter dated December 13, 1847, but there was a catch.

[Approximate translation:

10 opuses were written between May 1847 and January 1849, the date at which we pick up the thread of the publication history of opus 54. Before that, here is what I know:

Opus 43: […] dedicated to M. Leon Paixhans

Opus 44: [no dedication]

Opus 45: […] dedicated to his friend Theodore Delamarre

Opus 46: [no dedication]

Opus 48: [no dedication]

Opus 50: […] dedicated to Emile Colliau

Opus 51: […] dedicated to Viscount Julien de Reviers de Mauny]


Is there nothing that surprises you? If so, you are as dyscalculic as I am. It was not BEFORE opus 52 that research should have been done, but AFTER, of course! Ah, when I realized the mistake, I had already found the dedicatee by another route, but you should know, the major mistake that really muddled the research lay in looking back in time, when it was necessary to look forward. Opus 52 is the first opus commissioned by the mysterious recipient of the dedication, and it is therefore opus 53 that was added to the commission and dedicated rather mysteriously to « render unto Caesar what is Caesar’s » in addition to the commission. The letter on this subject is clear. Look for yourself:


Letter from Sebastian Lee to an unknown recipient, BNF.

[Approximate Translation:

Sir, I composed a piece about your charming fiancée which I joined [attached] to this letter. Faithful to the maxim that one must render unto Ceasar that which belongs to Ceasar, I ask you to accept the dedication of this [musical] work that you have inspired along with my sentiments of profound gratitude.

S. Lee
Paris [on] the 13 December 1847]


Let us therefore focus on opus 53, the one that FOLLOWS opus 52, since the turn of the letter suggested that a first opus had been composed for the charming fiancée of the dedicatee and then one more for the dedicatee himself. Opus 53 “Fantaisie dramatique sur les motifs du Prophète, opéra de Giacomo Meyerbeer, pour violoncelle avec accompagnement de piano » is dedicated to Napoleon III. I know, it’s hard to believe, but it’s true, because as Sherlock Holmes said: « Once you eliminate the impossible, whatever remains, no matter how improbable, must be the truth. »

Opus 53 « Grande fantaisie dramatique sur l’opéra le Prophète de Giacomo Meyerbeer » by Sebastian Lee, published by Brandus.

Note that at the time of the publication of opus 51 (the one that precedes the « Gondola Ride ») we are already in 1850. This also led me astray! Opus 52, if we followed the linear chronology of the compositions, should have come out in 1850 or later. However, as there is no publicity in the press, nor any mention of the publisher S. Richault, I checked the plate (which I should have done before!). On the cover, we have the reference 10 174 B:


Here is an excerpt from the publisher’s plate references and their year of publication according to IMSLP:


So, I do the same exercise with opus 53. It is after the cover and  IMSLP plates B and C5169 Referring to the catalog, we come across a consistent date 1849-1850:


It is therefore almost irrefutable at this stage that opus 52, the barcarolle « promenade en gondole » dedicated to Mademoiselle Caroline Morin and published by Simon Richault, was published in 1850, while opus 53, which followed it, the « Grande fantaisie sur l’air du Prophète de Meyebeer » dedicated to Napoleon III, was published the same year, but by another publisher: the Brandus brothers. This is what happened with the publication of these works.


One may wonder why there are two different publishers. The publishing house Richault, business is booming. Specializing in publishing compositions by the best German musicians, publishing Sebastian Lee seems like a natural fit. At Brandus, business is going rather well despite the difficult debts of the previous owner, Maurice Schlesinger (see the post « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »). On October 1, 1850, Ernest Deschamps d’Hannecourt left the company and Samuel (known as Gemmy) Brandus, Louis’s brother, took his place as partner. The collection of the publisher Eugène-Théodore Troupenas  (1798–1850) was acquired, increasing the existing catalog. The following year, they founded a branch in St. Petersburg. [1] It was therefore not the precarious financial health of one of the publishers that would have forced our dear Sebastian Lee to knock on another door as was the case in 1859 (see the post « 1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre »).


No. The reason why these two opuses were published 4 to 5 years after their composition is the same reason as why they appear with two different publishers: to cover their tracks. It is because the dedicatee was such a prestigious person that we were lucky enough to unearth Sebastian Lee’s letter from 1847 (even if the dedicatee is not identified at the BNF). It is for the same reason that the composer wants to « render to Caesar that which belongs to Caesar. » This little phrase has been going around and around in my head. One would only compare a leader, or at least a person of stature, to Caesar. Again, the purpose is to conceal the imperial frolics outside of wedlock that it was necessary to ensure that no possible link remains between the two opuses: opus 52 dedicated to Mademoiselle Caroline Morin, the charming fiancée, and opus 53 to the future Emperor Napoleon III. It is only because it concerns Napoleon III that we have traces, sources and documentation. Mademoiselle Caroline Morin, probably the ballerina whose tracks I had found in a previous post (see « Le Mystère de l’Opus 52 »), was one of his many mistresses.


A word about Napoleon III who, although not physically attractive, had a most exciting personal life. Not that he was an exceptional lover, quite the contrary, he did not hesitate to use his strength or his position to obtain what he desired. [1] It is also believed that he « led a very dissolute life overall, and behaved in a completely undignified manner with the few women who loved him and did him favors. » [3]


Portrait of Napoleon III by Augustin-Aimé-Joseph Lejeune (studio in operation from 1865 to 1870).

The young Caroline Morin, if she was indeed the ballerina I found, was a perfect target for all the predators, nymphomaniacs and other disgusting old men who were rife at the Opera at the time, of which Napoleon III was undeniably one. [4]

Edgar Manet and other painters extensively documented the lives of ballerinas ogled by these gentlemen in top hats, and the sad fate of these young women, often prostituted by their own mothers.

« Attente » [“Waiting”], by Edgar Degas, 1882. A painting that has always moved me.



« Danseuse avec un admirateur derrière la scène », [« Dancer with an admirer behind the stage »], Jean-Louis Forain (1852-1931)

« Dans les coulisses », [“Behind the scenes”], Jean-Louis Forain (1852-1931)


Those interested in the tragic story of these ballerinas whose talent for dancing was not enough to make a living, even at the Opera, can read this very serious article on the subject, which provides a sickening but instructive overview of the deplorable morals that prevailed at that time. The fat Napoleon III, a regular at the Opera before and after his marriage in 1851, therefore did not only appreciate the music and dancing at the Salle Le Pelletier. It is a sordid reality that these ballerinas were looking for what was shamelessly called a « protector » – a regular “client” – in order to be able to provide for their needs and those of their families. I would like to be able to dedicate a full article to them, especially since I found, during my research at the National Archives in Pierrefitte, a box containing a quantity of photos of ballerinas from the period. These photos are fascinating in more ways than one. Unfortunately, I fear I will not be able to return to the archives for some time. If anyone has the opportunity to take photos of the daguerreotypes in the box numbered AJ/13/453, please contact me. I would be delighted to collaborate on the preparation of an article on the dancers of the 19th century Opera. In the meantime, you can see some photos of these dancers here.


© Photograph by Gustave Echtler. Source: Cinémathèque française – iconothèque, CLA/0106/007.



To conclude, these two works, one dedicated to the “charming fiancée” Caroline Morin, and the other dedicated to Napoleon III, shed light on the society in which our dear Sebastian Lee revolved. First cello of the Paris Opera, a prestigious hall with European influence: the future emperor turned to him to compose a work for the ballerina with whom he had fallen in love. Whether it was an honor or dishonor to participate in such a waste, it is in any case a fact that our composer rubbed shoulders with the bigwigs and that his work and his talent were appreciated by all.

Did it take negotiations to be able to publish these works and make them available to the public at large when they were the subject of a special commission? History does not say, but I think so. It would explain the publication by two different houses, the time gap between composition, delivery, and publication, and above all the fact that opus 52 went completely unnoticed because it was not discussed in the media of the time. We are therefore aware of the context of this pretty barcarolle, a gondola ride for hidden loves within the Paris Opera which touched the highest spheres of the French State of the time.

References:

[1] Article on the publishing house Brandus et Cie on Wikipedia [Accessed October, 2024: https://fr.wikipedia.org/wiki/Brandus_et_Cie]

[2] Hector Fleischmann « Napoléon III et les femmes » [Napoleon III and Women] [Accessed November, 2024: https://www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/DEF/Fleischmann/Napo_3/Femmes/N3_Fem_12.htm#_edn4]

[3] Esca2009 Napoléon et les femmes [Napoleon and Women], published May, 2011 [Accessed November, 2024: https://esca2009.wordpress.com/2011/05/01/napoleon-iii-et-les-femmes/]

[4] Dona Martin, « Histoire des Femmes. L’Opéra, l’envers du décors » [Women’s History. Opera, Behind the Scenes], 2015 [Accessed November, 2024: http://dona-martin.blogg.org/accueil-c28582718/2]

1885: un hommage à Sebastian Lee par ses pairs dans un nouveau courrier

English

Image d’en-tête: « Jeune homme travaillant » (dit aussi « jeune homme écrivant ») par Jean-Louis-Ernest Meissonnier (1815-1891), ca 1852, collection musée du Louvre

Par Pascale Girard

C’est à la bibliothèque universitaire de Leipzig que j’ai mis la main sur un courrier qui nous éclaire toujours un peu plus sur la vie et l’œuvre de ce cher Sebastian Lee. La lettre est rédigée par le violoncelliste Friedrich Grützmacher (1832-1903), dont on peut admirer le portrait d’un auteur inconnu ci-dessous du côté gauche, grâce à la collection de la BnF. Le courrier s’adresse à Julius Klengel (1859-1933), dont le portrait un peu plus bas, ci-dessous et du côté droit le représente avec son violoncelle en 1903 sous l’objectif de Georges Brokesch. Nous sommes le 17 décembre 1885, et il se prépare une surprise dans le dos de notre compositeur Hambourgeois.

Comme dans mon dernier article, je tiens à remercier chaleureusement Regina Vonrüden qui a transcrit et traduit ce courrier rédigé en allemand du XIXème siècle — je le répète à chaque fois, c’est un exercice difficile — ainsi que ma complice Sheri Heldstab qui m’est d’une grande aide dans la réalisation de toutes les traductions nécessaires; du matériel de recherches jusqu’aux billets de ce blog. Voici donc le document original:

Frederick Grützmacher, auteur inconnu, collection BnF

Verehrter Herr und Freund!

Herr Sebastian Lee, der verdienstvolle Violoncellist und Komponist in Hamburg, feiert am 24. Dezember: d(iesen) J(ahres) seinen achzigsten Geburtstag. Die Violocellisten der hiesigen Kapelle werden ihm zu dieser Gelegenheit ein von allen unterzeichnetes – Glückwunsch-Schreiben zusenden, und erlaube, ich mir die Anfrage an Sie zu richten, ob Sie nicht einen gleichen Schritt bei den Kollegen unseres Instrumentes im Gewandhausorchester freundlichst anregen möchten? Versichern kann ich Sie, daß dem alten Herrn (bei seinen mir bekannten liebenswürdigen Charakter) dadurch eine sehr große Freude bereitet werden würde.

Bittend, in wenigen Worten mir gefälligst mittheilen zu wollen, ob Sie glauben, Theilnahme für diesen Vorschlag dort zu finden, sowie Sie und Ihre liebe Frau  Gemahlin herzlich grüßend, verbleibe ich Ihr freundschaftlichst und verehrungsvollst ergebener

Grützmacher.

Dresden. d: 17 Dezember. 1885.

Cher Monsieur et ami!

Mr Sebastian Lee, le distingué violoncelliste et compositeur de Hambourg, fête son 80ème anniversaire le 24 décembre cette année. A cette occasion, les violoncellistes de l’orchestre local vont lui envoyer une lettre de félicitations signée par tous, et j’aimerais prendre la liberté de vous demander si vous ne prendriez pas la même initiative avec les collègues de notre instrument à l’orchestre du Gewandhaus? Je peux vous assurer que cela ferait au vieux gentleman (avec son célèbre caractère aimable) un grand plaisir.

Je vous demanderais bien aimablement de me faire savoir en quelques mots si vous croyez que cette proposition trouverait un écho favorable là-bas, et d’étendre mes chaleureuses salutations à vous et votre chère épouse.
Grützmacher.
Dresde, le 17 décembre 1885.

Friedrich Grützmacher (1832-1903) apprend le violoncelle avec son père avant de devenir l’élève de Karl Drechsler (1800-1873), lui-même élève de Friedrich Dotzauer (1783-1860). Dotzauer comme Grützenmacher intégreront l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Dotzauer y fera carrière en tant que violoncelle soliste de 1805 à 1850 et Grützmacher prendra sa suite de 1850 à 1860 avant d’être nommé violoncelle principal à l’orchestre de la Cour de Dresde et de prendre la tête de la société musicale de la ville. Il deviendra professeur au conservatoire de Dresde et donnera des concerts dans toute l’Europe. Les liens que l’on peut trouver avec la trajectoire musicale de Sebastian Lee sont ténus: Friedrich Dotzauer se perfectionnera avec Bernhard Romberg tout comme Johann Nikolaus Prell (1773-1849), le maître de Sebastian Lee. Romberg est également professeur au conservatoire de Paris, mais de 1801 à 1803, à une époque ou notre cher Sebastian n’est pas encore né. Au-delà d’être tous violoncellistes et Allemands, ce qui constitue déjà 2 particularités les unissant de facto dans une communauté spécifique, je pensais que Sebastian Lee était aussi passé par Leipzig et Dresde lors de son périple en Allemagne entre 1825 et 1833. Son itinéraire et ses étapes ne sont pas encore bien établis à cet époque, mais compte tenu de ce courrier, je pensais qu’il avait peut-être également fait partie de l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Mauvaise pioche. Après avoir échangé avec le fonds des archives du Gewandhaus de Leipzig, mon contact est formel: Sebastian Lee n’est jamais passé par le Gewandhaus; ni dans l’orchestre, ni à titre d’invité pour un récital spécifique à Leipzig, d’après ses sources. Le seul Lee qu’on a pu y retrouver, c’est le frangin Louis dont la performance dans cette salle date précisément du jeudi 30 janvier 1834.

Louis Lee (1819-1896), est le cadet de la fratrie Lee. Il aurait eu 2 ans de différence avec le plus jeune frère, Maurice (1821-1895), et 14 ans avec son aîné, Sebastian. Quelques mentions dans des brèves, quelques entrées dans la Biographie des musiciens, tome 2, de François-Joseph Fétis en particulier (voir l’entrée ci-dessous) attestent bien de son existence dans le complément édité en 1880.

Lee (Louis) — Cet artiste a fait exécuter en 1860, à Hambourg, dans un concert, une cantate intitulée Jeanne d’Arc.

C’est un peu court.

Donc pas de concert de Sebastian Lee à Leipzig. Ca m’étonne. Leipzig à cette époque était une plaque tournante de la scène musicale allemande et je pense à cette tournée européenne aux côtés de l’extraordinaire Joseph Gusikow et m’étonne sincèrement qu’on ne trouve pas de trace de concert de Sebastian Lee à Leipzig parce que je suis presque sûre qu’ils y sont passés (voir le billet: « 1837: Sebastian Lee et Joseph Gusikow, 2 étoiles musicales à Paris« ).

Un mot tout de même sur le Gewandhaus (la « halle au draps » en Allemand), qui est un bâtiment érigé en 1781 à l’origine pour les drapiers. La salle est reconstruite en 1884, soit juste un an avant la lettre de Friedrisch Grützmacher à Julius Klengel, sans doute pour y effectuer les modernisations nécessaires.

Le premier Gewandhaus de Leipzig tel que construit en 1781 avec une pièce de musique de Felix Mendelssohn (1809-1847), par Ecole Allemande (XIXème siècle), aquarelle, collection privée, Wikipedia

Le deuxième Gewandhaus situé sur Grassistraße, inauguré en 1884 selon les plans de Martin Gropius dans un style Néoclassique leipzig-lexikon.de

Le bâtiment est détruit par deux bombardements alliés entre 1943 et 1944. Le troisième édifice sur l’Augustusplatz de Leipzig est inauguré le 8 octobre 1981, pour le bicentenaire de la fondation du Gewandhaus.

Le Gewanhaus actuel qui ne sera achevé qu’en 1981 selon les architectes Rudolf Skoda, Eberhard Göschel, Volker Sieg et Winfried Sziegoleit. Le bâtiment contient 2 salles, comme auparavant, une grande salle de 1900 places et une petite pour la musique de chambre baptisée salle Mendelssohn (qui en a été le chef de 1835 à 1848) pouvant accueillir jusqu’à 497 personnes.

Donc rien de plus à Leipzig concernant Sebastian Lee. Ca ne me satisfait pas, je recontacte les archives à Leipzig et leur demande de refaire la recherche avec le nom de Joseph Gusikow, et là, BINGO!

L’archiviste trouve 4 dates de concerts:

  • Le 14 décembre 1835
  • Le 28 décembre 1835
  • Le 2 janvier 1836
  • Le 7 janvier 1836

On sait qu’ils seront à Paris pour 2 concerts le mardi 27 décembre 1836 et le mardi 17 janvier 1837 (voir le billet: « 1837: Sebastian Lee et Joseph Gusikow, 2 étoiles musicales à Paris« ). Je trouve tout de même cette tournée intéressante car en 1835, Sebastian Lee et son épouse Caroline ont leur premier enfant, Edouard. Ce n’est pas le meilleur moment pour battre la campagne et pourtant, c’est à ce moment là que ça se passe.

Autre subtilité qui m’avait mis en échec dès le départ, ils ne se produiront pas au Gewandhaus de Leipzig mais à l’Hôtel de Pologne, un complexe hôtelier agrégé au fil des années par l’aubergiste Christian August Pusch qui le baptise ainsi pour commémorer le fait que le roi polonais Stanislas I Leszczyński y vivait en 1706. En 1835-36, lors du passage de nos 2 étoiles, il s’agit encore de 3 immeubles regroupés en un avant qu’un incendie ne réduise les bâtiments en cendres en 1846. Il sera néanmoins reconstruit et demeure toujours en lieu et place de l’ancien après avoir subi maintes transformations architecturales à travers les époques.

L’hôtel de Pologne en 1848 par Carl Weidinger

L’ancien Hôtel de Pologne situé dans la Hainstrasse à Leipzig est un bâtiment de la vieille ville et était à l’époque le plus grand hôtel de Leipzig avec 130 chambres. Source: https://www.leipzig-days.de/hotel-de-pologne/

C’est donc établit, il y a zéro connexion entre Sebastian Lee et le Gewandhaus de Leipzig, à part son frère Louis qui y a joué une fois le jeudi 30 janvier 1834. Seuls les concerts de Sebastian Lee avec Joseph Gusikow attestent qu’il ait frotté l’archet dans cette bonne ville, mais pas au Gewandhaus, à l’Hôtel de Pologne. Du reste, la tournée avec Joseph Gusikow bien qu’extraordinaire et incroyablement sensationnelle à l’époque, se déroule dans de petites salles sans superbe mais avec panache: au théâtre du 19bis de la rue Chantereine à Paris (aujourd’hui démoli), dans les salons Pleyel ou Sebastian Lee donnera quantité de concerts par la suite, notamment avec son ami, le violoniste Charles Dancla et à l’Hôtel de Pologne de Leipzig. Ce que cela nous dit c’est qu’à cette époque de sa vie, Sebastian Lee, bien qu’étoile en devenir, est un outsider comme ce brave et talentueux Joseph Gusikow. Et pourtant, 50 ans plus tard, il est célébré par la crème de la crème des musiciens, en la personne en particulier de Friedrich Grützmacher à Leipzig. Pourquoi?

Je me suis demandée si notre violoncelliste compositeur n’était pas tout simplement une rockstar dans son pays natal. Il a été premier violoncelle au grand théâtre de Hambourg, avant de devenir premier violoncelle du grand opéra de Paris, ce qui est un peu la consécration. Il se paiera le luxe de poursuivre quelques activités d’enseignement au Collège Stanislas et également à titre gratuit pour des enfants défavorisés. Nous l’avons établi dans un précédent billet, le premier violoncelle gagnait environ 2000 à 2500 frs par mois à l’opéra de Paris au cours du XIXème siècle; salaire très convenable et très au-dessus de ce qui se pratiquait dans n’importe quel autre théâtre parisien (voir: « Du rififi à l’opéra de Paris« ). Mais au-delà du confort matériel, c’est bien de fierté qu’il est question. En réalité, ce que ce courrier nous apprend, c’est que Sebastian Lee, à la fin de sa vie, a été canonisé « Trésor National » dans son pays natal par ses pairs. Il est celui qui a réussi, celui qui a porté la gloire Germanique, celui qui a contribué à faire reconnaitre l’école Allemande à l’international. C’est une vraie célébrité et c’est ce que ce courrier nous confirme.

Les violoncellistes d’exception qui prennent l’initiative d’une carte de félicitations pour l’anniversaire du « vieux gentleman » pour reprendre les mots de Friedrisch Grützmacher, ne le connaissent peut-être même pas personnellement mais seulement de réputation.

Prenons Friedrich Grützmacher, qui est un pédagogue sans doute assez hors pair. Il a une spécialité qui n’est pas banale: il a produit un nombre impressionnant de premiers violoncelles parmi ses élèves. Un en particulier a retenu mon attention: Hugo Becker (1863-1941), il fut premier violoncelle à l’opéra de Frankfort et s’est également permis d’éditer plusieurs opus de Sebastian Lee, ce que j’avais jugé être la pire des goujateries, quand je l’avais découvert.

Hugo Becker posant avec son violoncelle, Gessford, date incertaine.

Il avait carrément mis sa photo comme exemple pour montrer la position du bras et de l’archet à la place du dessin représentant Sebastian Lee dans la version originale. Quel toupet! Ceci étant, vous vous ferez votre propre idée dans le diaporama ci-dessous, mais je trouve qu’il a la tête des mauvais jours et qu’on est à 2 doigts de « Vol au-dessus d’un nid de coucous »… Alors il s’était quand-même un peu déchiré sur la superposition des 2 daguerréotypes pour l’époque, je lui concède cela, mais pas plus!

« Violloncello Technics by Sebastian Lee revised and edited by Hugo Becker », Schott, ca 1882. Le dessin de Sebastian Lee montrant la position de l’archet fait partie de l’édition originale de son opus 31 en 1844, la photo (franchement dérangeante; les yeux regardent vers le haut, quand-même) de Hugo Becker montrant la position du bras et de l’archet est de son propre fait, dans sa réédition de l’opus du Maestro.

Dans la même veine, Ernest Gillet (neveu par alliance temporaire de Sebastian Lee, voir l’article Mina Lee: Amour et Rock’n Roll dans l’Angleterre du XIXème siècle) avait eu la même audace. Ce dernier a carrément « complété » des transcriptions du compositeur.

Ernest Gillet avec son violoncelle. Le cachet “Conservatoire” encore visible laisse supposer que cette photo daterait de l’année où il a gagné son 1er prix de violoncelle, soit 1874. Il aurait 18 ans. Source: IMSLP

Les Perles du Jour, collections de transcriptions complétées par Ernest Gillet, de Sebastian Lee, édition de 1888 chez Choudens Père & Fils, BNF.

On note qu’il a attendu le décès de Sebastian Lee pour s’approprier son travail. Bon, bon! J’arrête d’être mauvaise langue, parce-qu’en réalité, aussi mufles puissent-ils me paraitre avec leurs rééditions d’œuvres qui ne nécessitaient aucune intervention de leur part, je pense néanmoins qu’on est dans le cas d’un hommage plus qu’autre chose.

Pour l’heure, c’est tout ce que nous savons et pouvons tirer de ce courrier. Pendant ce temps, en cette année 1885, Sebastian Lee compose une « Fantasie sur l’opéra La Juive de Fromental Halevy pour le violoncelle avec accompagnent de piano ». Une pièce jouée pour la première fois au grand opéra de Parisle 23 février 1835 dans la salle le Peletier ou notre étoile montante passera 25 ans. Pour l’heure, Sebastian Lee tourne en Europe aux côtés de Joseph Gusikow. Cette année là, c’est son futur grand ami Louis Norblin qui occupe la place de premier violoncelle à l’opéra de Paris et il faudra attendre encore 5 ans avant que la légende ne naisse officiellement entre les murs du grand opéra de Paris.

Man Writing a Letter

1885: A Tribute to Sebastian Lee from his Peers in a Newly Discovered Letter


Banner image (above):  « Young man working » (also known as « young man writing ») by Jean-Louis-Ernest Meissonnier (1815-1891), circa 1852, Louvre Museum collection

Written by Pascale Girard and translated by Sheri Heldstab

It was at the Leipzig University Library that I came across a letter that sheds even more light on the life and work of dear Sebastian Lee. The letter was written by the cellist Friedrich Grützmacher (1832-1903), whose portrait, taken by an unknown photographer, may be found below on the left side thanks to the collection of the BnF. The letter is addressed to Julius Klengel (1859-1933), whose portrait below on the right side represents him with his cello in 1903 through the lens of Georges Brokesch. It is December 17, 1885, and a surprise is being prepared for our Hamburg composer.

As in my last article, I would like to warmly thank Regina Vonrüden who transcribed and translated this letter written in 19th century German—I have said this before, transcription of old documents is a difficult undertaking—as well as my accomplice Sheri Heldstab who is of great help in carrying out all the necessary translations; from the research material to the posts on this blog. Here is the original document:

Verehrter Herr und Freund!

Herr Sebastian Lee, der verdienstvolle Violoncellist und Komponist in Hamburg, feiert am 24. Dezember: d(iesen) J(ahres) seinen achzigsten Geburtstag. Die Violocellisten der hiesigen Kapelle werden ihm zu dieser Gelegenheit ein von allen unterzeichnetes – Glückwunsch-Schreiben zusenden, und erlaube, ich mir die Anfrage an Sie zu richten, ob Sie nicht einen gleichen Schritt bei den Kollegen unseres Instrumentes im Gewandhausorchester freundlichst anregen möchten? Versichern kann ich Sie, daß dem alten Herrn (bei seinen mir bekannten liebenswürdigen Charakter) dadurch eine sehr große Freude bereitet werden würde.

Bittend, in wenigen Worten mir gefälligst mittheilen zu wollen, ob Sie glauben, Theilnahme für diesen Vorschlag dort zu finden, sowie Sie und Ihre liebe Frau  Gemahlin herzlich grüßend, verbleibe ich Ihr freundschaftlichst und verehrungsvollst ergebener

Grützmacher.

Dresden. d: 17 Dezember. 1885.

[Translation:

Dear Sir and friend!

Mr. Sebastian Lee, the distinguished violoncellist and composer in Hamburg, is celebrating his eightieth birthday on 24 December of this year. On this occasion, the cellists of the local orchestra will send him a letter of congratulations signed by all of them, and I would like to take the liberty of asking you whether you would not take the same step with the colleagues of our instrument [cellists] in the Gewandhaus Orchestra? I can assure you that this would give the old gentleman (with his well-known amiable character) a great deal of pleasure.

I would ask you to kindly let me know in a few words whether you believe that this proposal would find favor there, and to extend my warmest greetings to you and your dear wife.

Grützmacher.

Dresden. 17 December 1885.]

Friedrich Grützmacher (1832-1903) began learning the cello with his father before becoming a student of Karl Drechsler (1800-1873), himself a student of  Friedrich Dotzauer (1783-1860). Dotzauer and Grützenmacher will join the orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Dotzauer had a career as a solo cellist from 1805 to 1850, and Grützmacher followed him from 1850 to 1860 before being appointed principal cellist at the Dresden Court Orchestra and becoming head of the city’s musical society. He became a professor at the Dresden Conservatory and gave concerts throughout Europe. 

The links that can be found between these two cellists and Sebastian Lee’s musical career are tenuous: Friedrich Dotzauer perfected his studies with Bernhard Romberg, as did Johann Nikolaus Prell (1773-1849), Sebastian Lee’s instructor. Romberg was also a professor at the Paris Conservatory, but from 1801 to 1803, at a time when our dear Sebastian was not yet born. Aside from both being cellists and Germans, which already constitutes two similarities uniting them in a niche community, I thought that Sebastian Lee had also passed through Leipzig and Dresden during his journey in Germany between 1825 and 1833. His itinerary and stages are not yet well established at this time, but given this letter, I thought that he had perhaps also been part of the orchestra of the Leipzig Gewandhaus. Not so. After having exchanged emails with the archives of the Leipzig Gewandhaus, my assumption was proven false. Sebastian Lee never passed through the Gewandhaus; neither in the orchestra, nor as a guest for a specific performance in Leipzig. The only Lee we can find there is his brother Louis, who performed exactly once in this hall on Thursday, January 30, 1834.

Louis Lee (1819-1896) was the middle of the three Lee brothers. He was two years older than his nearest sibling in age, Maurice (1821-1895), and 13 years younger than his eldest brother, Sebastian. A few brief mentions in the press, a few entries in the Biographie des musiciens, volume 2, by François-Joseph Fétis in particular (see the entry below) attest to his existence in the supplement published in 1880.

Lee (Louis) — In 1860, in Hamburg, this artist performed, in a concert, a cantata entitled Jeanne d’Arc.

It’s a bit short.

So there is no evidence of Sebastian Lee performing in Leipzig, at least not at the Gewandhaus. I am honestly surprised. Leipzig at that time was a hub of the German music scene and I think of his European tour alongside the extraordinary Joseph Gusikow (also spelled “Josef Gusikov”, 2 September 1806 – 21 October 1837) and I’m genuinely surprised that we can’t find any trace of Sebastian Lee performing in Leipzig because I’m pretty sure they passed through there (see the post: « 1837: Sebastian Lee et Joseph Gusikow, 2 étoiles musicales à Paris« ).

A word about the Gewandhaus (the “clothing hall” in German), which was originally built in 1781 for the clothing merchants. The hall was rebuilt in 1884, just one year before Friedrich Grützmacher’s letter to Julius Klengel, possibly to upgrade the building to include modern (at the time) conveniences such as electricity.

XZL151530 The Leipzig Gewandhaus with a piece of music by Felix Mendelssohn (1809-47) (w/c on paper) by German School, (19th century) watercolour on paper Private Collection German, out of copyright

The first Gewandhaus in Leipzig as built in 1781 with a piece of music by Felix Mendelssohn (1809-1847), Felix Mendelssohn (1809-1847), in the style of the German School (19th century), watercolor, private collection, Wikipedia.

The second Gewandhaus on Grassistraße, opened in 1884 according to plans by Martin Gropius in a Neoclassical style as found on the leipzig-lexikon.de page.

The building was destroyed by two Allied bombings in 1943 and 1944. The third building, on Augustusplatz, was inaugurated on October 8, 1981, for the bicentennial celebration of the founding of the Gewandhaus.

The current Gewandhaus, designed by the architects Rudolf Skoda, Eberhard Göschel, Volker Sieg and Winfried Sziegoleit, was not completed until 1981.  It has two halls, as before: a large hall with 1,900 seats and a small one for chamber music.  The smaller of the two halls is called the Mendelssohn Hall (who was the Gewandhaus’s conductor from 1835 to 1848) and can accommodate up to 497 people.

There was nothing more to find in Leipzig concerning Sebastian Lee. This does not satisfy me, so I contacted the archives in Leipzig again and asked them to do the search again with the name of Joseph Gusikow, and… BINGO!

The archivist found four concert dates:

  • 14 December 1835,
  • 28 December 1835,
  • 2 January 1836, and,
  • 7 January 1836

We know that they were in Paris for two concerts on Tuesday December 27, 1836 and Tuesday January 17, 1837 (see the post:  « 1837: Sebastian Lee et Joseph Gusikow, 2 étoiles musicales à Paris« ). I still find this tour interesting because in 1835, Sebastian Lee and his wife Caroline had their first child, Edouard. It was not the best time to be away from his family, and yet, it is at this time that Lee is touring.

Another subtlety that had bothered me from the start is that they did not be perform at the Gewandhaus in Leipzig but at the Hôtel de Pologne, a hotel composed of a complex of buildings aggregated over the years by innkeeper Christian August Pusch, who named it to commemorate the fact that the Polish king Stanislas I Leszczyński lived there in 1706. In 1835 – 1836, when our two stars passed through the area, it was still three buildings grouped into one before a fire reduced the buildings to ashes in 1846. It will nevertheless be rebuilt and still remains in place of the old one after having undergone many architectural transformations over the ages.


The Hotel de Pologne in 1848, by Carl Weidinger.

The building formerly housing the Hotel de Pologne on Hainstrasse in Leipzig was, at the time of Lee’s travels, the largest hotel in Leipzig with 130 rooms. Source:  https://www.leipzig-days.de/hotel-de-pologne/

We have now established that there is no connection between Sebastian Lee and the Gewandhaus in Leipzig, apart from his brother Louis who played there for only one performance. Only Sebastian Lee’s concerts with Joseph Gusikow attest that he bowed his cello strings in this lovely city, but at the Hôtel de Pologne, not at the Gewandhaus. Moreover, the tour with Joseph Gusikow, although extraordinary and incredibly sensational at the time, took place in small venues without splendor but with panache: at the theatre at 19 bis rue Chantereine in Paris (now demolished), in the Pleyel salons where Sebastian Lee would give many concerts thereafter, notably with his friend, the violinist Charles Dancla and at the Hotel de Pologne in Leipzig. What this tells us me is that at this time in his life, Sebastian Lee, a possible star in the making, is an outsider like the brave and talented Joseph Gusikow. And yet, 50 years later, he is celebrated by the crème de la crème of musicians, in particular Friedrich Grützmacher in Leipzig. Why?

I wondered if our cellist-composer was not simply a rock star in his native country. He was principal cellist at the Grand Théâtre de Hambourg, before becoming the principal cellist of the Grand Opéra de Paris, which was a bit of a step up. He allowed himself the luxury of continuing some of his teaching activities at the Collège Stanislas, and also taught privately and, in the case of underprivileged children, free of charge. As we established in a previous post, the principal cellist earned around 2000 to 2500 francs per month at the Paris Opera during the 19th century; a very reasonable salary and well above what was practiced in any other Parisian theater (see: « Du rififi à l’opéra de Paris« ). But beyond material comfort, it is a large amount of pride that is at stake. In reality, what this letter tells us is that Sebastian Lee, at the end of his life, was canonized as a « National Treasure » in his native country by his peers. He is the one who succeeded, the one who brought the Germans glory, the one who contributed to making the German school recognized internationally. He became a true celebrity and this letter confirms it.

The exceptional cellists who took the initiative to send a congratulatory card for the birthday of the « old gentleman », to use Friedrich Grützmacher’s words, may have not even known him personally, but only by reputation.

Let us take Friedrich Grützmacher, who is undoubtedly a rather outstanding pedagogue. He has a specialty that is not trivial: he produced an impressive number of principal cellists among his students. One in particular caught my attention: Hugo Becker (1863-1941), he was principal cellist at the Frankfurt Opera and also republished several works by Sebastian Lee, which I thought was in extraordinarily bad taste when I discovered that he had done so.

Hugo Becker posing with his cello, photo by Gessford studio, date uncertain.

He actually used a photo of himself as an example to show the position of the bow arm and the bow instead of the drawing representing Sebastian Lee in the original version. What cheek! That being said, you can decide for yourself from the images below, but I think he has a bad day and is just shy of « One Flew Over the Cuckoo’s Nest »… I grant him that the double-exposure necessary to create the superimposition of the two positions was not perfected at the time, but nothing further!

“Violloncello Techniques by Sebastian Lee revised and edited by Hugo Becker”, Schott, circa 1882. 

Sebastian Lee’s drawing showing the position of the bow arm is part of the original edition of his Opus 31 in 1844. In Becker’s reprint of the Maestro’s Opus, in place of Lee’s drawing is Becker’s (frankly disturbing and slightly demonic) photo showing the position of the left arm and bow arm.In the same vein, Ernest Gillet (temporary nephew by marriage of Sebastian Lee, see the article  Mina Lee: Amour et Rock’n Roll dans l’Angleterre du XIXème siècle) had the same audacity. Ernest went so far as to claim he “completed” compositions by Lee.

Ernest Gillet with his cello. The “Conservatoire” stamp still visible suggests that this photo dates from the year he won his first cello prize in 1874. He would have been 18 years old. Source: IMSLP

Les Perles du Jour [The Pearls of the Day], a collection of transcriptions “completed” by Ernest Gillet, composed by Sebastian Lee – 1888 edition by Choudens Père & Fils, BnF.

I noticed that Ernest waited for Sebastian Lee’s death to appropriate his work. Okay, okay! I’ll stop being mean, because in reality, as boorish as they may seem to me with their reissues of works that required no significant effort on their part, I nevertheless think that these republications are more of a tribute than anything else.

For now, this is all we know and can gather from this letter dated 1885. Meanwhile, in this same year at the age of 79 or 80, Sebastian Lee composes the « Fantasie sur l’opéra La Juive by  Fromental Halevy for the cello with piano accompaniment ». The opera “La Juive” premiered at the Grand Opera of Paris on February 23, 1835, in the Salle le Peletier where our rising star would spend 25 years. At the time of the premier of the opera “La Juive”, Sebastian Lee was touring Europe alongside Joseph Gusikow. That year, it was his future good friend Louis Norblin who occupied the chair of the principal cellist at the Paris Opera and it would be another five years before the legendary Sebastian Lee would officially be accepted into the halls of the Grand Opera of Paris.

1859: Un tournant de la vie de Sebastian Lee découvert dans une nouvelle lettre

English

Image ci-dessus: Homme écrivant une lettre par Gabriel Metsu (ca1664-66)

Autrice: Pascale Girard, avec l’aimable participation de Sheri Heldstab et Regina Vonrüden

Si je vous disais que mes plus beaux trésors ont toujours été dénichés alors que je cherchais tout autre chose, me croiriez vous? C’est pourtant bien ce qui est arrivé avec ce courrier, apparu comme par magie dans une recherche, alors que je farfouinais dans la base de données de la Staatsbibliothek de Berlin pour dénicher un opus qui m’échappe encore. Miraculeusement, je tombe sur ce document extraordinaire. C’est toujours une joie de trouver un courrier parce qu’on a l’impression de pouvoir saisir un tout petit peu plus le personnage. Le ton, le style, l’orthographe, le vocabulaire choisi, et surtout, surtout! L’écriture manuscrite! Quelle merveille! Je vous présente donc aujourd’hui ce document et vous raconte pourquoi il nous révèle une étape clé de la vie du compositeur.

Auparavant, un merci tout particulier à Regina Vonrüden qui a effectué la transcription allemande en un temps record. Cet exercice n’est pas seulement un défi à cause des aspects obsolètes des tournures et du vocable employés. C’est aussi une gageure de la déchiffrer, tant l’écriture manuscrite pose des difficultés particulières pour la comprendre. Certaines lettres majuscules induisent en erreur, ressemblent à d’autres, bref, c’est un jeu de piste complexe et nous avons été ravies de travailler avec Regina, Sheri Heldstab, que vous connaissez à présent puisqu’elle est la traductrice du site internet en anglais ainsi que des billets ce blog, et moi-même, car 3 cerveaux n’étaient pas de trop pour percer les mystères de ce courrier manuscrit et rédigé en allemand du XIXème siècle.

Source: Université d’Etat de Berlin. Kalliope : DE-611-HS-1953139, http://kalliope-verbund.info/DE-611-HS-1953139

Paris den 4 den October 1859.

Herren Bote & Bock.

Herr Brandus sagt mir daß Sie geneigt wären eine kleine Piece die ich über Le Pardon du Ploermel für Violoncelle mit Piano Begleitung (Oeuvre: 90) gemacht habe, in Ihrem Verlage erscheinen zu lassen. Es würde mich sehr erfreuen bey dieser Gelegenheit mit Ihnen in Verbindung zu treten. Zu gleicher Zeit möchte ich Ihnen ein zweites Stück über die schönsten Themas aus der Oper Herculanum ebenfalls für Vlle und Piano (Oeuvre: 91.) deren erste Probe Blätter ich diese Tagen erwarte, anzubinden. Ich würde Ihnen beyde Stücke für 100 frs zusammen lassen,  und hoffe, im Fall Sie sie annehmen würden, daß Sie mit deren Erfolg, da beyde leicht sind, zufrieden seyn werden. Ich ersuche Sie höflichst mich sehr bald mit Ihrer Antwort zu erfreuen.

Hochachtungsvoll

Der Ihrige  S. Lee

73, rue des Martyrs

Mr. Bote & Bock.

Mr. Brandus me dit que vous seriez enclin à publier une petite pièce que j’ai composé sur le « Pardon de Ploërmel » [opéra de Giacomo Meyerbeer], pour violoncelle avec accompagnement de piano (Op. 90) dans votre maison d’édition. Je serais très heureux d’en profiter pour vous rencontrer. Dans le même temps, j’aimerais vous donner une charmante pièce autour des plus beaux thèmes de l’opéra Herculanum [de Félicien David] également pour violoncelle et piano (Op. 91) dont vous trouverez un premier échantillon dans les prochains jours. Je vous cèderais les deux pièces pour 100 frs [Francs] si vous les preniez ensemble, dans l’espoir que vous soyez satisfait de leur succès, comme elles sont légères [faciles]. Je vous demande bien aimablement de me faire le plaisir d’une réponse bientôt.

Bien à vous,

S. Lee

73, rue des Martyrs

Bote & Bock est une maison d’édition allemande fondée en 1838 par Gustav Bock (1813-1863) et Eduard Bote. Cependant, en 1859, ce dernier a déjà quitté la société que Gustav Bock dirige seul depuis plus de 10 ans. Aussi, il n’y a plus qu’un M. Bock à ce moment de l’histoire, ce qui nous confirme que Sebastian Lee ne connait pas son interlocuteur. Pour la petite histoire, cette maison d’édition berlinoise doit sa réussite à une succession de rachats dès sa création avec l’acquisition de C. W. Froehlich & Co, puis de Moritz Westphal (1840) et enfin de Thomas Brandenburg (1845). C’est sous l’impulsion de Hugo Bock (1848-1932), fils de Gustav, que la maison d’édition gagnera une réputation internationale. Le jeune Hugo, âgé de 15 ans, se retrouve propulsé à la direction de l’entreprise familiale, suite au décès de son père en 1863 mais son oncle Emil Bock (1816-1871) reste à ses côtés pendant 7 ans et co-dirige l’affaire. Lorsque ce dernier décède à son tour, en 1871, Hugo Bock a 23 ans et se retrouve seul au commandes. C’est à ce moment que Bote & Bock devient véritablement international. L’entreprise restée dans la famille Bock est passée de père en fils jusqu’en 1932, et en 1996, les britanniques Boosey & Hawkes rachètent leur catalogue mais conservent le nom de Bote & Bock. Pourquoi donc Sebastian Lee souhaite t-il alors faire publier ses opus 90 et 91 chez eux en 1859?

La première explication pourrait tenir à la situation de l’éditeur français chez qui notre compositeur a fait publier son morceau de salon sur l’opéra Herculanum. Il s’agit de Madame [Céleste] Cendrier. Elle fut active sur la scène parisienne de 1839 à 1859, jusqu’à sa mort, après quoi l’affaire est rachetée par E. Saint-Hilaire, puis Auguste O’Kelly (1829-1900) en 1872. Le catalogue contient une liste de plus de 500 pièces selon la BnF, parmi elles des œuvres populaires de Paul Henrion (1817-1920), Antoine-Louis Clapisson,(1808-1866) ainsi que les opéras de Felicien David (1810-1876) et Victor Massé (18-). [1] La bibliothèque canadienne de musique Marvin Duschow la cite dans un article sur le travail des femmes dans la musique en France au XIXème siècle que je ne saurais trop conseiller de lire:

 Céleste Cendrier (1812–ca.1859) en est sans doute un bon exemple, car en plus de publier une variété d’œuvres pour voix ou pour piano, ainsi qu’en témoigne la publicité pour ses Nouveautés musicales, elle possédait un magasin de musique. Il y avait aussi des graveuses, dont le travail passait souvent inaperçu, leurs noms n’étant pas mentionnés ou relégués au bas de la page. Par exemple, Mme Lamourette grava la musique sur la plaque de métal qui servit à imprimer La sincère de Pauline Duchambge. [2]

Extrait du catalogue de la BnF confirmant bien que la première édition du morceau de salon pour violoncelle avec accompagnement de piano sur l’opéra Herculanum de Félicien David par Sebastian Lee a été édité en tout premier lieu chez Mme Cendrier. Source: BnF

La couverture de l’édition de 1859 de l’opéra complet de Félicien David, Herculanum [3] Il est écrit en bas de la page « Paris, au magasin de musique du CONSERVATOIRE, Faubourg Poissonnière 11, Mme CENDRIER éditions, Propriété pour tous les pays.

Madame Cendrier aurait donc eu la gestion du magasin de musique du conservatoire (écrit en lettres capitales sur la couverture, s’il vous plait!)? Cette « tag line » comme on l’appellerait aujourd’hui, me laisse un peu perplexe. Le conservatoire était situé, depuis le 1er avril 1816, à l’hôtel des Menus-Plaisirs, actuel 2 bis rue du Conservatoire et rue Bergère [4]

L’hôtel des Menus-Plaisirs en 1874 – Conservatoire national de Musique et de Déclamation (démoli) [5]

Le 11, Faubourg Poissonnière (aujourd’hui boulevard Poissonnière) n’est pas exactement au même endroit. Le boulevard Poissonnière est parallèle à la rue Bergère. Le magasin de Céleste Cendrier n’est donc pas dans le conservatoire. A-t-elle donc l’exclusivité des achats du conservatoire? Ca m’étonnerait. J’opterais plus volontiers pour un argument marketing bien trouvé. Elle avait sans doute le conservatoire dans sa clientèle, mais pas que. Quant au conservatoire, il n’avait pas de raison de se limiter à une seule maison d’édition musicale. Les marchés publics sont ce qu’ils sont, je ne doute pas que les procédures aient été aussi lourdes qu’aujourd’hui pour signer un fournisseur, mais sans preuve tangible d’un quasi-monopole sur le marché du conservatoire de Paris, je reste circonspecte sur les implications socio-économiques de la déclaration « magasin du CONSERVATOIRE » comme écrit sur la couverture d’Herculanum.

Source: Google Maps

En tout cas, nous savons désormais que cette bonne Céleste Cendrier avait cassé sa pipe en 1859, que son magasin du CONSERVATOÂRE faisait sans doute l’objet de toutes les convoitises dans un marché de l’édition musicale en tension, et allait être racheté par un certain E. Saint-Hilaire dont je ne sais rien. En allant chercher du côté du nom de famille je tombe sur une lignée de naturalistes / zoologistes, donc à mon humble avis, une mauvaise piste. J’ai également investigué un certain Emile Marco de Saint-Hilaire (1796-1877), feuilletonniste de l’époque, mais rien ne prouve qu’il s’agisse à coup sûr de notre homme.

Quant à Brandus, qui suggère à Sebastian Lee de solliciter August Bock pour faire publier son morceau sur l’opéra du Pardon de Ploërmel de Giacomo Meyerbeer, il le fait parce que Giacomo publie chez lui (c’est un ami). Chose intéressante: Brandus a déjà publié le morceau de salon de Sebastian Lee sur l’opéra le Pardon de Ploërmel en 1860. Alors qu’est-ce qui se passe?

Morceau de salon pour violoncelle avec accompagnement de piano sur l’opéra le Pardon de Plöermel de Giacomo Meyerbeer par Sebastian Lee (opus 90), publié chez G. Brandus & S. Dufour..

La société Brandus & cie est fondée en 1846 à Paris après rachat de la « Société pour la publication de la musique classique et moderne à bon marché » de Maurice Schlesinger, créée en 1834. Louis Brandus, employé de Schlesinger, récupère l’affaire qu’il dirigera tant bien que mal avec son frère Samuel, dit Gemmy, tout deux d’origine Allemande mais naturalisés français. Les dettes accumulées par Maurice Schlesinger seront difficiles à éponger, alors que Schlesinger, magnat dur en affaire, avait installé sa réputation, et dans une certaine mesure, son empire à Paris. Cet immigré Allemand, fils de libraire est, entre autres choses, le fondateur de la Gazette Musicale de Paris de janvier 1834 à octobre1835 avant qu’elle ne soit fusionnée à la Revue Musicale de François-Joseph Fétis créée le 8 février 1827. Après fusion, le titre Revue et Gazette Musicale de Paris paraitra toutes les semaines jusqu’au 31 décembre 1880. [6]

Personnage incontournable de la place musicale parisienne, une citation tirée de l’ouvrage « Le Grand amour de Flaubert » par René Dumesnil décrit Schlesinger comme suit:

« Tout musicien espérant connaître la renommée, se devait de passer par lui, souvent à compte d’auteur et sans espoir d’entrer dans ses frais. »

Ci-contre, une réclame de Maurice Schlesinger dans la Gazette musicale de Paris volume I de 1834. On lit:

Abonnement de Musique d’un genre nouveau. pour la musique instrumentale et pour les partitions d’opéra.

L’abonné paiera la somme de 50frs [Francs]; il recevra pendant l’année deux morceaux de musique instrumentale ou une partition et un morceau de musique, qu’il aura le droit de changer trois fois par semaine; et au fur et à mesure qu’il trouvera un morceau ou une partition qu’il lui plaira, dans le nombre de ceux qui figurent sur mon catalogue, il pourra le garder jusqu’à ce qu’il en ait reçu assez pour égaler la somme de 75Frs., prix marqué, et que l’on donnera à chaque abonné pour les 50 francs payés par lui. De cette manière, l’ABONNE aura la facilité de lire autant que bon lui semblera, en dépensant cinquante francs par année, pour lesquels il conservera pour 75Fr. de musique.

L’abonnement de six mois est de 30 francs, pour lesquels on conservera en propriété pour 45fr. de musique. Pour trois mois le prix est de 20fr., on gardera pour 30fr. de musique. En province, on enverra quatre morceaux à la fois. Affranchir.

N.B: Les frais de transports sont au compte de MM. les abonnés. — Chaque abonné est tenu d’avoir un carton pour porter la musique. (Affranchir.)

Gérant, MAURICE SCHLESINGER.

C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui « un volumiste » dans le jargon commercial actuel. Un business model très novateur pour l’époque, pour ne pas dire visionnaire puisque le marché de la musique commence tout juste à s’ouvrir à une bourgeoisie naissante qu’il faut servir pour capter leurs deniers. On en est pas encore à l’étiquette de retour Amazon, mais Momo Schlesinger, qui avait le sens des affaires et le goût du risque, avait bien compris qu’en réduisant ses marges tout en ayant des prix d’appel imbattables, il s’ouvrait à une clientèle immense qui allait dépenser sans compter et qu’il garderait captive grâce à son système d’abonnement. En réalité, la course à la vente est déjà très largement en marche dans la première moitié du XIXème siècle, comme énoncé par Mollier & Sorel dans leur ouvrage sur l’histoire de l’édition en France:

« C’est de ce côté du Rhin [en France] que démarra la révolution du livre de poche (1838-1953), que les collections de livres se multiplièrent presque à l’infini, que tout fut mis en œuvre pour pour faire acheter, consommer le maximum d’ouvrages imprimés. » [8]

Voilà, la messe est dite. Momo Schlesinger et ses combines pour faire consommer de la partition musicale à gogo sont tout bonnement un fait d’époque.

C’est donc intéressant de replacer Brandus & Cie, ex-Schlesinger, sur l’échiquier des libraires éditeurs de musique car tout d’un coup, le magasin de musique du CONSERVATOÂRE de Céleste Cendrier parait moins hégémonique. Ceci étant, la vie n’a pas été un long fleuve tranquille pour Brandus & Cie qui écopaient des dettes de l’époque Schlesinger dont le côté splendeur et décadence à la Paul-Loup Sulitzer n’aura échappé à personne. Spoiler alert, âmes sensibles, passez directement au paragraphe suivante, c’est le moment glauque de l’histoire. Le frangin Samuel/Gemmy ne devient partenaire qu’en 1850, s’en suit l’acquisition de l’éditeur Troupenas, puis en 1854, l’arrivée de Selim-François Dufour qui devint partenaire en sauvant la maison de la faillite. Louis Brandus se retire, passant alors la main à son fils et à son associé. La maison d’Edition prit le nom de G. Brandus, Dufour & Cie; mais le 16 février 1858, les actionnaires décident de sa dissolution; le magasin de détail parisien, le fonds de Saint-Pétersbourg et une partie des œuvres sont vendus. Le reste du fonds est repris dans une société de nom commun qui prend pour nom G. Brandus & S. Dufour. L’entreprise se spécialise dans la publication d’opérettes à succès, donc changement de business model, mais lutte toujours, plus de 10 ans après son rachat, avec les dettes héritées de Momo-la-flambe-Schlesinger qui a dû bien claquer le grisbi, y compris celui des autres, tant qu’il a pu. Après 10 ans d’existence, le magasin parisien de détail du 103 rue de Richelieu est racheté. Aux décès de Selim Dufour et Gemmy Brandus à trois mois d’intervalle, Louis Brandus reprend la direction de l’affaire en 1873 mais ses efforts pour faire repartir les affaires restent vains et, ruiné, il se suicide par empoisonnement en 1887.

Je sais, c’est l’horreur, mais ça fait partie de l’histoire de notre lettre, puisqu’en 1858, il y a une rupture suite à la dissolution et au changement de ligne éditoriale, et que c’est pour cette raison que Brandus, qui compte Sebastian Lee à son catalogue, compositeur de la première heure, publié chez Schlesinger comme chez Brandus depuis au moins 20 ans, n’est plus en position de soutenir ses œuvres puisqu’ils ont décidé (ou ont été contraints par les actionnaires suite à la dissolution) de se concentrer sur les opérettes à succès. La maison Brandus en pleine tourmente doit se résoudre à l’envoyer vers Bote & Bock, peut-être tout simplement parce-qu’ils devaient être la maison attitrée de Giacomo Meyerbeer en Allemagne.

Traditionnellement, Sebastian Lee était publié chez Cranz ou chez Böhme à Hambourg, en Allemagne, en tout cas à ses débuts, avant d’émigrer à Paris. Cependant, chez Cranz, c’est le rejeton Alwin (1834-1953) qui a repris l’affaire après papa en 1857, à l’âge de 23 ans, soit seulement 2 ans avant notre lettre. Sebastian Lee, déjà installé à Paris depuis presque 20 ans n’a peut-être plus ses entrées chez Cranz. Quant à Böhme, il y a probablement une histoire d’amitié puisque l’opus 110 de Sebastian Lee est dédié à August Böhme, qui reprendra aussi l’affaire familiale en 1839. L’essor de cette entreprise est surtout caractérisé par l’institution de prêt de musique géré en plus, et qui, après la fusion avec August Cranz en 1887, était la société leader en Allemagne avec ses 300 000 numéros.

Couverture de la première édition de l’opus 110 de Sebastian Lee « Elégie pour violoncelle et piano », 1866. Disponible sur ce site en version republiée et Collector ici.

En tout, ce sont 25 Allemands qui s’installent en tant qu’éditeurs musicaux en France entre 1760 et 1860 d’après l’excellente recherche d’Anik Devriès-Lesure [9]. Elle répertorie ainsi les arrivants:

« Ils ont été probablement plus nombreux, mais nous n’avons comptabilisé que ceux dont nous étions sûrs du lieu de naissance, dont voici la liste avec la date de leur arrivée :

  • Huberty (1758),
  • Sieber (1762),
  • Heina (1764),
  • Naderman (1764),
  • Guéra (1772, s’installe à Lyon),
  • Mezger (1785),
  • Bochsa (1786),
  • Henri Simrock (1791, frère de Nicolas Simrock de Bonn),
  • Pleyel (1792),
  • Reinhard (1795 à Paris, 1801 à Strasbourg),
  • Kreutzer (1802, dirige avec Cherubini et Méhul le Magasin de musique),
  • Frédéric André (1804, directeur de l’Imprimerie lithographique),
  • Meysemberg (1810),
  • Schlesinger (1821),
  • Jean et André Schott (1826-1829, avec Edouard Jung comme gérant),
  • Kalkbrenner (1829, associé à Pleyel),
  • Heinrich Probst (1831),
  • Schmidt et Grucker (1834-1848, à Strasbourg),
  • Jean Hartman (1834, chez Troupenas ; 1838, fonde sa propre maison),
  • Louis & Gemmy Brandus (1845),
  • Schott (1862-1888, Knoth gérant),
  • Enoch (1863, avec succursales fondées en même temps à Londres et Bruxelles),
  • Schoenewerk (1869, associé de Durand). »

Vous en conviendrez comme moi, ça faisait du choix pour poursuivre une collaboration avec un éditeur musical Allemand à Paris. On se demande donc ce qui pousse Sebastian Lee a aller tenter sa chance à Berlin chez August Bock pour se faire publier ses opus 90 et 91 alors qu’il ne le connait même pas.

Pour Herculanum, le cas de son auteur Félicien David me chiffonne un peu. J’ai 2 sources qui soutiennent une thèse qui n’est pas corroborée par mes documents. La légende raconte qu’en 1846, son œuvre Le Désert est représentée en grande pompe avec costumes dans la salle de spectacle d’Aix-la-Chapelle. Une performance grandiose où paraissent quarante figurants et deux chameaux en carton. Si le Désert fût pour Félicien David l’œuvre de la consécration après de longues années de vache maigre, les affaires du compositeur sont cependant au plus mal, car il doit 2 000 francs aux artistes ayant exécuté son œuvre, et son concert ne lui a rapporté que 800 francs. Pour liquider sa dette, il aurait résolu de céder à un éditeur de musique l’entière propriété de son ouvrage pour la modeste somme de 1 200 francs. Et de qui s’agit-il? Des frères Marie (Pierre-Pascal) & Léon Escudier. 2 squales de l’édition musicale parisienne qui lui font signer un contrat d’exclusivité, ce qui, semble t-il, lui pourrira la vie jusqu’au bout. Les relations entre Félicien David et la fratrie Escudier, volontiers qualifiée de « perfide », sont « glaciales » [3] Je ne suis pas sûre pour autant qu’une dette soit à l’origine de la signature de ce contrat. Félicien David, orphelin et sans le sous avait besoin de rentrées d’argent avec ou sans les chameaux en carton d’Aix-la-Chapelle. Les frangins Escudier, s’ils lui ont proposé un accord lui permettant de se mettre un peu au sec, sont arrivé comme une manne providentielle dont Félicien David avait désespérément besoin. C’est la grande histoire du show biz qui a perduré, malheureusement pour beaucoup d’artistes, jusqu’à l’émergence d’internet et la possibilité de s’autoproduire en s’affranchissant des labels musicaux trop gourmands. Pour reprendre une citation lue récemment et qui m’a beaucoup plus: « l’industrie musicale n’a que très peu d’un monde meilleur, et beaucoup du Meilleur des Mondes. » [10] Quant à cette histoire d’exclusivité chez Escudier, comment alors expliquer que la partition d’Herculanum en 1859 se retrouve au catalogue de Céleste Cendrier, au magasin du CONSERVATOÂRE?

Les frères Escudier sont nés à Castelnaudary, dans l’Aude. Très jeunes ils s’installent ensemble à Paris et fondent en 1838 leur maison d’édition musicale ainsi que l’hebdomadaire La France Musicale, exactement comme Momo Schlesinger qui les devançait de quelques années. Chez Escudier frères, c’est Giuseppe Verdi l’étoile attitrée. Léon Escudier, dirigera en plus la Salle Ventadour de 1876 à 1878 et Marie (Pierre-Pascal) Escudier écrira plusieurs ouvrages sur la musique en collaboration avec son frère. [9] Bien introduits dans la place musicale parisienne, ces 2 là ne sont pas tout mauvais. Ils ont chacun une épouse artiste (une pianiste et une chanteuse lyrique) et donnent l’impression d’être passionnés par ce qu’il font. Mais les affaires sont les affaires et Félicien David en fera apparemment les frais.

Il y a donc bien des considérations de contrats d’exclusivité, surtout en ce qui concerne les fantaisies sur des airs d’opéras. Je n’ai pas encore réussi à aller jusqu’au bout de cette recherche mais il semblerait que les maisons d’éditions commandaient ces fantaisies pour différents instruments et que cela tenait peut-être, et là c’est une hypothèse de ma part, au fait que la maison en question était l’éditeur exclusif de l’œuvre originale. J’ai, par exemple, dit que les frères Brandus étaient amis avec Giacomo Meyerbeer, et qu’ils publiaient traditionnellement ses œuvres. Il eut été logique que les mêmes se chargent des réductions et autres fantaisies pour différents instruments inspirées de l’opéra publiée chez eux. Les publicités qui paraissent pour annoncer ces sorties vont d’ailleurs dans ce sens.

Revue et gazette Musicale N°10 du 8 mars 1857, publicité de Brandus, Dufour & Cie éditeurs pour l’opéra Oberon de Weber et ses différents arrangements, tous édités dans la même maison.

On le voit, Sebastian Lee n’avait que l’embarras du choix. Musicien en vue, compositeur à succès, il était à une étape de sa carrière et dans un contexte économique qui faisait que s’il tapait dans un arbre, 10 maisons d’éditions en tombaient prêtes à le publier. Pourquoi donc aller se compliquer la vie à republier 2 œuvres déjà parues en France en Allemagne? Les éditeurs musicaux ont déjà pour beaucoup des succursales et des accords avec d’autres maisons pour assurer leur présence à l’international, certes, un coup du sort fait qu’en 1859, les maisons Cendrier comme Brandus prennent un coup de plomb dans l’aile, mais je ne pense pas que Sebastian Lee ait pris à sa charge la distribution de ses opus au-delà des frontières pour compenser le travail de ses éditeurs sur le déclin en France. C’était plus facile de retrouver une bonne maison à l’assise international à Paris. Pourtant, ce n’est pas le choix qu’il fait.

Pour ma part, je pense que Sebastian Lee prépare son retour en Allemagne. Il a déjà travaillé 19 ans en tant que violoncelle solo à l’opéra de Paris, il en faut 25 pour pouvoir prendre sa retraite. Sa fille Caroline n’a encore que 16 ans, mais elle sera bientôt en âge de se marier. Son fils ainé, Edouard, publie cette année là chez Simon Richault (donc à Paris) sa sérénade « Réponds-moi », œuvre non numérotée et dédiée à M. Roger, superstar lyrique de l’opéra de Paris. Simon Richault est un éditeur musical spécialisé dans les compositeurs Allemands de légende ou en devenir; aujourd’hui on appellerait ça un talent scout. Installé depuis 1805 au N°26 du boulevard Poissonnière, son affaire est florissante. Notre Cher Sebastian, rockstar de son époque, aurait pu aussi choisir de frapper à sa porte puisque son fils y avait déjà publié un ouvrage. En fait, compositeur de talent et violoncelle solo du grand opéra de Paris, il aurait pu frapper à n’importe quelle porte. Je pense que notre compositeur contemple sérieusement l’idée de rentrer au pays. Je ne sais pas encore pourquoi, parce qu’à présent il est clair que le départ pour Hambourg a lieu après le mariage de Caroline en 1865 avec César Böckmann. En mars 1866, le décès d’un premier violoncelle de l’opéra de Paris, annoncé dans une lettre du violoncelliste Henri Lütgen, remplaçant d’Emile Norblin nous l’apprend (voir le billet « Du Rififi à l’opéra« ). Sebastian Lee n’est plus en poste à l’opéra de Paris à ce moment-là. Il penserait déjà au retour en 1859? Une piste que je vais suivre avec intérêt.

Cette lettre est le signe d’un changement d’époque pour notre Sebastian Lee. Après la consécration des années 1840, l’assise formelle et le statut de virtuose d’élite obtenu à l’opéra pendant les années 1850 ou il va multiplier les projets, poursuivre les collaborations et remporter tous les suffrages à chaque passage dans la presse, il semble que 1859 marque la fin d’une époque et un désir de retour à la terre natale. Les raisons de ce désir ne semblent pas affecter sa musique puisqu’il poursuivra ses compositions, pour ses élèves, sur des airs d’opéras en vogue ainsi que des pièces originales du répertoire classique jusqu’à ses derniers jours à un rythme constant. Il a une place relativement sécurisée à l’opéra de Paris que seul un problème de santé aurait pu mettre en péril, et je n’ai rien vu de tel aux Archives de Pierrefitte. Il ne reste que les raisons familiales ou un profond mal du pays puisque dans la tourmente des maisons d’éditions de la place parisienne (décès de Céleste Cendrier, liquidation et changement de ligne éditoriale chez Brandus & Cie), notre compositeur ne recherche pas d’autre maison parisienne. Son regard, en 1859, est tourné vers l’Allemagne, sa partie natale.

Pour conclure, sachez que Sebastian Lee obtiendra d’August Bock la publication de son morceau sur l’opéra Le Pardon de Ploërmel de Giacomo Meyerbeer. En revanche, son « morceau léger » sur Herculanum de Félicien David sera édité chez Breitkopf & Härtel. 2 compositeurs différents et 2 maisons d’éditions distinctes pour les réductions pour violoncelle tendent à aller dans le sens de ma théorie des exclusivités des maisons d’éditions sur certaines œuvres ou certains compositeurs, ainsi que leurs réductions et autres adaptations, morceaux de salon et transcription pour d’autres instruments.

Extrait du catalogue de Sebastian Lee connu à ce jour. Source: https://imslp.org/wiki/List_of_works_by_Sebastian_Lee

Il est temps, à présent, d’écouter ce fameux opus 91; cette pièce de violoncelle avec accompagnement de piano qualifiée de « légère » par Sebastian Lee. Elle n’a été enregistrée qu’une seule fois, à ma connaissance, mais nous avons de la chance, c’est par des Grands Maîtres. Il s’agit de Christophe Coin, auprès de qui je m’excuse s’il tombe un jour sur cette page car mon piètre enregistrement ne rend pas justice à son violoncelle napolitain du début du XVIIIème siècle. Il est accompagné de Jean-Jacques Dünki au piano.

« Souvenir d’Herculanum » (opéra de Félicien David), morceau de salon pour violoncelle et piano: Andante – Allegro Grazioso – Allegro Moderato. Exécuté par Christophe Coin au violoncelle Alessandro Gagliano, Naples vers 1720 et Jean-Jacques Dünki, pianino Kunz Neuchâtel, vers 1845, Laborie Records, 2011.

Et à présent, l’ouverture de l’opéra « Herculanum » de Félicien David dont j’apprécie particulièrement le thème de violoncelle, de 0:44 à 1:19 avant que d’autres instruments ne viennent trop s’en mêler. Il est intéressant de noter que Sebastian Lee a privilégié les airs lyriques dans son morceau de salon, à raison, d’ailleurs, car c’était bien cela qui était populaire auprès du public et c’est ce qui les rend beaux et appréciables à mon oreille peu encline au chant lyrique et à beaucoup œuvres orchestrales (et oui, c’est comme ça, je trouve aussi qu’il y a souvent trop de violon et d’alto dans la musique de Chambre, allé, on s’en remet, je reste une personne fréquentable pour autant), la pépite de cette pièce de musique, pour moi, est contenue dans la minute et les 15 secondes de thème de ce beau violoncelle. Cependant, comme vous êtes mignons, j’ai aussi inclus du chant dans l’extrait que je vous propose ci-dessous. Sans rancune 😉

« Herculanum », opéra de Félicien David, exécuté par l’orchestre philarmonique de Bruxelles dirigé par Hervé Niquet, Février-Mars 2014, Palazzetto Bru Zane – centre de musique romantique française, 2015. Chef de pupitre des violoncelles: Luc Tooten, co-chef de pupitre des violoncelles: Karel Steylaerts. Violoncelles: Kirsten Andersen, Jan Baerts, Solène Baudet, Johannes Burghoff, Barbara Gerarts, Emmanuel Tondus, Elke Wynants.

Notes

[1] Céleste cendrier sur imslp [URL: https://imslp.org/wiki/Cendrier accédé en juin 2024]

[2] Céleste Cendrier [URL https://digital.library.mcgill.ca/fsm/article.php?article=03 accédé en juin 2024]

[3] Alexandre Dratwicki & al. Herculanum, Félicien David 1859, Ediciones Singulares – Centre de Musique Romantique Française, Palazzetto Bru Zane, 2015

[4] France Archives [URL: https://francearchives.gouv.fr/fr/authorityrecord/FRAN_NP_051493 accédé en juin 2024]

[5] Paris-Promeneurs, carte postale de l’Hôtel des Menus-Plaisirs, rue Bergère, Paris IXe [URL: https://paris-promeneurs.com/L-hotel-des-Menus-Plaisirs-demoli/ accédé en juin 2024]

[6] La Revue Musicale de Paris et la Gazette et Revue Musicale de Paris, Doris Pyee-Cohen et Diane Cloutier, RIPM Consortium Ltd, 1999 [URL: https://docslib.org/doc/8829537/la-gazette-musicale-de-paris-la-revue-et-gazette-musicale accédé en juin 2024]

[7] Feldmann, Fritz, « Böhme, Johann August » dans : Neue Deutsche Biographie 2 (1955), p. 390 [version en ligne] ; URL : https://www.deutsche-biographie.de/pnd116221054.html#ndbcontent accédé en juin 2024]

[8] Jean-Louis Mollier & Patricia Sorel, L’histoire de l’édition, du livre et de la lecture en France aux XIXe et XXe siècles, ed. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1999, p42 [URL: https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1999_num_126_1_3280 accédé en juin 2024]

[9] Anik Devriès-Lesure, « Un siècle d’implantation allemande en France dans l’édition musicale, (1760-1860) »Institut de recherche sur le patrimoine musical en France, 2002 [URL: https://books.openedition.org/editionsmsh/6755 accédé en juin 2024]

[10] Inter territoires Electroniques, UTM / Parallax Lab, Université Toulouse le Miral, 2002, p

[11] Léon Escudier sur Wikipedia [URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Escudier#cite_note-:0-5 accédé en juin 2024] et Marie (Pascal) Escudier sur Wikipedia [URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Escudier accédé en juin 2024]

xxx

1859: A Turning Point in Sebastian Lee’s Life Discovered in a New Letter

Banner image: Man Writing a Letter by Gabriel Metsu (circa 1664-66)

Author: Pascale Girard, with the kind help of Sheri Heldstab and Regina Vonrüden

Translation: Sheri Heldstab

If I told you that I have always discovered my greatest treasures while I was looking for something completely different, would you believe me? Yet that is exactly what happened with the letter below, which appeared as if by magic while I was rummaging through the database of the Staatsbibliothek in Berlin looking for a composition that still eludes me. Miraculously, I came across this extraordinary document. It is always a joy to find a letter because it allows you to understand the writer’s character and personality a bit more – the tone, the style, the spelling, the chosen vocabulary, and above all, above all! The penmanship! How wondrous! So today I present this document to you and explain why it reveals a key stage in the composer’s life.

First of all, I need to especially thank Regina Vonrüden who did the German translation in record time. This exercise is not only a challenge because of the archaic aspects of the vocabulary used and the turns of phrase, but also because it is also a challenge to decipher it, as the handwriting poses particular difficulties. Some capital letters are misleading, and may even look like other letters, in short, it is a complex treasure hunt and we were delighted to work with Regina and Sheri Heldstab, whom you may know as the English translator of the website and this blog. I was also involved, because three brains were necessary to unravel the mysteries of this 19th century handwritten letter, which was written in German.

Source: Université d’Etat de Berlin. Kalliope : DE-611-HS-1953139, http://kalliope-verbund.info/DE-611-HS-1953139

Paris den 4 den October 1859.

Herren Bote & Bock.

Herr Brandus sagt mir daß Sie geneigt wären eine kleine Piece die ich über Le Pardon du Ploërmel für Violoncelle mit Piano Begleitung (Oeuv: 90) gemacht habe, in Ihrem Verlage erscheinen zu lassen. Es würde mich sehr erfreuen bey dieser Gelegenheit mit Ihnen in Verbindung zu treten. Zu gleicher Zeit möchte ich Ihnen ein zweites Stück über die schönsten Themas aus der Oper Herculanum ebenfalls für Vlle und Piano (Oeuv: 91.) deren erste Probe Blätter ich diese Tagen erwarte, anzubinden. Ich würde Ihnen beyde Stücke für 100 frs zusammen lassen, und hoffe, im Fall Sie sie annehmen würden, daß Sie mit deren Erfolg, da beyde leicht sind, zufrieden seyn werden. Ich ersuche Sie höflichst mich sehr bald mit Ihrer Antwort zu erfreuen.

Hochachtungsvoll

Der Ihrige  S. Lee 73, rue des Martyrs 

[Approximate translation from the original German:

Paris the 4th of October 1859.

Misters Bote & Bock.

Mister Brandus tells me that you would be inclined to have a small piece that I wrote about “Le Pardon de Ploërmel” [an opera by Giacomo Meyerbeer] for cello with piano accompaniment (Opus 90) to be published by your publishing house. I would be very pleased to take this opportunity to get in touch with you. At the same time, I would give you a second piece on the prettiest [of the] themes from the opera Herculanum [by Félicien David], also for cello and piano (Opus 91.), whose first sample sheets[proofs] I expect to be tied[bound] in the next few days. I would let you have both pieces together for 100 francs, and hope that if you accept them, you will be happy with their success, as both are light[easy to play]. I most politely request that you please me with your reply very soon[Please do me the honor of replying very soon].

Sincerely Yours         

S. Lee

73, rue des Martyrs  ]

Bote & Bock is a German publishing house founded in 1838 by Gustav Bock (1813-1863) and Eduard Bote. However, in 1859, Bote had already left the company and Bock had been running it by himself for over 10 years. Also, there was only one Mr. Bock at this point in history, which confirms that Sebastian Lee did not know the individuals personally. For the record, this Berlin publishing house owes its success to a series of acquisitions since its creation: first with the acquisition of C. W. Froehlich & Co, then Moritz Westphal (1840), and finally Thomas Brandenburg (1845). It was under the leadership of Hugo Bock (1848-1932), Gustav’s son, that the publishing house gained an international reputation. Young Hugo, at age 15, found himself shoved into the management of the family business, following the death of his father in 1863, but his uncle Emil Bock (1816-1871) stayed by his side for 7 years and co-managed the business. When his uncle died in 1871, Hugo was 23 and found himself alone at the helm. It was at this time that Bote & Bock became truly international. The company remained in the Bock family and was passed down from father to son until 1932, and in 1996, the British Boosey & Hawkes bought their catalogue but kept the name Bote & Bock. So why did Sebastian Lee want to publish his opus 90 and 91 with them in 1859?

The first explanation could be due to the situation of the French publisher with whom our composer had his “light” piece on the opera Herculaneum published. This was Madame [Céleste] Cendrier [1, 2]. She was active on the Parisian stage from 1839 to 1859, until her death, after which the business was bought by E. Saint-Hilaire, then Auguste O’Kelly (1829-1900) in 1872. The catalogue contains a list of more than 500 pieces according to the BnF, among them popular works by Paul Henrion (1817-1920), Antoine-Louis Clapisson (1808-1866), as well as the operas of Felicien David (1810-1876) and Victor Massé (1822-1884). The Canadian Marvin Duschow Music Library describes Cendrier in  an article on the work of women in music in France during the 19th century. I cannot recommend this article highly enough:

Céleste Cendrier (1812–ca. 1859) is perhaps a good example – in addition to publishing a variety of works for voice and piano, as evidenced by the advertising for her Nouveautés Musicales, she also owned a music store. There were also engravers, whose work often went unnoticed, their names either not mentioned or relegated to the bottom of the page. For example, Mrs. Lamourette engraved the music on the metal plate used to print La Sincère by Pauline Duchambge. [2]

Extract from the BnF catalogue confirming that the first edition of the salon piece composed by Sebastian Lee for cello with piano accompaniment on the opera Herculanum by Félicien David was first published by Mrs. Cendrier. Source: BnF

The cover of the 1859 edition of Félicien David’s complete opera, Herculanum [3] The bottom of the page reads:

“Paris, at the music store of the CONSERVATOIRE,
Faubourg Poissonnière 11, Mme[Madame] CENDRIER éditions,
Property for all countries”.

So Madame Cendrier would have managed the music store of the conservatory (written in capital letters on the cover, please!)? This “tag line” as we would call it today, leaves me a little perplexed. Since April 1, 1816, the conservatory was located at the Hôtel des Menus-Plaisirs, now 2 bis rue du Conservatoire and rue Bergère [4]

The Menus-Plaisirs hotel in 1874 – National Conservatory of Music and Declamation1 (demolished) [5]

[Number] 11, Faubourg Poissonnière (today Boulevard Poissonnière) is not exactly in the same place. Boulevard Poissonnière is parallel to Rue Bergère. Céleste Cendrier’s store is therefore not located inside of the conservatory. Does she have exclusive rights for purchases made by the conservatory? I would be surprised if that were true. I would, however, believe it to be a brilliant marketing strategy. The conservatory was probably among her client list, but it is not likely to be her only customer. As for the conservatory, it had no reason to limit itself to a single music retailer or publishing house. Market forces being what they are, I have no doubt that the procedures to contract as a sole supplier were as cumbersome then as they are today. Lacking tangible proof of a quasi-monopoly on the Paris Conservatory market, I remain suspicious of the declaration “CONSERVATOIRE store” as written on the cover of Herculanum.

Source: Google Maps

In any case, we now know that our Mrs. Céleste Cendrier had left this mortal realm in 1859, and that her CONSERVATOIRE shop was probably highly coveted in a tense music publishing market. It would eventually be purchased by a certain E. Saint-Hilaire about whom I know nothing. When researching the family name, I came across a line of naturalists and zoologists, so in my humble opinion, this is a bad lead. I also investigated a certain Emile Marco de Saint-Hilaire (1796-1877), a serial author of the time, but nothing proves that he is definitely our man.

As for Brandus, who suggests to Sebastian Lee that he write to August Bock about publishing his piece on the opera Le Pardon de Ploërmel, he does so because Giacomo is a friend who publishes compositions with Lee. Interestingly, Brandus had already published Sebastian Lee’s salon piece on the opera Le Pardon de Ploërmel in 1860. So what is going on?

Salon piece for cello with piano accompaniment on the opera Le Pardon de Plöermel by Giacomo Meyerbeer by Sebastian Lee (opus 90), published by G. Brandus & S. Dufour.

The company Brandus & cie was founded in 1846 in Paris after the purchase of the “Société pour la publication de la musique classique et moderne à bon marché” which was created in 1834 by Maurice Schlesinger. Louis Brandus, an employee of Schlesinger, took over the business, which he managed as best he could with his brother Samuel, known as Gemmy, both of German origin but naturalized French citizens. The debts Maurice Schlesinger, a hard-working business magnate, had accumulated while he was establishing his reputation, and to a certain extent, his empire in Paris, were difficult to pay off. Brandus, the German immigrant and son of a bookseller, was, among other things, the founder and publisher of the Gazette Musicale de Paris from January 1834 to October 1835 before it was merged with the Revue Musicale created by François-Joseph Fétis  on February 8, 1827. After the merger, the title Revue et Gazette Musicale de Paris will appear every week until December 31, 1880. [6]

Schlesinger was a key figure in the Parisian musical scene, as shown by this quote taken from the book “Le Grand amour de Flaubert” by René Dumesnil, who describes Schlesinger as follows:  “Any musician hoping to achieve fame had to go through him, often at his own expense and with no hope of covering his expenses.”

Opposite, an advertisement by Maurice Schlesinger in the Gazette musicale de Paris volume I from 1834. It reads:

[Approximate translation:

Subscription to Music of a new kind. For instrumental music and for opera scores.

The subscriber will pay the sum of 50fr [Francs]; he will receive during the year two pieces of instrumental music or a score and a piece of music, which he will have the right to exchange three times a week; and as and when he finds a piece or a score that he likes, among the number of those that appear in my catalog, he will be able to keep it until he has received enough to equal the sum of 75 fr., list price, and which will be given to each subscriber for the 50 francs paid by him. In this way, the SUBSCRIBER will have the ability to read as much [new music] as he pleases, by spending fifty francs per year, for which he will keep 75fr of music.

The subscription for six months is 30 francs, for which 45fr. of music will be kept as property. For three months the price is 20fr., he will keep 30fr. of music. In the provinces, we will send four pieces at a time. [You will] Pay postage.

Note:  The shipping costs are the responsibility of the subscribers. — Each subscriber is required to have a box to carry the music. ([Subscriber will] Pay postage.)

Manager, MAURICE SCHLESINGER.  ]

This is what we would call “a volume business2” in today’s commercial jargon. It was a very innovative business model at the time, not to say visionary since the music market was just beginning to open up to the new middle class that had to be served in order to capture their money. We haven’t yet reached the Amazon return label, but Momo3 Schlesinger, who had business acumen and a taste for risk, had understood that by reducing his margins while having unbeatable introductory prices, he was creating for himself a huge client base who could spend without worrying about their household budget and whom he could keep captive thanks to his subscription system. In reality, the race to sell was already very much underway in the first half of the 19th century, as stated by Mollier & Sorel in their work on the history of publishing in France:

“It was on this side of the Rhine [in France] that the paperback revolution began (1838-1953), that book collections multiplied almost infinitely, that everything was done to make people buy and consume as many printed works as possible.” [8]

There you have it. The die was cast and there was no turning back. Momo Schlesinger and his schemes to make people consume scores galore are quite simply a sign of the times.

It is therefore interesting to place Brandus & Cie, formerly owned by Schlesinger, on the chessboard of music publishers because, all of a sudden, the music store of Céleste Cendrier’s CONSERVATOIRE seems less dominating. That being said, life has not been a smooth ride for Brandus & Cie, which was saddled with debts from the Schlesinger era, whose splendor and decadence much like  Paul-Loup Sulitzer will not have escaped anyone. Spoiler alert, sensitive souls, skip to the next paragraph, this is the dark moment of the story.

Brother Samuel/Gemmy only became a partner in 1850, followed by the acquisition of the publisher Troupenas, then in 1854, the arrival of Selim-François Dufour who became a partner by saving the house from bankruptcy. Louis Brandus retired, then handing over to his son and his partner. The publishing house took the name G. Brandus, Dufour & Cie; but on February 16, 1858 (one year before our Sebastian wrote his letter to Messrs. Bote & Boke), the shareholders decided to dissolve company: the Parisian retail store, the Saint Petersburg fund and some of the works were sold. The rest of the fund was taken over by a joint-stock company which took the name G. Brandus & S. Dufour. This newly formed company specialized in publishing successful operettas, which was a change in business model, but more than 10 years after its acquisition, it still struggled with the debts inherited from Momo Schlesinger who must have blown the money, including that of others, while he could. After 10 years of existence, the Parisian retail store at 103 rue de Richelieu was acquired. When Selim Dufour and Gemmy Brandus died three months apart, Louis Brandus took over the management of the business in 1873 but his efforts to get business going again were in vain and, financially ruined, he committed suicide by poisoning in 1887.

I know, it’s horrible, but it is part of the story of our letter, since in 1858, there was a break following the dissolution and the change of editorial line, and that’s the reason why Brandus, which counted Sebastian Lee in its catalogue from the very beginning, published by Schlesinger as well as Brandus for at least 20 years, is no longer in a position to support his works since they have decided (or have been forced by the shareholders following the dissolution) to concentrate on successful operettas. The Brandus house in full turmoil must resolve to send him to Bote & Bock, perhaps simply because they were supposed to be the house of record for Giacomo Meyerbeer in Germany.

Previously, Sebastian Lee was published by  Cranz ou chez Böhme in Hamburg, Germany, at least in its early days, before he emigrated to Paris. However, at Cranz, it was the son Alwin (1834-1953), at the age of 23, who took over the business after his father in 1857, only two years before our letter. Sebastian Lee, who had already been living in Paris for almost 20 years, may have lost his contacts at Cranz. As for Böhme, there is probably a story of friendship since Sebastian Lee’s opus 110 is dedicated to August Böhme, who also took over the family business in 1839. The rise of this company is mainly characterized by the music lending institution it managed, in addition to sales of publications, and which, after the merger with August Cranz in 1887, was the leading music publishing company in Germany with over 300,000 titles in its catalog.

Cover of the first edition of Sebastian Lee’s Opus 110 « Elegy for Cello and Piano », 1866. Available on our site in republished and Collector’s editions here.

In total, 25 Germans settled as music publishers in France between 1760 and 1860 according to the excellent research of Anik Devriès-Lesure [9]. According to her,

“There were probably more of them, but we only counted those whose place of birth we were sure of, here is the list with the date of their arrival:

  • Huberty (1758),
  • Sieber (1762),
  • Heina (1764),
  • Naderman (1764),
  • Guéra (1772, settled in Lyon),
  • Mezger (1785),
  • Bochsa (1786),
  • Henri Simrock (1791, brother of Nicolas Simrock from Bonn),
  • Pleyel (1792),
  • Reinhard (1795 to Paris, 1801 to Strasbourg),
  • Kreutzer (1802, runs the Music Store with Cherubini and Méhul),
  • Frédéric André (1804, director of the Lithographic Printing House),
  • Meysemberg (1810),
  • Schlesinger (1821),
  • Jean et André Schott (1826-1829, with Edouard Jung as manager),
  • Kalkbrenner (1829, associate of Pleyel),
  • Heinrich Probst (1831),
  • Schmidt et Grucker (1834-1848, to Strasbourg),
  • Jean Hartman (1834, at Troupenas; 1838, founds his own house),
  • Louis & Gemmy Brandus (1845),
  • Schott (1862-1888, with Knoth as manager),
  • Enoch (1863, with branches founded at the same time in London and Brussels),
  • Schoenewerk (1869, associate of Durand).”

Maybe you agree with me, it seems the decision was made to continue a collaboration with a German music publisher in Paris. We therefore wonder what pushes Sebastian Lee to try his luck in Berlin with August Bock to have his opus 90 and 91 published when he does not even know Bock.

For Herculaneum, the situation with its author, Félicien David, bothers me a little. I have two sources that support a theory that is not corroborated by my research. Legend has it that in 1846, his work Le Désert was performed with great pomp and ceremony in the Aix-la-Chapelle concert hall. It was said to be a grandiose performance in which forty extras and two cardboard camels appeared. If Le Désert was the work of exaltation after long lean years for Félicien David, the composer’s business financials were, however, dismal, because he owed 2,000 francs to the artists who had performed his work, and his concert had only brought him 800 francs. To settle his debt, he had decided to transfer the entire ownership of his work to a music publisher for the modest sum of 1,200 francs. And who were they? Brothers Marie (Pierre-Pascal) and Léon Escudier. – two sharks from the Parisian music publishing industry who made him sign an exclusive contract, which, it seems, would ruin the entire rest of his life. The relations between Félicien David and the Escudier siblings, readily described as “perfidious”, are “icy” [3] I am not sure, however, that debt was the reason for signing this contract. Félicien David, a penniless orphan, needed some income with or without the cardboard camels of Aix-la-Chapelle. The Escudier brothers, if they offered him a deal that would allow him to find shelter, came as a providential windfall that Félicien David desperately needed. This is the great story of show biz that has continued, unfortunately for many artists, until the emergence of the internet and the possibility of self-producing by freeing oneself from the extreme avarice of music labels. Or, as proclaimed in a quote I read recently and that I like a lot: “the music industry has very little of a better world, and a lot of the Brave New World.” [10] As for this story of exclusivity at Escudier, how does it explain that the score of Herculaneum can be found in the catalog of Céleste Cendrier, at the CONSERVATOIRE shop in 1859?

Caricatures of Léon and Marie Escudier, date and artist unknown.

The Escudier brothers were born in Castelnaudary, in the Aude. At a very young age, they moved together to Paris and founded their music publishing house and the weekly newspaper La France Musicale in 1838, exactly like Momo Schlesinger who was a few years ahead of them. With Escudier brothers, it is Giuseppe Verdi who is the star of the show. Léon Escudier, will also lead the Salle Ventadour from 1876 to 1878 and Marie (Pierre-Pascal) Escudier will write several works on music in collaboration with his brother. [9] Well introduced in the Parisian musical scene, these two are not entirely bad. They both have artistic wives (one, a pianist, and the other, an opera singer) and give the impression of being passionate about what they do. But business is business and Félicien David will apparently pay the price.

For Sebastian Lee, it appears that there are indeed considerations of exclusive contracts, especially with regard to fantasies on operatic airs. I have not yet managed to fully research this issue, but it would seem that the publishing houses ordered these fantasies for different instruments and I would guess (although this is only a guess) that this was perhaps due to the fact that the publisher in question was the exclusive publisher of the original work. For example, the Brandus brothers were friends with Giacomo Meyerbeer, and they traditionally published his works. It would have been logical for the same company to take charge of the publishing of the reductions and other fantasies for different instruments inspired by the very opera that they published in the first place. The advertisements announcing these secondary works seem to support my theory.

Revue et gazette Musicale No. 10 dated March 8, 1857, advertisement from Brandus, Dufour & Cie publishers for the opera Oberon by Weber and its various arrangements, all published by the same house.

As we can see, Sebastian Lee was spoiled for choices of publishers. A prominent musician, a successful composer, he was at a point in his career and in an economic situation that meant that if he hit a wall, there would easily be 10 other publishing houses ready to publish his works. So why go to the trouble of republishing two pieces in Germany which had already been published in France? Many music publishers already had branches and agreements with other houses to ensure their international presence. Of course, a stroke of bad luck meant that in 1859, the Cendrier and Brandus publishing houses took a hit, but I don’t believe that Sebastian Lee took on the distribution of his works outside of France to compensate for the work of his declining publishers in France. It was easier to find a good house with an international base in Paris. However, that was not the choice he made.

For my part, I think that Sebastian Lee is preparing for his eventual return to Germany. He has already worked 19 years as a solo cellist at the Paris Opera, where he would have been required to work 25 years before he could retire with an annuity. His daughter Caroline is still only 16, but she will soon be old enough to marry. His eldest son, Edouard, is publishing his serenade “Réponds-moi”, an unnumbered work dedicated to M. Roger, a vocal superstar of the Paris Opera, at Simon Richault (in Paris). Simon Richault is a music publisher specializing in legendary or up-and-coming German composers; today we would call him a talent scout. Established since 1805 at No. 26 Boulevard Poissonnière, his business is flourishing. Our dear Sebastian, a rock star of his time, could also have chosen to knock on his door since his son had already published a work there. In fact, as a well-known, talented composer and solo cellist of the Grand Opera of Paris, he could have knocked on any door. I think our composer is seriously contemplating the idea of returning home. I don’t yet know why he was considering this, because now it is clear that the departure for Hamburg takes place after Caroline’s marriage in 1865 to César Böckmann. In March 1866, the death of a first cellist of the Paris Opera, announced in a letter from the cellist Henri Lütgen, replacing Emile Norblin, informs us of this (see the post “Rabble-Rouser of the Paris Opera”). Sebastian Lee is no longer playing for the Paris Opera at this time. Would he already be thinking about returning in 1859? This is a thread of Lee’s life that I will follow with interest.

This letter to Messrs. Bote & Bock in Hamburg is a sign of the beginning of a new era for our Sebastian Lee. After the adoration he received in the 1840s, followed by the formalization of his status as an elite virtuoso attained at the Paris Opera, the 1850s marked a point in his career that would see him multiply his compositional projects, pursue collaborations, and win great acclaim with each notice in the press. It seems that 1859 marks the end of that era and a desire to return to his native land. The reasons for this desire do not seem to affect his music since he will continue his compositions – for his students, with popular opera arias, as well as with original pieces from the classical repertoire – at a constant pace until his final days. He has a relatively secure place at the Paris Opera that only a health problem could have jeopardized, and I have seen nothing like that in the Pierrefitte Archives. There remain only family reasons or a deep homesickness to explain his actions, since, in the turmoil of the publishing houses of the Parisian place (death of Céleste Cendrier, liquidation and change of editorial line at Brandus & Cie), our composer does not look for another Parisian house. His gaze, in 1859, is turned towards home in his native Germany.

To conclude, know that Sebastian Lee will obtain from August Bock the publication of his piece on the opera Le Pardon de Ploërmel by Giacomo Meyerbeer. On the other hand, his “light” piece on Herculanum by Félicien David will be published by Breitkopf & Härtel. The presence of two separate publishing houses (Bock and Breitkopf & Härtel) for the cello reductions of two different composers (Meyerbeer and David) tends to support my theory of publishing house exclusivities on certain works or composers and, additionally, any reductions or other adaptations, salon pieces and transcriptions for other instruments.

Excerpt from Sebastian Lee’s catalog known to date. Source: https://imslp.org/wiki/List_of_works_by_Sebastian_Lee

Now it’s time to listen to the famous opus 91; this cello piece with piano accompaniment described as “light” by Sebastian Lee. It has only been recorded once, to my knowledge, but we are lucky, as it was recorded by one of the Great Masters. This is Christophe Coin, to whom I apologize if he ever comes across this page, because my poor recording does not do justice to his Neapolitan cello from the early 18th century. He is accompanied by Jean-Jacques Dünki, on the piano.

“Souvenir d’Herculanum” (based on the opera by Félicien David), salon piece for cello and piano: Andante – Allegro Grazioso – Allegro Moderato. Performed by Christophe Coin on cello (made by Alessandro Gagliano in Naples around 1720) and Jean-Jacques Dünki on pianino4 (made by Kunz Neuchâtel, around 1845), Laborie Records, 2011.

And now, the overture of the opera “Herculanum” by Félicien David, whose cello theme, before the other instruments enter the score, I particularly like (0:44 to 1:19 minutes). It is interesting to note that Sebastian Lee favored the lyrical airs in his salon piece, and rightly so, because that was what was popular with the public and that is what makes them beautiful and enjoyable to my ear. I am not overly fond of lyrical singing and or orchestral works with a lot of instrumentation (and yes, it is true. I also find that there is often too much violin and viola in chamber music, but we will all get over it – I remain a respectable person regardless!). The gold nugget of this piece of music, for me, is contained in the minute and 15 seconds of theme of this beautiful cello. However, since you are adorable, I made certain to also include some singing in the excerpt I offer you below. No hard feelings 😉

“Herculanum”, opera by Félicien David, performed by the Brussels Philharmonic Orchestra conducted by Hervé Niquet, February-March 2014, Palazzetto Bru Zane – French Romantic Music Center, 2015. Principal cellist: Luc Tooten, Second Principal cellist: Karel Steylaerts. Cello: Kirsten Andersen, Jan Baerts, Solène Baudet, Johannes BurghoffBarbara GerartsEmmanuel Tondus, Elke Wynants.

Author’s Notes

[1] Céleste Cendrier on IMSLP, https://imslp.org/wiki/Cendrier  Accessed June 2024.

[2] Céleste Cendrier, https://digital.library.mcgill.ca/fsm/article.php?article=03  Accessed June 2024.

[3] Alexandre Dratwicki et al. Herculaneum, Félicien Davis 1859, Ediciones Singulares – Center for French Romantic Music, Palazzetto Bru Zane, 2015.

[4] France Archives, URL: https://francearchives.gouv.fr/fr/authorityrecord/FRAN_NP_051493 Accessed June 2024.

[5] Paris-Promeneurs, postcard of l’Hôtel des Menus-Plaisirs, rue Bergère, Paris, 9th arrondissement, URL: https://paris-promeneurs.com/L-hotel-des-Menus-Plaisirs-demoli/ Accessed June 2024.

[6] La Revue Musicale de Paris et la Gazette et Revue Musicale de Paris, Doris Pyee-Cohen et Diane Cloutier, RIPM Consortium Ltd, 1999, URL: https://docslib.org/doc/8829537/la-gazette-musicale-de-paris-la-revue-et-gazette-musicale Accessed June 2024.

[7] Feldmann, Fritz, “Böhme, Johann August” ins : Neue Deutsche Biographie 2 (1955), p. 390 [online version], URL : https://www.deutsche-biographie.de/pnd116221054.html#ndbcontent Accessed June 2024.

[8] Jean-Louis Mollier & Patricia Sorel, L’histoire de l’édition, du livre et de la lecture en France aux XIXe et XXe siècles, ed. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1999, p42, URL: https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1999_num_126_1_3280 Accessed June 2024.

[9] Anik Devriès-Lesure, “Un siècle d’implantation allemande en France dans l’édition musicale, (1760-1860)” Institut de recherche sur le patrimoine musical en France, 2002, URL: https://books.openedition.org/editionsmsh/6755 Accessed June 2024.

[10] Inter territoires Electroniques, UTM / Parallax Lab, Université Toulouse le Miral, 2002.

[11] Léon Escudier from Wikipedia, URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Escudier#cite_note-:0-5 and Marie (Pierre-Pascal) Escudier from Wikipedia, URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Escudier, Accessed June 2024.

Translator’s Notes:

1. Declamation [archaic except in very limited uses]:  in this context, the ability of a singer to project sound and articulate words in such a manner as to be heard clearly and understandably even if one was seated in the back of the venue.
2. A “volume business” is one that decreases profits on individual items in an attempt to sell a large quantity of the product.  The principle is that they sell more at a lower cost and therefore make more profit than a more traditional business model.
3. “Momo” was a common French nickname or pet name for someone named “Maurcice”.
4. A pianino is an upright piano that is smaller than a grand piano, sometimes shortened to have fewer than the 88 keys and therefore a more limited range.  Some English-speaking people call this instrument a “spinet”, although most would differentiate between the brash, bright sounds of a true spinet and the more mellow tones of an upright grand piano.

Du rififi à l’Opéra de Paris

English

Image: L’orchestre par Edgar Degas, 1870.

Par Pascale Girard

Alors que mes recherches aux Archives Nationales piétinent malgré 2 séjours effectués là-bas, j’aimerais quand même vous raconter une histoire de mouvement social qui montre que tout d’abord les artistes musiciens étaient déjà bien organisés au XIXème siècle, et qu’en outre, on n’a pas attendu notre époque pour inventer les chiffriers qui, par excès d’un zèle mal placé opèrent des coupes franches en ayant pas la moindre idée de ce qu’ils font et des conséquences de leurs actes. C’est donc l’histoire des révoltes de l’orchestre et de l’opposition qu’ils ont rencontré pour se faire entendre que je vais vous raconter aujourd’hui.

On le sait, l’opéra de Paris n’a jamais été un établissement financièrement profitable. Cela n’a d’ailleurs jamais été sa vocation et le théâtre a pu traverser les siècles grâce aux subventions publiques qui, de tout temps, ont été son moteur économique. La raison de cet investissement séculaire et pouvant s’apparenter au tonneau des Danaïdes, c’est que le grand opéra de Paris a vocation à servir la splendeur de la France, et pas moins! Ce sont les meilleurs artistes musiciens, les plus grands compositeurs, la crème de la crème des têtes couronnées et hommes d’Etat qui convergent à l’opéra. La réputation de l’établissement est internationale et se doit d’être un des fleurons de la nation. Il ne s’agit pas là de n’importe quelle maison et d’une troupe de quelques troubadours. Le grand opéra de Paris est un établissement réunissant le meilleur de la musique de son temps grâce à des moyens qu’il faut bien lui fournir. Les ventes des billets ne suffisant pas aux investissements nécessaires en costumes, décors, salaires du personnel et entretien des bâtiments. Il est d’ailleurs intéressant de se plonger dans les livres de comptabilité disponibles aux Archives Nationales pour s’apercevoir que l’opéra a de lourdes charges, relativement incompressibles, très variées, mais qui sont la condition sine qua none du rayonnement international qui fait la fierté de son pays.

Je vous propose une note, en amuse-bouche, écrite probablement en 1830, date à laquelle Louis Désiré Veron prend ses fonctions en tant que directeur de l’opéra. Sont également cités François Habeneck et Henri Valentino qui co-dirigent l’orchestre de l’opéra entre 1824 et 1831.

Portrait d’Henri Valentino par P.C Van Geel

Note cruelle et ignorante de ce comptable qui réduit l’opéra à un vulgaire produit mercantile sans en avoir saisi toute la portée artistique et surtout politique.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Note (copie)

Le personnel actuel coûte 129 500F. Il est composé de 84 musiciens, y compris le chef d’orchestre. M.Veron n’étant tenu de conserver que 80 musiciens, il peut en remercier 4. Il faut remarquer que M.M [François] Habeneck, [Henri] Valentino, [Pierre] Baillot représentent déjà 17 000F à eux 3. M.M [Henri] Valentino et [Pierre] Baillot sont inutiles.

L’orchestre du théâtre italien composé de 50 personnes (dont le chef d’orchestre) coûte par an 49 000F. Or, d’après la règle de proportions, 50 est à 49 000, comme 80 est à 78 400. La comparaison est très juste car on ne peut prétendre que comme faisant partie d’un orchestre, M. Kermel, flûte de l’opéra à 1700F vaut mieux  que Camus, première flûte des Bouffes à 1400F, que M. [François] Dacosta, clarinette de l’opéra à 2100F vaut mieux que M.[Frédéric] Berr à 1400F, enfin que M.[Louis François] Dauprat, premier cor de l’opéra à 2500 vaut mieux que Sallay à 1400F.

Il y a plus. C’est que de l’aveu de M. Habeneck, M.[Jean-Baptiste Philémon] Cuvillon, premier violon aux Bouffes à 1000F d’appointements, ne serait pas déplacé parmi les premiers violons de l’opéra.

Ainsi donc, bien que la comparaison ne paraisse très juste, en supposant à la rigueur que le directeur de l’opéra doive payer individuellement les musiciens plus cher qu’aux Bouffes, j’estime qu’avec 85 ou 90 000F au plus on doit avoir un bel orchestre à l’opéra. C’est donc bien certainement une économie de 42 000F au moins.

Ah, le comptable-chiffrier tellement sûr de son fait! Les mathématiques ont-elles parlé? La sacro-sainte règle de 3 a t-elle encore frappé? Oui, hélas. Si François Habeneck ne partira à la retraite qu’en 1846, Henri Valentino sera évincé par Véron, qui aura suivi le conseil du financier cette année-là en 1830. Quant à Pierre Ballot, 1er violon de l’époque, il quitte définitivement l’opéra en 1831 après 10 ans de service. Les velléités d’économies seront récurrentes à l’opéra. Les revendications des employés également. Voyons un peu ce que les musiciens de l’orchestre demandent dans leur courrier du 22 septembre 1864.

Copie de la lettre adressée à S.E [Son Excellence] par MM les délégués de l’orchestre

M.le M

Votre Excellence n’ignore peut-être pas qu’à la suite d'[XXX?] faites par les artistes de l’Opéra auprès de M.E.P [Emile Perrin], leur directeur, dans le but d’obtenir une augmentation d’appointement, car [xxx?] contenant un exposé de motifs à l’appui, a été remis à M.EM, à la demande par les soussignés délégués de l’orchestre.

M. le directeur de l’Opéra a opposé à nos réclamations une fin de non-recevoir qu’il a cru devoir nous faire signifier par une lettre adressée à M.Georges Hainl, chef d’orchestre, qui en a donné une simple lecture aux intéressés.

Indépendamment de la rigueur de sa décision, M.E.P nous a paru vouloir établir par sa réponse décevante, un droit nouveau dont l’importance nous a mis dans la nécessité de prier notre chef d’orchestre de nous confier une copie de la lettre de M.E.P mais cette demande maintes fois réitérée a été constamment repoussée.

En conséquence, Monsieur le M., notre situation présente et à venir se trouve assez mal définie par défaut du dernier refus que nous venons d’essuyer. Nous avons songé à nous adresser directement à V.E [Votre Excellence], nous avons donc l’honneur de vous solliciter une audience, afin de vous demander d’abord, Monsieur le Ministre, de la réponse de Monsieur Emile Perrin [écrit E.P] relativement à la question des appointements de l’orchestre de l’Opéra en l’unique solution que nous ayons à attendre du ministère de la maison de l’Empereur, et ensuite pour soumettre à votre haute approbation certains points de la réponse de Monsieur Emile Perrin.

Dans l’attente d’une réponse et confiants dans la bienveillance habituelle de Votre Excellence à l’égard des artistes en général, nous avons l’honneur…

Les délégués ect…

On trouve bien peu de choses sur le violoncelliste Emile Dufour si ce n’est cette entrée dans le Dictionnaire des lauréats du conservatoire de musique de Paris

Cette lettre adressée à Monsieur le Maréchal, a pour destinataire un polytechnicien nommé Jean-Baptiste Philibert Vaillant, qui occupa le poste de ministre des Beaux-Arts de 1863 à 1870 .

le Maréchal Vaillant, photo de Pierre-Louis Pierson, 1865

Quel aveu d’échec des pourparlers entre la direction de l’opéra et l’orchestre!

Directeur de l’opéra depuis 1862, Emile Perrin restera à la tête de l’établissement jusqu’en 1871, date à laquelle il est révoqué.

Alors que se passe t-il avec Monsieur le directeur? On peut supposer qu’il n’a pas apprécié l’escalade de ses employés, décidant d’aller parler à César sans passer par lui.

Emile Perrin, atelier Nadar, sans date, collection de la BnF

Ce que l’on sait avec certitude, c’est que le mouvement social s’est déjà largement propagé dans tous les théâtres parisiens entre 1864 et 1865 et que la presse s’en est déjà mêlé. Je vous propose un article de presse retrouvé dans les papiers de Monsieur le directeur et dont une phrase est citée dans le courrier qu’il envoie à sa hiérarchie. La raison qu’a Emile Perrin de conserver cet article, qui ne parle que des théâtres lyriques autres que l’Opéra est qu’il pense, à juste titre, que la condition des musiciens de l’orchestre de l’Opéra est considérablement meilleure que celle des musiciens des autres théâtres.

Article extrait du journal Le Temps. Date incertaine.

Nous avons annoncé hier que les artistes musiciens des théâtres de Paris avaient résolu de cesser leur service s’ils n’obtenaient pas de leur directeur une notable augmentation de traitement. Il est bon que, sur ce point comme sur tous les autres, le public soit instruit de la situation des plaignants, et puisse apprécier en connaissance de cause la justice ou l’injustice des réclamations qui se produisent. Nous ne voulons pas nous occuper aujourd’hui de l’orchestre de l’opéra, placé dans des conditions spéciales et sur lequel nous nous proposons de revenir. Nous bornerons cet exposé aux théâtres lyriques et aux théâtres ordinaires. Dans les premiers, le rôle de l’orchestre est considérable. Les artistes qui le composent sont pour la plupart des musiciens de grand talent, et quelques uns, les solistes particulièrement, sont de véritables virtuoses, tenant le premier rang parmi les instrumentistes. Or il faut dix ans d’études et des dispositions spéciales pour s’assoir à un pupitre de soliste, et ce but atteint, on est à peu près assuré d’un traitement souvent moindre de 1 400F et ne dépassant pas 2 000F. Dans ces mêmes théâtres, le quatuor, à l’exception des chefs de pupitres reçoit un salaire qui varie entre 60F et 80F. Il y a des seconds violons à 50F. On remarquera que l’orchestre est obligé à de nombreuses répétitions dans la journée, et que les artistes sont dans l’impossibilité presque absolue de se procurer, par un autre travail, un complément indispensable de revenu. Dans les théâtres de drame et de vaudeville, c’est encore pire, et des hommes, contraints de passer 365 soirées dans un théâtre, les yeux brûlés par le gaz, la tête alourdie par le récit cent fois répété d’un drame ennuyeux touchent (nous parlons des plus heureux) deux francs cinquante centimes par soirée. Il en est auxquels on donne 30 F par mois, un franc par jour! Comme il n’est que trop commun de mesurer l’estime des gens aux bénéfices qu’ils réalisent, on peut juger de la considération dont jouissent les musiciens de la part même des directeurs qui leur font une situation si misérable. Quelques-uns depuis la réorganisation des musiques militaires (et seulement dans la garde) ont cumulé la profession de gagiste et celle de musicien d’orchestre, mais ce sont là des exceptions qui ne font que mieux ressortir l’insuffisance des salaires ordinaires. Nous pourrions citer un théâtre ou les musiciens, outre leur service du soir, doivent faire deux répétitions par semaine, ce qui fixe en moyenne la rétribution des heures de travail à 35 centimes. Tout a augmenté, et les vivres et les loyers, surtout pour les musiciens qui, par la nature de leur occupation ne peuvent pas aller se loger dans les quartiers excentriques. Nous en connaissons cependant qui demeurent par économie à la tour Malakoff et dans la grande rue de Saint Ouen. Ceux-là rentrent chez eux à deux heures du matin. cependant les musiciens d’orchestre sont de plus en plus mal rétribués. L’excès du mal a donc fini par faire sortir de leur torpeur ces martyrs inconnus, et ils veulent aujourd’hui que leurs appointements soient fixés de la façon suivante: 200F par mois pour tous les solistes, 150F pour tous les autres. Sinon, moins payés que les ouvriers, ils useront des bénéfices de la loi sur les coalitions et se mettront en grève; et alors, plus de tremolo à l’entrée du traitre, plus de joyeux flons-flons à l’entrée du comique, plus de ces méloludes en situation qui ajoutent un si grand intérêt au jeu muet des acteurs, et partout le rideau se lèvera froidement, comme pour les pièces à succès de la Comédie-Française. Laissera t-on les choses en arriver à cette extrémité? Nous espérons le contraire. Les directeurs doivent aviser. Qu’ils examinent avec soin la situation de ces modestes artistes, qu’ils se rendent compte de leurs besoins, qu’ils s’entendent avec eux et que l’exemple de monsieur Ducoux et ses cochers ne soit perdu pour personne.

S’en suit un brouillon de la lettre qu’Emile Perrin adressera a sa hiérarchie lorsqu’il prend connaissance de la démarche de l’orchestre contre lui. Et, on peut l’affirmer avec certitude: il n’est pas très content.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Paris, le 22 Septembre 1864

Les réclamations des artistes de l’orchestre portent sur deux points

  1. La modicité de leur traitement
  2. La situation de la caisse des pensions de retraite

Sur le premier point:

Il est vrai que les artistes musiciens sont peu rétribués. On peut en dire autant de tous les corps nombreux dans le personnel de tous les théâtres. Le salaire est faible parce-que la concurrence est grande et le recrutement facile: il faut beaucoup d’études pour former un bon instrumentiste, les professions libérales, les services administratifs, le métier des armes, demandent aussi à ceux qui embrassent ces diverses carrières de longs travaux, de durs sacrifices en retour desquels plus d’un homme de mérite ne trouve souvent qu’une position précaire. MM les artistes musiciens se plaignent donc là d’un malaise [barré: général] dont ils ne souffrent pas seuls, auquel il est bien difficile de remédier [barré: car encore une fois, la rémunération s’abaisse en raison du nombre des concurrents plutôt qu’elle ne se proportionne à la valeur]. Le budget général de l’orchestre de l’Opéra est de 147 300F. Ce budget se décompose ainsi qu’il suit:

  • 32 artistes à 1200F,
  • 35 artistes de 1200F à 2000F,
  • 13 artistes de 2000F à 2800F,
  • 2 chefs, un premier à 12 000F, un second à 4000F
  • = 147 000F

En moyenne ces appointements sont supérieurs à ceux de tous les autres théâtres lyriques de Paris, sans compter la presque certitude d’une pension de retraite. Car le bénéfice de cette institution est surtout acquis au musiciens de l’orchestre dont les services peuvent le plus facilement atteindre la durée prescrite par les règlements.

En outre, il est juste d’observer que ce seul fait d’appartenir à l’orchestre de l’Opéra augmente et facilite pour les [barré: artistes] instrumentistes les diverses ressources qu’ils peuvent tirer de leur art, soit dans les concerts, soit par les leçons, et pour répondre à ce grief articulé dans la pétition remise à Sa Majesté que la majeure partie de leur temps est exigée par les répétitions, il suffira de dire que cette année ou le travail a été des plus suivis, les répétitions générales de l’orchestre ont été en tout de 24.

En résumé, il est hors de doute que les artistes de l’orchestre sont dignes d’intérêt. Mais ce que l’on fera pour l’orchestre, il le faudra faire pour les chœurs, pour le ballet, pour les machinistes, pour les ouvriers, pour tout ce nombreux personnel dont les réclamations devront être accueillies à leur tour. Ce serait un remaniement complet du budget de l’Opéra. Les ressources actuelles ne sauraient suffire puisque le budget peut à peine se maintenir en équilibre.

Sur le second point

MM les musiciens [barré: semblent manifester de l’inquiétude sur ] affectent de se préoccuper de la situation actuelle de la caisse des pensions de retraite. C’est d’abord un peu de l’ingratitude car cette caisse est une des plus lourdes charges qui pèsent sur le budget de l’Opéra. Il serait facile d’établir qu’elle lui coûte annuellement plus de 100 000F. Mais ils savent très bien que une représentation au bénéfice de la caisse est affectée pour dimanche [NDLE: 3 octobre 1864]. le comité a demandé que l’on donnât par extraordinaire « Roland à Roncevaux [NDLE: opéra d’Auguste Mermet] et le directeur s’est employé à souscrire à ce désir. [NDLE: pour lire la critique de ce concert, c’est ici]

Que MM les artistes de l’orchestre [ajouté au dessus: se rassurent] demandent que l’ont fasse cesser les appréhensions qu’ils peuvent avoir pour l’avenir. Je crois que [barré: c’est aller bien loin dans la voie de la méfiance] ces appréhensions [XXX?] chimériques. Ils savent très bien que la caisse possède à cette heure un capital suffisant pour assurer le service des pensions à l’époque ou ces pensions devront être servies, que l’arriéré qui a pu s’établir par des circonstances indépendantes de la volonté de tous sera comblé avant de remettre aux mains de l’Empereur une sorte de plainte qui semble accuser d’indifférence la direction de l’Opéra, l’administration des théâtres, le surintendant général et le ministre, ils auraient dû mieux s’assurer que leur réclamation était juste et bien fondée.

La plainte qu’ils ne craignaient pas de faire parvenir jusqu’aux de l’empereur.

Les intérêts de la caisse en ce qui touche les représentations sont administrés par un comité composé des divers chefs de service de l’Opéra et présidé par le directeur. Cette organisation a un inconvénient. L’initiative manque, appartient-elle du comité? Doit-elle venir du directeur? Les intentions sont bonnes mais l’unité d’action manque, on arrive officiellement à une conclusion [XXX?] au lendemain le temps se perd et l’arriéré se créé.

leurs intérêts ne sont nullement compromis. La situation de la caisse est bonne. Elle possède à l’heure présente un capital de 1, 140 000F. Ce capital devrait être plus considérable il est vrai. [XX?] a regretter que l’on ait laissé [barré: il est vrai] s’établir un arriéré de représentations. Cela a tenu à plusieurs causes. A la difficulté d’abord d’organiser des représentations fructueuses, aux circonstances qui ont souvent entravé les représentations, aux complications qui sont survenues. Cette année a deux époques favorables, il a fallu donner deux de ces représentations extraordinaires, [dans la marge: d’urgence et sur ordre de Sa Majesté] l’une au bénéfice de la caisse des auteurs, l’autre au bénéfice de M.[Hugues] Bouffé [NDLE: La représentation de retraite est jouée le 17 novembre 1864. et c’est Napoléon III en personne qui ordonne que l’Opéra soit mis à la disposition de l’artiste. La recette de la soirée s’élevant à plus de 25 000 francs.] Cet arriéré avait déjà éveillé la sollicitation de Son Excellence le ministre de la maison de l’Empereur. Il a donné ordre que des mesures soient prises pour l’organisation d’une fête semblable à celle qui en 18.. a versé dans la caisse des pensions de retraite, la somme de . . . .

Quelques journaux ont annoncé que les artistes des orchestres des théâtres de Paris avaient résolu de se mettre en grève s’ils n’obtenaient point de leurs directeurs une amélioration notable de leurs appointements. « Que les directeurs avisent », dit l’un de ces journaux, « que l’exemple de Monsieur [François Joseph] Ducoux [NDLE: Le directeur de la Compagnie des Petites-Voitures de Paris qui dû faire face à un mouvement social et à une grève du 16 au 23 juin 1864] et des cochers ne soit perdu pour personne. »

L’exemple pourrait être mieux choisi quant au succès de la coalition d’abord, puis surtout eu égard aux artistes qui comptent dans leurs rangs de véritables illustrations et qui doivent être médiocrement flattés de cette étrange assimilation. Mais puisqu’on fait à ce sujet appel à l’Opinion, il peut être opportun de mettre sous les yeux du public des faits mais des chiffres exacts.

Avant tout, et c’est là le côté le plus actuel de la question, [barré: est-il possible] la mise en grève, c’est-à-dire [NDLE: écrit c.a.d dans le texte] la cessation subite et simultanée du service des artistes de l’orchestre dans tous les théâtres est-elle à craindre, est-elle admissible, peut-elle même entrer dans l’esprit de ceux auxquels on prête [barré: un peu légèrement on peut répandre la dimension] ce dessein?

Dans tous les théâtres ou l’orchestre est sérieusement constitué, les artistes sont [barré: attachés] liés avec le directeur par un contrat dont la durée et les conditions sont librement débattues et acceptées. Ordinairement la durée de ce contrat est d’une année et chaque année, il se renouvelle [barré: d’année en année] à la condition que les deux parties contractantes, directeur et artiste, devront se prévenir mutuellement six mois à l’avance au cas ou [barré: il ne voudraient pas convenir au renouvellement] l’un des deux serait [XXX?] [XXX?] de résilier ce contrat. L’artiste est donc toujours [barré: libre] à même de reconquérir dans un délais très court sa liberté d’utiliser plus fructueusement ses talents, s’il trouve sa condition mauvaise, si une meilleure lui est offerte. Mais rompre violemment un contrat c’est se mettre hors la loi, c’est aussi s’exposer aux dommages, aux poursuites que peut entrainer cette rupture notamment au paiement du délit signalé dans chaque contrat. On peut donc affirmer que ce projet de mise en grève, s’il est vrai qu’il ait germé, [barré: XXXX] quelques esprits ardents, ne peut rencontrer une sérieuse [barré: approbation] adhésion de la part [barré: des artistes dans leur grand nombre] de la majorité. Des artistes mieux édifiés sur leurs devoirs et sur leurs véritables intérêts. Venons maintenant à la rémunération dont l’insuffisance est, dit-on, de nature à justifier cette mesure extrême du refus de concours. Le tableau suivant donne la composition du personnel de l’orchestre dans chacun des quatre grands théâtres lyriques de Paris, le chiffre total du budget de ce service, et la moyenne des appointements par chaque artiste [NDLE: le tableau a été préparé mais n’est pas rempli]

Le Théâtre Italien n’est ouvert que pendant sept mois, le Théâtre Lyrique est autorisé à une clôture annuelle de deux mois, l’Opéra et l’Opéra-Comique jouent seuls toute l’année. L’Opéra-Comique seul tous les jours. Le nombre règlementaire des représentations de l’Opéra est de 182. Le nombre des répétitions est en moyenne de 25 à 30 par année. Ces répétitions ont toujours lieu le soir. Les artistes-musiciens attachés à l’orchestre de l’Opéra ont donc la libre disposition de toutes leurs journées et [barré: d’un peu moins de la moitié] [XXX?] de leurs soirées. Ils peuvent donc tirer de leurs talents d’autres profits, soit comme professeur, soit comme virtuose. Il est [barré: donc] de toute fausseté de [barré: prétendre] dire que « ces artistes se trouvent dans l’impossibilité presque absolue de se procurer par un autre travail un complément indispensable de revenu ». Au contraire les artistes-musiciens de l’Opéra jouissent pour la plupart d’une notoriété qui leur rend le complément plus facile. Pour beaucoup d’entre eux, le traitement qu’ils reçoivent comme attachés à l’orchestre de l’Opéra n’est point leur ressource la plus lucrative mais [barré: ce n’en est pas moins une] c’est une position stable recherchée par tous les instrumentistes [barré: parce-qu’elle est attachée] à laquelle sont attachés d’ailleurs d’autres avantages tout spéciaux.

Aussitôt que l’Opéra est rentré dans les attributions de la maison de l’Empereur, l’administration s’est empressée de rétablir la caisse des pensions et retraites. Or, le fonds de réserve de cette caisse se forme non seulement de sa retenue règlementaire opérée sur les appointements mais encore et surtout de dotations spéciales et d’abandons faits à son profit par l’administration et absolument à la charge de cette dernière. Ce n’est point la [barré: d’ailleurs] la seule amélioration que l’on ait à constater. Depuis quelques années les appointements des artistes de l’orchestre sont sensiblement accrus à l’Opéra. en 1832, la moyenne des appointements était de 1 167F en 1848 de 1 392F, en 1854 de 1 398F. Elle est aujourd’hui de 1 687F. cette amélioration suit donc une marche [barré: régulière] progressive [barré: progressive, sensible] que l’administration ne demande qu’à hâter par sa propre initiative mais que tout semblant de contrainte tendrait plutôt à retarder. Ce que nous [XXX?] l’Opéra est vrai aussi pour les autres théâtres. Le mouvement y est le même, les intentions également bonnes. Lorsqu’il s’agit d’un personnel dont les bonnes ou mauvaises dispositions peuvent améliorer ou compromettre l’exécution et par conséquent satisfaire ou mécontenter le public, l’intérêt, bien-entendu, de tout directeur est de céder dans la mesure du possible ou plutôt de devancer lui-même les réclamations. Mais tout moyen de coercition serait souverainement inique, car encore une fois, entre les administrations théâtrales et les artistes, les transactions sont absolument libres. Le taux actuel des appointements s’est établi par la force naturelle des choses, sans surprise, ni pression quelconque. Les instrumentistes sont nombreux, si nombreux que depuis quelques années, une concurrence considérable, l’accroissement des théâtres lyriques, l’établissement de quelques concerts publics dont quelques uns obtiennent une vogue méritée, la propagation générale du goût et de l’étude de la musique n’ont pu élever sensiblement les appointement des musiciens d’orchestre. C’est que la production est plus considérable encore que la demande. Le jour où la situation changerait de face, ou les artistes trouveraient en dehors des administrations théâtrales actuellement existantes une rémunération plus avantageuse, le jour ou des débouchés plus nombreux aussi sûrs s’ouvriraient devant eux, ce jour là, leurs exigences deviendraient justes, seraient nécessairement admises et leur [condition?] s’améliorerait d’elle-même, sans effort, sans crise par ce seul fait de l’équilibre naturel qui s’établit entre l’offre et la demande. [Note en marge: Les classes du Conservatoire fournissent à elles seules 140 instrumentistes, non-comprises les classes de piano qui sont étrangères à la question qui nous occupe]

Jusque là l’intérêt peut s’attacher à une classe d’artistes dont la position est modeste [barré: et dont plusieurs] qui comptent parmi eux des hommes d’un réel mérite. Mais ont-ils le droit [barré: de se faire justice] de se montrer si impatients et de tenter de se faire justice à eux-mêmes? On dit qu’il faut des années d’études pour faire un bon instrumentiste, c’est vrai, mais dans l’administration, dans l’armée, dans l’université, dans les arts, dans les professions libérales, combien de positions [barré: modestes] médiocrement rétribuées exigent une somme de travail et d’aptitudes au moins égales [qu’on demande à la plupart des artistes attachés à l’orchestre des théâtres de Paris] à celles que doit posséder un artiste pour être attaché à l’orchestre d’un théâtre.

On sent bien que Monsieur le directeur a murement réfléchi son argumentaire pour terrasser les revendications de ses employés récalcitrants. Je ne peux pas m’empêcher de trouver que beaucoup de ses arguments sont fallacieux, à commencer par le fait que le conservatoire produirait pléthore de musiciens tous les ans. Mais enfin! Il n’est pas raisonnable de comparer les virtuoses d’exception que comptent les rangs de l’orchestre de l’opéra avec le tout venant du conservatoire! Chaque année, il n’y a qu’un seul premier prix pour chaque instrument. Même le conservatoire fait le distinguo entre les élèves qui complètent leur cycle d’apprentissage, ce qui rend cette loi d’offre et de la demande proprement démagogique. Mais, ça ne va pas s’arranger pour Emile Perrin et sa rhétorique travaillée ne va pas suffire à calmer les esprits. Au contraire, l’année 1865 va connaître une nouvelle escalade qui va très certainement éprouver les nerfs de Monsieur le directeur.

On ne connait pas la résolution du mouvement social de l’Automne 1864, ni s’il y a eu intervention de la part de l’Empereur. En revanche, nous avons quand-même une note de décembre 1864 qui semble proposer quelques éléments de négociation.

Décembre 1864

Note

Car les 3 rapports ci-joints, monsieur le premier chef d’orchestre proposent l’adoption des mesures suivantes:

  1. Une augmentation de traitement de 300F en faveur de monsieur [Louis-Ferdinand] Leudet, violon solo, troisième chef d’orchestre
  2. L’admission sans concours, contrairement au règlement du 5 mai 1821, articles 259, 265 et 266 de monsieur [Henri Joseph] Dupont comme corniste au traitement de 1600F en remplacement de monsieur [François Antoine Frédéric Auguste] Duvernoy, admis à faire valoir ses droits à la retraite et dont le traitement était de 2 200F.
  3. Une gratification de 300F au profit de monsieur [Antoine] Halary, 5ème cor en remplacement

S’il appartient au chef de service d’appeler l’attention de l’administration sur ceux des artistes placés sous ses ordres qui, par leurs bons services et le talent dont ils ont fait preuve ont mérité des encouragements ou de l’avancement, il lui appartient [barré: au même titre] surtout de ne former ses demandes qu’après s’être bien assuré de la possibilité d’en obtenir la réalisation en ce qui concerne notamment la partie administrative et financière de l’établissement [XXX?] une marche contraire au système d’entente préalable sur les questions dont il s’agit

Ci-dessous les mini-biographies des intéressés retrouvées dans les archives du conservatoire de Paris qui a tenu un registre détaillé de tous ses lauréats depuis sa création. Pour beaucoup de musiciens c’est la seule trace qui subsiste de leur parcours musicale et cela nous donne de précieuses indications sur leurs carrières.

Pourtant, le 28 mai 1865, Emile Perin reçoit un nouveau pli à son bureau, et c’est toujours les mêmes!

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

A Monsieur le Directeur du Théâtre impérial de l’Opéra

Monsieur,

Nous soussignés membres du Comité des Artistes de l’orchestre de l’opéra ayant à vous faire une communication au noms de nos collègues, nous prions de vouloir bien nous indiquer le jour et l’heure où il vous plaira de nous recevoir.

Nous avons l’honneur, Monsieur, de vous prier d’agréer l’expression de nos sentiments respectueux.

le 28 mai 1865

On l’aura remarqué, le ton de la lettre du comité est formel, courtois mais déterminé et pas de « serviteurs tout dévoués » sur ce courrier là. Les artistes semblent prêts à en découdre!

A réception du courrier, Perrin prévient à nouveau sa hiérarchie avant la rencontre. Le brouillon de sa lettre nous en apprend sur son état d’esprit et laisse à penser que ce comité des artistes de l’orchestre de l’opéra est de création récente.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Monsieur le Ministre [NDLE: en dessous au crayon à papier « Monsieur le surintendant »]

J’ai dû déjà à plusieurs reprises signaler à Votre Excellence une certaine excitation des esprits parmi les artistes de l’orchestre de l’opéra. Cet état permanent d’irritation, de résistances, a compromis plus d’une fois la bonne exécution . Il tend à créer de sérieux embarras à l’administration.

J’étais instruit que depuis quelques temps, des réunions s’organisaient en dehors de la direction, à l’insu du chef d’orchestre, réunions pour lesquelles les artistes discutaient leurs intérêts, concertaient leurs exigences. Aujourd’hui, ce qui n’était qu’une présomption devient une réalité. J’ai reçu d’un comité élu par les artistes de l’orchestre, une lettre par laquelle les membres de ce comité, au nombre de 8, demandent à me faire, au nom de leurs collègues, une communication importante.

Voilà donc un comité, c’est-à-dire [NDLE: écrit C.A.D dans le texte original] une sorte d’autorité créée par les artistes en dehors des règlements, à côté de leur chef direct auquel ils n’ont même pas fait connaître la nature de leurs demandes ou de leurs réclamations, qui n’a point été consulté par eux, qui est censé tout ignorer. Afin de rétablir le principe hiérarchique, j’ai exigé que le chef d’orchestre fût présent à la réunion qui est indiquée pour après-demain jeudi.

Mais avant que cette réunion ait lieu, je crois qu’il est facile de prévoir les points sur lesquels vont porter les réclamations des artistes, d’examiner le bien-fondé de leurs demandes, de décider si elles doivent être accueillies [barré : la part qui pourrait y être faite], de se préparer enfin aux éventualités que peuvent amener un débat entre l’administration et les artistes, et finalement un refus de service de leur part puisque ce mot a déjà été prononcé parmi eux.

Les réclamations des artistes se résument en ceci. D’abord une augmentation de salaire, ensuite, la prétention qu’ils ont déjà manifesté de s’administrer par eux-mêmes, c’est-à-dire [NDLE: écrit C.A.D dans le texte original] de contrôler en dehors de l’administration et de leur chef, leur service qui leur est indiqué, les ordres qui leurs sont donnés, de mettre, en un mot, leur appréciation personnelle en lieu et place des règlements et des obligations qu’ils ont consentis.

Il n’est pas besoin d’un long examen pour faire justice de cette prétention. C’est l’autorité méconnus, l’administration rendue impossible, la discipline anéantie.

La demande d’une augmentation de salaire paraîtrait plus admissible. Mais dans quelles circonstances, de quelle façon cette augmentation est-elle demandée ? Autant l’administration de la maison de l’empereur est naturellement portée à améliorer la situation de tout ceux [ NDLE : rajouté au-dessus « de ses employés »] qui savent mériter sa bienveillance, autant il est de son devoir de résister à ce qui ressemble à une pression, à une intimidation quelconque, autant elle doit refuser avec fermeté ce que l’on semble exiger d’elle comme un droit.

Depuis que le théâtre de l’opéra est dans la maison de l’empereur, cette amélioration des petits appointements s’est produite par un mouvement spontané, graduel et constant. Aujourd’hui, pour nous en tenir à l’orchestre, le budget général de ce service, je parle du personnel fixe, est de 148 505F, il était en 1854,  [ NDLE : rajouté au-dessus « direction de M.[Nestor] Roqueplan»] de 118 000F. En 1832, (direction de M.[Louis-Désiré] Veron), de 94 550F, en 1831 (ancienne liste civile) de 129 000F. Il est facile de voir par le rapprochement de ces 2 chiffres si l’administration particulière se montrerait aussi paternelle que celle de l’Etat.

En moyenne les appointements des personnes fixes de l’orchestre sont de 1700F environ par artiste. Il n’y a point d’émoluments au-dessous de 1200F. Quel est leur service règlementaire ? 182 représentations par année, environ 25 à 30 répétitions soit 212 soirées car jamais l’orchestre ne répète pendant le jour, donc toutes les journées libres et la possibilité pour les artistes de les utiliser en donnant des leçons ou de tirer tout autre profit des ressources de leurs talents.

Que l’on compare ce service à celui des artistes engagés dans l’orchestre de l’opéra-comique et du théâtre lyrique qui jouent tous les jours, répètent le matin, et pour une moindre rétribution ont moitié plus de travail.

Mais, disent les artistes de l’orchestre de l’opéra, c’est une juste proportion qu’il est de notre dignité d’établir les appointements des artistes de la scène qui ne sont plus en rapport avec les nôtres. Il est vrai que les émoluments des chanteurs se sont accrus depuis quelques années d’une façon effrayante, qu’ils tendent à s’augmenter chaque jour. Mais c’est là une loi qu’il nous faut subir. La loi inflexible de l’offre et de la demande. Les artistes que nous disputent les théâtres étrangers à Londres et Pétersbourg exigent le prix fixé par cette concurrence. Ce n’est point de gaité de cœur, c’est en dépit de sa résistance que l’opéra a vu le budget des artistes du chant qui était en 1832 de 297 600F, s’élever, progressivement et [allegro ?] en 1865 du chiffre de 890 000F. Et à ce prix-là même, l’opéra a peine à se procurer des chanteurs. Que des artistes de l’orchestre viennent à manquer, il les remplacera aussitôt et, dussent-ils lui manquer tous à la fois, la reconstitution d’un orchestre entier en un temps assez court , n’est point une chose impossible. Nous touchons ici le vif de la question. Car je sais quelle est la pensée, je ne dirais pas de la majeure et de la plus saine partie de l’orchestre, mais de quelques meneurs qui poussent les autres aux résolutions extrêmes. Je sais que la question du refus de service s’est agitée. [barré : Le vent de la grève souffle aussi de ce côté]

Que les artistes de l’orchestre de l’opéra s’assimilent [XXX ?] aux ouvriers [barré : c’est sans doute un fait, mais c’est encore moins son droit] et songent à se mettre en grève à leur tour, c’est à coup sûr prendre peu considération de leur dignité, mais c’est surtout se méprendre singulièrement sur leurs droits. [XXX ?] l’entreprise particulière des artistes de l’orchestre, comme les choristes, étaient attachés à l’opéra par des engagements que l’on renouvelait chaque année et qui liaient l’artiste et l’administration, sauf les cas de rupture prévus par le règlement. Aujourd’hui, sous l’empire de l’ancien règlement général de 1821, les artistes de l’orchestre sont simplement admis. Mais au terme de ce règlement, l’administration ne peut se séparer d’un artiste qu’en l’avertissant 6 mois à l’avance. L’obligation est réciproque. Donc, de deux choses l’une. Ou les musiciens de l’orchestre sont liés par un contrat synallagmatique renouvelé d’année en année par tacite reconduction, ou bien soumis au règlement ils ne peuvent se retirer qu’en signifiant leur intention 6 mois à l’avance. Les artistes de l’orchestre ne sont donc pas libres, ils sont liés par un contrat, et s’ils venaient à le rompre violemment, ils s’exposeraient à une action judiciaire et au paiement de dommages et intérêts.

Il faut espérer qu’ils n’en viendront pas à cette extrémité, mais cette regrettable éventualité d’un refus de service, l’administration doit la prévenir et ne pas trop s’en effrayer, car ce serait la fin d’un état de crise qui dure depuis trop longtemps. [barré : « ou bien faudrait-il essayer de prévenir cette crise suprême en recherchant les récalcitrants, les instigateurs, et en les frappant, s’il en est encore temps ?»]

Un mot encore sur la question pécuniaire, elle ne semble ici que secondaire, mais elle a bien son importance. Cette augmentation de salaire, si on l’accorde à l’orchestre, il faudra l’accorder à tous les autres services, car tous la réclament. Si l’exploitation n’était point onéreuse pour la liste civile, l’administration se laisserait aisément aller à son instinct naturel de générosité. Mais depuis que l’opéra est dans la maison de l’empereur, tous les budgets annuels, sauf celui de 1863, se sont soldés en déficit, et le total de ces déficits s’élève à plus de 700 000F. Lorsque les réclamations des artistes de l’orchestre seront formulées d’une manière précise, j’aurais l’honneur de vous les soumettre immédiatement [NDLE barré : « à son Excellence »] mais j’ai cru dès aujourd’hui devoir prévenir votre Excellence, afin de pouvoir, s’il y a lieu, prendre préalablement ses instructions.

J’ai l’honneur d’être ………

J’avoue avoir été choquée par la teneur de ce brouillon de lettre à la hiérarchie du directeur de l’opéra. Je ne doute pas que le courrier final fut, en substance, du même acabit. Affirmer que les musiciens d’un orchestre d’élite comme celui de l’opéra sont des éléments interchangeables et aisément remplaçables montre au mieux une grossière diffamation, au pire une méconnaissance spectaculaire de l’art musical et lyrique. Cet argument récurrent de Perrin le rend, à mes yeux, le vilain de l’histoire, bien qu’il fut à son tour une victime, comme on le verra par la suite.

Georges Hainl, date et auteur inconnus

La lettre adressée à Perrin montre une rupture de confiance entre les musiciens et leur chef, avant tout autre chose. Mais Perrin ne va pas en rester là et il s’empresse de mettre le chef d’orchestre dans la boucle. A ce moment de l’histoire, c’est le violoncelliste Georges Hainl qui assure depuis 2 ans les fonctions de chef d’orchestre à l’opéra. Je fais une aparté ici pour dire que j’ai retrouvé un nombre invraisemblable de courriers de ce dernier ayant travaillé la direction de l’opéra au corps pour obtenir le poste. Il a usé de toutes les stratégies possibles sur un temps incroyablement long (des mois!) pour pouvoir accéder à ces fonctions: recommandations, insistance, supplications, ces lettres au directeur pourraient être l’objet d’un article à part entière et ce qui ressort de cette candidature étrange, étalée dans le temps et fastidieuse, est que Georges Hainl n’était probablement pas le candidat favori pour cette fonction qu’il semble avoir fini par obtenir à l’usure. C’est aussi le cas de sa précédente fonction en tant que chef d’orchestre au grand théâtre de Lyon dont il a hérité grâce à une cooptation de son frère qui l’a placé là après avoir quitté le poste. George Hainl est un opportuniste ambitieux mais a t-il les compétences requises pour ce poste? Rien n’est moins sur. Quant à Perrin qui n’a aucune formation de musicien, ce sont sans doute ses relations qui le hissent à la place de directeur de l’opéra, lui qui est à l’origine un simple décorateur de théâtre. En tout cas, il a le bon reflexe, celui de confronter Hainl sur les raisons de la défiance des musiciens de l’orchestre vis-à-vis de son autorité.

Le 28 mai 1865

Mon cher Georges Hainl,

Huit des artistes de l’orchestre, MM. [Adolphe] Leroy, [Jules] Garcin, [Alexandre] Tilmant, [Felix] Berthélémy, [Hippolyte] Maury, [Emile] Dufour, [Alfred] Viguier et Baraud-Mainvielle viennent de m’adresser une lettre dans laquelle ils me demandent de m’assigner un jour et une heure afin qu’ils puissent me faire au nom du comité dont ils sont membres, une communication de la part de leurs collègues.

Les artistes de l’orchestre seront toujours les bienvenus et ils peuvent être, à l’avance, assurés de mon entière bonne volonté, s’ils demandent quelque chose de juste et qui soit en mon pouvoir. Mais j’ignorais, je vous l’avoue, l’existence d’un comité des artistes de l’orchestre de l’opéra et je ne saurais d’ailleurs admettre aucun rapport entre les artistes de l’orchestre et le directeur sans l’intermédiaire hiérarchique du chef direct. Rien ne doit se passer à son insu ni en son absence. Veuillez donc dire à ces messieurs que j’aurais grand plaisir à les recevoir eux et vous, mercredi prochain à 2h, et que je les écouterai avec toute l’attention, tout l’intérêt que commandent les questions qui se rattachent à l’orchestre de l’opéra.

Veuillez, mon cher Georges Hainl, recevoir l’assurance de mes sentiments les plus sincèrement dévoués.

Le directeur de l’opéra

Emile Perrin

Par la suite, cela semble totalement dégénérer avec cette missive adressée au Préfet de police de la ville de Paris

Paris, 2 mai 1865

Note pour monsieur [Charles-Gabriel] Nusse [préfet de police de la ville de Paris]

Monsieur le chef de la police municipale est prié de faire exercer une surveillance convenable près de la réunion des artistes de l’orchestre de l’Opéra qui est autorisée pour le 3 mai sans indication d’heure [souligné dans le texte], rue Rochechouart dans la salle de concert de MM Pleyel, Wolff & Cie pour choisir entre eux les membres d’un comité qui examinerait avec la direction de l’Opéra l’état de leur position actuelle et de rendre compte de cette surveillance par un rapport spécial.

Le chef de cabinet

Le chef de bureau

Eugène Humbert

Communiqué au directeur de l’Opéra le mercredi 3 mai à 2h et demi.

Mais même dans les rangs des insurgés, il n’y a pas unanimité et bien qu’on sente que le mouvement rallie à sa cause une majorité de musiciens, il est quelques brebis égarées loin du troupeau et, ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’il s’agit des postes les moins bien rémunérés.

A monsieur Emile Perrin, directeur de l’Académie Impériale de Musique

Monsieur le directeur,

J’ai l’honneur de vous informer que depuis le 29 juillet, j’ai envoyé à messieux les délégués composant le comité de l’orchestre de l’Opéra mon désistement avec défense de faire aucun usage de mon nom ou de ma signature.

Veuillez agréer monsieur le directeur l’assurance de ma plus parfaite considération.

[Théophile] Semet [cimballier]

Artiste de l’orchestre

24 août 1864

Examinons, si vous le voulez bien à présent, les réalités comptables des salaires de l’orchestre dans le temps et voyons si ce que Perrin avance en terme d’augmentation suivant « un mouvement spontané, graduel et constant » est exact, puisqu’il se trouve que nous avons ces chiffres écrits noir sur blanc.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Bon, il faut admettre tout de suite que par rapport à ce que la presse rapporte des salaires misérables des musiciens d’orchestre des théâtres parisiens (pour rappel, en moyenne 200F par mois pour un soliste et 150F pour tous les autres), là, on rajoute quand-même un zéro, voire plus, à presque toutes les payes. En revanche, on constate que les 2 extrêmes du tableau, l’année 1830 et l’année 1864 ont des salaires quasi équivalents. Il y a eu une grosse chute sur la période qui a suivi la Première Restauration, après la révolution de Juillet 1830 et le passage du comptable-chiffrier dont la note nous est parvenu. Les salaires dégringolent, tout le monde perd entre 100F et 600F de revenus, ce qui parait énorme. La révolution de Février (1848) semble avoir généré moins de chaos mais il n’y a pas de données entre 1850 et 1853. En revanche rien ne bouge ou si peu pendant presque 10 ans. Il suffit de comparer le tableau de l’évolution de l’inflation au cours du XIXème siècle réalisé par Olivier Berruyer pour voir à quel point les salaires sont décorrélés de la réalité économique, en particulier de l’inflation. Il n’est donc absolument pas surprenant que les artistes musiciens de l’orchestre de l’opéra se sentent financièrement lésés, car si ces salaires sont de bons salaires pour l’époque, ils ont plutôt eu tendance à baisser sur les 30 ans que nous pouvons étudier et surtout ils ont entièrement été gelés depuis l’arrivée de Perrin en 1862. Sa plaidoirie consistant à vanter la générosité naturelle de l’administration et l’amélioration des petits appointements qui se serait produite « par un mouvement spontané, graduel et constant » n’est que pure invention de sa part. L’évolution des salaires a la forme d’une parabole et remonte péniblement la pente à partir de 1860 pour atteindre une phase de plateau. Pour autant, l’argument de Perrin qui avance que les répétitions sont le soir et que les musiciens ont toute la journée de libre, me fait penser à la rhétorique des détracteurs de l’Education Nationale qui prétendent que les profs se la coulent douce parce-qu’ils ont toutes les vacances scolaires. C’est bien évidemment occulter le temps consacré à préparer ses cours, corriger ses copies ou pratiquer son instrument, apprendre les morceaux avant les répétitions. Bref, je suis médusée par autant médisance de la part de Perrin comme de Hainl.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Autre fait marquant, on constate comme l’orchestre est une entité très hétérogène. Contrairement à ce que Perrin voudrait faire croire, tous les musiciens ne sont pas logés à la même enseigne et certains ont de vraies raisons de se plaindre. Notons, par exemple, le hautbois N°3, dont le salaire accessoirement 35% plus bas que le hautbois N°2, n’a pratiquement fait que baisser et qui retrouve péniblement le salaire de 1830, mais ce salaire en 1864 n’a pas bougé de 5 longues années. Si on le compare avec la contrebasse N°3 qui est payé seulement 7% de moins que la contrebasse N°2, il y a de quoi grincer des dents.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Visiblement les écarts se creusent, particulièrement entre vents et cordes. Le 2ème basson fait une nettement moins bonne affaire que la 2ème clarinette, rémunérée 300F de plus. Quant aux cors, leurs salaires est nettement moins dégressif selon qu’on est 1er ou 3ème cor par rapport à tous les autres instruments: 2100F de salaire pour le 3ème cor, c’est plus que le Premier alto ou la Première contrebasse. Il semble n’y avoir aucune harmonisation et des grilles peu fiables; comme si chacun pouvait négocier sa paye personnellement, sans tenir compte des autres membres de l’orchestre. C’est très surprenant!

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Encore une fois, les vents me semblent avantagés. Les pistons en particulier. Le 2ème piston a vu son salaire augmenter de 25% sur les 10 dernières années. En revanche, le 2ème trombone qui était monté jusqu’à 1700F, en 1842 se retrouve rétrogradé à 1300F en 1849 et touche 250F de moins que le 2ème piston. Dur, dur… A moins qu’il ne s’agisse d’un changement de musicien, plus jeune et moins expérimenté. Nous n’avons malheureusement pas cette information, mais c’est assez probable. Qui accepterait un tel écart de salaire d’une année à l’autre?

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Voilà donc les salaires les plus bas exposés. Il existe donc bien des appointements très en-dessous de 1200F, contrairement à ce que soutient Emile Perrin. Ce cher Théophile Semet, le cimballier aux cheveux qui frisent et au regard torve, qui se désolidarise du mouvement des rebelles de l’orchestre, les tambours et le triangle en font partie. Evidemment il y a toujours pire. Il y a ceux qui ne touchent même pas le salaire qui leur est dû.

Monsieur le Directeur,

Permettez-moi de vous rappeler à votre bienveillante promesse de vouloir bien vous occuper s’il y a possibilité de me faire tomber mes appointements en remplacement de monsieur [Emile] Norblin [violoncelliste, fils du violoncelliste Louis Norblin]

[XX?] monsieur le Directeur, l’assurance de ma haute considération.

Henri Lütgen

Paris, le 30 décembre 64

Henri Lütgen photographié par Pierre Petit, collection Gallica, BnF

A présent, faisons juste un petit bond dans le temps, en 1866, et prenons connaissance d’un courrier de Georges Hainl à Emile Perrin concernant les revendications salariales d’un des musiciens de l’orchestre, 1er de pupitre.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Paris, le 14 mars 1866

Mon cher monsieur Perrin,

[Antoine] Dieppo sort de chez moi, je lui ai dit que son traitement était exceptionnel, qu’il tenait plus à sa personne qu’à sa qualité de tromboniste chef de pupitre, que dans mon opinion; abstraction faite de sa personne, il m’était impossible d’assimiler la position de 1er trombone à celle de 1ère flûte, clarinette, [hautbois?] etc. que telle était la raison qui avait fait qu’aucune augmentation ne lui avait été faite.

Je crois avoir bien agit, en un [?] en aucune façon faire part. Il a, m’a t-il dit, dormi sa décision pour la fin de l’année.

En terminant, Dieppo m’a demandé si je serais contrarié qu’il vous écrit.

J’ai répondu non, apportant que le travail fait avait été agréé par le ministre et [?] dépisté.

Je vous informe de ce fait afin que votre réponse soit conforme à la mienne.

[?] aussi le plus dévoué de vos serviteurs

Georges Hainl

Que cet homme écrit mal! Et je ne parle pas juste de son écriture mais de son style. Comparé aux nombreux courriers que j’ai pu lire aux archives et qui émanaient de personnes de rangs sociaux bien inférieurs, écrivant pour demander une audition ou un emploi d’homme à tout faire, Georges Hainl se distingue vraiment par son style littéraire médiocre.

Quant à Antoine Dieppo, il quittera définitivement l’orchestre de l’opéra de Paris en 1867, soit quelques mois après cette rencontre avec Hainl. Dieppo est un tromboniste très en vue, professeur au conservatoire de musique de Paris, il n’a pas besoin du poste de trombone à l’opéra. Il l’occupe certainement par plaisir et aussi parce-que c’est la formation orchestrale suprême de la nation, comme on l’a dit plus haut. C’est un poste de prestige. Le 1er trombone est payé 2500F en 1864 d’après les registres que nous possédons. La 1ère flûte a le même salaire, tout comme la 1ère clarinette. Les augmentations variables des salaires à partir de 1865 ont donc dû creuser des disparités qui n’existaient pas auparavant entre les 1ers de pupitre et du même coup, attiser des rivalités. Cela coûtera le meilleur trombone de la place parisienne à l’opéra, quoi qu’en dise Hainl, qui se permet de remettre en question la qualité de tromboniste d’Antoine Dieppo. Le cuistre!

Notons cependant que cette plainte émane d’un des musiciens les mieux payés de tout l’orchestre, mais son pedigree lui permet cette revendication.

Mais poursuivons plutôt notre investigation sur les revendications de l’orchestre en ces années 1864-65 pendant les répétitions de l’Africaine, opéra de Giacomo Meyerbeer. Voici une réponse qui émane, je pense, d’Emile Perrin à George Hainl. Nous n’avons pas le courrier initial écrit par Hainl, mais vu la réponse, on en devine le contenu. Des intentions extrêmes semblent être réprimandées de manière claire et définitive. Il n’est pas sûr, en revanche, que le discours tenu soit bien celui de Perrin. Ce dernier ne ferait-il que répéter les ordres du ministère? C’est très possible, car lui qui prétendait pouvoir remplacer n’importe quel musicien de l’orchestre sans trop de difficultés dans un courrier plus haut, le son de cloche est désormais très différent.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Monsieur & cher Maître,

Je déplore comme vous et je ne suis malheureusement pas à souffrir pour la première fois de l’esprit d’indiscipline qui anime l’orchestre de l’opéra. Ce même esprit, moins violent chez les autres corps existe pourtant et fait de l’administration une tâche ingrate et pénible. Cela tient à l’organisation même du théâtre et ce surtout à une cause que je n’ai point à apprécier.

J’ai dû vous donner avis de ces difficultés avec lesquelles nous avons sans cesse à compter. En ce qui me touche, Monsieur, j’aime à croire que vous n’avez pas à articuler une plainte. Plein de respect pour vous d’abord, puis pour la mission que vous aviez accepté, vous saviez avec quel empressement et quelle déférence j’ai mis à votre disposition tous les éléments dont peut disposer l’opéra. Tous les Chefs de Service en ce qui touche la partie musicale ont obéi à l’impulsion que vous leur donniez et se sont fait les interprètes de votre pensée.

Depuis plus de 4 mois que les études de l’Africaine sont commencées, elles ont été suivies sans interruption autres que celles que n’agitent les cas de force majeure et les indispositions inévitables dans un certain espace de temps. Nous voici arrivés maintenant aux répétitions de l’orchestre. C’est l’épreuve [barré: à ce moment] décisif où l’ensemble de l’œuvre se dégage pour la première fois. C’est à ce moment ou vous avez le plus besoin du zèle attentif et de l’ardeur que vous rencontrez dans l’orchestre, ce sentiment d’insubordination qui vous froisse d’autant plus qu’il vous semble de nature à compromettre la bonne exécution de l’œuvre qui vous est confiée. Je comprends très bien votre irritation et il y a là de quoi justifier l’opinion sévère que vous formulez dans votre lettre de ce matin. Mais enfin, Monsieur, ces éléments, si défectueux que vous les jugiez, il ne m’est pas donné de les changer, ni même de les modifier à courte échéance. Il vous faut vivre avec cet ennemi et en tirer le meilleur parti possible.

A Dieu ne plaise, Monsieur que je fasse peser [barré: remonter] sur vous la responsabilité de l’imprévu [barré: d’accidents que l’on ne peut prévenir]. Hier, Mme [Marie] Battu manquant à la répétition, l’autorisation accordée par le chef de chœur [barré: qu’il vous a été refusé de permettre] de permettre à son personnel [barré: vous aux chœurs] de se retirer après la lecture du 4ème acte. Ce sont là des accidents imprévus. Lorsque la répétition fut levée un peu inopinément, je me suis permis de vous demander s’il n’y aurait pas eu moyen d’employer [barré: d’utiliser] encore une heure de travail à redire les morceaux dont n’étaient ni les chœurs, ni Mme Battu absente. J’exprimais un regret, voilà tout, Monsieur. J’ai une confiance absolue dans la direction que vous imprimez aux études musicales de l’Africaine et dans le résultat que vous attendrez, même en passant sur certains déraillements que [rature] qui me sont plus pénibles qu’à vous-même. Mais vous savez quel est notre désir commun d’arriver le plus vite possible à ce résultat. Permettez-moi donc d’insister auprès de vous pour ce fait seulement que les répétitions d’orchestre soient les plus longues et les plus fructueuses possibles afin qu’il y en ait un moins grand nombre. Sans doute les artistes de l’orchestre qui se plaignent [discrètement?] se plaignent encore plus qu’on [XXX?] un travail plus long que de la fréquence des convocations. Je sais bien, Monsieur, comme vous le disiez hier, qu’ils doivent obéir et se conformer aux ordres qui leurs sont données. Mais [barré; quoique fusse] tout en étant bien loin de me faire avocat de leur cause, je suis contraint de ménager leur aspect irritable et je me fais violence à moi-même pour tourner une position qui devrait être abordée de front.

Je vous prie aussi, Monsieur, de [barré: vouloir bien] me donner vos instructions précises afin que le travail soit bien arrêté à l’avance entre nous et qu’il ne souffre aucun retard ni hésitation.

Encore une fois, Monsieur & cher Maître, croyez…

Là, quelqu’un vient de se prendre ce qu’il convient d’appeler une tatouille, je crois qu’il n’y a pas d’autre mot. Mais la tatouille venait peut-être de plus haut. N’ayant pas la date exacte du courrier ci-dessus, il est délicat de créer des liens de cause à effet, mais gageons que, si le courrier qui suit n’a rien à voir avec le précédent, il montre que tout directeur de l’opéra qu’on soit, on est aussi à la merci de l’étage du dessus. Ce poste de management tampon, comme on appellerait ça aujourd’hui a ses aspects très inconfortables. Reconnaissons donc à Perrin les difficultés qui sont les siennes.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Le 20 mai 1864

Princesse,

Il ne fallait pas moins que la toute puissance, et plus encore, la toute grâcieuse intervention de Votre Altesse, me voilà bien forcé de faire grâce.

J’avais dû à regret me décider à sévir. Il m’en coûte bien un peu de revenir sur une décision rigoureuse mais juste. Mais j’avais eu deux fois raison de la prendre puisqu’elle m’a valu une lettre de Votre Altesse et le plaisir de me soumettre à un désir manifesté par vous.

Tout est bien qui fini bien, Princesse, et j’espère que votre protégé se souviendra et se montrera à l’avenir digne d’une telle protection. J’ai l’honneur d’être, Princesse, avec mon plus profond respect de Votre Altesse, le très obéissant et très dévoué serviteur.

Emile Perrin

Là, c’est la maxi-tatouille et qui émane, en plus, directement de la maison mère puisque le courrier est adressé à « Son Altesse la Princesse Mathilde [Bonaparte] » en bas de page. Il ne s’agit pas de la hiérarchie directe, mais de l’intervention d’une VIP qui fait plier ce pauvre Perrin a qui il faut reconnaitre un certain panache dans le fiasco d’autorité auquel il doit faire face.

Et ça ne va faire qu’empirer, je dirais même que ça va barder pour le matricule de Perrin.

Le 14 décembre 1866

A Monsieur le Directeur de l’Académie Impériale de Musique

Monsieur le Directeur,

Je vous avais demandé, et vous aviez bien voulu me promettre de me donner les primeurs [souligné dans le texte] de votre jardin. Je trouve dans La Liberté [souligné dans le texte], l’article ci-joint. Si les faits sont fruits a tout de primeur [souligné dans le texte]. Alors, vous m’avez oublié! Si les faits sont inexacts, mettez-moi en moteur de [XX?] et d’y répondre de manière à ce que je vous sois utile, au moins tant que je serais agréable à mon abonné – voulez-vous que je vous adresse les [fourniers?] que j’ai chargé de rendre compte des faits et gestes de votre grande et belle administration à compter du 1er janvier.

Compliments [empressés?]

Leber ou Lebez?

Et quel est donc cet article de La Liberté dont ce mystérieux Leber / Lebez (pas commode, d’ailleurs) fait état? Et bien le voici:

Hier soir à minuit, à l’issue de la représentation de la Source, les Chefs de pupitre furent prévenus que Monsieur Perrin avait une communication à leur faire, et qu’il leur donnait rendez-vous dans son cabinet pour ce matin samedi. Nous croyons savoir qu’il s’agit d’une révolution dans les habitudes du théâtre de l’Opéra, déterminé par l’approche de l’Exposition Universelle et la nécessité de fournir aux plaisirs et à l’agrément d’une population subitement doublée, aurait pris une résolution grave, celle de jouer six fois par semaine et cette mesure serait mise à exécution à partir du 15 janvier 1867.

Ne serait-ce pas l’occasion pour Monsieur Perrin de résoudre une vieille question depuis longtemps jugée devant l’opinion publique, mais pendante encore devant l’administration: l’augmentation des traitements de l’orchestre? Les musiciens de l’Opéra, on le sait, ne sont pas des musiciens ordinaires, ce sont des virtuoses, des artistes. Au moment ou l’on se propose d’imposer à chacun d’eux une plus grande somme de travail, ne serait-il pas convenable d’effacer les vieux griefs, de donner satisfaction à des exigences qui ont toujours été modestes, à des réclamations qui se sont toujours légalement produites, et d’attribuer enfin à ses excellents artistes un salaire en rapport avec les services qu’ils rendent et le talent qu’ils possèdent?

Evidemment, force est de constater que les artistes ont la sympathie de la presse et du public. Et ce pauvre Emile Perrin qui se retrouve pris en étau. Même si je ne cautionne pas ses arguments, je reconnais la difficulté de sa position et comme il doit manœuvrer et faire bonne figure pour essayer de contenter tout le monde: savoir encaisser les tatouilles avec élégance; celles des VIP, celles de la Presse, celles de sa hiérarchie, celle de ses employés, et garder le cap!

Bon, enfin, il a aussi des travers qui le rendent quand-même assez désagréable.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Cette répression dut-elle avoir pour résultat momentané d’aggraver encore pour un moment la situation, dut-on, en cas de révolte ouverte, aller jusqu’à la reconstitution partielle ou même complète de l’orchestre de l’Opéra, je crois qu’il faut avoir à tout prix raison de ce foyer d’indiscipline. La dignité d’une grande entreprise c’est l’avenir [barré: et songer que l’avenir de l’Opéra] que l’on [barré: fort du] [XXX?] sauver ou compromettre [barré: si l’on agit ou si l’on temporise]

J’appuie donc les conclusions du rapport de monsieur Georges Hainl et je vous supplie de vouloir bien statuer d’urgence sur cette grave question [barré: importante affaire]

J’ai l’honneur d’être…

Perrin semble paniquer et l’ambiance est de plus en plus pourrie, si vous voulez mon avis.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

N’ont pas signé

Donis

Altès. Henry [1er flûtiste]

Altès Ernest [violoniste]

Gard …

Ont protesté

[Théophile] Semet [cimballier]

[Josph-François] Rousselot [corniste]

[Jean-Auguste] Tolbecque 1. [violoniste]

[Auguste] Tolbecque 2. [violoncelliste]

[Victor Frédéric]Verrimst [1er contrebassiste]

[Charles-Félix] Berthélémy [Hautboïste]

[Hippolyte] Maury [corniste à pistons]

[Paul Emile] Dufour [violoncelle] [1]

[Antoine] Dieppo [corniste]

La petite note baltringue à souhait! Alors qui sont les voyoux? Il semble y avoir autant de cordes que de vents dans la bande des rebelles. Les Tolbecque père (violon) et fils (violoncelle) s’alliant au corniste Joseph-François Rousselot (frère du violoncelliste Scipion Rousselot), le violoncelliste Emile Dufour est de tous les scandales, le corniste Hippolyte Maury et le tromboniste Antoine Dieppo également n’ont plus leur réputation à faire, on retrouve leurs signature partout! Le contrebassiste Victor Verrimst et son look de gentil grand-père ne dupe plus personne; quant au hautboïste Felix Berthélémy, syndicaliste avant l’heure, il est de tous les mauvais coups! Mais qui sont ces gros thugs qui veulent la peau de Perrin?!

Et notre cher Sebastian Lee? Ou est-il en ces années tourmentées qui annoncent La Commune? Je pense qu’il est déjà reparti à Hambourg. Je n’en ai pas encore la preuve absolue, mais je perds complètement sa trace après le mariage de sa fille unique Caroline, à Paris, avec Jean-César Böckmann, le banquier hambourgeois, le samedi 29 juillet 1865. Il a pu choisir de ne pas adhérer au mouvement et considérer que parce-qu’il était étranger ou parce-que son salaire lui paraissait correct ou pour toute autre raison, sa participation n’était pas requise. Mais je pense qu’il s’était déjà retiré dans son Allemagne natale. Ce que je sais également maintenant, c’est qu’en 1866, le Premier violoncelle de l’orchestre de l’Opéra décède. Je ne sais pas encore qui il est, mais je sais que ce n’est pas Sebastian Lee.

Paris le 31 mars 1866

A Son Excellence Monsieur le Comte Bacchiocci

Monsieur le Comte,

L’emploi de premier violoncelle à l’orchestre du théâtre de l’opéra vient de devenir vacant par suite du décès de son titulaire qui, sans aucun doute, devra être remplacé sans délai.

M’appuyant, Monsieur le Compte, sur la recommandation de Monsieur le Comte de Komar, dont mon beau-père, Monsieur Raimondi était le professeur d’escrime, m’appuyant en outre sur les bons rapports que je n’ai pas cessé d’entretenir jusqu’à ce jour avec monsieur le directeur de l’opéra et avec le chef d’orchestre, je prends la liberté de vous demander de vouloir bien m’accorder votre puissant patronage pour obtenir l’emploi de premier violoncelle.

J’espérais que Monsieur le Comte de Komar aurait pu présenter ma requête à Votre Excellence mais j’ai appris qu’il était souffrant et j’ai dû me décider à m’adresser directement à vous.

J’ai l’honneur d’être, de Votre Excellence, le très obéissant serviteur.

Henri Lütgen, violoncelliste à l’opéra

Comme on l’a vu, Henri Lütgen, qui a dû relancer Emile Perrin pour toucher sa paye (tu parles d’une belle entente avec le dirlo!) remplaçait jusqu’à présent Emile Norblin, souffrant, et qui ne décède qu’en 1880. Donc ce n’était pas lui le premier violoncelle. La chasse au premier violoncelle est ouverte!

Epilogue

Pour le plaisir, voici un petit florilège de lettres choisies qui ne feront l’objet d’aucun billet mais que je trouve intéressantes.

Paris, 8 août 1854

A Son Excellence Monsieur le Ministre d’Etat et de la Maison de Sa Majesté l’Empereur

Monsieur le Ministre

La section de musique de l’Académie des Beaux-Arts avait fait une demande à Monsieur le Ministre de l’Intérieur pour faire accorder la décoration de la légion d’honneur à Monsieur Georges Hainl, membre de l’académie de Lyon, chef d’orchestre depuis de nombreuses années au grand théâtre de cette ville. Nous pensons que cette demande a été renvoyée à Votre Excellence, elle est d’ailleurs appuyée par monsieur [Claude-Marius] Vaïsse administrateur du département du Rhône. Il est de notre devoir de rappeler à Votre Excellence tous les services que monsieur Hainl a rendu à l’art musical dans la seconde ville de l’Empire. Il y a fondé une société philarmonique qui est dans un état de prospérité qui la met au premier rang: il a fait connaître tous les chefs d’œuvre symphoniques et dramatiques dont Paris semblait avoir le monopole. Lui-même comme exécutant marche sur les traces de [Adrien-François] Servais et de [Alexandre] Batta et a constamment montré un dévouement sans borne pour tout ce qui peut contribuer à la propagation de notre art.

[Page 1]

Lyon, le 5 janvier 1854

Monsieur,

Vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 25 décembre dernier au sujet de monsieur Georges Hainl, chef d’orchestre au grand théâtre de Lyon pour me faire part de la demande que vous et vos collègues de la section de musique de l’Institut avez fait en sa faveur auprès de Monsieur le Ministre afin de faire obtenir à monsieur Hainl la croix d’honneur et m’exprimez le désir que je rappelle cette demande à Son Excellence [NDLE: S.E dans le texte], en lui recommandant l’artiste distingué qui en est l’objet.

J’aurais été heureux, monsieur, de m’associer à vous pour faire rendre justice à un artiste distingué. Malheureusement, et comme l’a annoncé Le Moniteur du 27 décembre [NDLE: 1853] dernier, il n’y a pas de décoration accordée dans l’ordre civil. Cette déclaration a rendu, et je le regrette, tout mon bon […]

Monsieur Adolphe Adam, Membre de l’Institut, Paris

[Page 2]

[…] bon vouloir inutile. Une démarche en faveur de monsieur Hainl resterait actuellement sans résultat; mais quand un temps plus opportun arrivera, je me ferais un plaisir, en m’appuyant de votre opinion, de faire valoir les titres qui le rendent digne de la distinction que vous souhaitez pour lui.

Agréez monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Le Conseiller d’Etat chargé de l’administration du Rhône

[Claude-Marius] Vaïsse

Paris, Juillet 1852

Monsieur le Ministre,

Les artistes d’un talent éminent qui se résignent à habiter la province dans le but d’y propager les saines doctrines de l’art, ont plus que d’autres peut-être droit aux encouragement du gouvernement. Nous venons appeler votre attention sur monsieur Georges Hainl, violoncelliste distingué et chef d’orchestre du Grand Théâtre de Lyon.

Elève du conservatoire de Paris ou il avait remporté le premier prix de violoncelle [NDLE: en 1830], monsieur Georges Hainl, après avoir fait applaudir son talent dans cette ville ainsi qu’à Londres, Vienne, Berlin et dans les principales villes de l’Europe s’est fixé depuis douze ans à Lyon ou il dirige l’orchestre du grand théâtre. Grâce à ses soins et à son zèle infatigable cet orchestre est devenu excellent et digne de rivaliser avec les meilleurs de Paris.

Monsieur Hainl a organisé à Lyon de grands concerts à l’instar de ceux du conservatoire de Paris et a initié les Lyonnais à la connaissance des chefs d’œuvre symphoniques de Mozart et de Beethoven. Au théâtre il a rendu excellente l’exécution des grandes œuvres lyriques, celle du Prophète…

Rabble-Rousers of the Paris Opera

4 May 2024 / sebastianleemusic

Banner image: L’orchestre by Edgar Degas, 1870.

By Pascale Girard, translated to English by Sheri Heldstab

While my research at the National Archives is stalled, despite two trips there, I would like to tell you a story of a social movement that occurred in the 19th century.  This movement shows that musicians were a well-organized labor industry at the time.  Moreover, it clearly demonstrates that we did not wait until the present to invent the bean counter [accountant] who, due to an excess of misplaced zeal, makes drastic cuts without the slightest understanding of what they are doing or of the consequences of their actions. This is the story of the orchestra’s strife and the opposition they encountered in making themselves heard.

The Paris Opera has never been a financially profitable establishment. This has never been its purpose, and the performing arts have been able to survive through the centuries thanks to public subsidies, which have always been their economic engine. The reason for this centuries-long investment, which can be compared to Danaïdes barrel1, is that the Grand Opera of Paris serves as an example of the splendor of France, and nothing less! The best musical artists, the greatest composers, the crème de la crème of crowned heads and statesmen converge at the opera. The reputation of the establishment is international and, therefore, must be of the highest quality – one of the jewels of the nation. This is not just any venue with a troupe of a few troubadours. The Grand Opera of Paris is an establishment bringing together the best music of its time, and it survives with the public resources provided to it. Ticket sales are not enough to cover the necessary investments in costumes, sets, staff salaries, and building maintenance. It is also interesting to delve into the accounting books available at the National Archives to see that the opera has heavy, relatively incompressible, and extremely varied operational costs, without which, the caliber of the orchestra, which is the pride of its country, would not merit its international influence.

I offer you this note as an appetizer.  It was probably written in 1830, the year in which Louis Désiré Veron became the director of the opera. Also mentioned are François Habeneck and Henri Valentino who were co-directors of the opera orchestra between 1824 and 1831.

Portrait of Henri Valentino by P.C Van Geel

Below:  A rather harsh and idiotic memo from a bean counter, who reduces the opera to a commercial product — without having grasped the opera’s full artistic and, above all, political significance.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

Note (copy)

The current staff costs 129,500F [francs]. It is composed of 84 musicians, including the conductor. Mr. Veron is only required to keep 80 musicians, so he can dismiss 4 of them. It should be noted that Misters [François] Habeneck, [Henri] Valentino, [Pierre] Baillot already represent 17,000F between the three of them. Misters Valentino and Baillot are useless.

The orchestra of the Théâtre Italien [is] composed of 50 people (including the conductor) [and] costs 49,000F per year. Now, according to the rule of proportions, 50 is 49,000, as 80 is 78,400. The comparison is very fair because one cannot claim that as part of an orchestra, Mr. Kermel, flautist of the opera at 1700F is worth more than Camus, first flute des Bouffes at 1400F, that Mr. [François] Dacosta, clarinetist of the opera at 2100F is better than Mr.[Frédéric] Berr at 1400F, finally that Mr.[Louis François] Dauprat, first horn of the opera at 2500 is better than Sallay at 1400F.

There is more. By Mr. Habeneck’s admission, Mr.[Jean-Baptiste Philémon] Cuvillon, first violin at the Bouffes with a salary of 1000F, would not be out of place among the first violins of the opera.

So, although the comparison does not seem very fair, assuming that the director of the opera must pay the musicians individually more than [musicians make in the] Bouffes, I estimate that with 85 or 90,000F at the most you should have a beautiful orchestra at the opera. So it is certainly a savings of at least 42,000F.  ]

Ah, the bean counter is so certain of his facts! Have the numbers spoken? Has the sacrosanct rule of three2 struck again? Yes, alas. While François Habeneck did not retire until 1846, Henri Valentino will be retired by Véron, who followed the accountant’s advice in 1830. As for Pierre Ballot, first violin at the time, he left the opera for good in 1831 after 10 years of service. The desire for decreasing expenses would be recurrent at the opera. The demands of the employees will be recurrent as well. Let’s see what the musicians of the orchestra asked for 33 years later, in their letter of September 22, 1864.

This letter to Monsieur le Maréchal [the Marshall, or Mr. M], is addressed to a military cadet named Jean-Baptiste Philibert Vaillant, who held the post of Minister of Fine Arts from 1863 to 1870.

[Approximate Translation:

Copy of the letter addressed to H.E. [His Excellency] by the delegates of the orchestra

Mr. M[arshall]

Your Excellency may not be aware of the following [request?] made by the artists of the Opera to Mr. E.P. [Emile Perrin], their director, with the aim of obtaining a salary increase, because [our letter?] containing a statement of reasons in support [of a pay increase], was given to Mr. E.P., at the request of the undersigned delegates of the orchestra.

The director of the Opera opposed our complaints with a refusal delivered by letter, which he believed should have notified us, addressed to Mr. Georges Hainl, conductor, who simply read it to those concerned.

Regardless of the rigor of his decision, Mr. E.P. appeared to want to establish, by his disappointing response, a new right, the importance of which made it necessary for us to ask our conductor to give us a copy of Mr. E.P.’s letter, but this request, repeated many times, was consistently rejected.

Consequently, Mr. M., our present and future situation is rather poorly defined by default [as a result] of the latest refusal that we have just received. We thought of addressing ourselves directly to Y.E. [Your Excellency], we therefore have the honor of requesting an audience with you, in order to ask you first, Mr. Minister, for the response of Mr. E.P. concerning the question of the salaries of the Opera’s orchestra as the only solution that we find viable is with the Ministry of the Household of the Emperor, and then to submit for your high approval certain points of the response of Mr. Emile Perrin.

While awaiting a response and confident in Your Excellency’s usual goodwill towards artists in general, we have the honor…

The delegates etc.…

There is very little to be found on the cellist Emile Dufour, except for this entry in the Dictionnaire des lauréats du conservatoire de musique de Paris [Dictionary of Laureates of the Paris Conservatory of Music].

Dufour, (Paul-Emile), born in Paris, February 21, 1826. Cello: acc. 1847, 2nd prize 1850, orchestra of the Porte St Marin; lyric theater, opera December 1, 1852 to 1882; Pasdeloup concerts (soloist); Société des Concerts, October 15, 1867.

What an admission of failure of the negotiations between the opera management and the orchestra!

Director of the opera since 1862, Emile Perrin remained the director of the Opera until 1871, when he was dismissed. What is going on with Mister Director? We can assume that he didn’t appreciate the escalation of his employees, deciding to go to the Big Boss without going through him.

Marshall Vaillant, photo by Pierre-Louis Pierson, 1865

What we know with certainty is that the social movement had already spread widely in all Parisian theatres between 1864 and 1865, and that the press had already become involved. I offer you a newspaper article found in the papers of the Director, a sentence of which is quoted in the letter he sent to his superiors. The reason Emile Perrin had for keeping this article, which only speaks of musical theatres other than the Opera, is that he rightly thinks that the condition of the musicians of the Opera orchestra is considerably better than that of the musicians of the other theatres.

Emile Perrin, Nadar Photography Studio [atelier Nadar], undated, BnF collection

Article from the newspaper Le Temps. Date unknown (circa early 1860’s).

[Approximate Translation: We announced yesterday that the musicians of the Paris theatres had decided to go on strike if they did not obtain from their director a notable increase in salary. It is good that, on this point as on all others, the public should be informed of the situation of the complainants, and should be able to appreciate, with full knowledge of the facts, the justice or injustice of the claims which arise. We do not wish to deal today with the orchestra of the opera, placed in special conditions and to which we propose to return. We will limit this presentation to musical theatres and ordinary theatres. In the Opera, the role of the orchestra is considerable. The artists who compose it are for the most part musicians of great talent, and some, the soloists particularly, are true virtuosos, holding the first rank among the instrumentalists. Now it takes decades of study and special aptitude to be a soloist, and once this goal is achieved, one is more or less assured of a salary often less than 1,400F and not exceeding 2,000F. In these same [musical] theatres, the quartet, with the exception of the section leaders, receives a salary which varies between 60F and 80F. There are second violins at 50F. It will be noted that the orchestra is obliged to have numerous rehearsals during the day, and that the musicians have almost no possibility of obtaining, through other work, any supplemental income. In the theatres of drama and vaudeville, it is even worse, and men, forced to spend 365 evenings in a theatre, their eyes burned by gas3, their heads weighed down by the story of a boring drama repeated a hundred times, receive (we are talking at the most) two francs fifty centimes per evening. There are some who are given thirty francs per month, one franc per day! As it is only too common to measure people’s worth by the profits they make, we can judge the esteem enjoyed by musicians even by the directors who make their situation so miserable. Since the reorganization of military music (and only in the guard), some have combined the profession of individual gagiste4 and that of orchestral musician, but these are exceptions which only highlight the inadequacy of ordinary salaries. We could cite a theater where the musicians, in addition to their evening service, must do two rehearsals per week, which fixes on average the remuneration for working hours at 35 centimes. [The cost of] Everything has increased, both food and rent, especially for musicians who, by the nature of their occupation, cannot go and live in outlying districts. However, we know some who live for economy purposes in the Malakoff Tower and in the main street of Saint Ouen. They go home at two o’clock in the morning. However, orchestral musicians are increasingly poorly paid. The excess of evil has therefore ended up bringing these unknown martyrs out of their torpor, and today they want their salaries to be fixed as follows: 200F per month for all soloists, 150F for all others. Otherwise, [if they remain] paid less than the workers, they will use the benefits of the law on work unions and go on strike; and then, no more tremolo at the entrance of the traitor, no more joyful flourishes at the entrance of the comedian, no more of these musical interludes in situations which add such great interest to the silent play of the actors, and everywhere the curtain will rise coldly, as for the successful plays of the Comédie-Française5. Will things be allowed to come to this extreme? We hope otherwise. The directors must take notice. Let them carefully examine the situation of these modest musicians, let them realize their needs, let them come to an agreement with them, and let the example of Mr. Ducoux6 and his coachmen4 not be lost on anyone.  ]  

What follows is a draft of the letter that Emile Perrin sent to his superiors when he learned of the orchestra’s action against him. And, we can say with certainty – he was not very happy.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate translation:

22 September 1864

The complaints of the orchestra’s artists concern two points

1. The low level of their treatment

2. The situation of the retirement pension fund

On the first point:

It is true that the musicians are poorly paid. The same can be said of all the numerous persons in the employ of all the theatres. The salary is low because the competition is great and recruitment is easy: a lot of study is required to train a good instrumentalist, the liberal professions, the administrative services, the military profession, also demand from those who embrace these various careers long work, hard sacrifices in return for which more than one man of merit often finds only a precarious position. M[ister] M[arshall] the musicians therefore complain of a malady [crossed out: general] from which they do not suffer alone, which is very difficult to remedy [crossed out: because once again, the remuneration is lowered because of the number of competitors rather than being proportionate to the value]. The general budget of the orchestra of the Opera is 147,300F. This budget is broken down as follows:

32 musicians at 1200F,
35 musicians at 1200F to 2000F,
13 musicians at 2000F to 2800F,
2 conductors, a principal at 12 000F, a second at 4000F
{= 147,000F}

On average these salaries are higher than those of all the other musical theatres in Paris, without counting the almost certainty of a retirement pension. Because the benefit of this pension is mainly achieved by the musicians of the orchestra whose services can most easily reach the tenure prescribed by the regulations.

Furthermore, it is fair to observe that this very fact of belonging to the orchestra of the Opera increases and facilitates for the [crossed out: artists] instrumentalists the various resources that they can draw from their art, either in concerts or through lessons, and to respond to this grievance articulated in the petition submitted to His Majesty that the greater part of their time is required by rehearsals, it will suffice to say that this year when the work has been most intensive, the orchestra’s general rehearsals have been 24 in all. In short, there is no doubt that the artists of the orchestra are worthy of interest. But what will be done for the orchestra, will have to be done for the choirs, for the ballet, for the stagehands, for the workers, for all these numerous personnel whose complaints will have to be accepted in their turn. It would be a complete reorganization of the budget of the Opera. The current resources would not be sufficient since the budget can barely maintain a balance.

On the second point

M[ister] M[arshall] the musicians [crossed out: seem to show concern about] affect to be concerned about the current situation of the retirement pension fund. This is first of all a bit of ingratitude because this fund is one of the heaviest burdens weighing on the budget of the Opera. It would be easy to prove that it costs it more than 100,000F annually. But they know very well that a performance for the benefit of the fund is allocated for Sunday [Editor’s note: October 3, 1864]. The committee has requested that we especially perform “Roland à Roncevaux” [Editor’s note: opera by Auguste Mermet] and the director has endeavored to subscribe to this desire. [Author’s note: to read the review of this concert, see here.]

That the artists of the orchestra [added above: rest assured] ask that the apprehensions they have for their retirement be put to an end. I believe that [crossed out: this is going very far down the path of mistrust] these apprehensions [illegible] are unfounded. They know very well that the fund currently has sufficient capital to ensure the service of pensions at the time when these pensions will have to be paid, that the arrears which may have been established by circumstances independent of the will of all will be filled before handing over to the Emperor a sort of complaint which seems to accuse the management of the Opera, the administration of the theatres, the general superintendent and the minister of indifference, they should have been more certain that their claim was just and well founded.

The complaint that they had no fear in sending to the emperor.

The [financial] interests of the fund as regards performances are administered by a committee composed of the various heads of department of the Opera and chaired by the director. This administrative framework has a drawback. The initiative is lacking, does it belong to the committee? Should it come from the director? The intentions are good but the unity of action is lacking, [by the time] we officially arrive at a conclusion [illegible] the next day time is lost and the backlog is created.

Their interests [income] are in no way compromised. The situation of the fund is good. It currently has a capital of 1,140,000F. This capital should be more considerable, it is true. [illegible] to regret that we have allowed [crossed out: it is true] a backlog of performances to build up. This was due to several causes. Firstly, because of the difficulty of organizing successful performances, to the circumstances which have often hindered performances, and because of the complications which have arisen. This year has two favorable periods, it was necessary to give two of these extraordinary performances, [in the margin: urgently and by order of His Majesty] one for the benefit of the authors’ fund, the other for the benefit of Mr.[Hugues] Bouffé [Author’s note: The retirement performance was played on November 17, 1864, and it is Napoléon III in person who ordered that the Opera to be placed at the disposal of the artist. The takings of the evening amounted to more than 25,000 francs.] This debt had already aroused the solicitation of His Excellency the Minister of the Household of the Emperor. He gave orders that measures be taken for the organization of a party similar to that which in 18– paid into the retirement pension fund the sum of …

Some newspapers have announced that the artists of the orchestras of the theaters of Paris have decided to go on strike if they do not obtain from their directors a notable improvement in their salaries. « Let the directors take notice, » says one of these newspapers, “that the example of Monsieur [François Joseph] Ducoux and the coachmen are not lost on anyone.”  [Author’s note: Ducoux had to deal with a social movement and a strike by his coachmen from June 16 to 23, 1864]

The example could be better chosen with regard to the success of the coalition [labor union] first, then especially with regard to the artists who count in their ranks real notables and who must be poorly flattered by this strange assimilation. But since we are appealing to Opinion on this subject, it may be opportune to put before the eyes of the public facts and exact figures.

First of all, and this is the most topical aspect of the question, [crossed out: is it possible] is the strike, i.e., the sudden and simultaneous cessation of the service of the musicians of the orchestra in all the theatres to be feared, is it admissible, can it even enter into the minds of those to whom we attribute [crossed out: a little lightly we can spread the dimension] this plan?

In all theatres where the orchestra is seriously established, the artists are [crossed out: attached] bound to the director by a contract whose duration and conditions are freely debated and accepted. Usually, the duration of this contract is one year and each year, it is renewed [crossed out: from year to year] on the condition that the two contracting parties, director and musician, must notify each other six months in advance in the event that [crossed out: they would not agree to the renewal] one of the two would be [illegible] [illegible] to terminate this contract. The artist is therefore always [crossed out: free] able to regain in a very short time his freedom to use his talents more fruitfully, if he finds his condition bad, if a better one is offered to him. But to violently break a contract is to put oneself outside the law, it is also to expose oneself to the damages, to the prosecutions that this break can entail, in particular to the payment of the offense reported in each contract. We can therefore affirm that this threat of striking, if it is true that it has germinated, [crossed out: illegible] some ardent minds, cannot meet with a serious [crossed out: approval] adherence on the part [crossed out: artists in their great number] of the majority. Musicians better informed about their duties and their true interests. Let us now come to the remuneration whose insufficiency is, it is said, of a nature to justify this extreme measure of refusal to work. The following table gives the composition of the personnel of the orchestra in each of the four great musical theaters of Paris, the total figure of the budget of this service, and the average of the salary by each artist [Author’s note: the table has been drawn but is missing the data]. The Théâtre Italien is only open for seven months, the Théâtre Lyrique is authorized an annual closure of two months, the Opéra and the Opéra-Comique are the only two that play all year round. The Opéra-Comique alone plays every day of the year. The statutory number of performances at the Opera is 182. The number of rehearsals is on average 25 to 30 per year. These rehearsals always take place in the evening. The musicians attached to the orchestra of the Opera therefore have free disposal of all their days and [crossed out: a little less than half] [illegible] of their evenings. They can therefore draw other profits from their talents, either as a teacher or as a virtuoso. It is [crossed out: therefore] completely false to [crossed out: claim] to say that “the musicians have almost no possibility of obtaining an indispensable supplement to their income through other work”. On the contrary, the musicians of the Opera enjoy for the most part a notoriety that makes the supplemental income easier for them to find. For many of them, the salary they receive from the orchestra of the Opera is not their most lucrative resource but [crossed out: it is no less one] it is a stable position sought by all the instrumentalists [crossed out: because it is attached] to whom are attached moreover other very special advantages.

As soon as the Opera returned to the control of the emperor’s household, the administration hastened to re-establish the pension and retirement fund. However, the reserves of this fund are formed not only from its regulatory deduction made from salaries but also and above all from special endowments and donations made for its benefit by the administration and absolutely at the latter’s expense. This is not [crossed out: moreover] the only improvement that can be noted. For some years now, the salaries of the artists of the orchestra have increased significantly at the Opera. In 1832, the average salary was 1,167F, in 1848 1,392F, in 1854 1,398F. Today it is 1,687F. This improvement therefore follows a progressive [crossed out: regular] [crossed out: progressive, noticeable] course that the administration only asks to hasten by its own initiative but that any semblance of constraint would tend rather to delay. What we [illegible] the Opera is also true for the other theatres. The movement is the same there, the intentions equally good. When it is a question of a staff whose good or bad dispositions can improve or compromise the performance and consequently satisfy or displease the public, the interest, of course, of any director is to give in as far as possible or rather to anticipate the complaints himself. But any means of coercion [by the staff] would be supremely improper, because once again, between the theatre administrations and the musicians, transactions are absolutely free[employment at the theater is voluntary]. The current rate of salaries has been established by the natural force of things, without surprise or any pressure whatsoever. There are many instrumentalists, so many that for some years now, considerable competition, the growth of opera houses, the establishment of a few public concerts, some of which have achieved a well-deserved popularity, the general spread of taste and the study of music have not been able to significantly raise the salaries of orchestral musicians. This is because production [the number of musicians] is even greater than demand. The day the situation changes, or musicians find more advantageous remuneration outside the currently existing theatrical administrations, the day more numerous and equally secure outlets open up to them, that day their demands will become just, will necessarily be accepted and their [condition?] will improve by itself, without effort, without crisis, by the simple fact of the natural balance that is established between supply and demand. [Note in the margin: The Conservatory classes alone provide 140 instrumentalists, not including the piano classes which are not applicable to the question before us]

So far, interest can be attached to a class of musicians whose position is modest [crossed out: and several of whom] count among them men of real merit. But do they have the right [crossed out: to do themselves justice] to show themselves so impatient and to try to do themselves justice? It is said that it takes years of study to make a good instrumentalist, it is true, but in the administration, in the army, in the university, in the arts, in the liberal professions, how many [crossed out: modest] positions poorly paid require a sum of work and skills at least equal [as demanded of most artists attached to the orchestra of the theaters of Paris] to those that a musician must possess to be attached to the orchestra of a theater.  ]

We can clearly see that the director has carefully considered his argument against the demands of his recalcitrant employees. I find that many of his arguments are fallacies, starting with the fact that the conservatory produces a plethora of musicians every year. But seriously? It is not reasonable to compare the exceptional virtuosos in the ranks of the opera orchestra with the general public at the conservatory! Each year, there is only one first prize for each instrument. Even the conservatory distinguishes between the truly exceptional students and the other students who complete their apprenticeship, which makes this law of supply and demand a downright ridiculous claim. But things are not going to get any better for Emile Perrin and his elaborate rhetoric is not going to be enough to calm things down. On the contrary, the year 1865 will see a new escalation that will most certainly test the nerves of the director.

We do not know the resolution of the social movement of the Autumn of 1864, nor whether there was intervention on the part of the emperor. On the other hand, we do have a note from December 1864 which seems to propose some elements of negotiation.

[Approximate Translation:

December 1864

Note[memo]

Because [of] the three attached reports, Mister First Conductor of the orchestra proposes the adoption of the following measures:

1. A salary increase of 300F in favor of Mr. [Louis-Ferdinand] Leudet, solo violin, third conductor

2. The admission without audition, contrary to the regulations of May 5, 1821, articles 259, 265 and 266 of Mister [Henri Joseph] Dupont as horn player at a salary of 1,600F to replace Mister [François Antoine Frédéric Auguste] Duvernoy, who is asserting his retirement rights and whose salary was 2,200F.

3. A gratuity of 300F to the benefit of Mr. [Antoine] Halary, fifth horn as replacement

If it is up to the head of department to draw the attention of the administration to those musicians under his command who, through their good services and the talent they have demonstrated, have deserved encouragement or advancement, it is up to him [crossed out: in the same way] above all to only make his requests after having made sure of the possibility of obtaining their realization, particularly with regard to the administrative and financial part of the establishment [illegible] a step contrary to the system of prior agreement on the issues in question.]

Below are the mini-biographies of the interested parties found in the archives of the Paris Conservatory, which has kept a detailed register of all its prize winners since its creation. For many musicians, this is the only trace that remains of their musical career and it gives us valuable information about their careers.

However, on 28 May 1865, Emile Perrin received a new letter at his office, and it was still the same!

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

To the Director of the Imperial Opera Theatre

Sir,

We, the undersigned members of the Committee of Musicians of the opera orchestra, having a communication to make to you on behalf of our colleagues, ask you to kindly indicate the day and time when you would like to receive us.

We have the honour, Sir, to ask you to accept the expression of our respectful feelings.

28 May 1865  ]

The tone of this letter from the committee is formal and courteous, but also determined, and there is no « devoted servants », or indeed a complimentary close of any sort, in this letter. The artists seem ready to fight!

On receipt of the letter, Perrin again warns his superiors before the meeting. The draft of his letter tells us about his state of mind and suggests that this committee of the opera’s musicians is a recent creation.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

Mister Minister [below in pencil « Mister Superintendent »]

I have already had to report to Your Excellency on several occasions a certain excitement among the musicians of the opera orchestra. This permanent state of irritation, of resistance, has compromised the proper execution [of a performance] more than once. It tends to create serious embarrassment for the administration.

I was informed that for some time, meetings had been organized outside of management, without the conductor’s knowledge, meetings for which the musicians discussed their interests, and agreed upon their demands. Today, what was only a presumption becomes a reality. I received from a committee elected by the musicians of the orchestra, a letter in which the members of this committee, 8 in number, ask me to make, on behalf of their colleagues, an important communication.

So here is a committee, that is to say [“C.A.D” in the original text] a sort of authority created by the artists outside of the regulations, away from their direct leader to whom they have not even made known the nature of their requests or their complaints, who has not been consulted by them, who I suppose to be ignorant of everything. In order to re-establish the hierarchical principle, I demanded that the conductor be present at the meeting which is scheduled for the day after tomorrow, Thursday.

But before this meeting takes place, I believe that it is easy to foresee the points on which the musicians’ complaints will bear, to examine the merits of their requests, to decide whether their requests should be accepted [crossed out: “the part that could be given to them”], to prepare finally for the eventualities that a debate between the administration and the musicians may bring about, and finally a work stoppage on their part since this has already been discussed among them.

The musicians’ demands can be summed up as follows. First, a salary increase, then, the claim they have already expressed to administer themselves, that is to say [“C.A.D” in the original text] to control the orchestra outside of the administration and their leader, their service which is indicated to them, the orders which are given to them, to put, in a word, their personal preferences in place of the regulations and obligations which they have agreed to.

There is no need for a long examination to do justice to this claim. It is authority disregarded, administration made impossible, discipline annihilated.

The request for a salary increase would seem more admissible. But in what circumstances, in what way is this increase requested? As much as the administration of the emperor’s householdis naturally inclined to improve the situation of all those [added above: « of its employees »] who understand how to deserve his benevolence, it is the emperor’s household administration’s duty to resist what resembles pressure, any intimidation, it must firmly refuse what seems to be demanded of it as a right.

Since the opera house has been in the emperor’s house, this improvement in small salaries has occurred through a spontaneous, gradual and constant movement. Today, to stick to the orchestra, the general budget for this service, I am talking about the permanent staff, is 148,505F, it was in 1854, [added above “direction of M.[Nestor] Roqueplan”] 118,000F. In 1832, (direction of M.[Louis-Désiré] Veron), 94,550F, in 1831 (old civil list) 129,000F. It is easy to see by comparing these numbers whether the private administration would be as genial as that of the State.

On average, the salaries of the permanent members of the orchestra are approximately 1700F per person. There are no salaries below 1200F. What is their statutory service? 182 performances per year, approximately 25 to 30 rehearsals, or 212 evenings, because the orchestra never rehearses during the day, so all of their days are free and the artists can use them to give lessons or to make any other additional income using their talents.

Compare this service to that of the musicians engaged in the orchestra of the opéra-comique and the théâtre lyrique who play every day, rehearse in the morning, and for less remuneration the opera orchestra musicians have half as much work.

But, say the musical artists of the opera orchestra, it is a fair proportion that it is our dignity to establish the salaries of the artists of the stage which are no longer in relation to ours. It is true that the salaries of the singers have increased in a frightening way for some years, that they tend to increase every day. But this is a law that we must submit to. The inflexible law of supply and demand. The artists that the foreign theaters in London and Petersburg compete for demand from us a price fixed by this competition. It is not with a light heart, it is in spite of its resistance that the opera has seen the budget of the singing artists which in 1832 was 297,600F, rise, progressively and [illegible] in 1865 to the figure of 890,000F. And at this price even, the opera has difficulty in obtaining singers. If any artists in the orchestra should be missing, the opera will replace them immediately, and even if they all leave the opera at once, the reconstitution of an entire orchestra in a fairly short time is not an impossible thing. We are touching here on the heart of the matter. For I know what the opinion is, I would not say of the greater and healthier part of the orchestra, but of a few leaders who are pushing the others to extreme resolutions. I know that the question of a work stoppage has been stirred up. [crossed out: The wind of the strike is also blowing from that side]

That the members of the orchestra of the opera assimilate [illegible] themselves to the workers [crossed out: this is doubtless a fact, but it is even less their right] and [the workers] think of going on strike in their turn, is certainly to take little consideration of their dignity, but it is above all to be singularly mistaken about their rights. [Illegible] the particular enterprise of the members of the orchestra, like the choristers, were attached to the opera by contracts that were renewed each year and which linked the musician and the administration, except in cases of breach provided for by the regulations. Today, under the empire of the old general regulations of 1821, the musical artists of the orchestra are simply admitted. But under the terms of these regulations, the administration can only separate from an artist by notifying him 6 months in advance. The obligation is reciprocal. So, one of two things. Either the musicians of the orchestra are bound by a synallagmatic7 contract renewed from year to year by tacit agreement, or subject to the regulations they can only withdraw by notifying their intention 6 months in advance. The artists of the orchestra are therefore not free, they are bound by a contract, and if they were to breach it violently, they would expose themselves to legal action and the payment of damages.

It is to be hoped that it will not come to this extreme, but this regrettable possibility of a work stoppage, the administration must prevent it and not be too frightened by it, because it would be the end of a state of crisis that has lasted for too long. [crossed out: “or should we try to prevent this supreme crisis by seeking out the recalcitrants, the instigators, and by striking them, if there is still time?”]

One more word on the financial question, it seems only secondary here, but it is indeed important. This salary increase, if granted to the orchestra, will have to be granted to all the other services, because they are all demanding it. If the operation were not onerous for the civil list, the administration would easily give in to its natural instinct of generosity. But since the opera has been in the emperor’s house, all the annual budgets, except that of 1863, have ended in deficit, and the total of these deficits amounts to more than 700,000F. When the claims of the artists of the orchestra are formulated in a precise manner, I will have the honor of submitting them to you immediately [crossed out: « to his Excellency »] but I believed it necessary to notify your Excellency today, in order to be able, if necessary, to take your instructions beforehand. I have the honor to be ………]

I confess to being shocked by the content of this draft letter to the hierarchy of the director of the opera. I have no doubt that the final letter was, in substance, of the same ilk. To assert that the musicians of an elite orchestra like that of the opera are interchangeable and easily replaceable elements shows at best a gross defamation, at worst a spectacular ignorance of musical and lyrical art. This recurring argument of Perrin makes him, in my eyes, the villain of the story, although he was, in turn, a victim also, as we will see later.

Georges Hainl, date and artist/photographer unknown

Above all else, the letter addressed to Perrin shows a breakdown in trust between the musicians and their conductor. But Perrin is not going to stop there and he is quick to bring the conductor into the loop. At this point in the story, it is the cellist Georges Hainl who has been conducting the opera for 2 years. I digress here to say that I have found an incredible number of letters from the latter who worked on the direction of the opera in order to obtain the position. He used all possible strategies over an incredibly long period of time (months!) to be able to access these functions: recommendations, insistence, supplications, these letters to the director could be the subject of an article in their own right and what emerges from this strange application, spread out over time and tedious, is that Georges Hainl was probably not the preferred candidate for this position that he seems to have ended up obtaining by attrition. This is also the case for his previous position as conductor at the Grand Théâtre de Lyon, which he inherited through nepotism on the part of his brother who placed him there after leaving the post himself. George Hainl is an ambitious opportunist, but does he have the skills required for this position? Nothing could be less certain. As for Perrin, who has no training as a musician, it is undoubtedly his connections that elevate him to the position of director of the opera, he who was originally a simple set designer. In any case, he has the right instincts in confronting Hainl on the reasons for the orchestra’s musicians’ distrust of Hainl’s authority.

[Approximate Translation:

28 May 1865

My dear Georges Hainl,

Eight of the members of the orchestra, Misters. [Adolphe] Leroy, [Jules] Garcin, [Alexandre] Tilmant, [Felix] Berthélémy, [Hippolyte] Maury, [Emile] Dufour, [Alfred] Viguier and Baraud-Mainvielle have just sent me a letter in which they ask me to assign a day and time so that they can speak with me on behalf of the committee of which they are members, on behalf of their colleagues.

The musicians of the orchestra will always be welcome and they can be assured in advance of my entire good will, if they ask for something fair and within my power. But I was unaware, I confess, of the existence of a committee of musicians of the opera orchestra and I could not acknowledge any relationship between the musicians of the orchestra and the director without the hierarchical intermediary of the conductor. Nothing must happen without his knowledge or in his absence. Please tell these gentlemen that I would have great pleasure in receiving them and you, next Wednesday at 2 o’clock, and that I will listen to them with all the attention, all the interest that the questions relating to the opera orchestra demand.

Please, my dear Georges Hainl, accept the assurance of my most sincerely devoted sentiments.

The director of the opera

Emile Perrin  ]

Subsequently, things seemed to have completely degenerated, as described in this letter addressed to the Prefect of Police of the city of Paris:

[Approximate Translation:

Paris, 2 May 1865

Note for Mister [Charles-Gabriel] Nusse [head of the Paris Police]

The head of the municipal police is requested to exercise suitable surveillance near the meeting of the musicians of the Opera orchestra which is authorized for May 3 without indication of time, rue Rochechouart in the concert hall of Misters Pleyel, Wolff, and Cie to choose from among them the members of a committee which would examine, with the management of the Opera, the state of their current position and to report on this surveillance by a special report.

Chief of Staff

Bureau Chief

Eugène Humbert

(Communicated to the director of the Opera on Wednesday, 3 May at 2:30 p.m.)  ]

But even within the ranks of the insurgents, the feelings are not unanimous, and although one senses that the movement is rallying a majority of musicians to its cause, there are a few sheep who have strayed far from the flock and, of particular interest, the stray sheep consist primarily of those in the lowest paid positions.

[Approximate Translation

To Mr. Emile Perrin, Director of the Imperial Academy of Music

Mister Director,

I have the honor to inform you that since July 29, I have sent to the men of the committee of the orchestra of the Opera my withdrawal with a prohibition of the use of my name or my signature.

Please accept, Mr. Director, the assurance of my highest consideration.

[Théophile] Semet [cymbal player]

Orchestra artist [musician] 24 August 1864  ]

Let us now examine, if you will, the accounting realities of orchestra salaries over time and see if Mr. Perrin’s claims are correct in terms of increases in salary following “a spontaneous, gradual and constant movement”, since it just so happens that we have these figures written in black and white.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Well, we immediately see that compared to what the press reports about the miserable salaries of orchestra musicians in Parisian theaters (as a reminder, on average 200F per month for a soloist and 150F for all the others), we must add a zero, or even more, to almost all the salaries. On the other hand, we note that the two extremes of the table, the year 1830 and the year 1864, have almost equivalent salaries. There was a big drop in remuneration during the period following the First Restoration, after the revolution of July 1830 and the letter from the bean counter whose note has reached us. Salaries plummeted, everyone lost between 100F and 600F of income, which seems enormous. The February Revolution (1848) seems to have generated less chaos but there is no data between 1850 and 1853. On the other hand, nothing changes very much for almost 10 years. It is enough to compare the table of the progression of inflation during the 19th century carried out by Olivier Berruyer to see to what extent salaries are not correlated with economic reality, in particular inflation. It is therefore absolutely not surprising that the musicians of the opera orchestra feel financially disadvantaged, because if these salaries are good salaries for the time, they have tended to fall over the 30 years for which we have data, and above all, they have been completely frozen since Perrin’s arrival in 1862. His argument consisting of praising the natural generosity of the administration and the improvement of small salaries that would have occurred « by a spontaneous, gradual and constant movement » is pure invention on his part. The progression of salaries is paraboli, and painfully climbs back up from 1860 to reach a plateau phase. However, Perrin’s argument that rehearsals are in the evening and that musicians have the whole day free reminds me of the rhetoric of the detractors of National Education who claim that teachers have life easy because they have all the school holidays. This is obviously ignoring the time spent preparing lessons, correcting papers or practicing an instrument, learning pieces before rehearsals. In short, I am as astounded by Perrin’s inaccurate claim as Hainl was.

Another striking fact is that we can see how the salaries of the orchestra musicians are not similar to each other. Contrary to what Perrin would have us believe, not all musicians are treated equally and some have real reasons to complain. For example, the third oboe’s salary, which was 35% lower than the second oboe’s salary, has effectively decreased and is struggling to regain the salary of 1830, but this salary in 1864 has not changed for 5 long years. If we compare it with the third double bass, who is paid only 7% less than the second double bass, it is enough to make one’s teeth grind.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

Clearly the gaps are widening, particularly between the woodwinds and the strings. The second bassoon is much worse off than the second clarinet, who was paid 300F more. As for the French horns, their salaries are decreasing more slowly depending on whether you are first or third French horn compared to all the other instruments: the 2100F salary for the third horn is more than the First viola or the First contrabass. There seems to be no consistency and the salary scales seem random; as if everyone could negotiate their pay personally, without taking into account the other members of the orchestra. It is very surprising!

Yet again, the woodwinds seem to me to be at an advantage. The French horns2 in particular. The second French horn saw his salary increase by 25% over the last 10 years. On the other hand, the second trombone who had gone up to 1700F in 1842 found his pay diminished to 1300F in 1849 and received 250F less than the second French horn. That is harsh… Unless it was a change of musician, younger and less experienced. Unfortunately, we do not have this information, but it is quite likely. Who would accept such a salary change from one year to the next?

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

So here are the lowest salaries exposed. There are many salaries well below 1200F, contrary to what Emile Perrin states. This dear Théophile Semet, the cymbal player with the curly hair and the foreboding look, who dissociates himself from the movement of the rebels of the orchestra, is part of the percussion section which definitely seems underpaid. Obviously, there is always worse. There are some who do not even receive the salary that is owed to them.

[Approximate Translation:

Mister Director,

Allow me to remind you of your kind promise to be willing to take care of it if there is a possibility of acquiring the salary owed to me in replacement of Mr. [Emile] Norblin [cellist, son of cellist Louis Norblin].

[illegible], Mr. Director, the assurance of my highest consideration.

Henri Lütgen Paris, 30 December [18]64  ]

Henri Lütgen photographed by Pierre Petit, collection Gallica, BnF

Now, let’s just jump to 1866 and read a letter from Georges Hainl to Emile Perrin concerning the salary demands of one of the orchestra’s musicians, first desk.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[ Approximate Translation:

Paris, 14 March 1866

My dear Mister Perrin,

[Antoine] Dieppo leaves my house, I told him that his salary was exceptional, that his recompense had more to do with his reputation than his ability to play his instrument, that in my opinion; apart from his person, it was impossible for me to equate the position of first trombone with that of first flute, clarinet, oboe, etc. that this was the reason why no increase had been given to him.

I believe I have acted well, in a [illegible] in no way to share. He has, he told me, put off his decision for the end of the year.

In closing, Dieppo asked me if I would be upset if he wrote to you.

I answered no, stating that the work done had been approved by the minister and [illegible] screened.

I inform you of this fact so that your response is consistent with mine.

[illegible] also the most devoted of your servants

Georges Hainl  ]

His writing is horrible! And I am not just talking about his penmanship, but about his style. Compared to the many letters I have read in the archives, which came from people of much lower social rank, writing to ask for an audition or a job as a handyman, Georges Hainl really stands out for his mediocre prose.

As for Antoine Dieppo, He would definitively leave the orchestra of the Paris Opera in 1867, a few months after this meeting with Hainl. Dieppo was a very prominent trombonist, a professor at the Paris Conservatory of Music, he did not need the position of trombone at the opera. He certainly held it for pleasure and also because it was the most esteemed orchestra of the nation, as mentioned above. It was a prestigious position. The first trombone was paid 2500F in 1864 according to the registers that we have. The first flute had the same salary, as did the first clarinet. The variable increases in salaries from 1865 onwards must therefore have created disparities that did not previously exist between the principal musicians and, at the same time, stirred up rivalries. This will cost the Opera the best trombone in Paris, however much Hainl questions Antoine Dieppo’s quality as a trombonist. The boor!

It should be noted, however, that this complaint comes from one of the highest paid musicians in the entire orchestra, but his pedigree allows him to make this claim.

But let us now continue our investigation into the demands of the orchestra in 1864 and 1865, during the rehearsals of l’Africaine, an opera by Giacomo Meyerbeer. Here is a response that (I think) comes from Emile Perrin to George Hainl. We do not have the initial letter written by Hainl, but given the response, we can guess its content. Extreme intentions seem to be reprimanded in a clear and definitive manner. It is not certain, however, that the opinions given are indeed that of Perrin. Was the latter simply repeating the orders of the ministry? It is very possible, because he who claimed, in the letter above, to be able to replace any musician in the orchestra without too much difficulty has changed his tune. The tone of the story is very different now.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

Mister and dear Master,

I deplore [the behavior] like you, and I am unfortunately not suffering for the first time from the spirit of indiscipline which animates the orchestra of the opera. This same spirit, less violent in other organizations, nevertheless exists and makes the administration a thankless and painful task. This is due to the very organization of the theater and above all to a cause which I have no business assessing.

I had to inform you of these difficulties with which we must constantly contend. As far as I am concerned, Sir, I like to believe that you do not have to articulate a complaint. Full of respect for you first, then for the mission that you had accepted, you knew of the eagerness and deference with which I placed, at your disposal, all the elements that the opera can have. All the Heads of Department with regard to the music have obeyed the impulse that you gave them and made themselves the interpreters of your thoughts.

For more than 4 months since the [theatrical] studies of l’Africaine began, they[the studies] have continued without interruption other than those that are instigated by cases of force majeure and the inevitable indispositions in a certain space of time. We have now arrived at the orchestra rehearsals. This is the decisive test [crossed out: at this moment] where the whole of the work emerges for the first time. It is at this moment when you most need the attentive zeal and the ardor that you encounter in the orchestra, this feeling of insubordination which offends you all the more because it seems to you likely to compromise the proper execution of the work entrusted to you. I understand your irritation very well and there is enough there to justify the severe opinion that you express in your letter this morning. But finally, Sir, these elements, however defective you judge them to be, it is not for me to change them, or even to modify them in the short term. You have to live with this enemy and make the best of it.

God forbid, Sir, that I should place [crossed out: to bring up] the responsibility for the unforeseen [crossed out: accidents that cannot be prevented] on you. Yesterday, Mrs. [Marie] Battu missing from the rehearsal, the permission granted by the choirmaster [crossed out: which you were refused permission] to allow his staff [crossed out: you to the choirs] to withdraw after the reading of the 4th act. These are unforeseen accidents. When the rehearsal was adjourned somewhat unexpectedly, I took the liberty of asking you if there would not have been a way of employing [crossed out: of using] another hour of work to repeat the pieces in which neither the choirs nor Mrs. Battu were needed. I was expressing regret, that’s all, Sir. I have absolute confidence in the direction you are giving to the musical studies of l’Africaine and in the result you will deliver, even passing over certain derailments that [crossed out] are more painful to me than to you. But you know that our common desire is to arrive at this result as quickly as possible. Allow me therefore to insist with you on this fact alone that orchestral rehearsals should be as long and fruitful as possible so that there are fewer of them. No doubt the orchestral artists who complain [discreetly?] [will] complain even more about [illegible] working longer hours than about the frequency of summons[rehearsals]. I know well, Sir, as you said yesterday, that they must obey and conform to the orders given to them. But [crossed out; although] while being very far from making myself an advocate for their cause, I am forced to accommodate their irritable disposition and I am forcing myself to navigate around a situation that should be tackled head on.

I also ask you, Sir, to [crossed out: be so kind] to give me your precise instructions so that the work is well decided in advance between us and that it does not suffer any delay or hesitation.

Once again, Sir & dear Master, believe…  ]

Someone has just taken what should be called a thrashing, I think there is no better word. But the thrashing may have come from higher up. Not having the exact date of the above letter, it is difficult to create cause and effect links, but I would bet that, if the following letter has nothing to do with the previous one, it shows that no matter how much you are an opera director, you are also at the mercy of the organizational level above you. This ‘buffer management’ position, as we would call it today, has some very uncomfortable aspects. Let us acknowledge Perrin’s difficulties.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[Approximate Translation:

20 May 1864

Princess,

It took nothing less than the omnipotence, and even more, the most gracious intervention of Your Highness, and here I am forced to grant mercy.

I had to regretfully decide to take action. It costs me a little to go back on a rigorous but just decision. But I was twice right to take it since it earned me a letter from Your Highness and the pleasure of submitting to a desire expressed by you.

All’s well that ends well, Princess, and I hope that your protégé will remember and prove himself worthy of such protection in the future.

I have the honor to be, Princess, with my deepest respect, Your Highness’s most obedient and devoted servant.

Emile Perrin  ]

There it is, the mega-thrashing which, in addition, comes directly from the parent company since the letter is addressed to « Her Highness Princess Mathilde [Bonaparte] » at the bottom of the page. It is not about the direct hierarchy, but the intervention of a VIP who makes this poor Perrin bend, and who must be recognized for his self confidence in the fiasco of authority that he must face.

And it will only get worse, I would even say that Perrin’s number is about to come up, and things will become very messy for him.

[Approximate Translation:

14 December 1866

To the Director of the Imperial Academy of Music

Mister Director,

I had asked you, and you had kindly promised to give me the firsts[news scoops] of your garden. I find the attached article in La Liberté. If the facts are the first of all fruit, then you have forgotten me! If the facts are inaccurate, put me in the position of [illegible] and answer them in such a way that I am useful to you, at least as long as I am pleasant to my subscribers – would you like me to introduce you to Mr. Fournier who I have charged to report on the facts and gestures of your great and beautiful administration since January 1st

Hurried compliments,

[Leber? Lebez?] ]

And where is this article from La Liberté that this mysterious Leber/Lebez (who sounds rather irascible, by the way) is referring to? Well, here it is:

[ Approximate translation:

The Theatrical and Musical World

Yesterday evening at midnight, after the performance of La Source, the section heads[principal musicians] were informed that Mr. Perrin had a message for them, and that he would meet them in his office on this morning, Saturday. We believe that this is a revolution in the habits of the Opera theater, determined by the approach of the 1867 Paris Exposition[World’s Fair] and the need to provide for the pleasures and enjoyment of a suddenly doubled population, would have taken a serious resolution, that of playing six times a week and this measure would be put into effect from January 15, 1867.

Would this not be an opportunity for Mr. Perrin to resolve an old question long since judged before public opinion, but still pending before the administration: the increase in the orchestra’s salaries? The musicians of the Opera, as we know, are not ordinary musicians, they are virtuosos, artists. At a time when it is proposed to impose on each of them a greater amount of work, would it not be appropriate to erase old grievances, to give satisfaction to demands that have always been modest, to complaints that have always been legally produced, and to finally award to its excellent musicians a salary in proportion to the services they render and the talent they possess?]

Obviously, it is clear that the musicians have the sympathy of the press and the public. Poor Emile Perrin, he is trapped in a vice. Even if I don’t agree with his arguments, I recognize the difficulty of his position and how he must maneuver and put on a brave face to try to please everyone – knowing how to take the nagging with elegance: that of the VIPs, that of the Press, that of his hierarchy, that of his employees, and stay the course!

Be that as it may, he also has some faults that make him quite unpleasant.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[ Approximate translation:

Even if this repression had to have the temporary result of making the situation even worse for a while, even if, in the event of an open revolt, we had to go as far as the partial or even complete reconstitution of the Opera orchestra, I believe that we must, at all costs, overcome this hotbed of indiscipline. The dignity of a great enterprise is the future [crossed out: and think that the future of the Opera] that we [crossed out: strong in the] [illegible] save or compromise [crossed out: if we act or if we temporize]

I therefore support the conclusions of Mr. Georges Hainl’s report and I implore you to be so kind as to rule urgently on this serious question [crossed out: important matter]

I have the honor to be…]

Perrin seems to be panicking and the atmosphere is increasingly ugly, in my opinion.

Source: Archives de Pierrefitte, carton AJ/13/478

[ Approximate translation:

Did not sign

Donis

Altès. Henry [1st flute]

Altès Ernest [violin]

Gard …

Have Protested

[Théophile] Semet [cymbals]

[Josph-François] Rousselot [French horn]

[Jean-Auguste] Tolbecque 1 [violin]

[Auguste] Tolbecque 2 [cello]

[Victor Frédéric]Verrimst [1st contrabass]

[Charles-Félix] Berthélémy [French horn]

[Hippolyte] Maury [French horn]

[Paul Emile] Dufour 1 [cello]

[Antoine] Dieppo [French horn]  ]

This little note is as petty as can be! So, who are the thugs? There seem to be as many strings as horns in the rebels. The Tolbecque father (violin) and son (cello) team up with French horn player Joseph-François Rousselot (brother of cellist Scipion Rousselot), cellist Emile Dufour is in all the scandals, French horn player Hippolyte Maury and trombonist Antoine Dieppo also have their reputations well established, their signatures are everywhere! Contrabass player Victor Verrimst, who looks like someone’s kind grandfather (see link above), no longer fools anyone; as for French horn player Felix Berthélémy, a union leader before his time, he is part of all the bad behavior! But who are all these big thugs who want Perrin’s head?!

And our dear Sebastian Lee? Where is he in those troubled years that heralded the Commune? I think he had already gone back to Hamburg. I do not yet have absolute proof, but I completely lose track of him in the historical records after the marriage of his only daughter Caroline, in Paris, to Jean-César Böckmann, the Hamburg banker, on Saturday, July 29, 1865. He may have chosen not to join the movement and concluded that his participation was not required, either because he was a foreigner or because he foresaw the instability of the French government, and knew he might be moving back to Hamburg8. Personally, I think he had already moved back to his native Hamburg. What I also know now is that in 1866, the First Cello of the Opera Orchestra died. I have not yet been able to determine who he was, but I know that the first cello at that time was not Sebastian Lee.

[ Approximate translation:

Paris 31 March 1866

To His Excellency The Count Bacchiocci

Mister Count9,

The position of first cello in the orchestra of the opera house has just become vacant following the death of its holder, who will undoubtedly have to be replaced without delay.

Relying, Sir, on the recommendation of Count Komar, whose fencing teacher was my father-in-law, Mr. Raimondi, and relying further on the good relations that I have maintained to this day with the director of the opera and with the conductor, I take the liberty of asking you to grant me your powerful patronage to obtain the position of first cello.

I had hoped that Count Komar would have been able to present my request to Your Excellency, but I learned that he was ill and I had to decide to address you directly.

I have the honour of being, Your Excellency, your most obedient servant.

Henri Lütgen, cellist at the opera  ]

As we’ve seen, Henri Lütgen, who had to contact Emile Perrin to collect his pay (talk about a great understanding with the director!) replaced Emile Norblin, who was ill, and who died in 1880. So Mr. Lütgen was not the first cellist. The hunt for the first cellist is open!

Epilogue

For fun, here is an approximate translation of a small anthology of selected letters which will not be the subject of any post but which we (both the author and translator) find interesting.

[Approximate translation:

Paris, 8 August 1854

To His Excellency the Minister of State and Household of His Majesty the Emperor

Mister Minister,

The music section of the Academy of Fine Arts had made a request to the Minister of the Interior to have the decoration of the Legion of Honor10 awarded to Mr. Georges Hainl, member of the Academy of Lyon, conductor for many years at the Grand Theater of this city. We believe that this request has been referred to Your Excellency, it is also supported by Mister [Claude-Marius] Vaïsse administrator of the Rhone department. It is our duty to remind Your Excellency of all the services that Mr. Hainl has rendered to musical art in the second city of the Empire. He founded a philharmonic society there which is in a state of prosperity that places it in the first rank: he has made known all the symphonic and dramatic masterpieces of which Paris seemed to have the monopoly. He himself as a performer follows in the footsteps of [Adrien-François] Servais and [Alexandre] Batta and has consistently shown boundless dedication to anything that can contribute to the propagation of our art.  ]

[Approximate translation:

Lyon, 5 January 1854

Sir,

You did me the honour of writing to me on 25 December last concerning Mr. Georges Hainl, conductor at the Grand Théâtre de Lyon, to inform me of the request that you and your colleagues from the music section of the Institute made on his behalf to the Minister in order to obtain for Mr. Hainl the Cross of Honour and expressed the desire that I remind His Excellency [H.E. as originally written] of this request, recommending to him the distinguished artist who is the subject of it.

I would have been happy, sir, to join you in doing justice to a distinguished artist. Unfortunately, and as announced in Le Moniteur  of December 27 last [1853], there is no decoration awarded in the civil order. This declaration has rendered, and I regret it, all my good […]

Mister Adolphe Adam, Member of the Institute, Paris

[Page 2]

[…] useless goodwill. An approach in favor of Mr. Hainl would currently remain without result; but when a more opportune time arrives, I would be pleased, based on your opinion, to assert the titles that make him worthy of the distinction that you wish for him.

Please accept, sir, the assurance of my most distinguished consideration.

The State Councilor in charge of the administration of the Rhône

[Claude-Marius] Vaïsse  ]

Translator’s Notes:

1.  Danaïdes barrel is a story from Greek Mythology.  The connotation in this sense is the senselessness of performing a repetitive task which can never be completed.
2.  The “rule of three” in mathematics is a principle by which if three numbers are unknown, but one number is known, and the numbers are proportional to each other in some way, the other three numbers can be calculated from the one known number.
3.  Limelight was used in theatres and music halls. An intense illumination is created when a flame fed by oxygen and hydrogen is directed at a cylinder of quicklime (calcium oxide).  A byproduct of this burning of quicklime was the creation of calcium hydroxide, a chemical which is corrosive to eyes and skin, and which can result in corneal damage or blindness.
4.  There is no English equivalent word for “gagiste”.  A gagiste is a person who performs for hire at small events, which English calls “gigs”.  A “gagiste” would be someone who plays gigs.
5.  La Comédie-Française is a state-run theatre in France, founded in 1680.  It is the oldest active theatre company in the world.
6.  François Joseph Ducoux (1808 – 1873) was a military doctor.  After the February Revolution of 1848, he rose to a local degree of political prominence. In February 1851 Ducoux submitted a bill to the Legislative Assembly that proposed to establish a state-run Labour Exchange in Paris. His project was also submitted to the Paris Municipal Commission. The project was abandoned. After the coup in December of 1851, he was arrested and fell from political favor.  He started a horse-drawn cab company during this time.  His coach drivers (along with many others in the city) went on strike for better wages from June 16th to June 23rd, 1864.  In 1871, Ducoux returned to politics.  After his death, the idea of a Labour Exchange was revived in 1875 and 1883, and eventually came into being in 1886.  The article was obviously written after this work stoppage occured, and is using Ducoux’s cab company as an example of what can happen to an organization that does not pay a living wage.
7.  A synallagmatic contract is a contract in which each party to the contract is bound to provide something to the other party.  In this case, money (pay) is provided for music (performance of work).
8.  From 1815 until 1866 Hamburg was an independent and sovereign state of the German Confederation, then became an independent and sovereign state of the North German Confederation from 1866 to 1871.  Given the political upheaval in France at the time, Hamburg would have been a relatively safe city to live in.
9.  At the time this letter was written, many continental European countries had “Count” or “Compte” as a Peerage rank.  The equivalent Peerage ranking in England was “Earl”, which is why an Earl’s wife is referred to as a “Countess”.
10.  During the French Revolution, all of the French orders of nobility were abolished. Napoleon Bonaparte, as First Consul, wanted to create an award to commend civilians and soldiers, and thus was created the Légion d’honneur[Legion of Honor], a body of men that was not an order of peerage.  Napoleon believed that France needed a recognition of merit rather than a new system of peerage.  The equivalent honor in the United States of America would be the Presidential Medal of Freedom.  In the UK, the equivalent honor would be being knighted by the Monarch (thus, the UK has retained the Peerage rank, but the rank of “knight” has lost its relation to the nobility).

Sebastian Lee contre les violences familiales : Une prière pour la violoncelliste Cécile Clauss, ses sœurs et leur oncle, Claude Huttin

Image: Illustration d’une scène de violence conjugale par George Cruikshank, 1847.

English

Par Pascale Girard

Le 19 janvier 1862, le Ménestrel [1] annonce un concert au bénéfice de la famille Clauss. Parmi les musiciens qui y participent, le nom de Sebastian Lee y est cité, aux côtés de son ami Charles Dancla, qui enseignait le violon à 2 des filles Clauss, Fanny et Jenny. Cet événement caritatif à l’intention d’une famille ayant connu « un drame intime », comme nous l’explique pudiquement le journal, cache en réalité une histoire bouleversante. Ce drame terrible va toucher Sebastian Lee en plein cœur à une période pivotale de son existence. Dans ce billet, je me propose de retracer le parcours de la famille Clauss jusqu’au 28 décembre 1861, date du drame, sa couverture médiatique, ainsi que les intrications entre les Clauss et Sebastian Lee.

Mercredi prochain, 22 janvier, soirée musicale donnée dans les salons Pleyel au bénéfice de la famille Clauss, victime d’un drame intime dont les journaux nous ont fait tout récemment l’émouvant récit. MM Théodore Ritter, Charles Dancla, S.Lee, E. Altès, Boulard, M. et Mme Léopold Dancla coopéreront à ce concert de bienfaisance. [1]

Le Ménestrel, 19 janvier 1862 [1]

La famille Clauss débarque à Paris en novembre 1857, d’après le journal du Ménestrel [2] dont l’article ci-dessous, daté du 31 janvier 1858, relate une des toutes premières performances publiques des sœurs Clauss à la capitale.

Nous avons assisté cette semaine, à une soirée musicale qui offrait un double intérêt. Une gracieuse maîtresse de maison, Mme Du F***, avait réuni, rue de la Madeleine, une nombreuse société dans ses brillants salons, et là nous avons applaudi à l’exécution de plusieurs quatuors interprétés par quatre jeunes sœurs, sous la direction de leur père, M. Clauss nous a amené à Paris, il y a 3 mois, cet orchestre en miniature: le premier violon a treize ans, les deuxièmes comptent onze et huit ans, et le violoncelle ne dépasse pas la première cheville de son instrument. Tout cela gazouille à ravir, et nous savons que plusieurs salons se préparent à imiter Madame du F*** Au point de vue de l’art, c’est déjà satisfaisant; comme chose curieuse, c’est tout simplement miraculeux. [2]

Si l’article relate la soirée en toute bienveillance en insistant sur le phénomène exceptionnel de voir jouer des pièces de musique réputées ardues par de si jeunes personnes, il n’en est pas de même partout et l’accueil est parfois moins enthousiaste. L’article de Silke Wenzel, Docteur en musicologie, qui m’a informé en premier lieu de l’affaire grâce à sa recherche bien fouillée, cite une brève tirée du Neue Magazin für Musik en 1857, un an plus tôt, au sujet d’un de ces concerts à Genève;  » Les quatre filles, âgées de 8 à 14 ans, jouent des quatuors de Haydn et aussi des quintettes dans lesquels le père dirige ces ‘enfants prodiges’. Pour nous, qui sommes les ennemis jurés de tout prodige, quelle impression embarrassante de voir et d’entendre les quatre filles chanceler et râler, et finalement la curiosité est la seule chose que nous puissions mentionner […]. La violoncelliste semble avoir le plus de talent des quatre, mais son talent est tout aussi inculte que celui de ses trois collègues et de son père. » [3]

Cet article, s’il a été lu par le père Clauss, a probablement été une pilule amère à avaler car c’est avant tout la reconnaissance qu’il cherche, à n’en pas douter. Sébastien Clauss nait à Haguenau, le 18 janvier 1808, d’un père pêcheur et déjà très âgé au moment de la naissance de son fils.

L’an 1808, le vingt janvier à midi, par devant nous, Maire officier de l’Etat Civil de la ville de Hagueneau, Département du Bas-Rhin, canton et municipalité de Hagueneau, est comparu André Claus, âgé de soixante cinq ans, Pêcheur, domicilié à Hagueneau, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né le dix-huit janvier dix huit cent huit à dix-huit heure du soir, de lui, le déclarant, et de Madeleine Munsch, son épouse, auquel il a déclaré vouloir donner le nom de Sébastien. Les dites présentations et déclarations faites en présence de Valentin Kielz, âgé de 31 ans, manouvrier, et de Frédéric Murth, âgé de 34 ans, cordonnier, domiciliés à Hagueneau, et ont, le déclarant et le maire, signés avec nous le présent acte après qu’il leur en a été fait lecture.

Acte de naissance de Sébastien Claus, Archives d »Alsace [4]

Outre l’évolution du patronyme alsacien que l’on trouvera écrit avec un seul « s » ou 2, selon les papiers administratifs, ce que cet extrait de naissance nous dit, c’est que Sébastien Clauss est d’origine modeste. Je ne lui ai trouvé qu’une grande sœur nommée Barbe, née le 25 Thermidor de l’an XII, donc courant Juillet / Août 1805. Pourtant, vu l’âge d’André Clauss, le père, il semble évident qu’il y ait eu une fratrie bien plus importante. Est-ce un remariage? Avait-il perdu sa première femme et ses autres enfants? Je n’ai rien trouvé en remontant dans le temps dans les registres alsaciens, mais si André a vécu ailleurs, impossible de retrouver sa trace. En tout cas, en 1808, il a 64 ans, un âge canonique pour l’époque! Il décède d’ailleurs seulement 4 ans après la naissance de son fils Sébastien.

L’an XIII de la République, le 26 du mois de Thermidor, à 11h du matin, par devant nous, Adjoint du Maire officier de l’Etat Civil de la ville de Haguenau, canton de Haguenau, Département du Bas-Rhin, est comparu André Claus âgé de soixante-deux ans, pêcheur, domicilié à Haguenau, lequel nous a présenté un enfant de sexe féminin né le 25 Thermidor an treize à sept heure du soir de lui, déclarant et de Magdeleine Munsch et auquel il a déclaré vouloir donner le prénom de Barbe. La dite déclaration et présentation faites en présence de Charles Burtz, âgé de 31 ans, charpentier, et de George Hübel, âgé de soixante ans, charpentier, tous les 2 domiciliés à Haguenau. Tous les père et témoins [ont] signé avec nous le présent acte de naissance après qu’il leur en ait été fait lecture.

Acte de naissance de Barbe Clauss. Archives d’Alsace [4]

Je me suis demandée ou André Clauss pouvait bien pêcher en Alsace. Peut-être était-ce dans la Moder qui traversait le bourg de Haguenau à cette époque. Contrairement aux marins qui pêchent en mer, il ne devait pas s’absenter de longues semaines pour ramener du poisson, cependant sa présence dans la vie de Sébastien sera quand même de courte durée. Très tôt dans la jeune vie de Sébastien Clauss, les décès s’enchaînent. D’abord son père en 1812, puis sa sœur Barbe décède à l’âge de 15 ans le 2 juin 1820. A la mort de son père, Sébastien n’a que 4 ans et il se retrouve seul avec sa mère à 12 ans, probablement dans une grande précarité financière. Le destin des veuves et des femmes parents isolées de l’époque n’était pas glorieux et ces deuils qui ont frappé la famille ont forcément eu de grosses répercutions dans la vie du jeune Sébastien. Un article édifiant de Jean-Paul Barrière explore le statut du veuvage féminin au XIXème siècle [5]. Il est question de 3 mythes de perception sociale: la « Sainte veuve », la victime à secourir et la veuve légère. Des visions manichéennes qui donnent à penser qu’on est soit sacrificielle, éternellement pleureuse et dominée, ou prostituée après avoir perdu son mari dans la France du XIXème siècle. Peut-être est-ce un peu tout cela à la fois? Il faut bien survivre et élever son enfant et je n’ai retrouvé aucun remariage de Madeleine Munsch sur la commune d’Haguenau après le décès d’André Clauss.

André Claus, né le 13 décembre [1746] Déclaration de décès faite en la maison commune de Haguenau, département du Bas-Rhin, par devant l’officier de l’Etat Civil, a [neuf?] heure du matin, le quatorze du mois de décembre mille huit cent douze. Prénom et nom du décédé: André Claus, âgé de soixante-sept ans, né à Kaltenhouse profession ou qualité de pêcheur, domicilié à Haguenau maison située au N°9, quartier rouge (hôpital civil) le treize du mois courant sept heure du soir. Epoux de Madeleine Munsch.

Acte de décès d’André Claus, Archives d’Alsace. [4]

Il y a un personnage qui a attiré mon attention lors de ma fouille généalogique, c’est Antoine Clauss, un cabaretier qui a 2 jumeaux presque du même âge que Sébastien Clauss. Je me suis demandée si c’était auprès de lui qu’il avait appris la musique. Dans un contexte familial aussi dégradé, qui lui aurait enseigné cet art? Si c’est le cas, lui aussi décède le 1er octobre 1816 quand Sébastien n’a que 8 ans.

L’an mille huit cent six, le 24 Février à neuf heure du matin, devant nous Maire officier de l’Etat Civil de la ville de Haguenau, département du Bas-Rhin, canton et municipalité de Haguenau, est comparu Antoine Clauss, âgé de 44 ans, cabaretier, domicilié à Haguenau, lequel nous a présenté deux enfants de sexe masculin né le 24 Février 1806 à 2h du matin de leur déclarant et de la Dame Barbe Friess son épouse, auxquels il a déclaré vouloir donner les prénoms [?] à l’un de Mathias à l’autre de Joseph. Les dites présentations et déclarations signées en présence de Louis Koessler, âgé de 32 ans, libraire, et Jacques Mercklé, âgé de 55 ans, architecte domicilié à Haguenau et ont lu aux déclarants et témoins signés avec nous le présent acte après qu’il leur en a été fait lecture.

Acte de naissance des jumeaux d’Antoine Clauss daté du 24 février 1806 à Hagueneau. Source: Archives d’Alsace [4]

Antoine Clauss, que j’ai retrouvé à plusieurs reprises dans les archives a peut-être joué un rôle important auprès du jeune Sébastien Clauss. Etait-il son oncle? Il avait plus l’âge d’être son père qu’André Clauss. Il semble que si André et Antoine étaient père et fils (ils ont 20 ans d’écart), cousins ou frères, leurs situations professionnelles étaient très différentes. Antoine est commerçant et fait partie de la petite bourgeoisie. Ses témoins, un libraire et un architecte, montrent également qu’il évolue dans un environnement socio-économique beaucoup plus privilégié qu’André, simple pêcheur à 64 ans et dont les témoins sont un manouvrier et un cordonnier pour la naissance de Sébastien, et 2 charpentiers pour la naissance de sa sœur Barbe. Autre fait intéressant, le cabaretier, au début du XIXème siècle en France, est un établissement autorisé à servir du vin au verre ainsi que des repas. Ces lieux évoluant, « le cabaretier devint au fil du temps le propriétaire d’un cabaret où se réunissaient les poètes, et les gens d’esprit« . [6] En 1789, Haguenau compte 4600 âmes [7], surement un peu plus 20 ans plus tard, mais on parle néanmoins d’une bourgade. Dans un si petit village, 2 Clauss sont forcément liés, mais je dois admettre que je n’ai pas réussi à en établir le lien grâce à un acte d’Etat Civil, ceci ne reste donc qu’une supposition, mais, je l’ai déjà dit et je le répète: en généalogie, je ne crois pas au coïncidences.

Sébastien Clauss prendra pour épouse Elisabeth Huttin. Je n’ai pas retrouvé leur acte de mariage mais les actes de décès de Sébastien, Cécile et Fanny Clauss l’établissent de manière indiscutable. Elisabeth Huttin nait le 2 mars 1813 à Calmoutier et est l’aînée de 2 frères: Georges, né en 1814 et Claude, né en 1815. Deux frères et une sœur n’ayant chacun qu’un an d’écart, sans doute très proches et que, pour 2 d’entre eux, le destin va mener à Paris.

L’an 1813, le 2 mars par devant nous Gabriel Bruleport, Maire et officier de l’Etat Civil de la commune de Calmoutier, canton de Noroy, département de la Haute-Saône, est comparu le Sieur Vincent Huttin, âgé de vingt [neuf] ans, percepteur de la commune de Calmoutier, domicilié […] qui nous a présenté un enfant du sexe féminin, née ce jour à 9h du matin de lui déclarant et de Jeanne Boulangier, son épouse et auquel il a déclaré vouloir lui donner le nom et prénom de Elisabeth Huttin, les dites déclarations et présentation faites en présence d’Antoine Genlit, âgé de 32 ans, et de François Bruleport, âgé de quarante cinq ans, les 2 laboureurs demeurant à Calmoutier et père et témoins signés avec nous le présent acte de naissance après qu’il leur en a été fait lecture.

Extrait de naissance d’Elisabeth Huttin, source: Archives de Calmoutier

Comme on le verra dans les actes de naissance des frères d’Elisabeth Huttin, il semble que le percepteur de Calmoutier ne soit pas très entouré. Pour Elisabeth, ce sont 2 laboureurs, dont l’un porte le même patronyme que le maire, qui sont les témoins. C’est frappant car, pour en lire des quantités importantes, les témoins sur les actes d’Etat Civil sont presque systématiquement des proches des familles. Ici, cela paraît décousu. Pour Georges un cordonnier de Vesoul et l’instituteur de Calmoutier (déjà plus vraisemblable). Un mélange de classes sociales qui ne se fréquentent pas et, en dehors d’Antoine Genlit, une population de témoins hétéroclites en l’espace de 3 ans et 3 naissances.

L’an 1814, le 1er avril par devant nous, Gabriel Bruleport maire et officier d’Etat Civil de la commune de Calmoutier, canton de Noroy, département de la Haute-Saône, est comparu Vincent Huttin âgé de 31 ans, percepteur, demeurant à Calmoutier lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin, né ce présent jour à 9h du matin, de lui, déclarant, et de Jeanne Boulangier, son épouse, et auquel il a déclaré vouloir donner les noms et prénoms de Georges Huttin. Les dites déclarations et présentations faites en présence de Georges Minery, âgé de 21 ans, demeurant à Vesoul, cordonnier et de Vincent Besson, âgé de 37 ans, instituteur, demeurant à Calmoutier et ont, le père et les témoins, signés avec nous le présent acte de naissance après que lecture leur en a été faite.

Acte de naissance de Georges Huttin, Archives de Calmoutier

L’an 1815, le 17 avril par devant nous Gabriel Bruleport adjoint et officier de l’Etat Civil de la commune de Calmoutier, canton de Noroy [?] département de la Haute-Saône, est comparu le Sieur Vincent Huttin, âgé de 34 ans, percepteur demeurant à Calmoutier, lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin né le présent jour à 6h du matin de lui, déclarant, et de Jeanne Boulangier son épouse, et auquel il a déclaré vouloir lui donner les noms et prénoms de Claude Huttin. Les dites déclarations et présentations faites en présence d’Antoine Genlit, âgé de 34 ans et de […]

Acte de naissance de Claude Huttin, Archives de Calmoutier.

Retournons à présent à Paris car je n’ai pas retrouvé les actes de naissance des filles Clauss, supposément nées à Besançon, d’après les actes de décès de 2 d’entre elles. A force de travail et de concert, les performances s’améliorent et 1861 sera l’année de la consécration pour le quatuor des Clauss.

Dans La Presse Littéraire du 5 Février 1861 [8], le ton est désormais plus élogieux.

Nous entrons dans la saison des concerts. Jeudi 24 [janvier 1860], une foule nombreuse et élégante se pressait dans les salons de MM. Pleyel et Wolff et venaient applaudir le talent, très-réel déjà, de toutes jeunes musiciennes, les quatre sœurs Clauss. Ces charmantes et très intéressantes jeunes artistes, sont l’ainée peut avoir dix-sept ans et la plus jeune douze, se jouent des difficultés les plus ardues et exécutent avec un brio et un sentiment qui font honneur à leur père, l’un de nos meilleurs professeurs, les morceaux les plus brillants et les plus compliqués. L’ainée, Melle Marie Clauss, pianiste habile, chante aussi avec goût et possède une voix qui va à l’âme. Elle a produit beaucoup d’effet dans le grand air de l’Orphée de Glück. Le violon est l’instrument de deux d’entre elles, qui promettent de se montrer les dignes émules des Milanollo et des Ferni. La quatrième joue du violoncelle avec une perfection, une assurance qui ont lieu de surprendre chez une enfant aussi jeune. Le public, ému et ravi d’un bout à l’autre du concert, a prodigué à ces jeunes virtuoses des applaudissements qui ont dû leur paraître bien doux.

A. Holet

Je n’ai pas réussi à savoir ou Sébastien Clauss enseignait et quelle discipline exactement. Il n’était pas professeur au Conservatoire. Peut-être exerçait-il en indépendant? Par ailleurs, rectifions les libertés prises avec la réalité, Cécile Clauss a 17 ans en 1860. Quant à Jenny dont j’ai retrouvé un extrait d’acte de naissance, elle en a 16.

Mention de l’acte de naissance de Jenny Clausz (nouvelle othographe) le 26 octobre 1843, Archives de Besançon.

Fanny, la plus jeune, a 14 ans. Ci-dessous on peut apprécier les dates de naissance réelles des sœurs Clauss dans les registres du Conservatoire de Musique de Paris [9]. Elles y sont citées toutes les 3 pour avoir reçu un prix ou une distinction lors des examens annuels.

Clauss (Cécile), née à Besançon, 3 mars 1842. Violoncelle: 3ème accessit. 1860. Assassinée à Paris, 28 décembre 1861. Clauss (Jenny), née à Besançon, 24 novembre 1843. Violon: 2ème accessit 1862. Clauss (Fanny-Françoise-Charles), née à Besançon, 25 juillet 1846. Violon: 1er accessit 1863. A épousé M. Prins, décédée à Paris en mai 1877.

La première chose que je trouve intéressante à la lecture de cet article, c’est la comparaison avec les sœurs Milanollo, de petits prodiges qui, au moment de la parution de l’article ont le double de leur âge mais qui ont commencé également très jeunes. Theresa, donne ses premiers concerts en Europe à l’âge de 11 ans et est rejoint par sa sœur Maria-Margherita pour former un duo.

Les 2 sœurs Milanollo se produiront ensemble jusqu’au décès de la plus jeune, emportée par la tuberculose à 16 ans, en 1848. Theresa continuera sa carrière en solo et composera quelques œuvres pour le violon. Sa carrière publique se termine lors de son mariage en 1857, soit 3 ans avant la rédaction de l’article de Holtz sur le concert des sœurs Clauss aux salons Pleyel & Wolff. Sœurs qui sont toutes pubères au moment de l’événements. Dans les articles de Silke Wenzel sur les sœurs Clauss [10], y figure une photo qui m’a saisi tant on voit qu’on a déjà affaire à des jeunes femmes et non à des enfants.

Ci-contre, les sœurs Teresa et Maria-Margherita Milanollo, lithographie exécuté par Marie-Alexandre Alophe, célèbre portraitiste de musiciens, en 1841.

Sur la photo ci-contre [11], on découvre les 4 sœurs Clauss entre 1860 et 1861. Nous reconnaissons Cécile Clauss et son violoncelle, puis Marie (pianiste / chanteuse), Jenny (violoniste) et la plus jeune Fanny (violoniste), dans un ordre sur lequel je n’oserais me prononcer. Fanny sera la seule à faire une carrière musicale dans plusieurs quatuors féminins jusqu’à son mariage avec le peintre impressionniste Pierre Pins; mais c’est Edouard Manet qui immortalisera Fanny Clauss 2 fois en faisant tout d’abord son portrait, puis dans sa toile Le Balcon ou elle apparait à droite du peintre sous des traits quasi spectraux. Elle décèdera jeune en 1877, à l’âge de seulement 30 ans.

Portrait de Mademoiselle Fanny Clauss par Edouard Manet, 1868

Du lundi seize avril mille huit cent soixante dix-sept, à trois heure et demi du soir, acte de décès […] de Fanny Charles Claus, âgée de 30 ans, sans profession, née à Besançon (Doubs), décédée ce jourd’hui à huit heure du matin au domicile conjugal, quai Napoléon, N°13; mariée à Ernest Pierre Prins, âgé de 38 ans, employé, fille de feu Sébastien Claus et de Elisabeth Hutin, la veuve, le présent acte dressé par nous Maire du quatorzième arrondissement de Paris, officier de l’Etat Civil, sur les déclarations du mari de la défunte et de Jules Huzouard, âgé de cinquante quatre ans, garçon de bureau, Place Baudoyer, N°2, qui ont signé avec nous après lecture.

Acte de décès de Fanny Clauss. Source: Archives de Paris

Ci-contre, la toile d’Edouard Manet le Balcon (1869). Voilà donc notre Fanny Clauss décédée sans les honneurs. Dans cet acte de décès surréaliste, elle est reléguée au rang d’épouse sans profession, elle qui a été concertiste, compositrice, Première de quatuors et « enfant prodige ». Il ne resterait donc rien de tout cela post mortem? Même son mari, l’artiste peintre, est devenu « simple employé » sous la plume cruelle et ignorante de l’officier de l’Etat Civil. Quelle mascarade! J’ai aussi une pensée pour Elisabeth Huttin, demeurée veuve et qui a déjà enterré 2 de ses filles adultes. Dans son article sur Fanny Clauss, [12] Silke Wenzel appelle à effectuer une recherche de fond sur l’œuvre de Fanny Clauss qui a été complètement ignorée par l’histoire. Je me fais le relais de cet appel, tant il est vrai que nous avons besoin de réhabiliter nombre de musiciens et musiciennes dont le travail et l’héritage musical ont été trop vite perdus à la postérité. C’est la mission même de l’association Sebastian Lee et la raison qui me pousse aujourd’hui à partager cet humble billet avec vous, pour qu’on se souvienne des sœurs Clauss, de leur talent indéniable et de l’œuvre de Fanny Clauss, qui aura seule composé pour le violon.

Mais revenons à notre histoire. En 1860, l’année scolaire se termine et le Conservatoire de Musique de Paris publie les résultats de ses concours. Cécile Clauss obtient un 3ème accessit pour sa performance au violoncelle

Violoncelle: 1er prix, à l’unanimité, M. Hernoud, élève de M. Franchomme; 2ème prix, M. Rabaud, élève du même; 1er accessit, à l’unanimité, M. Loys, élève du même. Pas de second accessit. 3ème accessit, Melle Clauss, élève de M.Chevillard. [13]

En lisant cet article, je peux palper la déception qu’a dû ressentir Cécile Clauss. Pas de 2ème accessit. 3ème accessit, c’est une distinction que personne ne souhaite. Pas de prix. Je me rappelle de la frustration exprimée par Hector Berlioz qui a raté son 1er prix tant convoité à 3 reprises et qui en était à chaque fois fou de rage, persuadé d’être persécuté par Luigi Cherubini, le directeur du Conservatoire, auquel il vouait une haine quasi viscérale. [14] Quand on est pas passé par le Conservatoire, on a peine à imaginer ce qu’un prix représente et le désir que suscite l’obtention de ce prix aux yeux des élèves musiciens. Pour autant, certaines personnes rafleront tous les prix et ne feront jamais carrière dans la musique, quand d’autres n’en obtiendront aucun et deviendront néanmoins des musiciens et musiciennes célébré.e.s longtemps après leur mort. Peu importe la réalité des carrières musicales: un prix est un prix, et obtenir un prix du conservatoire, surtout le sacro-saint ‘Premier Prix’, c’est la consécration, le couronnement suprême. L’œuvre du concours en cette année 1860 est particulièrement intéressante car il s’agit du 1er mouvement du Concerto N°15 de Bernhard Romberg ou est-ce tout simplement le N°5 que l’on retrouve en 1867 et 1886? [15]

Quoi qu’il en soit, je pense que Cécile Clauss a été très déçue, et je n’ose même pas imaginer la réaction de son père, Sébastien Clauss, quand cela lui a été annoncé. Pire encore, il n’y aura jamais de prix dans la fratrie Clauss. Jenny Clauss obtiendra un 1er accessit au violon l’année suivante, ainsi que Fanny l’année d’après. Sébastien Clauss n’était alors plus là pour surement leur dire que ce n’était pas suffisant. On ne retrouve pas trace de Cécile Clauss en 1861, et sa performance pour la 1ère pièce du Concerto en la mineur de [Jacques Michel Hurel de] Lamare ne sera pas récompensée, si toutefois elle a retenté le concours. [15]

Un étrange article met en lumière la réelle curiosité des sœurs Clauss comme des sœurs Milanollo et ce qui suscite tant d’excitation de la part de la presse en général pour ce type de performance. Et, n’en déplaise à Sébastien Clauss, ce n’est pas grâce à lui. [16]

Le concours de violon n’avait pas eu jusqu’ici d’analogue par son ensemble et ses résultats: trois jeunes filles comparaissaient dans la lice où l’on ne voit ordinairement que des hommes, et de ces 3 jeunes filles, l’une âgée de 14 ans, Melle Boulay, a remporté seule un premier prix; l’autre âgée de quinze ans, Melle Castellan, a obtenu le second prix avec l’un des concurrents mâles, M. Weingaertner, qui ne compte pas moins de 18 printemps; tous les 3 sont élèves d[e Delphin] Alard. Déjà au concours de violoncelle une jeune fille du nom de Clauss, et dont les sœurs cultivent le violon, avait mérité un modeste accessit. Que signifie cette invasion féminine dans le royaume des instruments à cordes? Serait-ce que menacées de plus en plus dans celui du piano par la foule toujours grossissante des hommes, les femmes se réfugient sur le terrain que beaucoup de ceux-là délaissent? Il y a des exemples si séduisants! Le nom des Milanollo, celui des Ferni rayonne d’un éclat si vif! Ce qu’il y a de certain, c’est que Melle Boulay s’annonce comme une virtuose capable de disputer le sceptre du violon aux hommes qui ne demanderaient pas mieux que de le lui interdire en vertu d’une espèce de loi salique qui n’existe nulle part. Melle Boulay a déployé dans l’exécution d’un des beaux concertos de Viotti [NDLA cette année là le 22ème concerto, 1er morceau dont vous pouvez écouter l’interprétation par la remarquable et fort jeune Seo-Hyun Kim] [13] une vigueur, une élégance, une justesse, un style, qui l’ont mise hors de pair. On peut être fort bon violoniste et ne pas atteindre à ce niveau, parce que l’étude n’y suffit pas.

Revue & Gazette Musicale N°32 du 5 Août 1860

« Modeste accessit« . Goujat!

Le dernier concert des sœurs Clauss dont j’ai date a lieu le 25 avril 1861 à l’Institut des Jeunes Aveugles de Paris. Il est chroniqué de manière élogieuse par la Revue et Gazette Musicale de Paris. [17]

Le jeudi 25 avril, a eu lieu dans la belle salle des concerts de l’Institution impériale des jeunes aveugles, la cinquième assemblée générale des membres de la Société de placement et de secours en faveur des élèves sortis de cette institution. Dans le concert, qui a suivi le compte rendu, Melle Selles a dit d’une façon très-touchante les adieux de Marie-Stuart, une scène de Léopold Amat et le Bon Curé, jolie chansonnette de Boulanger. Trois sœurs, Melles Cécile, Jenny et Fanny Clauss, deux violonistes et une violoncelliste, ont tour à tour charmé le public par leur talent précoce. Melles Pauline et Clémentine Mental, ont fait aussi le plus grand plaisir, en exécutant un duo pour deux pianos sur Norma, par Thalberg. Enfin, chaque partie de ce concert était close par des chansonnettes comiques que M. Lincelle a dites avec l’esprit, l’entrain, l’humour que tout le monde lui connait.

Concert dans la grande salle de l’Institut National des Jeunes Aveugles. Auteur inconnu.

Après, plus rien jusqu’au jour du 28 décembre 1861. Que c’est-il passé? Serait-ce que les filles voulaient cesser leur collaboration musicale d’avec le père? Le premier article de presse parait le lendemain, d’abord dans Le Siècle, puis dans La Presse littéraire le 31 décembre 1861. Je ne vais pas les republier ici car ce sont des tissus d’âneries dignes des pires articles de Voici. Dans la précipitation et pour faire du sensationnel, le journaliste n’a fait aucune recherche, il revient d’ailleurs sur ses dires quelques jours plus tard pour corriger ses erreurs et ce n’est que le 1er janvier 1862 que nous avons la version complète et définitive de ce qui s’est vraiment passé ce jour là.[18]

Nous revenons sur l’événement tragique de la rue de la Fidélité de nouveaux détails qui rectifient et complètent notre premier récit. La dame Clauss [NDLR Elisabeth Huttin] habitait depuis peu de temps avec ses trois jeunes filles, un petit logement situé au 2ème étage de la maison N°5, rue de la Fidélité; elle y était venue à la suite d’une demande en séparation de corps intentée contre son mari, à raison des sévices graves auxquels l’exposait sans cesse le caractère jaloux et bizarre de celui-ci. le Sieur [Sébastien] Clauss, artiste musicien au théâtre du Vaudeville, se montra fort irrité de cette séparation, et, ne pouvant vaincre les refus persistants de sa femme, avait proféré contre elle et ses filles des menaces de mort. Il y a quelques jours, ayant obtenu du tribunal la permission de voir ses enfants, il avait tiré de sa deux pistolets en disant: Voici 2 bébés qui feront leur jeu quand le moment sera venu! Avant hier, il se présenta de nouveau au domicile de sa femme, qui venait de sortir avec sa plus jeune fille [Fanny], âgée de 14 ans. Les 2 autres, effrayées de la visite de leur père, ne lui ouvrirent point; mais il revint une heure plus tard, et les jeunes filles, croyant cette fois que c’était leur oncle [NDLR Claude Huttin] qui frappait, s’empressèrent d’ouvrir la porte. Presqu’au même instant arriva son beau-frère [NDLR Claude Huttin], qui lui adressa des remontrances sur sa conduite, et lui reprocha les menaces qu’il avait proférées. C’est alors que le Sieur [Sébastien] Clauss, tirant tout à coup de sa poche un couteau-poignard tout ouvert, en frappa son beau-frère de 2 coups au ventre et à l’épaule; puis tournant sa fureur contre ses filles, il frappa la jeune Jenny d’un coup de son arme dans le sein, et la plus âgée [NDLR Cécile, qui n’est pas la plus âgée, c’est Marie qui n’était pas là] de 6 coups au bras droit et dans la région du cœur. Les 2 pauvres victimes tombèrent l’une sur l’autre sans connaissance. Un facteur qui montait l’escalier se précipita dans le logement d’où les cris étaient partis, et, au moment où il allait saisir l’assassin, celui-ci se fit justice en se déchargeant un pistolet dans la poitrine. Le commissaire de police arriva peu après cette scène terrible, accompagné du docteur Maugeis, qui donna ses soins aux victimes. Malheureusement, l’aînée des filles [NDLR Cécile, qui n’est pas l’aînée], âgée de vingt ans [NDLR elle en a seulement 19 au moment des faits], a succombé au bout de quelques instants; mais on espère sauver la plus jeune. Quant à leur oncle [NDLR Claude Huttin], il a été transporté à l’hôpital Beaujon, où son état inspire de graves inquiétudes.

Article paru dans je journal Le Siècle du 1er janvier 1861 [15]

Un fou furieux. Cécile Clauss meurt sur le coup ainsi que Sébastien Clauss de sa propre main. On retrouve leurs actes de décès côte-à-côte aux Archives de Paris.

4472 [Sébastien] Clauss: L’an 1861, le 30 décembre, 3h, acte de décès constaté suivant la loi de Sébastien Clauss, décédé l’avant-veille à quatre heure et demi du soir, rue de la Fidélité N°5, âgé de 54 ans, professeur de musique né à Haguenau (Bas Rhin), demeurant à paris, rue de Belfond N°12, noms des père et mère ignorés [il s’agit d’André Claus et Madeleine Munsch] époux de Elisa Huttin, âgée de 48 ans, sans profession, domiciliée rue de la Fidélité N°5, sur la déclaration faite à nous, officier de l’Etat Civil du 10ème arrondissement de Paris par Joseph-Marie Boulangier, âgé de 28 ans [NDLR peut-être un relatif d’Elisabeth et Claude Huttin car ‘Boulangier’ est le nom de jeune fille de leur mère, Jeanne Boulangier], employé demeurant rue St Denis N°365, et Pierre Laboissière, âgé de 49 ans, meunier, demeurant rue Labat N°32 qui ont signé avec nous après lecture.

4473 [Cécile] Clauss: L’an 1861 le 30 décembre huit heures, acte de décès constaté suivant la loi de Cécile Clauss, décédée l’avant-veille à quatre heure et demi du soir, rue de la Fidélité N°5, et demeurant avec sa mère, âgée de 19 ans, née à Besançon (Doubs), célibataire, fille de Sébastien Clauss, âgé de 54 ans, demeurant rue Belfond N°12, et de Elisa Huttin âgée de 44 ans, sans profession, demeurant rue de la Fidélité N°5, sur la déclaration faite à nous, officier de l’Etat Civil du 10ème arrondissement de Paris, par Joseph Marie Boulangier, employé, demeurant rue St denis N°365 et Pierre Laboissière, meunuisier, demeurant rue Labat N°32 qui ont signé avec nous après lecture.

Claude Huttin décèdera quelques jours plus tard à l’hôpital Beaujon ou il avait été emmené après l’attaque. On retrouve son acte de décès daté du 14 janvier 1862.

Du 1′ janvier 1862 à midi et demi. Acte de décès de Claude Huttin, boulanger âgé de quarante sept ans, marié à Victorine Belliard, fils de [?] domicile des père et mère ignoré des déclarants, le dit défunt né à Calmoutier (Haute-Saône) demeurant à Paris, rue Delaborde N°50 et décédé rue du Faubourg St Honoré N°208 (NDLR adresse de l’hôpital Beaujon] hier à deux heures du soir, constaté par nous, maire du 8ème arrondissement de Paris (Elysée) Officier de l’Etat Civil sur la déclaration de Etienne Barbier, concierge, âgé de 42 ans, et de Nicolas François Bussy, employé, âgé de 60 ans, demeurant tout 2 rue du Faubourg St Honoré, N°208, lesquels ont signé avec nous après lecture.

Claude Huttin, boulanger. Un étrange « aptonyme » si l’on considère le nom de jeune fille de sa mère, Jeanne Boulangier. Ce frère chéri d’Elisabeth, qui avait dû faire son possible pour la sortir de son mariage violent, était marié à Victorine Belliard avec qui il avait eu au moins 2 enfants que j’ai retrouvé: une fille et un garçon. Je ne vais transcrire qu’un seul des 2 actes de naissance retrouvés des enfants de Claude et Victorine car il parle de lui-même de la relation qu’avait Claude avec sa sœur Elisabeth. C’est le frère de cette petite fille, Eugène-Paul Huttin, né le 4 mars 1857 et qui en 1873, à 16 ans, est déjà devenu peintre en bâtiment, demandera le rétablissement de l’acte de naissance de sa sœur après l’incendie de l’Hôtel de ville de Paris pendant La Commune ou beaucoup d’actes ont été perdus.

Acte de naissance. L’an 1851, le 5 décembre, est née à Paris sur le 5ème arrondissement, Elisa Barbe Huttin, de sexe féminin. Fille de Claude Huttin et de Victorine Belliard, son épouse, demeurant à Paris. Le rétablissement de cet acte de naissance a été demandé par M. Huttin, profession; peintre en bâtiment, rue du Caire N°42, parenté frère de l’enfant. Paris, le 30 janvier 1873.

Au moment du décès de ce bon Claude Huttin, ses enfants ont respectivement 10 et pas encore 4 ans.; et il en coûte une veuve de plus. Je n’ai pas trouvé de remariage de Victorine Belliard sur Paris.

Et ce cher Sebastian Lee, dans tout ça? Lui qui prêtera son talent au concert bénéfice pour ce qu’il reste de la famille Clauss, quel est son lien dans l’affaire? Et bien je pense qu’il était, si ce n’est intime, très familier de la famille Clauss et des filles en particulier. Tout d’abord il est ami avec Charles Dancla, leur professeur de violon. Ils ont joué quantité de fois ensemble. En outre, Sebastian Lee a forcément un attachement tout particulier pour les sœurs Clauss, et surtout Cécile, même si elle n’est pas son élève, parce-qu’il a eu un jeune frère à Hambourg, 30 ans plus tôt, Louis Lee, qui était lui-même considéré enfant prodige. Consacré par la presse dès 1834 (Louis a 12 ans).

Enfant-prodige, Louis Lee de Hambourg, jeune violoncelliste, âgé de douze ans, fait fureur dans sa ville natale. Le petit Vieux-Temps vient de faire les délices de Vienne, et les frères Eichora excitent partout des transports d’enthousiasme. [19]

En outre, Cécile Clauss a seulement 6 ans d’écart avec le fils de Sebastian Lee, Edouard, qui est également violoncelliste. Ils se connaissaient forcément et se fréquentaient même peut-être, dans ce tout petit monde qu’est celui des violoncellistes de carrière dans le Paris du XIXème siècle. En tout cas, ce qui a dû être un vrai coup de poignard pour Sebastian Lee, c’est qu’au moment du drame du 28 décembre 1861, il venait de perdre son fils 5 jours plus tôt. C’est la Revue et Gazette Musicale de décembre 1861 qui l’annonce. [20] Les 2 événements ne sont pas liés, mais perdre un fils à l’âge de 26 ans est déjà une des épreuves les plus difficiles qui soient. On ne connait pas encore les circonstances de ce décès qui n’est probablement pas arrivé à Paris, sinon j’aurais retrouvé l’acte de décès. Cependant, même si Edouard est décédé d’une mort « naturelle » (par exemple d’une tuberculose ou une pneumonie comme cela arrivait souvent à cette époque là), son père a forcément été doublement impacté par le décès prématuré et si rapproché de Cécile Clauss, jeune violoncelliste promise à un bel avenir, de la main de son père, qui, accessoirement portait le même prénom que lui. Quand j’ai réalisé la synchronicité des 2 événements, je me suis dit que le drame des Clauss avait dû être une souffrance supplémentaire au pire moment dans la vie de Sebastian Lee.

Il participe à ce concert au bénéfice des filles Clauss, probablement du plus profond de son cœur et c’est sans doute aussi en pensant à son fils Edouard qu’il jouera ce jour-là.

Ce drame familiale nous rappelle, s’il était besoin, que la violence au sein des familles n’est pas chose nouvelle et que, contrairement au célèbre adage, la musique ne suffit pas toujours à adoucir les mœurs. Rappelons également que selon les chiffres actuels du gouvernement, un enfant meurt sous les coups de ses parents toutes les semaines [21] Mais cette histoire questionne aussi la fascination sociétale pour les enfants prodiges et son corollaire, à savoir ces parents abusifs qui contraignent leur progéniture à des entrainements intensifs pour satisfaire leur propre besoin de reconnaissance ou réaliser des désirs de gloire, réussite sociale ou carrière musicale qu’ils font porter à leurs enfants de gré ou de force. A cet égard, je trouve que Sébastien Clauss est l’antithèse de Sebastian Lee, en ce sens que le premier imposait ses choix par la contrainte et la violence quand le second, pédagogue avisé, développait des potentiels et cultivait des amitiés avec ses élèves, allant jusqu’à leur dédier des opus (N°50 « Réminiscences de l’opéra du Val d’Andorre » son élève et ami Emile Colliau, N°87 « Souvenir de Bellini » à son élève Alfred Rousse ainsi que ses duos 36 à 40 dédiés à ses élèves). Là ou Sébastien Clauss est décrit comme ayant un caractère « bizarre et jaloux » par l’article du Siècle, Georges Kastner parle de « l’extrême modestie » de Sebastian Lee dans son article de la Revue et Gazette Musicale de 1842.[22] Et quid de ces comètes musicales féminines que l’Histoire a déjà oublié? Promettons ici de poursuivre le travail de mémoire et de sauvetage des héritages musicaux en péril, à la mémoire de la famille Clauss, de la famille Huttin, et bien sûr, d’Edouard et Sebastian Lee.

Notes

[1] Le Ménestrel, 19 janvier 1862. Source: Gallica / BnF [URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56141877 mars 2024]

[2] Le Ménestrel du 31 janvier 1858; Gallica / BnF [URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56167000 mars 2024]

[3] Die Neue Zeitschrift für Musik, 1857, Vol. 2, p. 2. Source: Silke Wenzel dans MUGI, article sur Cécile Clausse. [URL: https://mugi.hfmt-hamburg.de/receive/mugi_person_00000153 mars 2024]

[4] Archives d’Alsace [URL: https://archives.bas-rhin.fr/registres-paroissiaux-et-documents-d-etat-civil/ETAT-CIVIL-C335#ETAT-CIVIL-C335-P2-R204030 mars 2024]

[5] Article « Les veuves dans la ville en France au XIXème siècle: image, rôle et types sociaux » de Jean-Paul Barrière, Open Edition Journal, 2007 [URL: https://journals.openedition.org/abpo/438#:~:text=16O%C3%B9%20se%20trouve%20la,ni%20assister%20au%20service%20fun%C3%A9raire.]

[6] Voir la page Cabaretier de Wikipedia [URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Cabaretier mars 2024]

[7] voir la page Haguenau de Wikipedia [URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Haguenau]

[8] La Presse Littéraire du 5 février 1860, Gallica BnF [URL:https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5830733j mars 2024]

[9] Dictionnaire des lauréats du conservatoire de musique de Paris, p722 source : Gallica [BnF]

[10] Sœurs Clauss par Silke Wenzel sur MUGI [URL: https://mugi.hfmt-hamburg.de/servlets/solr/select?q=%2Bname_all%3AClauss+%2BobjectType%3Aperson+%2Bcategory%3Amugi_class_00000008%5C%3Astate000+%2Bmugi.article_is_published%3A%221%22&fl=*&sort=name_main_sort+asc&rows=10&version=4.5&mask=content%2Fsearch%2Fnamenssuche.xed Mars 2024]

[11] Photo tirée de l’ouvrage de Pierre Prins (le fils) « Pierre Prins et l’époque impressionniste : sa vie, son œuvre (1838-1913) ». Paris : Floury, 1949, p.25.

[12] Fanny Clauss par Silke Wenzel, MUGI, 2010 [URL: https://mugi.hfmt-hamburg.de/receive/mugi_person_00000154 mars 2024]

[13] Revue et Gazette Musicale du 28 juillet 1860 [URL: https://books.google.fr/books?id=w_OCRD2mCnMC&vq=Clauss&lr&pg=PA267#v=snippet&q=Clauss&f=false mars 2024]

[14] Mémoires, Hector Berlioz, Calmann-Levy éditeurs, 1878, à lire sur Gallica, BnF [URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k36210w]

[15] Le conservatoire de musique et déclamation, recueil de documents administratifs, BnF Gallica [URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9752046h mars 2024]

[16] Revue & Gazette Musicale N°32 du 5 Août 1860 [URL: https://books.google.fr/books?id=w_OCRD2mCnMC&vq=Clauss&pg=PA275#v=snippet&q=Clauss&f=false mars 2024]

[17] Nouvelles de la revue et Gazette Musicale du 5 mai 1861 [URL: https://books.google.fr/books?redir_esc=y&id=cYOAye8H_SQC&q=Clauss#v=snippet&q=Clauss&f=false mars 2024]

[18] Le Siècle du 1er janvier 1862 p3 [URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k727517c/f3.item.zoom mars 2024]

[19] Revue et Gazette musicale de Paris, 1834 p456 [URL https://books.google.fr/books? id=sr5CAAAAcAAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false mars 2024]

[20] Source: Revue et Gazette Musicale, décembre 1861 [URL https://archive.org/details/revueetgazettemu1861pari/page/413/mode/1up?view=theater mars 2024]

[21] Plan de lutte contre les violences faires aux enfants 2024-2027, Ministère du travail, de la santé et des solidarités [URL: https://enfance.gouv.fr/plan-de-lutte-contre-les-violences-faites-aux-enfants mars 2024]

[22] Revue & Gazette Musicale de Paris N°31 dimanche 18 décembre 1842 [URL https://books.google.fr/books?redir_esc=y&id=A79CAAAAcAAJ&q=L%C3%A9e#v=snippet&q=Lee&f=false mars 2024]

Merci

Banner image (above): Illustration of a scene of domestic violence by George Cruikshank, 1847.

Sebastian Lee against domestic violence: A prayer for cellist Cécile Clauss, her sisters and their uncle, Claude Huttin

4 April 2024 / sebastianleemusic

By Pascale Girard/Translated by Sheri Heldstab

On January 19, 1862, Le Ménestrel [1] announced a concert for the benefit of the Clauss family. Among the musicians who participated, Sebastian Lee is mentioned, along with his friend Charles Dancla, who taught violin to two of the Clauss daughters, Fanny and Jenny. This was a charity event for a family who experienced “an intimate tragedy”, as the newspaper described it — one which hides a horrific story. This terrible drama will touch Sebastian Lee’s heart at a pivotal period in his life. In this post, I intend to retrace the journey of the Clauss family up until December 28, 1861, the date of the tragedy, including the media coverage of the event, as well as the entanglements between the Clauss and Lee families.

Le Ménestrel, 19 January 1862 [1]

[Approximate Translation:  Next Wednesday, January 22, a musical evening will be given in the Pleyel salons for the benefit of the Clauss family, victims of an intimate tragedy, for which the newspapers have recently given us a moving account. Misters Théodore Ritter, Charles Dancla, S.Lee, E. Altès, Boulard, and Mr. and Mrs. Léopold Dancla will participate in this charity concert.]

The Clauss family arrived in Paris in November 1857, according to the journal Le Ménestrel [2] whose article below describes one of the very first public performances of the Clauss sisters in the capital.

Le Ménestrel, 31 January 1858 [2]

[Approximate Translation:  This week we attended a musical performance which had two points of interest. The gracious mistress of the house, Mme Du F***, had brought together, on rue de la Madeleine, numerous people in her brilliant salons1, and there we thoroughly enjoyed the performance of several quartets performed by four young sisters, under the direction of their father, Mr. Clauss, who arrived in Paris three months ago.  This miniature orchestra consisted of: the first violin, who is thirteen years old, the second ones, who are eleven and eight years old, and the cellist who is not taller than the first peg of her instrument. All this is delighting, and we know that several salons are preparing to imitate Madame du F***.  From an artistic point of view, it is already good; as a curiosity2, it is simply miraculous.”]

If the article describes the evening kindly, emphasizing the exceptional act of seeing pieces of difficult music performed by such young people, not everyone in attendance agreed, and the opinion of others is less enthusiastic. The article from Silke Wenzel, Doctor of musicology, who first informed me of the matter thanks to his excellent research, quotes a brief extract from the Neue Magazin für Musik in 1857, a year earlier, about one of these concerts in Geneva:

“The four girls, aged 8 to 14, play Haydn quartets and also quintets in which the father directs these ‘child prodigies’. For us, who are the sworn enemies of every prodigy, what an embarrassing impression to see and hear the four girls staggering and moaning, and finally curiosity2 is the only thing we can mention […]. The cellist seems to have the most talent of the four, but her talent is just as uneducated as that of her three colleagues and her father.” [3]

This article, if it was read by Mr. Clauss, was probably a bitter pill to swallow because he seems to be seeking fame above all else. Sébastien Clauss was born in Haguenau3 on 18 January 1808. His father was a fisherman who was already quite old at the time of the birth of his son.

Record of Birth of Sébastien Claus [4]

[Approximate Translation:  In the year 1808, on January 20 at noon, before us, Mayor and Civil Registrar of the town of Hagueneau, Department of Bas-Rhin, canton and municipality of Hagueneau, appeared André Claus, aged sixty-five years , Fisherman, living in Hagueneau, who presented us with a male child, born on the 18th of January 1808 at six p.m., to him [André Claus], the declarant, and to Madeleine Munsch, his wife, to whom he declared that he wanted to give the name Sébastien. The said presentations and declarations made in the presence of Valentin Kielz, aged 31, laborer, and Frédéric Murth, aged 34, shoemaker, living in Hagueneau, and have, the declarant and the mayor, signed this act with us after it was read to them.]

Aside from the changing Alsatian surname, which we find spelled as “Claus” or “Clauss”, depending on the administrative papers, what this birth certificate tells us is that Sébastien Clauss is of modest origin. I have only been able to find one older sister named Barbe, born on 25 Thermidor of the year XII4 (July or August of 1805). However, given the age of André Clauss, the father, it seems that Sébastien should have older siblings or half-siblings. Did André remarry? Had he lost his first wife and his other children? I could find nothing in the Alsatian registries further back in time, but if André lived elsewhere, I have not been able to find traces of him elsewhere. In any case, in 1808, he was 64 years old, a remarkably old age for the time! He died only 4 years after the birth of his son Sébastien.

Registry of Birth of Barbe Clauss. [4]

[Approximate Translation:  In the year XIII of the Republic, on the 26th of the month of Thermidor, at 11 a.m., in front of us, Deputy Mayor, civil status officer of the town of Haguenau3, canton of Haguenau3, Department of Bas-Rhin, is appeared André Claus aged sixty-two, fisherman, residing in Haguenau, who presented us with a female child born on 25 Thermidor thirteenth year at seven o’clock in the evening of him, declaring and Magdeleine Munsch and to whom he declared wanting give the first name of Barbe. The said declaration and presentation made in the presence of Charles Burtz, aged 31, carpenter, and George Hübel, aged sixty, carpenter, both living in Haguenau. The father and all witnesses signed this birth certificate with us after it was read to them.]

I wondered where André Clauss could fish in Alsace. Maybe it was in la Moder which crossed the town of Haguenau at that time. Unlike sailors who fish at sea, he did not have to be away for long weeks to bring back fish, however his presence in Sébastien’s life was still short-lived. Very early in Sébastien Clauss’s young life, the deaths of family members followed one after the other. First his father in 1812, then his sister Barbe died at the age of 15 on June 2, 1820. When his father died, Sébastien was only 4 years old; then he found himself, at twelve years old, alone with his mother, and probably in dire financial straits. The fate of widows and single parents at the time was generally not a happy one and these losses which struck the family would have had major repercussions in the life of young Sébastien. An elucidating article by Jean-Paul Barrière explores the status of female widowhood in the 19th century. [5] It describes the three stereotypes of the social perception of widows: the “Holy Widow”, the ‘victim to be rescued’, and the ‘loose morals’ widow. These stereotypes cast widows into either “good” or “bad” and suggest that, after losing one’s husband in 19th century France, one is either sacrificial, eternally weeping and dominated, or a prostitute. Maybe it is a bit of all of that at once? One still must survive and raise children, and I have not found any traces of a second marriage for Madeleine Munsch in Haguenau after the death of André Clauss.

Death Certificate for André Claus [4]

[Approximate Translation:  André Claus, born 13 December [1746] Declaration of death made in the common house of Haguenau, department of Bas-Rhin, in front of the civil registrar, at [9?] o’clock in the morning, on 14 December 1812. First and last name of the deceased: André Claus, aged sixty-seven years old, born in Kaltenhouse, profession or quality of fisherman, lived in Haguenau house located at No. 9, red quarter (civil hospital) on the 13th of the current month at seven o’clock in the evening. Husband of Madeleine Munsch.]

There is a person who caught my attention during my genealogical research: Antoine Clauss was an innkeeper who had two twins almost the same age as Sébastien Clauss. I wondered if Antoine Clauss taught André Clauss music. In such diminished family circumstances, who would have taught him without payment? Whatever the case may be, Antoine died on 1 October 1816, when Sébastien was only 8 years old.

Registry of Birth for Antoine Clauss’ twins. [4]

[Approximate Translation:  In the year 1806, on February 24 at nine o’clock in the morning, before us, Mayor of the Civil Registrar of the town of Haguenau, department of Bas-Rhin, canton and municipality of Haguenau, appeared before us Antoine Clauss, aged 44 years old, innkeeper, living in Haguenau, who presented us with two male children born on February 24, 1806 at 2 a.m. of their declarant and of Lady Barbe Friess his wife, to whom he declared that he wanted to give the first names […] Mathias [and] Joseph. The said presentations and declarations signed in the presence of Louis Koessler, aged 32, bookseller, and Jacques Mercklé, aged 55, architect living in Haguenau and read to the declarants and witnesses signed with us the present act after it was read.]

Antoine Clauss, whom I found several times in the archives, may have played an important role with the young Sébastien Clauss. Was he Sébastien’s uncle? He was old enough that he could have been André Clauss’s father. It seems that if André and Antoine were father and son (they are 20 years apart), or cousins, or brothers, their professional situations were very different. Antoine was a merchant and part of the middle class. That his witnesses to his twins’ births were a bookseller and an architect also shows that he lived in a much more privileged socio-economic environment than André, a simple fisherman at 64 years old, whose witnesses for Sébastien’s birth are a laborer and a shoemaker (for his daughter Barbe’s birth, his witnesses were two carpenters).

Another interesting fact, the cabaretier [innkeeper, Antoine’s listed occupation on his twins’ birth certificate], at the beginning of the 19th century in France, was an establishment authorized to serve wine by the glass as well as meals. “…the tavern owner became over time the owner of a cabaret where poets and witty people gathered.”. [6] In 1789, Haguenau had a population of 4,600 souls [7] — probably a little more than that 20 years later — but we are nevertheless talking about a town. In such a small village, two Clausses are almost certainly related, but I must admit that I have not succeeded in finding the link.  While this link remains only a supposition on my part, I have said this before and I’ll say it again — in genealogy, I don’t believe in coincidences.

Sébastien Clauss married Elisabeth Huttin. I have not found their marriage certificate but the death certificates of Sébastien, Cécile, and Fanny Clauss are indisputable proof of their marriage. Elisabeth Huttin was born on March 2, 1813 in Calmoutier and had two younger brothers: Georges, born in 1814, and Claude, born in 1815. Two brothers and a sister, each only one year apart, probably very close to each other, two of whom are destined to go to Paris.

Birth certificate of Elisabeth Huttin, source:  Archives de Calmoutier

[Approximate Translation:  In the year 1813, on March 2, [appeared] before us, Gabriel Bruleport, Mayor and Civil Registrar of the commune of Calmoutier, canton of Noroy, department of Haute-Saône, Mr. Vincent Huttin, aged [29] years old, tax collector of the commune of Calmoutier, domiciled [?] who presented us with a female child, born today at 9 a.m. to him … and Jeanne Boulangier, his wife and to whom he declared wanting to give her the name [surname] and first name of Elisabeth Huttin, the said declarations and presentation made in the presence of Antoine Genlit, aged 32, and François Bruleport, aged forty five years, the two plowmen living in Calmoutier, and father and witnesses signed with us this birth certificate after it [was] read to them.]

As we will see in the birth certificates of Elisabeth Huttin’s brothers, it seems that their father, the tax collector of Calmoutier, was not well situated. For Elisabeth, two plowmen witness her birth, one of whom has the same surname as the mayor, and the other, Antoine Genlit, also a plowman, is also a witness on the birth certificate of Claude Huttin. Is Antoine Genlit the town clerk? This is striking because if one reads significant quantities of civil registries, one will notice that the witnesses on Civil Status documents are almost always relatives of the families. It is unusual for the witnesses to not be related. For Georges, the witnesses to his birth are a shoemaker from Vesoul and the teacher from Calmoutier. The witnesses seem to be a mixture of social classes who do not generally mix, and aside from Antoine Genlit, the witnesses for all three Huttin babies are similar in social class.

Birth certificate of Georges Huttin,  Archives de Calmoutier

[Approximate Translation:  In the year 1814, on April 1st before us, Gabriel Bruleport mayor and civil status officer of the commune of Calmoutier, canton of Noroy, department of Haute-Saône, appeared Vincent Huttin aged 31, tax collector, residing in Calmoutier who presented us with a male child, born this day at 9 a.m., to him … and to Jeanne Boulangier, his wife, and to whom he declared that he wanted to give the first and last names of Georges Huttin. The said declarations and presentations made in the presence of Georges Minery, aged 21, residing in Vesoul, shoemaker and Vincent Besson, aged 37, teacher, residing in Calmoutier and have, the father and the witnesses, signed with us on this birth certificate after it [was] read to them.]

Birth certificate of Claude Huttin,  Archives de Calmoutier

[Approximate Translation:  In the year 1815, on April 17, before us Gabriel Bruleport, deputy and civil status officer of the commune of Calmoutier, canton of Noroy, department of Haute-Saône, appeared Mr. Vincent Huttin, aged 34 years old, tax collector living in Calmoutier, who presented us with a male child born this day at 6 a.m. to him … and to Jeanne Boulangier, his wife, and to whom he declared that he wanted to give him the first and last names of Claude Huttin. The said declarations and presentations made in the presence of Antoine Genlit, aged 34 and …]

I have not found the birth certificates of the Clauss girls, supposedly born in Besançon, according to their death certificates. So let us now return to Paris. With work, their performances improve and 1861 will be the year of accolades for the Clauss quartet.

In La Presse Littéraire of February 5, 1861 [8], the reviews become more positive.

[Approximate Translation:  We are entering concert season. Thursday 24 [January 1860], a large and elegant crowd thronged the salons of [Misters] Pleyel and Wolff and came to applaud the talent, already very real, of the very young musicians, the four Clauss sisters. These charming and very interesting young artists, the eldest perhaps 17 years old and the youngest 12 [years old], play with [effort and energy] and perform with a brilliance and a feeling which honors their father, one of our best teachers, the most brilliant and complicated pieces. The eldest, Miss Marie Clauss, a skilled pianist, also sings with taste and has a voice that [speaks] to the soul. She produced a lot of effect in the grand aria of Glück’s Orphée. [Two of them play] The violin [and show] promise to prove themselves worthy emulators of Milanollo and Ferni. The fourth plays the cello with a perfection and an assurance that is surprising in a child so young. The audience, moved and delighted throughout the concert, lavished applause on these young virtuosos which must have seemed very sweet to them.

A. Holet]

I was unable to find out where Sébastien Clauss taught or what exactly he was teaching. He was not a professor at the Music Conservatory. Perhaps he was self-employed?

Mention of the birth certificate of Jenny Clausz (new spelling) October 26, 1843, Archives de Besançon.

Fanny, the youngest, is 14 years old. Below we find the real dates of birth of three of the Clauss sisters in the registers of the Paris Conservatory of Music [9]. All three of them are listed for having received an award or distinction during their annual exams.

[Approximate Translation: 
Clauss (Cécile), born in Besançon, 3 March 1842. Cello: 3rd accessit5 1860. Murdered in Paris, 28 Dec. 1861.
Clauss (Jenny), born in Besançon, 24 Nov. 1843. Violin: 2nd accessit5 1862.
Clauss (Fanny-Françoise-Charles), born in Besançon, 25 July 1846. Violin: 1st accessit5 1863. Married to Mr. Prins, died in Paris, May 1877.]

The first thing I find interesting when reading this article by A. Holet is the comparison with the Milanollo sisters, child prodigies who, at the time the article was published, were twice the age of the Clauss sisters, but who also started very young. Teresa Milanollo gave her first concerts in Europe at the age of 11 and later was joined by her sister Maria-Margherita to form a duo.

The sisters Teresa and Maria-Margherita Milanollo, lithograph by  Marie-Alexandre Alophe, famous portraitist of musicians, in 1841.

The two Milanollo sisters performed together until the death of the youngest, who died of tuberculosis in 1848 at the age of 16. Teresa continued her solo career and composed several works for the violin. Her public career ended with her marriage in 1857, three years before the writing of A. Holtz’s article on the Clauss sisters’ concert at the Pleyel & Wolff salons — sisters who were all teenagers at the time of the events. In Silke Wenzel’s articles on the Clauss sisters [10], there is a photo that struck me as we see that we are already dealing with young women and not children.

In the photo above [11], we discover the four Clauss sisters between 1860 and 1861. We recognize Cécile Clauss and her cello, then Marie (pianist/singer), Jenny (violinist) and the youngest Fanny (violinist). Fanny would be the only one to have a musical career in several female quartets until her marriage to the impressionist painter Pierre Prins; but it was Edouard Manet who immortalized Fanny Clauss twice, firstly making her portrait, then in his painting “The Balcony” where she appears to the right of the painter with almost ethereal features. She died young in 1877, at the age of only 30.

Portrait of Mademoiselle Fanny Clauss by Edouard Manet, 1868

Death Certificate of Fanny Clauss. Source: Archives de Paris

[Approximate Translation:  From Monday the 16th of April 1877, at half past three in the evening [3:30 pm/15:30hrs], death certificate […] of Fanny Charles Claus, aged 30, without profession, born in Besançon (Doubs), died today at 8 a.m. at the marital home, quai Napoléon, No. 13; married to Ernest Pierre Prins, aged 38, employee, daughter of the late Sébastien Claus and Elisabeth Huttin, the widow, the present act drawn up by us Mayor of the fourteenth arrondissement [district] of Paris, civil status officer, on the declarations of husband of the deceased and of Jules Huzouard, aged fifty-four, office boy, Place Baudoyer, No. 2, who signed with us after reading.]

Opposite, Edouard Manet’s painting “The Balcony” (1869). So here is our Fanny Clauss who died with no significant publicity. In this surrealist act of death, she is relegated to the rank of wife without a profession, she who was a concert performer, composer, quartet first violin, and “child prodigy”. Did none of this have meaning after her death? Even her husband, the painter, became a simple “employee” under the cruel and ignorant pen of the Civil Registrar. What a joke! I also have sympathy for Elisabeth Huttin, who remained a widow and who had already buried two of her adult daughters. In an article about Fanny Clauss, [12] Silke Wenzel calls for in-depth research into the musical compositions of Fanny Clauss, which has been completely ignored by history. I am repeating this request, as we need to recover many works by musicians whose musical heritage was too quickly lost to history. This is the very mission of the Sebastian Lee association and the reason that pushes me today to share this humble post with you:  let us remember the Clauss sisters’ undeniable talent, and the work of Fanny Clauss, who was the only one of the sisters who composed for the violin.

Back to our story… In 1860, the school year ended and the Paris Conservatory of Music published the results of its competitions. Cécile Clauss obtained a third accessit for her cello performance.

[Approximate Translation: 
Cello: 1st prize, unanimously, Mr. Hernoud, student of Mr. Franchomme; 2nd prize, Mr. Rabaud, student of the same; 1st accessit, unanimously, Mr. Loys, student of the same. No second accessit. 3rd accessit, Ms. Clauss, student of Mr. Chevillard.] [13]

Reading this excerpt, I can feel the disappointment that Cécile Clauss must have felt. No second accessit at all. Third accessit is a distinction that no one wants. No award. I remember the frustration expressed by Hector Berlioz who missed his coveted first prize three times and who was enraged each time, convinced that he was being persecuted by Luigi Cherubini, the director of the Conservatory, to whom he had an almost visceral hatred. [14] When one has not been through a conservatory, it is difficult to imagine what an award represents and the desire that obtaining this award creates in the student musicians. However, some people will win all the awards and never make a career in music, while others will not win any awards and will, nevertheless, become celebrated musicians long after their death. The reality of musical careers doesn’t matter: an award is an award, and obtaining a conservatory award, especially the sacrosanct ‘First Prize’, is glorious, the supreme crowning achievement. The competition music in 1860 is particularly interesting because it was printed as the First movement of Concerto No. 15 by Bernhard Romberg — or is it Concerto No. 5, which is also listed in 1867 and 1886? [15]  A list of all of Romberg’s cello concertos ends with Concerto No. 10.

Regardless, I think Cécile Clauss must have been very disappointed, and I can’t even imagine the reaction of her father, Sébastien Clauss, when he was informed of her placement in the competition. Worse still, none of the Clauss siblings ever won an award. Jenny Clauss obtained a first accessit on violin the following year, as did Fanny the year after that. Sébastien Clauss was no longer there to tell them that it was not enough. There is no trace of Cécile Clauss in 1861, and her performance for the first movement of the Concerto in A minor by [Jacques Michel Hurel de] Lamare was not awarded any distinction, assuming she entered the competition in that year. [15]

A strange article highlights the real curiosity of both the Clauss sisters and the Milanollo sisters and what arouses so much excitement from the press in general for this type of performance. And, no offense to Sébastien Clauss, it’s not thanks to him. [16]

Revue et Gazette Musicale de Paris No. 32, 5 August 1860.

[Approximate Translation:  Until this point, the violin competition had been homogenous in terms of competitors, but now we see these results: three young girls appeared in the lists where we usually only see men, and of these three young girls, one Miss Boulay, age 14, won first prize; Miss Castellan, age 15, tied for second prize with one of the male competitors, Mr. Weingaertner, who is 18 years old — all three are students of d[e Delphin] Alard. In the cello competition, a young girl named Clauss, whose sisters perform on the violin, had earned a modest accessit. What does this female invasion into the realm of stringed instruments mean? Could it be that, threatened more and more in [the playing of] of the piano by the ever-growing crowd of men, women take refuge in the field that many of [the men] abandon? There are such attractive examples! The name of Milanollo, [and] that of Ferni shine with such vivid brilliance! What is certain is that Ms. Boulay promises to be a virtuoso capable of competing for the scepter of the violin with men who would ask nothing more than to forbid it under a kind of Salic law which does not exist anywhere. Ms. Boulay deployed in the execution of one of Viotti’s beautiful concertos a vigor, an elegance, an accuracy, a style, which put her beyond peer. You can be a very good violinist and not reach this level, because study is not enough.] [13]

[Author’s note: that year the musical piece was the 22nd concerto, first movement.  You can listen to the interpretation by the remarkable and very young Seo-Hyun Kim on her YouTube channel]

Modest accessit”. The cad!

The last concert of the Clauss sisters that I have found took place on April 25, 1861 at the Institute for Young Blind People in Paris. It was reviewed glowingly by the Revue et Gazette Musicale de Paris. [17]


[Approximate Translation:  On Thursday, April 25, in the beautiful concert hall of the Imperial Institution for Young Blind People, the fifth general assembly of members of the Placement and Relief Society for students [graduating from] this institution took place. In the report following the concert, Miss Selles said, in a very touching way, the farewells of Marie-Stuart, a scene from Léopold Amat and the Bon Curé, a short pretty song by Boulanger. Three sisters, the Misses Cécile, Jenny and Fanny Clauss, two violinists and a cellist [respectively], in turn charmed the public with their precocious talent. The Misses Pauline and Clémentine Mental also gave us the greatest pleasure, performing a duet for two pianos on Norma, by Thalberg. Finally, each part of this concert was closed with [short comic songs] that Mr. Lincelle sang with the wit, enthusiasm and humor that he is known for.]

Concert in the grand hall of the Institut National des Jeunes Aveugles.  (National Institute for young blind people). Artist unknown.

After this concert, I find nothing more about the Clauss sisters until December 28, 1861. What happened? Perhaps the daughters wanted to stop their musical collaboration with their father? The first press article appeared the next day, first in Le Siècle, then in La Presse Littéraire on December 31, 1861. I am not going to republish the articles here because they are rubbish worthy of the worst overly dramatized tabloid articles in Voici. Written in a hurry to create sensationalism, the journalist did no research. He rescinded his statements a few days later to correct his errors and it was not until January 1, 1862, that we had the full and definitive version of what really happened that day. [18]

Article published in the newspaper Le Siècle on 1 January 1861. [15]

[Approximate Translation:  We return to the tragic event on Rue de la Fidélité with new details which correct and complete our first story. Lady Clauss [Elisabeth Huttin] had been living for a short time with her three young daughters, in a small accommodation located on the 2nd floor of house No. 5, rue de la Fidélité; she had come there following a request for legal separation brought against her husband, due to the serious abuse to which his jealous and bizarre behavior constantly exposed her. Mr. [Sébastien] Clauss, a musician at the Vaudeville theater, showed himself to be very irritated by this separation, and, unable to overcome his wife’s persistent refusals, had uttered death threats against her and her daughters. A few days ago, having obtained permission from the court to see his children, he fired two pistols from his hand saying: Here are two babies who will play their part when the time comes!
The day before yesterday, he showed up again at the home of his wife, who had just gone out with her youngest daughter [Fanny], aged 14. The other two, frightened by their father’s visit, did not open the door; but he returned an hour later, and the young girls, believing [that] this time …it was their uncle [Claude Huttin] who was knocking, rushed to open the door. Almost at the same [time,] his brother-in-law [Claude Huttin] arrived, who remonstrated with him about his conduct, and reproached him for the threats he had made. It was then that Mr. [Sébastien] Clauss, suddenly pulling a fully open dagger knife from his pocket, struck his brother-in-law with two blows in the stomach and shoulder; then turning his fury against his daughters, he struck young Jenny in the breast with his knife, and [struck] the oldest [Cécile, who is not the oldest, Marie is the oldest and was not there] six times to the right arm and in the region of the heart. The two poor victims fell on top of each other unconscious.
A postman who was going up the stairs rushed into the apartment from which the screams had come, and, just as he was about to seize the assassin, the latter [Mr. Clauss] took justice by discharging a pistol into his chest.
The police commissioner arrived shortly after this terrible scene, accompanied by Doctor Maugeis, who took care of the victims. Unfortunately, the eldest of the girls [Cécile, who is not the eldest], aged twenty [she was 19 at the time of the events], died after a few moments; but we hope to save the youngest. As for their uncle [Claude Huttin], he was transported to Beaujon hospital, where his condition is causing serious concern.]

A madman.  Cécile Clauss died instantly as did Sébastien Clauss by his own hand. Their death certificates can be found side by side in the Paris Archives.

Death Certificates as found in the Paris Archives for Sébastien Clauss and Cécile Clauss.

4472 [Sébastien] Clauss: [Approximate Translation:  The year 1861, December 30, 3 a.m., death certificate recorded according to the law of Sébastien Clauss, died the day before at half past four in the evening, rue de la Fidélité No. 5, aged 54, professor of music born in Haguenau (Bas Rhin), living in Paris, rue de Belfond N°12, names of father and mother unknown [André Claus and Madeleine Munsch] husband of Elisa Huttin, aged 48, without profession, domiciled rue de la Fidélité N°5, on the declaration made to us, civil status officer of the 10th arrondissement [district] of Paris by Joseph Marie Boulangier, aged 28 [Author’s note: perhaps a relative of Elisabeth and Claude Huttin because ‘Boulangier’ is the maiden name of their mother, Jeanne Boulangier], employee residing on rue St Denis N°365, and Pierre Laboissière, aged 49, miller, residing on rue Labat N°32 who signed with us after reading [this statement].]

4473 [Cécile] Clauss:  [Approximate Translation:  The year 1861, on December 30 at eight [o’clock in the morning] death certificate recorded according to the law of Cécile Clauss, who died the day before at half past four in the evening, rue de la Fidélité No. 5, and living with her mother, aged 19 years old, born in Besançon (Doubs), single, daughter of Sébastien Clauss, aged 54, living on rue Belfond N°12, and of Elisa Huttin aged 44, without profession, living on rue de la Fidélité N°5, on the declaration made to us, civil status officer of the 10th arrondissement [district] of Paris, by Joseph Marie Boulangier, employee, residing on rue St Denis N°365 and Pierre Laboissière, miller, residing on rue Labat N°32 who signed with us after reading [this statement].]

Claude Huttin died a few days later at Beaujon hospital where he was taken after the attack. We find his death certificate dated January 14, 1862.

Death Certificate as found in the Paris Archives for Claude Huttin.

[Approximate Translation:  On 1 January 1862 at noon and a half [12:30pm]. Death certificate of Claude Huttin, baker aged forty-seven years old, married to Victorine Belliard, son of [?] home of the father and mother unknown to the declarants, the said deceased born in Calmoutier (Haute-Saône) living in Paris, rue Delaborde N°50 and died rue du Faubourg St Honoré N°208 [Author’s note:  address of Beaujon hospital] yesterday at two o’clock in the evening, noted by us, mayor of the 8th arrondissement of Paris (Elysée) Civil Registrar on the declaration of Etienne Barbier, concierge, aged 42, and Nicolas François Bussy, employee, aged 60, residing at 2 rue du Faubourg St Honoré, N°208, who signed with us after reading [this statement].]

Claude Huttin, baker. An interesting “aptonym” considering her mother’s maiden name, Jeanne Boulangier6. This beloved brother of Elisabeth, who literally gave his all to get her out of her violent marriage, was married to Victorine Belliard with whom he had at least 2 children that I found: a girl and a boy. I am only going to transcribe one of the two birth certificates found for the children of Claude and Victorine because it speaks for itself about the relationship Claude had with his sister Elisabeth. It was the brother of this little girl, Eugène-Paul Huttin, born March 4, 1857 and who in 1873, at the age of 16, had already become a house painter, asked for the reinstatement of his sister’s birth certificate after the fire at the Paris City Hall during La Commune/the Franco-Prussian war where many documents were lost.

[Approximate Translation:  Birth certificate. In the year 1851, on December 5, Elisa Barbe Huttin was born in Paris in the 5th arrondissement, female. Daughter of Claude Huttin and Victorine Belliard, his wife, residing in Paris.  The reinstatement of this birth certificate was requested by Mr. Huttin, profession; house painter, rue du Caire N°42, [relationship to the child], brother. Paris, January 30, 1873.]

At the time of the death of the Clauss sisters’ brave Uncle Claude Huttin, his children were respectively 10 and not yet 4 years old; and his death created one more widow. I did not find any indication of a second marriage for Victorine Belliard in Paris.

And our dear Sebastian Lee, where does he fit in all this? He, who will lend his talent to the benefit concert for what remains of the Clauss family, what was his link to the affair? Well, I think he was, if not intimate, very familiar with the Clauss family and the girls in particular. First of all, he is friends with Charles Dancla, their violin teacher. Lee and Dancla played together many times. In addition, Sebastian Lee necessarily has a special attachment to the Clauss sisters, especially Cécile, even if she is not his student, because he had a younger brother in Hamburg, 30 years earlier, Louis Lee, who was himself considered a child prodigy and acclaimed by the press in 1834 (Louis was 12 years old at the time).

[Approximate Translation:  Child prodigy, Louis Lee from Hamburg, a young cellist, aged twelve, is all the rage in his hometown. The little Vieux-Temps7 has just been the delight of Vienna, and the Eichora brothers are arousing … enthusiasm everywhere. [19]

In addition, Cécile Clauss is only six years apart from Sebastian Lee’s son, Edouard, who is also a cellist. They obviously knew each other and perhaps even associated with each other, given the very small world of career cellists in 19th century Paris. In any case, what must have been a real blow for Sebastian Lee was that he had just lost his son five days before the day of the tragedy of 28 December 1861. The Revue et Gazette Musicale de Paris announced Edourad’s death in their December 1861 issue. [20] The two events are not linked by circumstance, but losing a 26-year-old son is already one of the most difficult ordeals for a parent to go through. We do not yet know the circumstances of Edouard’s death.  It probably did not happen in Paris, as I have not found his death certificate. However, even if Edouard died of “natural causes” (for example from tuberculosis or pneumonia as often happened at that time), his father was inevitably doubly impacted:  first by the premature death of his son, then by the violent death of Cécile Clauss, a young cellist with a bright future, killed by her father’s hand, her father who, incidentally, had the same first name as our own Sebastian. When I realized the timing of the two events, I thought to myself that the Clauss drama must have been additional suffering at one of the worst times in Sebastian Lee’s life.

Revue et Gazette Musicale de Paris, December 1861.  Announcement of the death of Edouard Lee. [20]

[Approximate Translation:  Mr. Edouard Lee, pianist and composer of acclaim, son of cellist S. Lee, died on the 23rd of this month, at 26 years of age.]

Sebastian Lee participated in this concert for the benefit of the surviving Clauss family, probably from the depths of his heart, and he was undoubtedly also thinking of his son Edouard when he performed that day.

This family drama reminds us, if we needed it, that violence within families is not a new thing and that, contrary to the famous adage, music does not always soothe the savage beast. Let us also remember that according to current government figures, in France, a child dies at the hands of their parents every week8. [21]

But this story also questions the societal fascination with child prodigies and its corollary, namely, these abusive parents who coerce their offspring into intensive training to satisfy, by proxy, their own need for recognition or desires for glory, social success, or a musical career which they pass on to their children willingly or by force. In this regard, I find that Sébastien Clauss is the antithesis of Sebastian Lee, as Sebastian Clauss imposed his choices through constraint and violence while our Sebastian Lee, a wise teacher, developed potential and cultivated friendships with his students, going so far as to dedicate opuses to them (Réminiscences de l’opéra du Val d’Andorre, op. 50, was dedicated to his student and friend Emile Colliau; Souvenir de Bellini, op. 87, was dedicated to his student Alfred Rousse, and his opuses 36 through 40 were dedicated to his students). Where Sébastien Clauss is described as having a “bizarre and jealous” character by the article in Le Siècle, Georges Kastner speaks of the “extreme modesty” of Sebastian Lee in his article in the Revue et Gazette Musicale de Paris of 1842.[22] And what about these female musical stars that history has already forgotten? Let us promise here to continue the work of remembrance and saving musical legacies in danger of being lost to time — in memory of the Clauss family, the Huttin family, and of course, Edouard and Sebastian Lee.

Notes

[1] Le Ménestrel, 19 January 1862, Gallica/BnF as found here: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56141877 accessed March 2024.
[2] Le Ménestrel, 31 January 1858; Gallica/BnF as found here: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56167000 accessed March 2024.
[3] Die Neue Zeitschrift für Musik, 1857, Vol. 2, p. 2. as found here: https://mugi.hfmt-hamburg.de/receive/mugi_person_00000153 accessed March 2024.
[4] Archives d’Alsace, as found here: https://archives.bas-rhin.fr/registres-paroissiaux-et-documents-d-etat-civil/ETAT-CIVIL-C335#ETAT-CIVIL-C335-P2-R204030 accessed March 2024.
[5] Jean-Paul Barrière, “Les veuves dans la ville en France au XIXème siècle: image, rôle et types sociaux”, Open Edition Journal, 2007, as found here:  https://journals.openedition.org/abpo/438#:~:text=16O%C3%B9%20se%20trouve%20la,ni%20assister%20au%20service%20fun%C3%A9raire.  Accessed March 2024.
[6] Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Cabaretier Accessed March 2024.
[7] Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Haguenau Accessed March 2024.
[8] La Presse Littéraire 5 February 1860, Gallica BnF, as found here:  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5830733j.  Accessed March 2024.
[9] Dictionnaire des lauréats du conservatoire de musique de Paris, p722, Gallica/BnF as found here:  https://gallica.bnf.fr  accessed March 2024.
[10] Clauss Sisters by Silke Wenzel, MUGI, as found here:  https://mugi.hfmt-hamburg.de/servlets/solr/select?q=%2Bname_all%3AClauss+%2BobjectType%3Aperson+%2Bcategory%3Amugi_class_00000008%5C%3Astate000+%2Bmugi.article_is_published%3A%221%22&fl=*&sort=name_main_sort+asc&rows=10&version=4.5&mask=content%2Fsearch%2Fnamenssuche.xed.  Accessed March 2024.
[11] Photo taken from the book by Pierre Prins (the son) “Pierre Prins and the Impressionist era: his life, his work (1838-1913)”. Paris: Floury, 1949, p.25.
[12] Fanny Clauss by Silke Wenzel, MUGI, as found here:  https://mugi.hfmt-hamburg.de/receive/mugi_person_00000154 Accessed March 2024.
[13] Revue et Gazette Musicale, 28 July 1860, as found here:  https://books.google.fr/books?id=w_OCRD2mCnMC&vq=Clauss&lr&pg=PA267#v=snippet&q=Clauss&f=false Accessed March 2024.
[14] Mémoires de Hector Berlioz Comprenant ses boyagies en italie, en allemangne, en Russie et en angleterre, Hector Berlioz, edited and published by Calmann-Levy, 1878, as found here: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k36210w Accessed on 6 May 2024.
[15] Le conservatoire de musique et déclamation, collection of administrative documents, BnF Gallica as found here: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9752046h?lang=FR Accessed March 2024.
[16] Revue et Gazette Musicale, No. 32, 5 August 1860, as found here:  https://books.google.fr/books?id=w_OCRD2mCnMC&vq=Clauss&pg=PA275#v=snippet&q=Clauss&f=false Accessed March 2024.
[17] News from the Revue et Gazette Musicale, 5 May1861, as found here:  https://books.google.fr/books?redir_esc=y&id=cYOAye8H_SQC&q=Clauss#v=snippet&q=Clauss&f=false Accessed March 2024.
[18] Le Siècle 1 January 1862, p.3, as found here:  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k727517c/f3.item.zoom Accessed March 2024.
[19] Revue et Gazette Musicale, 1834, p.456, as found here:  https://books.google.fr/books? id=sr5CAAAAcAAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false Accessed March 2024.
[20] Revue et Gazette Musicale, December 1861, as found here:  https://archive.org/details/revueetgazettemu1861pari/page/413/mode/1up?view=theater Accessed March 2024.
[21] Plan de lutte contre les violences faires aux enfants 2024-2027, French Ministry of Labor, Health and Solidarity, as found here:  https://enfance.gouv.fr/plan-de-lutte-contre-les-violences-faites-aux-enfants Accessed March 2024.
[22] Revue et Gazette Musicale No. 31, 18 December 1842, as found here:  https://books.google.fr/books?redir_esc=y&id=A79CAAAAcAAJ&q=L%C3%A9e#v=snippet&q=Lee&f=false Accessed March 2024.

Translator’s Notes:

1.  “Salons” referred to both a group of like-minded people, such as people who appreciated music or philosophy, and also the rooms in which these people gathered. In this case, it is referring to the gathering of people, based on context, although the adjective “brilliant” can refer to both the rooms and the people.
2.  In this sense, “curiosity” is meant as “a novel or rare thing”, similar to exhibits in museums being referred to as “curiosities”.
3.  Haguenau is a region and a community in France near the modern German border.  It was part of the German Empire until 1871.
4.  During the French Revolution, the entire calendar was changed.  It would later be changed back to the Gregorian calendar in use by Western countries today.  For more information, see here:  https://en.wikipedia.org/wiki/Thermidor Accessed 19 April 2024.
5.  An accessit is a distinction awarded in British and other European schools to one who has come nearest to a prize or award, similar to an honorable mention.
6.  Both “Boulanger” and “Boulangier” mean “baker” in French.
7.  “Vieux Temps” translates to “old times”.  Henri Francois Joseph Vieuxtemps (1820 – 1881) was a Belgian violinist and composer of some renown.  This may be a pun on having the skills of an older cellist and also being as good a musician as Mr. Vieuxtemps.
8.  In 2021, in the United States, nearly 34 children per week died from abuse or neglect.  https://www.statista.com/statistics/255206/number-of-child-deaths-per-day-due-to-child-abuse-and-neglect-in-the-us/  Accessed 5 May 2024.

Dédicaces: Une nouvelle lettre de Sebastian Lee décryptée

English

Peinture de haut de page: Jeune homme écrivant une lettre de Gabriel Metsu,1662-65, National Gallery of Ireland, Dublin

Par Pascale Girard

Alors qu’un premier voyage aux Archives Nationale de Pierrefitte s’est soldé par un cuisant échec, je me dois, en compensation, de partager avec vous un de mes trésors, gardés jalousement, on ne sait pourquoi d’ailleurs, surtout que dans ce cas présent, il s’agit d’une lettre écrite 129 ans avant ma naissance et qui ne m’était donc évidemment pas adressée. Nonobstant, syndrome de Gollum [1] mis de côté, me voici prête à vous dévoiler une petite pépite. Non seulement une lettre avec une histoire, mais encore manuscrite de la main de ce Cher Sebastian. Vous êtes prêts? C’est parti!

Remerciements à la BnF ou le précieux document est conservé, et pour leur aimable autorisation de reproduction.

Quel choc lorsque j’ai reçu la reproduction tant attendue. Français impeccable (l’orthographe du mot sentimens sans le « t » est d’époque, ce n’est pas une faute de sa part), et même soutenu! La conjugaison du verbe joindre me laisse songeuse. Je ne sais pas s’il s’agit d’une formule de l’époque ou d’une erreur mais ça me fait sourire car je l’ai moi-même longtemps écrit de cette façon. L’écriture est élégante, lisible, je suis sous le charme!

Quand on déniche une lettre dans des fonds archivés, on en connait pas le contenu, c’est toujours une surprise. Comme pour celle adressée à M. Habeneck et traitée dans un post précédent, ou il est question de la tournée de Sebastian Lee aux côté de Josef Gusikow. Cette fois, 10 ans plus tard, nous avons affaire à une lettre à un commanditaire d’une œuvre, ou est-ce un cadeau de la part du compositeur? Tâchons d’abord de savoir qui est le mystérieux destinataire.

Si nous reprenons le catalogue de Sebastian Lee et regardons ensemble quelles œuvres ont été publiées en 1847 avec une dédicace féminine, on s’aperçoit qu’on a déjà effectué ce travail précédemment, au cours des recherches qui entourent la mystérieuse dédicace de l’opus 52 Promenade en Gondole, la barcarolle sortie en 1848 et passée totalement inaperçue; une analyse effectuée dans un précédent billet.

Extrait du billet  » Le mystère de l’opus 52 « Promenade en Gondole » une barcarolle de Sebastian Lee ca 1850 » publié le 11 décembre 2023.

Remontons donc le temps à partir de l’opus 51 qui précède la promenade en gondole dédiée à Melle Caroline Morin, cette illustre inconnue. Les Fantaisies sur les motifs d’Obéron, Euryanthe et de Preciosa de C.M Weber sont dédiées au Vicomte Jullien de Reviers de Mauny (1818-1898), polytechnicien et artilleur. Il se marie le 19 avril 1849 à Paris avec Marguerite de Villeneuve-Bargemon (1825 – 1920). Le timing serait parfait pour que Marguerite soit notre « charmante fiancée » si seulement j’avais trouvé une œuvre dédiée à son attention. Malheureusement, ce n’est pas le cas.

Remontons donc encore un peu plus le temps et regardons de plus près l’opus 50 Réminiscences de l’opéra le Val d’Andorre de Fromental Halévy, dédié à son élève et ami Emile Colliau (1826-1884), artiste photographe. Je trouve un acte de mariage daté du 8 juillet 1854 avec Eléonore Labat. En 1847, monsieur Emile à 21 ans. Jeune homme dans la fleur de l’âge, il a connu au collège Stanislas, notre Cher Sebastian qui lui enseignait le violoncelle. Il devient photographe et il semble qu’il ait peut-être été spécialisé dans les paysages. Etrangement, un autre photographe de la même époque, Eugène Colliau, est répertorié par un site de ventes aux enchères comme photographe pour la même œuvre. qu’Emile Colliau. La bonne nouvelle étant que si ces 2 photographes sont une seule et même personne, Eugène Colliau a fait du portrait d’artiste. Ca nous donne de l’espoir de retrouver une image de Sebastian Lee.

S’en suis un trou dans la raquette car à ce jour on ne connait pas l’opus 49 de Sebastian Lee et je ne l’ai pas encore retrouvé. Ceci aurait donné du poids à la candidature d’Emile Colliau, en tant que destinataire du précieux courrier et de la dédicace car l’opus N°49 étant inconnu, il pouvait hypothétiquement être dédié à Eléonore Labat, sa future épouse, qui deviendrait officiellement notre « charmante fiancée », avec l’opus N°50 qui le suit, dédié à son ami et élève Emile Colliau. Les 2 ouvrages se suivent et il serait donc possible qu’Emile Colliau soit notre homme. Ou pas.

Réminiscences du Val d’Andorre de Fromental Halévy pour violoncelle avec accompagnement de piano, opus 50 de Sebastian Lee édité chez Lemoine, 1847.

Toujours plus loin, donc, l’opus 48 la Sérénade sur ‘Don Pasquale’ opéra de Gaetano Donizetti pour violoncelle et piano, une partition dont je possède un exemplaire papier complet d’époque, est une œuvre sans dédicace.

Sebastian Lee, opus 48 « Sérénade pour violoncelle accompagnée de piano sur Don Pasquale, opéra de G. Donizetti »

Vient l’opus 47 Nocturne sur Robert Bruce, Opéra de Gioachino Rossini, pour Violoncelle avec accompagnement de piano. On en connait le titre mais la partition est toujours manquante, donc pas moyen de savoir si elle a été dédicacée et à qui. A ce stade de l’histoire, il est possible que la lettre soit adressée au commanditaire de l’opus N°47 ou N°49, mais en réalité, nous serions malchanceux si justement ces 2 opus se rapportaient au courrier qui nous intéresse. Je reste persuadée que les 2 œuvres, celle pour la « charmante fiancée » et celle pour « monsieur » se suivent.

Passons donc à l’opus N°46 Divertissement sur les motifs de l’opéra Luisa Strozzi de Gualtero Sanelli. D’après la base de données des fonds numérisés Hofmeister XIX, [2] ces 2 opus (N°46 et N°47) auraient été publiés en juin 1847. Cette fois, on est peut-être un peu trop tôt dans le temps pour un courrier et 2 œuvres livrées 6 mois plus tard.

J’y ajoute quand-même quelques autres parus en 1847 parce-que l’exactitude des mois de parution, d’un éditeur à l’autre, n’a rien d’une science exacte. L’opus 42, donc, Valse brillante dédiée à Ernest Meynard que j’ai eu grand mal à retrouver. Il s’agit du sous-chef de musique du 18ème régiment d’infanterie de ligne. J’ai même un article annonçant la naissance de son fils Jean dans lequel Ernest est qualifié de musicien (on notera, tant qu’on y est, le nom très Barbapapa avant l’heure de Madame) [3]

Un homme du Sud-Ouest mais qui a bien connu l’Allemagne dans le cadre de ses fonctions. Il épousera Madame Barbier à une date inconnue, mais a priori, la dame n’est pas notre charmante fiancée puisqu’on a pas non plus d’opus à son nom et que l’opus précédent, le N°41 Fantaisie sur le Giuramento de Saviero Mercadante est dédicacé à son ami Henri Gowa.

Fantaisies sur le Giuramento de Saviero Mercadante opus 41 de Sebastian Lee est dédicacé à son ami Henri Gowa

Extrait de la Revue et Gazette Musicale N°7 du 14 février 1847

Puis, l’opus 43, sorti en Octobre-Décembre 1847, [2] Fantaisie sur l’Ode Symphonie Le Désert et sur Les Hirondelles de Félicien David dédié à M. Jean Koechlin (1773-1861) artiste peintre, marié vers 1800 mais veuf en 1827. Il aurait très bien pu avoir une « charmante fiancée » en 1847 que les quelques lignes de biographie trouvées sur internet ignorent, sauf que l’opus 42 est pour Ernest Meynard.

Fantaisie sur l’Ode Symphonie Le Désert et sur Les Hirondelles de Félicien David dédié à M. Jean Koechlin Opus 43 de Sebastian Lee

Ensuite, Le Premier Bal, opus 44 dédié à Leon Paixhans (1826-1911), qui travaille comme surnuméraire au ministère des Finances en 1847. Polychnicien, militaire, député et inventeur, qui épouse en premières noces le 15 mars 1851 à Paris, Louise Caroline Elisa Palmyre Auger (1831-1872). Bon timing également, même si 4 ans entre les fiançailles et les noces peuvent paraitre encore un tantinet longuet. Entre temps, il y a eu la fameuse révolution de 1848 donc de gros bouleversements et beaucoup de pagaille. Ca se tient. Sauf que je n’ai toujours pas d’œuvre dédicacée à une « charmante fiancée » de ce nom. J’ai bien eu un petit soubresaut en voyant le 2ème prénom de Caroline, (vous aurez sans doute remarqué qu’à l’époque il est commun de choisir son nom d’usage parmi tous les prénoms donnés, et pas forcément son 1er prénom) mais le nom de famille ne correspond pas à notre demoiselle Morin de l’opus 52. Louise Caroline Elisa Palmyre Auger, accessoirement la cousine germaine de monsieur Léon côté maternel, est la fille de Charles Frédéric Auger, avocat, et de Louise Aimée Bardou. J’ai vérifié au cas ou le nom de jeune fille de la mère eut pu être Morin, mais non. Milieu social de la grande bourgeoisie parisienne, très similaire à celui d’Ernest Gillet dont le père était également haut fonctionnaire, je me suis demandée si je ne m’étais pas complètement plantée en ce qui concerne le tabou du mariage entre cousins germains dans le cas d’Ernest Gillet et Mina Lee (voir billet précédent). En tout cas, pour conclure sur la vie sentimentale de monsieur Léon, mariage arrangé avec la cousine ou pas, il se remarie en 1880, après veuvage, à 54 ans avec Claudie Marthe Pinès de Merbitz (1859-1911), sœur de l’artiste peintre Marguerite Pinès de Merbitz (1845-1931)

Le Premier Bal, Sebastian Lee, opus 44 dédié à M. Léon Paixhans.

En revanche, vient ensuite l’opus 45 Souvenir du Lac des quatre Cantons. Barcarolle pour violoncelle et Piano (publié chez Breitkopf & Hartel ca.1847) dédié à Théodore Delamarre (1824-1889) un autre artiste peintre. Celui-ci est un vrai bon candidat car il épouse Félicie Mathilde Lyautey, le 16 août 1849, à Paris. Là, le timing est pas mal du tout. En revanche, ça voudrait dire qu’une œuvre a été dédicacée à « la charmante fiancée », c’est à dire Félicie Mathilde Lyautey, auparavant. Et là, il faut se rendre à l’évidence, on en a toujours pas. Pourtant, Sebastian Lee dit qu’il joint à sa lettre le morceau composé pour « la charmante fiancée » mais il prie au monsieur d’accepter une autre pièce qu’il lui a inspiré. Le précédent opus, N°44, est pour Léon Paixhans, mais le suivant, le N°46 a peut-être une dédicace qu’on ignore (il n’existe pas d’exemplaire connu à ce jour, juste un titre). Donc pour le moment, voilà ce que je pense: soit le morceau composé pour  » la charmante fiancée » est une œuvre non numérotée, confidentielle et à ce jour perdue, soit il manque un opus quelque part, mais ce qui est sur, c’est que l’œuvre composée pour la « charmante fiancée » et celle que le commanditaire a inspiré semblent avoir été créées l’une derrière l’autre, et pas à 2 mois d’écart puisqu’elles sont livrées ensemble, selon la lettre de ce Cher Sebastian. J’ajouterai même que d’après ce qu’il écrit, il a d’abord composé l’œuvre pour la « charmante fiancée », puis « pour rendre à César ce qui appartient à César », il ajoute une 2ème œuvre que lui a inspiré le monsieur. Donc c’est d’abord l’opus féminin, puis le masculin. Là, l’opus 46 ne peut pas avoir de dédicace à Félicie Mathilde Lyautey, car cela raconterait l’histoire à l’envers (masculin puis féminin). Ca ne fonctionne pas.

La barcarolle Souvenirs du lac des Quatre Cantons, opus 45 de Sebastian Lee dédié à son ami Théodore Delamarre.

Ce qui me chiffonne dans tout ça c’est que la SEULE dédicace féminine que j’ai pour cette période, c’est cette mystérieuse Mademoiselle Caroline Morin de l’opus 52. Cependant, de toutes les dédicaces masculines examinées sur des opus composés et publiés dans l’année 1847, aucun n’a de « charmante fiancée » nommée Caroline Morin. Ou alors… Ou alors, l’un d’entre eux a pu avoir une « charmante fiancée » qui aurait pu être Mademoiselle Caroline Morin, mais le mariage ne se serait pas fait. Parce-que gardons quand-même à l’esprit que ce que nous retrouvons sont les traces consignées à l’Etat Civil. Or, aussi triste que cela puisse paraitre, sans acte de mariage, aucune trace ne subsiste de la plus pure des passions amoureuses. Sauf peut-être une dédicace mystérieuse qui resterait le secret des 2 tourtereaux et du compositeur qui est le témoin de cet amour fugace. Ainsi donc il nous faut renoncer à percer le mystère de ce couple non identifié. Sans la découverte de l’opus 49 ou d’un autre indice comme un nouveau courrier, nous restons sur notre fin. Il y a eu, en cette année 1847 qui annonçait la chute de la monarchie en France une bonne fois pour toute, un couple de fiancés; elle, « charmante », et lui « inspirant », qui ont croisé le chemin de Sebastian Lee, témoin de leur affection; et 2 œuvres composées pour eux scellent cette romance dans l’Histoire, chiffrée à jamais.

Une chose me titille encore pourtant. Sebastian Lee conclut son courrier en manifestant sa parfaite reconnaissance. De ce que j’ai pu voir en brassant toutes ces archives du XIXème siècle, ce n’est pas la façon ordinaire de finir un courrier. Le XIXème siècle est d’ailleurs assez cocasse sur ce point car les formules de styles y sont particulièrement obséquieuses. On conclut en mettant un « votre serviteur dévoué » voire « tout dévoué », « votre très humble serviteur » ou autres fanfreluches pseudo-littéraires. D’ailleurs, dans son précédent courrier à Habeneck, Sebastian Lee conclut comme suit « Veuillez recevoir, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée. » C’est important, car si l’on en croit Edgar Pich dans son article « La lettre et la formule », les formules finales des lettres au XIXème siècle font partie des stéréotypes dont l’étude des variations devait aboutir à la découverte des codes en vigueur. Selon Pich, cette étude « devait confirmer […] les données fournies par les manuels de correspondance, de savoir vivre, des bons usages et des bonnes manières du XIXe siècle et peut-être ainsi mettre en évidence les tensions intéressantes entre les codes explicites et théoriques et les codes implicites mais réellement en vigueur.« [4] En gros, il y auraient 2 types de formules à l’époque: la récurrente qui caractérise une personne en systématisant la même formule; ce qu’Edgar Pich qualifie « d’originalité individuelle » et la volonté de varier la formule. Il ajoute que « Chacune des formules […]« l’assurance de mon dévouement respectueux », « l’assurance de mon respect et de mon dévouement », « mille civilités cordiales et empressées »,… est aussi creuse et désémantisée que sa voisine ; le passage de l’une à l’autre traduit seulement la volonté d’actualiser, de rendre vivante la communication. Pas de changement sans sujet : s’il y a changement, c’est qu’il y a sujet et sujet vivant. Mais ce sujet, vivant et mouvant et changeant, est aux antipodes du sujet sclérosé et constant que nous avons décrit précédemment. » Je pense que dans notre cas il y a sujet. « Je vous prie de vouloir bien accepter les sentiments de ma parfaite reconnaissance » est une façon de conclure sa lettre très spécifique, trop spécifique pour être anodine. Ce n’est pas une formule de politesse en soi, c’est un remerciement, une manifestation de gratitude pour un service rendu. Question à mille points: Quel est-il? Et qui de nos candidats est l’objet de ces sentiments de reconnaissance? Serait-ce le Vicomte Jullien de Reviers de Mauny (1818-1898), polytechnicien et artilleur? Serait-ce Léon Paixhans, le polytechnicien, militaire, député et inventeur? Ou alors Emile Colliau, le photographe? Serait-ce Ernest Ménard, le politicien et romancier? Jean Koechlin, l’artiste peintre? Ou encore Théodore Delamarre, l’autre artiste peintre? Ou un potentiel dédicataire de l’opus 49 ou 47?

Un simili-Cluedo du XIXème siècle, petits gribouillages par « votre toute dévouée » qui s’égare, une fois de plus…

J’espérais une fin magistrale, et pouvoir vous révéler que c’était le Colonel Moutarde avec le chandelier dans la bibliothèque, mais l’ambiguité et le flou artistique continuent de gâter l’affaire!!! En poursuivant ma lecture de l’article de Pich, il donne les exemples de formules suivants: « Recevez ; recevez l’expression ; recevez l’assurance (avec la variante plus sophistiquée : permettez-moi de vous renouveler). A la suite de ce syntagme verbal vient un syntagme nominal qui désigne les « sentiments » de l’expéditeur de la lettre : au centre de ce syntagme se trouve un substantif choisi parmi les vingt suivants : hommages, respect(s), civilités, sentiments, dévouement, sympathie, salutations, attachement, salut, salutations, admiration, regrets, compliments, estime, affection, amitié, considération, sincérité, amitié, remerciement. » et pas de reconnaissance. M.Pich, qui visiblement a passé du temps sur sa recherche, nous propose VINGT substantifs et la reconnaissance n’en fait pas partie. Peut-être que ces 2 œuvres sont des cadeaux pour une faveur faite à notre compositeur.

Et vous? Qu’en pensez-vous?

Epilogue

En préparant ce billet, je tombe sur un autre mystère qui a piqué ma curiosité et que je vous soumets, pour le plaisir. Notre ami Théodore Delamarre, artiste-peintre est l’auteur d’une toile nommée « The cellist« , le violoncelliste. Pourquoi le titre est-il devenu anglais? Parce-que la toile a passé l’océan Atlantique quand elle a été achetée par un Américain. Or, ce tableau est entouré d’un mystère parce-qu’on ne sait pas de qui il s’agit. Par ailleurs, il y a une inscription à peu près illisible en français au dos de la toile, mais hélas, la photo est trop petite et la résolution trop mauvaise pour pouvoir avoir une chance de la déchiffrer. En tout cas, le propriétaire du tableau mentionne que le vêtement lui fait penser à une tenue du XVIIIème siècle (plutôt que du XIXème, époque de Théo Delamarre), ce en quoi je suis d’accord avec lui. J’ajouterais même que plusieurs indices nous portent à réduire la période au règne de Louis XIV (1638-1715), spécialiste de la perruque poudrée, des tons roses bonbons, rouges et autres rubans, mais aussi à cause des talons rouges; une histoire que j’avais déjà entendu et qui serait une drôle de mode lancée par Philippe d’Orléans, royal frangin, qui serait rentré un matin au palais avec les souliers plein de sang. J’avais entendu qu’il s’agissait d’une personne aux mœurs dissolues et qu’il aurait été mêlée à un assassinat. Wikipedia [5] raconte une histoire plus légère de carnaval et d’abattoir (a lire ici au chapitre « talons rouges »). Philou étant né en 1674, disons qu’il avait au moins 15 ans quand l’épisode des talonnettes ensanglantées a eu lieu, on serait donc entre 1689 et 1723, mort du Régent Philou. Un mot également sur la perruque qui ne fait pas très Louis XIV. J’ai été chercher à quelle époque on passe de la choucroute garnie au putois albinos à longue queue. Il semblerait que ce soit à partir de 1715 ou, selon Barbara Rosillo, Docteur en Histoire de l’Art, « d’autres sortes de perruques, plus petites et plus légères, voient le jour, en phase avec cette nouvelle période où le confort l’emporte sur la théâtralité baroque. » [6] On serait donc plutôt entre 1715 et 1723. Et que dire de cet instrument, si moderne? Notre homme pourrait être Jean-Sébastien Bach (1685-1750). Entre 1715 et 1723, il aurait une trentaine d’année, ça colle. Il était plutôt brun, ça colle aussi. Ce sont ces culottes cuisse de nymphe qui me dérangent. Bach est toujours habillé en noir sur ses portraits, donc peu probable finalement. Le propriétaire de la toile pense qu’il s’agit d’un hommage à un musicien. Qui peut bien être ce violoncelliste peint par Théo Delamarre qui était l’ami de Sebastian Lee? Voyez par vous-même:

Le violoncelliste, peinture de Théodore Delamarre (1824-1889). Cet œuvre n’a pas été présentée aux Salons d’expositions Parisiens d’après Wikipedia qui donne une liste exhaustive des toiles exposées à ces occasions.

Les images d’origine et le laïus du propriétaire peuvent être consultés directement ici. Bon, de là à imaginer que Sebastian Lee a servi de modèle pour cette toile il n’y a qu’un tout petit pas à faire. Et si c’était lui et son instrument?! En 1847, Théo Delamarre avait 23 ans et Sebastian Lee 41. Une chose qui me fait douter, c’est la façon dont l’instrument est posé sur le fauteuil, en y faisant peser tout le poids sur le manche. Je ne trouve pas ça naturel. J’ai hâte de savoir ce que vous en pensez!

Notes

[1] Il semblerait que le terme existe réellement mais faisant référence à une autre définition d’après l’ouvrage de Gauthier Steyer  » Le Syndrome de Gollum« , chez Hugo Stern, 2023. [URL https://www.librest.com/livres/le-syndrome-de-gollum–l-emprise-numerique–essai-gauthier-steyer_0-10528288_9782383930518.html Février 2024]

[2] La base de données Hofmeister XIX propose à la recherche gratuite en ligne les catalogues musicaux de Friedrich Hofmeister pour la période allant de 1829 à 1900 [URL: https://hofmeister.rhul.ac.uk/2008/content/database/search/page-all;jsessionid=node01k9h08riopnlk1l87y5ftgo8du150447 Février 2024]

[3] Le Mémorial des Pyrénées, 09 juillet 1874 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5237943b/f3.item.r=Meynard.zoom

[4] Edgar Pich « La lettre et la formule » article sans date [URL: https://books.openedition.org/pul/840?lang=en Février 2024]

[5] Wikipedia, article « Us et coutumes à la Cour de Versailles » [URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Us_et_coutumes_%C3%A0_la_cour_de_Versailles Février 2024]

[6] Bárbara Rosillo, « La perruque, quand l’Europe se coiffait à la mode de Louis XIV, publié le 04.08.2022

[URL https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-moderne/la-perruque-quand-leurope-se-coiffait-a-la-mode-de-louis-xiv-80891.php février 2024]

Jeune homme écrivant Metsu Dublin
Young Man Writing a Letter by Gabriel Metsu, 1662-65, National Gallery of Ireland, Dublin

Dedications: A new letter from Sebastian Lee decrypted.

2 March 2024 / sebastianleemusic

Written by Pascale Girard. Edition and translation by Sheri Heldstab

While a first trip to the National Archives of Pierrefitte [a community in France] ended in bitter failure, to compensate, I must share with you one of my treasures, which was being jealously guarded by the archive (we don’t know why, especially in this case).  It is a letter written 129 years before my birth, which obviously was not addressed to me. Gollum syndrome [1] aside, here I am ready to reveal “my precious” to you. Not only is it a letter with a story, but it was also written by the hand of dear Sebastian. Are you ready? Let’s go!

With sincere appreciation to the Bibliothèque nationale de France (BnF), where the precious document is archived, and for their kind permission for reproduction.

[Approximate Translation: Sir, I composed a piece about your charming fiancée which I joined [attached] to this letter.  Faithful to the maxim that one must render unto Ceasar that which belongs to Ceasar, I ask you to accept the dedication of this [musical] work that you have inspired along with my sentiments of profound gratitude.

S. Lee
Paris [on] the 13 December 1847]

What a shock when I received this long-awaited reproduction of the letter! Impeccable and even formal French (the spelling of the word “sentiments” (“sentimens”) without the “t” is correct for the era, not an error on his part)! The conjugation of the verb “joined” (“joints” from “jendre”) leaves me wondering. I don’t know if this was a common conjugation for the time or an error, but it makes me smile because I spelled it that way myself for a long time. The writing is elegant and readable, and I am charmed!

When we find a letter in an archival collection, we are never sure what the contents of the letter might be — it is always a surprise. This was the case for the letter addressed to Mr. Habeneck (covered in a previous blog post) which was about Sebastian Lee’s tour alongside Josef Gusikow. This time, 10 years later, we are dealing with a letter that was written perhaps to someone who was a patron of the mentioned work, or maybe it was a gift from the composer? Let’s first try to find out who the mysterious recipient is.

If we return to Sebastian Lee’s catalog and look at all the works that were published in 1847 with a dedication to a woman, we realize that this investigation has already been done during the research surrounding the mysterious dedication of the opus 52 Promenade en Gondole [Gondola ride], the barcarolle released in 1848. Opus 52 was discussed in a previous post.

Excerpt from the blog entry “The mystery of opus 52 “Gondola Ride” a barcarolle by Sebastian Lee ca 1850” posted on December 11, 2023.

[Translation of header:  10 Opuses were written between May 1847 and January 1849, the latter date is where we resumed the search for the history of the publications of Opus 54.  Here is the catalog as we knew it at the time:]

So let’s go back in time from opus 51, which precedes the gondola ride dedicated to the illustrious unknown Caroline Morin. The Fantasies on the Motifs of Oberon, Euryanthe and Preciosa by C.M Weber are dedicated to Viscount Jullien de Reviers de Mauny (1818-1898), polytechnician [military cadet] and artilleryman. He married Marguerite de Villeneuve-Bargemon (1825 – 1920) on April 19, 1849 in Paris. The timing would be perfect for Marguerite to be our “charming fiancée” if only I had found a work dedicated to her. Unfortunately, it is not the case.

Perhaps we should go back in time a little further and take a closer look at opus 50 “Réminiscences de l’opéra le Val d’Andorre” by Fromental Halévy, dedicated to his student and friend Emile Colliau (1826-1884), photographer. I found a marriage certificate dated July 8, 1854 for Emile Colliau and Eléonore Labat. In 1847, Emile was 21 years old—a young student at Stanislas College in the prime of his life. He met our dear Sebastian there as Sebastian was an instructor teaching cello. He became a photographer and it seems that he may have specialized in landscapes. Strangely, another photographer from the same period, Eugène Colliau, is listed by an auction site as the photographer for the same photographs attributed to Emile Colliau. The good news is that if the two photographers are one and the same person, Eugène/Emile Colliau took at least one photographic studio portrait. It gives us hope for finding an image of Sebastian Lee.

Our Achilles’ heel lies in the fact that, to this day, we don’t know anything about Sebastian Lee’s opus 49 and I have yet to find it in any form. If we had a copy of opus 49, it would have given weight to the candidacy of Emile Colliau, as the recipient of the precious letter and the dedication, because opus No. 49 could hypothetically be dedicated to Eléonore Labat, his future wife, who would then become our “charming fiancée”, with opus No. 50 which follows it, dedicated to his friend and student Emile Colliau. The two works follow each other and it would therefore be possible that Emile Colliau is our man. Or not.

Réminiscences du Val d’Andorre de Fromental Halévy [Reminiscences of the Andorra Valley by Fromental Halévy] for cello with piano accompaniment, opus 50 by Sebastian Lee published by Lemoine, 1847.

Furthermore, opus 48 Sérénade sur ‘Don Pasquale’ opéra de Gaetano Donizetti [“Serenade on the opera ‘Don Pasquale’ by Gaetano Donizetti] for cello and piano, a score that I have a complete vintage paper copy of, has no dedication at all.

Sebastian Lee, opus 48 Sérénade sur ‘Don Pasquale’ opéra de Gaetano Donizetti [“Serenade on the opera ‘Don Pasquale’ by Gaetano Donizetti].

Next comes opus 47 Nocturne sur Robert Bruce, Opéra de Gioachino Rossini [Nocturne on Robert Bruce, Opera by Gioachino Rossini], for Cello with piano accompaniment. We know the title but the score is still missing, thus we do not know if it contained a dedication. At this stage of the story, it is possible that the recipient of the letter is either the sponsor of opus No. 47 or No. 49, but in reality, we would be unlucky if precisely these 2 opuses related to the letter that interests us. I remain convinced that the two works, the one for the “charming fiancée” and the one for the “Sir” to whom the letter was written, were composed one after the other.

Continuing back in time, let us move on to opus No. 46 Divertissement sur les motifs de l’opéra Luisa Strozzi de Gualtero Sanelli [Variations of the motifs of the opera Luisa Strozzi by Gualtero Sanelli].  According to the Hofmeister XIX digitized holdings database [2], these 2 opuses (No. 46 and No. 47) were published in June 1847. While we are obviously biased and hold Sebastian Lee in very high regard, even we doubt that he could, in the span of six months, write a letter and two new compositions and send them to their intended recipient(s).

I am considering a few other opuses published in 1847, because the accuracy of the months of publication, from one publisher to another, is not an exact indicator of when the opus was written. For example, Opus 42, Brilliant Waltz, was dedicated to Ernest Meynard, a person whom I have had great difficulty finding in the historical records. I know that he was the deputy head of music of the 18th line infantry regiment. I even have an article announcing the birth of his son Jean in which Ernest is described as a musician (we will note, while we are at it, Madame’s very Barbapapa* name well before its time) [3]

[*Translator’s note: Barbapapa is the name of a children’s book character. This character has a wife (Barbamama) and seven children, all of whose names start with “Barba-” and typically end in a rhyming two-syllable nonsense word, such as the child-musician, Barbalala].

[Approximate translation: Extract of the State Civil Registries of Pau. Births. The third of the month: Marie Tisné called Versailles, daughter of Pierre Tisné called Versailles, gardener, and Marie Laborde-Cazaubon. — Pierre-Léopold-Marie-Fernand Rigoulet, son of Jacques-Hippolyte-Albert Rigoulet, notary, and Marie-Thérèse-Cécile Fassan. — The fourth of the month: Gaston-Adrien Nancy, son of Armand-Felix Nancy, telegraph operator, and Marie Renée Chirou. — Alphonse-Henri Fumaz, son of Damien Fumaz, day laborer, and Fédiliona Salilas. — Jean-Ernest-François Meynard, son of Alexandre-Ernest Meynard, musician in the 18th line, and Barbe-Françoise Barbier.]

Ernest Meynard was a man from the southwestern part of France, who got to know Germany well in the course of his military duties. He married Madame Barbier on an unknown date, but a priori, the lady is not our charming fiancée since we have no opus in her name, and the previous opus, No. 41 Fantasies sur le Giuramento de Saviero Mercadante [Fantasy on the Giuramento by Saviero Mercadante] is dedicated to his friend Henri Gowa.

Opus 41 “Fantasies sur le Giuramento de Saviero Mercadante” [Fantasies on the Giuramento by Saviero Mercadante] by Sebastian Lee is dedicated “To my friend Mr. Henri Gowa.”

Extract showing Lee’s Opuses 42 and 44, from the Revue et Gazette Musicale de Paris No. 7, 14 February 1847

Missing from this edition of the Revue et Gazette is opus 43, Fantaisie sur l’Ode Symphonie Le Désert et sur Les Hirondelles de Félicien David [2], which was released sometime between October and December 1847.  Opus 43 was dedicated to Mr. Jean Koechlin (1773-1861), who was an artist, primarily producing urban landscapes in ink.  He married around 1800 but was widowed in 1827. He could very well have had a “charming fiancée” in 1847 that the few lines of biography found on the internet ignore, except that opus 42 is dedicated to Ernest Meynard.

Opus 43 by Sebastian Lee, Fantaisie sur l’Ode Symphonie Le Désert et sur Les Hirondelles de Félicien David, [Fantasy on the Symphony The Desert and [the symphony] The Swallows by Félicien David] dedicated to Mr. Jean Koechlin.

Then opus 44, Le Premier Bal [The First Ball], which was dedicated to Léon Paixhans (1826-1911), who worked as an assistant at the Ministry of Finance in 1847. He was a cadet, soldier, deputy and inventor, who married Louise Caroline Elisa Palmyre Auger (1831-1872) in Paris on 15 March 1851. Good timing too, even if a four-year engagement seems a bit long. Then again, there was the February Revolution of 1848, causing major upheaval and a lot of chaos, so a long engagement might be unexceptional. The timeline fits, except that I still don’t have a work dedicated to a “charming fiancée”. I had a spark of hope when I saw Caroline’s second first name, but the last name does not correspond to our Miss Morin from opus 52 (you will no doubt have noticed that it was common at the time for a person to choose their common name from among all of the first names given to them, and not necessarily use their first First Name). Louise Auger, incidentally the first cousin of Mister Léon on her mother’s side, is the daughter of Charles Frédéric Auger, lawyer, and Louise Aimée Bardou. I checked to see if the mother’s maiden name could have been Morin, but no. Given the social environment of the Parisian upper bourgeoisie, which was very similar to that of Ernest Gillet, whose father was also a senior civil servant, I wondered if I had not been completely wrong regarding the taboo of marriage between first cousins in the case of Ernest Gillet and Mina Lee (see previous post). In any case, to wrap up the love life of Mr. Léon, arranged marriage with a first cousin or not, after being widowed in 1872, in 1880, at the age of 54, he married Claudie Marthe Pinès de Merbitz (1859-1911), sister of painter Marguerite Pinès de Merbitz (1845-1931).

Opus 44, Le Premier Bal [The First Ball] by Sebastian Lee, dedicated to Mr. Léon Paixhans.

Then comes opus 45 Souvenir du Lac des quatre Cantons. Barcarolle pour violoncelle et Piano [Souvenir of the Lake of the Four Cantons. Barcarolle for cello and piano] (published by Breitkopf & Hartel ca.1847) dedicated to Théodore Delamarre (1824-1889) another painter, this time of landscapes. This one is a very good candidate because he married Félicie Mathilde Lyautey, on 16 August 1849, in Paris. At last, the timeline seems to mesh. On the other hand, that would mean that a work was dedicated to “the charming fiancée”, that is to say Félicie Mathilde Lyautey, previously. But I have to face the facts, I still don’t have any works dedicated to her. However, Sebastian Lee says that he encloses with his letter the piece composed for “the charming fiancée” but he asks the gentleman to accept another piece that he inspired. The previous opus, No. 44, is for Léon Paixhans, but the next one, No. 46…  at the moment, there is no known copy, just a title, so perhaps it has a dedication that we don’t know of.

For now, here’s what I think: either the piece composed for « the charming fiancée » is an unnumbered confidential work which has been lost, or there is an opus missing somewhere. What is certain is that the work composed for the “charming fiancée” and the one that the patron inspired seem to have been created one after the other, and not 2 months apart since they were delivered together, according to the letter from our dear Sebastian. I would even add that according to what he wrote in the letter, he first composed the work for the “charming fiancée”, then “to render unto Caesar that which belongs to Caesar”, he also created a second work that was inspired by the gentleman to whom he wrote. So first he would have written the lady’s opus, then the gentleman’s. If this is true, opus 46 cannot have a dedication to Félicie Mathilde Lyautey, because that would tell the story in reverse (dedication to the gentleman then the lady). The timeline does not work.

Opus 45, Souvenir du Lac des quatre Cantons. Barcarolle pour violoncelle et Piano [Souvenir of the Lake of the Four Cantons. Barcarolle for cello and piano], by Sebastian Lee dedicated to his friend Théodore Delamarre.

What bothers me about all this is that the only female dedication I have for this period is the mysterious Caroline Morin from opus 52. However, of all the male dedications examined on opuses composed and published in the year 1847, none of the men have a “charming fiancée” named Caroline Morin. Or… Or, one of them could have had a “charming fiancée” who could have been Caroline Morin, but the marriage didn’t happen for some reason. Bear in mind that the only information we have are the traces recorded in the Civil Registry. However, as sad as it may seem, without a marriage certificate, no trace remains of an engagement to marry, except perhaps a mysterious dedication which would remain the secret of the two lovebirds and the composer who witnessed this fleeting love. So we must give up trying to unravel the mystery of this unidentified couple. Without the discovery of opus 49 or another clue like a new letter, we remain at a standstill.

All we truly know is that in 1847, which brought the fall of the monarchy in France forever, there was an engaged couple — she was “charming” and he, “inspiring” — and this couple crossed paths with Sebastian Lee, who was witness to their affection. From this meeting came two works composed for them, sealing this romance into the historical record.

One thing still bothers me though. Sebastian Lee concludes his letter by expressing his complete gratitude. From what I was able to see while shuffling through all these 19th century archives, this was not the typical way of closing a letter. The 19th century was rather formal on this point; the style for a complimentary closing statement were particularly deferential. Letters were concluded with phrases such as “your devoted servant”, “your very devoted servant”, or “your very humble servant” or other pseudo-literary ornaments. Besides, in his previous letter to Habeneck, Sebastian Lee concludes as follows: “Please receive, Sir, the assurance of my highest consideration.” This is important, because if we believe Edgar Pich in his article “The letter and the formula”, the final closures of letters in the 19th century are part of the etiquette of closures, and the study of variations in the closures should lead to the discovery of the rules of written etiquette in force at the time. According to Pich, this study [approximate translation] “was to confirm […] the examples provided by the manuals of correspondence, good etiquette, good practices, and good manners of the 19th century and perhaps thus highlight the interesting tensions between explicit rules of conduct, theoretical rules of conduct, and implicit rules of conduct that were actually in use.” [4]

Basically, there were two forms of closure at the time: the commonly used closure which characterizes a person by using the same formulaic language — what Edgar Pich describes as “individual originality” — and the desire to vary the formal language in the closure. He adds that [approximate translation] “Each of the formulas […] “the assurance of my respectful devotion”, “the assurance of my respect and my devotion”, “a thousand cordial and eager civilities”, … is as hollow and dehumanized as its neighbor; the transition from one to the other only reflects the desire to update, to bring communication to life. [There is] No change to the meaning: if there is change, it is because there is a [previous] subject and a [newer,] living subject. But this [newer] subject, living and moving and changing, is the opposite of the unchanging and constant subject that we described previously.” I think that in our case there is a subject. “Please accept the sentiments of my perfect gratitude” is a way of concluding his very specific letter, too specific to be the trite closure of a typical letter of the era. It is not a generic polite expression; it is an expression of gratitude. This creates many other questions: Which is it, polite expression or gratitude? And which of our candidates is the object of these feelings of recognition? Could it be Viscount Jullien de Reviers de Mauny (1818-1898), polytechnician and artilleryman? Could it be Léon Paixhans, the polytechnician, soldier, deputy and inventor? Or Emile Colliau, the photographer? Could it be Ernest Ménard, the politician and novelist? Jean Koechlin, the painter? Or even Théodore Delamarre, the other painter? Or a potential dedicatee of opus 49 or 47?

A 19th century imitation Cluedo, with a scribbled drawings from “your most devoted” [me] who gets lost, once again…

I was hoping for a masterful ending — to be able to reveal to you that it was Colonel Mustard with the candlestick in the library*, but the ambiguity and personal closure of the letter continue to spoil the affair!! Continuing my reading of Pich’s article, he gives the following examples of etiquette rules for letter writing: [approximate translation] “Receive; receive the expression; receive assurance (with the more sophisticated variant: allow me to remind you). Following this verbal phrase comes a noun phrase which designates the “feelings” of the sender of the letter: at the center of this phrase is a noun chosen from the following twenty: homage, respect(s), civilities, feelings, dedication, sympathy, greetings, attachment, salutation, admiration, regrets, compliments, esteem, affection, friendship, consideration, sincerity, friendship, thanks.” but no “recognition”. Mr. Pich, who obviously spent time on his research, offers us twenty nouns and “recognition” is not one of them. Perhaps these two compositions are gifts from our composer.

[*Translators note: “Colonel Mustard with the candlestick in the library” is a reference to a game called “Clue” in which each player is attempting to be the first person to discover who committed the crime, with what object, and in which room of the house.]

And you? What do you think?

Epilogue

While preparing this post, I came across another mystery which piqued my curiosity and which I submit to you, just for fun. Our friend Théodore Delamarre, a painter, created a portrait called “The cellist”. Why was the name of the painting in English? Because the canvas crossed the Atlantic Ocean when it was bought by an American. However, this painting is surrounded by mystery because we do not know who it is. Furthermore, there is an almost illegible inscription in French on the back of the canvas, but unfortunately, the photo is too small and the resolution too poor to have any chance of deciphering it.

In any case, the owner of the painting mentions that the clothing reminds him of an outfit from the 18th century (rather than the 19th century, the era of Théo Delamarre), which I agree with. I would even add that several clues lead us to reduce the period to the reign of Louis XIV (1638-1715), who loved his powdered wigs, candy pink tones, reds and other ribbons, but also because of the red heels on the shoes.

I had already heard this story in which a funny trend was started by Philippe d’Orléans, a royal brother, who returned to the palace one morning with his shoes covered in blood. I had heard that he was a person with dissolute morals and that he had been involved in an assassination. Wikipedia [5] tells a lighter story of a carnival and a slaughterhouse (read here in the “red heels” chapter). Philou was born in 1674, if we assume that he was at least 15 years old when the episode of the bloody heels took place, the timeframe of the painting would therefore be between 1689 to 1723, the year that Regent Philou died.

A word also about the wig which doesn’t look very Louis XIV:  I went to find out when wig fashions went from garnished sauerkraut to long-tailed* albino skunk [*with a braid or ponytail]. It seems to be around 1715 or, according to Barbara Rosillo, Doctor in Art History, “other kinds of wigs, smaller and lighter, are emerging, in line with this new period where comfort prevails over baroque theatricality.”[6] We would therefore be between 1715 and 1723. And what can we say about this instrument, which is so modern? Our man could be Johann Sebastian Bach (1685-1750). Between 1715 and 1723, he would be around thirty years old, so that timeframe fits. The cello was rather brown, which also fits the timeline as earlier cellos were often red-brown, and later ones tended to blonde or brighter red. It’s these the light pink knee breeches that bother me. Bach is always dressed in black in his portraits, so ultimately it is unlikely to be him. The owner of the painting thinks it is a tribute to a musician. Who could be this cellist painted by Théo Delamarre who was a friend of Sebastian Lee? See for yourself:

The cellist, painting by Théodore Delamarre (1824-1889). This work was not presented at the Parisian exhibition halls according to Wikipedia which gives an exhaustive list of paintings exhibited at these events.

The original images and the owner’s description can be found here. Well, from there to imagining that Sebastian Lee served as a model for this painting is only a very small step to take. What if it was him and his instrument?! In 1847, Théo Delamarre was 23 years old and Sebastian Lee 41. One thing that causes doubt on my part is the way in which the instrument is placed on the chair, with all the weight being born by the neck of the cello. It strikes me as unnatural – typically a cello is laid on its edges when not in use. I can’t wait to hear what you think!

Notes

[1] Gollum Syndrome, where a person develops a strong emotional and possessive connection to an object, and may feel anxiety or distress if it is taken away, actually exists but may have a different definition than many are aware of according to the work of Gauthier Steyer “The Gollum Syndrome”, published by Hugo Stern, 2023. [URL https://www.librest.com/livres/le-syndrome-de-gollum–l-emprise-numerique–essai-gauthier-steyer_0-10528288_9782383930518.html ] Accessed online February 2024.

[2] The Hofmeister XIX database offers free online searching of catalogs of music by Friedrich Hofmeister for the period from 1829 to 1900  https://hofmeister.rhul.ac.uk/2008/content/database/search/page-all;jsessionid=node01k9h08riopnlk1l87y5ftgo8du150447 Accessed online February 2024.

[3] Le Mémorial des Pyrénées,9 July 1874 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5237943b/f3.item.r=Meynard.zoom Accessed online March 2024.

[4] Edgar Pich “La lettre et la formule” undated article https://books.openedition.org/pul/840?lang=en Accessed online February 2024.

[5] Wikipedia, article “Us et coutumes à la Cour de Versailleshttps://fr.wikipedia.org/wiki/Us_et_coutumes_%C3%A0_la_cour_de_Versailles Accessed online February 2024.

[6] “La perruque, quand l’Europe se coiffait à la mode de Louis XIV”, Rosillo, Bárbara, published April 8, 2022. https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-moderne/la-perruque-quand-leurope-se-coiffait-a-la-mode-de-louis-xiv-80891.php Accessed online February 2024.

1837 : Sebastian Lee et Joseph Gusikow, 2 stars de la musique à Paris

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Par Pascale Girard

Aujourd’hui je souhaite partager avec vous un précieux trésor de chasse. C’est une petite rareté dénichée à la BnF et que je conserve jalousement. Parfois, je le concède, ma passion pour Sebastian Lee me conduit à développer ce que je qualifierais de syndrome Gollum, ce personnage du Seigneur des Anneaux obnubilé par sa précieuse bagouze à laquelle il voue un culte exclusif. Il faut donc garder à l’esprit que les fruits de ces recherches sont fait pour être partagés. Aussi, je vous propose de lire ensemble une lettre de Sebastian Lee à laquelle je donnerai quelques explications de texte et contexte. La voici:

Voici le concert auquel Sebastian Lee fait allusion dans son courrier

Extrait de la Gazette et revue musicale N°2 du dimanche 8 janvier 1837

C’est le 2ème concert prévu à Paris avec Gusikow. Un premier concert ayant déjà été donné salle Pleyel quelques semaines auparavant mais avec d’autres musiciens, dont Sebastian Lee. La critique en avait rapporté un sentiment très positif: « M. Gusikow a donné sa soirée musicale mardi dernier, dans les salons de M. Pleyel. Il y avait beaucoup de monde. MM. [Friedrich] Kalkbrenner, [Sebastian] Lee, mademoiselle [Dolores] Nau ; M. [Prosper] Derivis et [François] Wartel étaient chargés de compléter le programme ; et ils se sont acquittés de cette tâche en artistes habiles, comme toujours. La douce voix de mademoiselle Nau, la manière dont M. Kalkbrenner a exécuté une Pensée de Bellini, fantaisie brillante pour piano, ont excité de vifs applaudissements, et MM. Derivis et Wartel, dans un duo intitulé « l’Homme à la Jaquette » (excellent morceau plein de couleur et de verve de M. [Louis] Clapisson), se sont montrés chanteurs plein de feu, et comiques de très bon goût. Pour le bénéficiaire, il a justifié de sa réputation, et c’est beaucoup dire. Les difficultés qu’il exécute sur son instrument sont vraiment prodigieuses, et on regrette à l’entendre que sa patience ne soit pas exercée sur un sujet moins ingrat. On le regrette d’autant plus que le sentiment musical de M. Gusikow parait être fort bon ; ses traits sont toujours d’une élégance remarquable, ses mélodies phrasées avec goût et pureté, et l’on ne saurait imaginer que des nuances de forte et de piano aussi prononcées puissent être obtenues à l’aide de petits bâtons pourvus d’une sonorité très faible et quelque fois assez équivoque. C’est une piquante curiosité musicale. » [article non-signé]

La salle de concert Pleyel; d’après le journal l’Illustration du 9 juin 1855, p365

Le 2ème concert Gusikow et Lee, tel que nommé dans la presse, doit se dérouler cette fois à la salle du 19 bis de la rue Chantereine, théâtre qui n’existe malheureusement plus. Quand on cherche à savoir quel était ce lieu, il est difficile d’avoir des certitudes. Il a bien existé un théâtre dans l’ancienne rue Chantereine de Paris, le théâtre Olympique mais il fût détruit en 1816 pour être remplacé par les Bains-Chantereine situés au N°15 de la rue. La rue Chantereine comptait également un hôtel particulier fort intéressant, celui de Joséphine de Beauharnais, l’impératrice.

On ne sait, hélas, pas à quel numéro cet hôtel particulier se situait. Le site Paris-Pittoresque établit un inventaire assez exhaustif des habitants de la rue Chantereine ainsi que de l’Histoire des différents bâtiments de cette rue. Il y est question d’un théâtre, mais au mauvais numéro: « Le petit théâtre Chantereine, qui a été bâti plus tard par Gromaire, machiniste de l’Opéra, occupait une aile de bâtiment, n°47 : des amateurs y ont donné des représentations particulières, et un certain nombre d’élèves s’y sont formés pour la scène. La salle n’a quitté la place que depuis la révolution de 1848. » [2]

Qui est François-Antoine Habeneck?

Le destinataire de ce courrier est le chef d’orchestre du Grand Opéra de Paris en 1837. D’abord violoniste à l’Opéra, Habeneck devient adjoint du chef d’orchestre, Rodolphe Kreutzer, en 1817, puis remplace Viotti comme directeur administratif le 1er décembre 1821. Le 6 février 1822, il inaugure l’Opéra de la rue le Peletier, avec Aladin ou la Lampe merveilleuse de Nicolo et Angelo Maria Benincori. Avec la venue de Rossini à Paris en 1823, il quitte son poste d’administrateur. En 1824, il devient chef d’orchestre de l’Opéra, poste qu’il occupe en compagnie de Henri Valentino. En 1831, il en est le seul chef d’orchestre jusqu’à sa retraite en 1848.

Chef d’orchestre, compositeur et violoniste, le français François-Antoine Habeneck (1781-1849) par Lange. P. C. Van Geel, Paris. Source: BnF

Mais alors, que faisait donc Sebastian Lee au début de l’année 1837 s’il n’était pas encore à l’Opéra de Paris? C’est un article de presse annonçant le premier concert salle Pleyel quelques semaines plus tôt qui m’a donné la réponse 🙂

Gazette et revue musicale N°52 du Dimanche 25 décembre 1836:

*** Voici le programme du concert que donnera M. Gusikow le mardi 27 décembre 1836, à huit heures su soir, dans les salons de M. Pleyel, 9 rue Cadet. Première partie : 1. Trio du Maître de Chapelle, de Paer, chanté par mademoiselle Nau, MM. Dérivis et Wartel ; 2. Grand concerto sur un thème du Barbier de Séville, composé et exécuté par M. Gusikow, sur l’instrument de son invention ; 3. Romance chantée par mademoiselle Nau, avec accompagnement de hautbois exécuté par M. Brod ; 4. Solo de violoncelle, composé et exécuté par M. Lee, premier violoncelle du grand théâtre de Hambourg ; 5. Ronde des Arquebusiers, de M. Clapisson, chantée par MM. Dérivis et Wartel. — Deuxième partie : 6. Variations de Mayseder, exécutées par M. Gusikow ; 7. Le guet et l’Homme à la Jaquette, de M. Clapisson, chantés par MM. Dérivis et Wartel ; 8. La dernière pensée de Bellini, fantaisie pour le piano, composée et exécutée par M. kalkbrenner ; 9. Air de Bellini chanté par mademiselle Nau ; 10. Grand pot-pourri composé et exécuté par M. Gusikow ; Romances et chansonnettes chantées par MM. Plantade et Chaudesaigues. Le piano sera tenu par M. Potier. Prix du billet : 8 francs. On trouve des billets chez Maurice Schlesinger, 97, rue Richelieu et chez M. Pleyel, 9, rue Cadet.

Ce grand théâtre de Hambourg dont il est question est très probablement le Stadtoper. Premier théâtre en pierre pour remplacer la structure en bois dell ‘Oper am Gänsemarkt [littéralement l’opéra du marché aux oies], fait intéressant, ce n’était pas un théâtre de Cour, comme ceux des autres villes. Tout le monde pouvait y acheter un billet. Le nouveau théâtre a ouvert le 18 mai 1826 sous le nom de Stadttheater [Théâtre de la ville]. Il était situé sur le site actuel de l’Opéra de Hambourg [Stadtoper] et avait 2.800 sièges. On a représenté Egmont, l’opus 84 de Ludwig van Beethoven pour son inauguration, à laquelle le jeune Sebastian Lee de 20 ans a peut-être participé [1]. Pourquoi souhaite-t-il rejoindre le Grand Opéra de Paris fin 1836? Il est récemment marié et a déjà son fils Edouard, un bébé de 1 ans. La place de premier violoncelle dans ce prestigieux théâtre n’est-elle pas suffisamment stable? Pour l’heure, on ne connait pas les motivations de Sebastian Lee qui lui font risquer une place de choix et surtout l’obligent à quitter sa ville natale pour tenter l’aventure à l’étranger avec femme et enfant. Par ailleurs, quand j’ai contacté le Stadtoper de Hambourg, on m’a annoncé que l’établissement avait été bombardé en 1943 et que la quasi-totalité des archives du théâtre avaient été perdues. Le peu qui a subsisté est aux archives d’Etat dont je n’ai encore rien pu tirer (mais j’y travaille!)

Le Stadttheater de Hambourg en 1845. Fonds de la collection du théâtre de Hambourg.

Pour ce qui est du concert du 19 janvier 1837 auquel ce Cher Sebastian convie le chef d’orchestre du Grand Opéra de Paris, il s’agit d’un événement très spécial qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse car la venue de Joseph Gusikow, musicien autodidacte au talent exceptionnel, a remué le tout-Paris de l’époque. Voici le portrait que fait le chroniqueur Georges Kastner qui a assisté à l’un de ses concerts.

« Paris possède en ce moment une de ses rares organisations d’élite qui se révèle de loin en loin comme un brillant météore. Cet homme extraordinaire que la Russie et l’Autriche ont poursuivi de leurs applaudissements, nous pouvons aujourd’hui l’entendre et l’admirer à notre tour. On ne lira pas sans intérêt, sur l’artiste et son instrument, quelques détails dont nous pouvons garantir l’authenticité, les ayant recueillis de sa propre bouche.

Joseph Gusikow naquit en 1809 de paren[t]s Israëlistes, à Slow, dans la Pologne russe. Le père de Joseph était un pauvre joueur de flûte qui gagnait sa vie en faisant de la musique dans les noces, dans les festins et autres occasions de ce genre : c’était un homme religieux et fidèle à sa foi ; aussi Joseph fut-il élevé dans des sentiments de croyance, d’amour et de respect du Dieu de ses ancêtres. Il apprit la flûte dans la maison paternelle, et fit sur cet instrument des progrès rapides, grâce à son intelligence et à ses dispositions naturelles ; car à cette époque il ne connaissait pas encore une seule note, et tout son répertoire se bornait à quelques mélodies nationales, hébraïques, russes et polonaises, qu’il retenait et jouait par cœur. (Observons en passant que la plupart de ces vieux airs sont dans le mode mineur.) Joseph se maria à l’âge de dix-neuf ans comme c’est la coutume du pays, et plusieurs années de sa vie s’écoulèrent dans une paisible uniformité, occupé qu’il était à soigner l’intérieur de son ménage et à soulager sa famille dont la position n’était rien moins que fortunée. Ses plus grandes distractions à cette époque furent quelques voyages qu’il eut occasion de faire à Moscou avec son père et ses frères. Cette existence calme et paisible dura jusqu’en 1831, où Joseph fit une maladie de poitrine qui le força à quitter son métier de flûtiste. Bientôt se firent sentir les premières atteintes du besoin ; bientôt furent épuisées les ressources du pauvre artiste, et l’affreuse misère allait envahir sa nombreuse famille, lorsque la providence lui offrit un secours inespéré. De temps immémoriaux il existe chez les Russes, les Cosaques, les tartares, les Polonais, les Lithuaniens, et surtout dans les monts Karpathes et les solitudes de l’[O]Ural, un instrument rustique et grossier nommé Jerova i Salamo. Je ne serais pas éloigné de croire que cet instrument remonte aux siècles les plus reculés, et qu’il a été transmis par les Hébreux à ces différents peuples ; son nom du reste semble lui assigner une pareille origine. Tout informe qu’il est, le Jerova i Salamo suffit aux besoins et aux jouissances des pauvres montagnards, et il tient parmi eux le même rang que la cornemuse dans d’autres pays : il n’est fêtes ni réjouissances dont il ne soit l’accessoire et le compagnon obligé. Déjà dès son enfance, Joseph Gusikow avait acquis une certaine force sur cet instrument ; laissons-le parler lui-même : « Le timbre, dit-il, ne m’en était pas désagréable ; je lui trouvais même un certain charme à cause de sa douceur ; car tout ce qui est bruyant m’irrite et me fait mal : toutefois, l’instrument était si défectueux et présentait si peu de ressources, que je le négligeai un peu, jusqu’à ce que le sort en ordonnât autrement. » ce fut donc seulement vers l’année 1832, que Gusikow obligé d’abandonner la flûte se mit à travailler de toutes ses forces cette sorte d’harmonica de bois et de paille. Les défaut mêmes de l’instrument l’encouragèrent à l’améliorer et le perfectionner : il commença par augmenter le nombre des touches et ainsi l’étendue du clavier ; puis, il amincit l’extrémité des bâtonnets, les disposa d’après un certain ordre, les lia ensemble, en un mot compléta l’instrument et l’amena insensiblement à sa forme actuelle, la plus avantageuse possible. A force de travail, il arriva à un tel degré de perfection, que sa renommée franchit le cercle rétréci de ses amis et de ses paren[t]s. Il alla d’abord à Moscou, et il fut accueilli avec un tel enthousiasme, qu’il se détermina à tenter quelques excursions plus lointaines. A Kiev, il rencontra [Karol] Lipinski, qui l’encouragea et parvint à triompher de sa méfiance et de sa modestie. Enfin à Odessa, ou il rencontra MM. Lamartine et Michaud, les sollicitations du comte Warnzow l’engagèrent à entreprendre un long voyage à travers l’Europe. A Vienne, à Leipzig, à Berlin et dans vingt autres villes d’Allemagne, son succès fut le même, c’est-à-dire colossal ; et les souverains de toutes les contrées qu’il traversa rendirent hommage à ce merveilleux talent ; enfin l’artiste vient d’attacher un dernier fleuron à sa couronne, la consécration de Paris. Abstraction faite de son art, Joseph Gusikow offre aux psychologistes une étude intéressante ; lorsque la foule est assemblée, inquiète et attentive, il parait le Juif polonais avec sa longue barbe et sa pâle figure ; son regard exprime la mélancolie et il y a sur tous ses traits une teinte de douleur et de tristesse. A l’aspect de cet homme étrange, on se reporte malgré soi à ces temps dont parle l’Ecriture, ou ses ancêtres captifs suspendaient leurs harpes aux saules de Babylone. Gusikow est entouré de quatre compatriotes, dont l’un (son frère ainé) l’accompagne sur le violon. On apporte une table avec des flambeaux ; on pose sur cette table quelques petits paquets de bois et de paille. Là-dessus grands éclats de rire ; que veut-on produire avec ce misérable appareil, de la mélodie ? de l’harmonie ? Impossible. Un moment de patience ; ces touches si froides, si insensibles, vous allez les voir s’animer, pleurer, chanter devant vous : voici l’homme qui va réaliser ce prodige ; Vous écoutez d’abord avec défiance, et les sons de l’instrument vous semblent assez maigres et peu flatteurs ; mais peu à peu votre oreille s’habitue à cet accent tendre et plaintif, vous ne pouvez vous en détacher, vous êtes subjugué à votre insu, vous cédez à une force surnaturelle. Et l’artiste, voyez comme son regard est flamboyant, comme son teint si pâle s’est coloré. Comme sa physionomie exprime les souffrances de son âme, comme sa tête est noble, comme tout son corps semble grandir. C’est un entrainement sans exemple : vous ne songez pas à analyser vos sensations, vous ne vous demandez pas si c’est là de la musique ; vous applaudissez, vous criez bravo de toutes vos forces, mais sans le vouloir, car c’est une expression spontanée, instinctive d’étonnement et d’admiration. Voulez-vous avoir une idée de ce clavier magique qui vous ravit en extase ! nous l’avons vu de près, le voici.

Cinq coussinets de paille qu’on place sur une table à intervalles presque égaux ; puis, sur ces coussinets, une foule de petits bâtons de sapin enfilés comme un chapelet et offrant, sur une triple rangée parallèle, la figure d’un carré de dix-huit pouces environ. Les bâtonnets, au nombre de vingt-huit, ressemblent assez à autant de cylindres coupés par moitié et amincis aux extrémités en becs de flageolets ; il y en a de toutes les grandeurs, depuis un pied [environ 30cm] jusqu’à quatre pouces [environ 10cm], ce qui donne près de deux octaves et demie (chromatiquement). L’instrument se touche au moyen de deux baguettes en bois dur que l’artiste tient entre l’index et le doigt du milieu. On essaierait en vain d’exprimer la merveilleuse facilité avec laquelle Gusikow fait vibrer ce clavier extraordinaire ; on a peine à suivre ses mains dans leur course rapide : les forte, les piano, les trilles, toutes les nuances, toutes les inflexions de la pensée humaine, il les rend avec une précision et un sentiment exquis. Chant léger et gracieux, variations, mélodies large, toute musique lui est bonne ; mais il faut surtout l’entendre lorsqu’il dit un de ces airs nationaux si chers aux enfan[t]s de la malheureuse Pologne, et qui font venir les larmes aux yeux, tant ils respirent de mélancolie et de tristesse. Le son de l’instrument se prête tout-à-fait à l’expression d’un sentiment tendre et douloureux ; c’est un timbre métallique, tenant de la cloche et du verre, mais avec beaucoup plus de douceur et moins d’éclat : on ne saurait rien imaginer de plus étrange, de plus incisif, de plus pénétrant. Joseph Gusikow dépense sa vie à pleine mains pour animer son œuvre : chaque son qui vibre arrache une heure de sa frêle et nerveuse existence ; il trouve, il est vrai, sa récompense dans la conscience de son talent et dans ce noble orgueil, sans lequel il n’y a pas de grands artistes. Ne croyez pas pourtant que l’ambition soit son seul rêve dans ce monde ; non, au milieu des enivrements des bravos et de l’or, son regard se tourne vers sa patrie ; il songe à sa femme, à ses enfants, qui attendent et souhaitent son retour.

Cet artiste remarquable donnera mardi prochain, 27 décembre [1836], un concert auquel s’empressera d’assister, nous ne pouvons en douter, l’élite de la société parisienne.« 

Joseph Gusikow
Joseph Gusikow. Lithographie par Josef Kriehuber, date inconnue

Connaissant la fin de cette histoire, j’ai été frappée par les paroles prophétiques de Georges Kastner qui dit que Joseph Gusikow dépense sa vie à pleines mains pour animer son œuvre et que chaque son qui vibre arrache une heure de sa frêle et nerveuse existence. Le pauvre homme aura une fin tragique, dont l’une des causes nous est rapportée dans un article de presse daté du 25 juin 1837, soit 6 mois seulement après le concert donné avec Sebastian Lee salle Chantereine.

« On se rappelle l’intéressant Gusikow, qui exécutait de si étonnantes difficultés sur un instrument de son invention, qu’il avait appelé Holtz und Stroh, parce qu’il n’était composé que de bois et de paille. Cet ingénieux artiste vient d’éprouver une perte cruelle, celle de son instrument, qui lui a été dérobé à Bruxelles. On cite comme coupable de ce vol un professeur allemand, nommé Rosenstein, qui aurait emporté en Amérique les harmonieux tuyaux, pour y faire fortune en donnant des concerts. L’intérêt de tous les amis de l’art musical ne peut manquer de se signaler en faveur du pauvre Gusikow« .

Tuberculeux, Joseph Gusikow décèdera peu après, le 21 octobre 1837, soit à peine 4 mois plus tard. Sa grande tournée l’avait déjà sans doute affaibli et la perte de son instrument lui a porté un coup fatal dont il ne se remettra hélas pas. Il a été une comète musicale qui a fait sensation « ce qu’il y a de plus proche d’un phénomène viral sur internet » pour citer le blogger Hope Street Marimba et son excellent article sur Joseph Gusikow, que je recommande pour aller plus loin. Citons également Felix Mendelssohn qui rapporte [à ses sœurs que Joseph Gusikow est] un vrai phénomène, un gaillard qui se pose, en expression et en agilité, comme l’égal des plus grands virtuoses du monde, et qui, sur son instrument de paille et de bois, lui a fait plus de plaisir que bien des pianistes.[3]

Mais revenons au concert du 17 janvier salle Chantereine et voyons comment la critique a reçu la performance. Voici la chronique de Carlo Pépoli qui a assisté au concert et nous livre ses impressions.

« Un auditoire assez nombreux était réuni pour applaudir l’exécution de Gusikow, ce grand artiste. Quoi qu’il ne sache pas lire les notes, Gusikow a enchanté par le goût, le fini, la grâce, l’expression la plus sensible et une vitesse incroyable d’exécution dans les difficultés mécaniques. Ses qualités le placent au rang le plus élevé des artistes exécutants ; nous regrettons toutefois qu’il soit si mal accompagné, et nous lui conseillons de choisir mieux son quatuor. Le programme de ce concert était assez varié. Outre M. Lee, dont le talent délicat, pur et gracieux a été généralement reconnu, nous avons entendu un violon et un pianiste de Berlin, MM. [Chrétien] Urhan, Huner, et des chanteurs alsaciens, dont le chant doux et expressif nous a rappelé les chanteurs tyroliens que nous avons entendus à Paris il y a deux ans. » [4]

Quelle déception cela a dû être de lire cette critique car même si Carlo Pépoli loue la performance de Sebastian Lee, comme de Joseph Gusikow, cette phrase assassine qui regrette toutefois qu’il soit mal accompagné et de mieux choisir son quatuor n’a pas dû être une bonne surprise. Le cas du violoniste Chrétien Urhan mériterait d’être étudié de plus près pour se faire une idée de ce que Pépoli critique. Ernest Legouvé le qualifie de « virtuose de second ordre. On comptait à Paris dix violons plus habiles que lui« .[5] Pourquoi donc Chrétien Urhan, dont je recommande la lecture du portrait complet ici, a-t-il été choisi pour accompagner Joseph Gusikow et Sebastian Lee? Parce-qu’en dépit de son jeu, à partir de 1836, il devient le Premier Violon solo du Grand opéra de Paris. Tout nous y ramène.

Heureusement pour Sebastian Lee, à peine 2 mois plus tôt, le dimanche 3 décembre, il est au Théâtre Italien ou il fait ce qu’on appellerait aujourd’hui un showcase, c’est-à-dire une démonstration de son talent à l’auditoire français. [6]

Est-il en mission pour se placer à l’Opéra de Paris? Si oui, il a certainement quelques appuis du réseau allemand. Peut-être le vieux Bernhard Romberg (1767-1841) qui a été prof au conservatoire de Paris jusqu’en 1831. Après tout, il était le Maitre de Nicolas Prell, qui a enseigné à Sebastian Lee à Hambourg.

A voir les morceaux de concours au Conservatoire de Paris, Bernhard Romberg, même à la retraite, reste un influenceur de premier choix puisque ce sont ses œuvres qui sont choisies pour sélectionner les élèves cette année là, comme tant d’autres années. [7]

Il est très probable que Romberg ait fait jouer ses contacts, comme celui de Louis Norblin, son collègue au conservatoire pendant 5 ans [7] et qui a été violoncelliste au Théâtre Italien avant de devenir soliste du Grand Opéra de Paris jusqu’en 1841. Louis Norblin, le Professeur du Conservatoire, à qui Sebastian Lee dédiera d’ailleurs son opus 31, sorti vers 1844.

Là ou, pour ma part, le mystère s’épaissit, c’est qu’en 1836, Sebastian Lee a (déjà) 30 ans. Plusieurs choses me frappent à cet égard. La première, c’est que la Scène suisse qu’il exécute au Théâtre Italien à l’entracte le 3 décembre 1836 sera son 4ème opus publié et numéroté. Il paraitra en avril de la même année chez l’éditeur Maurice Schlesinger [8] Il est d’ailleurs très bien reçu par la critique suite à sa performance au Théâtre Italien. Georges Kastner écrit l’article suivant en avril de la même année. [9]

« Revue critique

Scène suisse, divertissement pour le violoncelle avec accompagnement de piano – Souvenir de Paris, introduction et rondo pour le violoncelle avec accompagnement de piano. Grande fantaisie pour le violoncelle avec accompagnement de piano sur les motifs de Robert-le-Diable, par S. Lee.

Le thème principal de la Scène suisse ne manque pas d’une certaine originalité ; en général, le système dans lequel est conçu ce morceau se distingue par une simplicité exempte de recherches et d’affectation aussi bien dans l’harmonie et la facture de l’accompagnement que dans le dessin de la mélodie. La troisième variation en octave est d’un bon effet. La cinquième commence en doubles cordes, elle est d’une exécution assez difficile, puis revient le premier thème en écho ; c’est une idée à la fois pittoresque et bien appropriée au sujet. Dans la sixième variation, le motif disparait ; s’éteint peu à peu sous une foule de figures savamment travaillées, et qui amènent une terminaison brillante. Quant au piano, il n’y a rien à en dire, ce n’est qu’un accompagnement tout à fait subordonné à la partie de violoncelle.

Le second morceau nous parait avoir plus de fond que le premier ; cela dépend sans doute du caractère assez grave de la composition ; quoi qu’il en soit, les idées sont ici mieux posées et plus habilement conduites, il y a plus de liaisons dans l’ensemble et de soin dans les détails. L’introduction s’annonce par une excellente marche d’harmonie. Le morceau est écrit en sol mais vers le milieu de la seconde partie il module en mi bémol pour un beau chant de violoncelle pendant lequel le thème se reproduit à l’accompagnement sous mille formes variées ; ce passage est digne d’éloges et fait le plus grand honneur au talent de M. Lée. La partie de piano est correcte et satisfaisante. » [9]

Et comme Sebastian ne lâche rien, on le retrouve au concert de Frantz Liszt et Hector Berlioz à la mi-décembre 1836 ou il sera sobrement qualifié par la critique de «  talent correct, et élégant sur le violoncelle. » [10] Fin 1836, il a rencontré et participé aux événements musicaux les plus importants et les mieux couverts par la presse du tout-Paris musical.

Pourtant, cela fait probablement déjà 10 à 15 ans que Sebastian Lee est un musicien accompli, qu’il gagne sa vie grâce à son art, qu’il se produit sur les scènes de toute l’Allemagne et au moins une fois également à Londres. Pourtant, il n’aurait écrit que 3 opus jusqu’à présent? Je trouve cela très étrange et vraiment différent des années parisiennes (1837-1868) ou il produira entre 3 et 5 opus par an.

Mon 2ème point de surprise est que pour un jeune homme de la 1ère moitié du XIXème siècle, il se marie fort tard. D’ailleurs Caroline Luther, devenue sa femme à 28 ans, est déjà veuve d’un premier mariage. A t-elle déjà des enfants? Qui sont-ils? Il serait très surprenant qu’elle n’en ait pas eu de ce premier mariage. Il y a aussi les 2 frères Lee, si jeunes par rapport à Sebastian. En 1836, Mauritz Lee a 17 ans, quant à Louis, il en a 15. Fait intéressant, Mauritz épousera une française, Héloïse Gillet, dont le mariage sera célébré le 30 novembre 1852 à Paris. Je ne crois pas que Sebastian ait ses frères à charge puisque Louis reste à Hambourg et qu’il fera carrière là-bas. D’ailleurs, il semble y avoir une méprise entre Louis Lee qui a 15 ans en 1837 et son grand frère Sebastian qui en a 30. Ce sont bien les opus de Sebastian et non de Louis qui sont cités dans l’encart ci-dessous. L’opus 4 de Louis Lee est une sonate pour violon et piano mais la confusion est très étrange.

Louis et Maurice viendront également en France et y passeront du temps, quand? On ne le sait pas encore. Et que s’est-il passé dans la vie de Sebastian Lee entre 1820 et 1836, date à laquelle il est mentionné pour la première fois dans la presse musicale française grâce à ses concerts avec Joseph Gusikow; on n’en sait rien non plus. En tout cas, ce courrier à Habeneck nous dit que les intentions de Sebastian Lee sont bien de se placer au Grand Opéra de Paris en 1836. De cela, nous sommes à peu près sûrs.

Notes

[1] Histoire de l’opéra de Hambourg https://boowiki.info/art/theatres-hambourg/opera-de-hambourg.html

[2] https://www.paris-pittoresque.com/rues/158.htm

[3] le Ménestrel du 29 décembre 1867 https://archive.org/stream/lemnestrel35pari/lemnestrel35pari_djvu.txt

[4] Gazette et revue musicale du 22 janvier 1837

[5] Ernest Legouvé Soixante ans de souvenirs. J. Hetzel, Paris 1887, (II), p. 117-123

[6] Gazette et revue musicale du dimanche 4 décembre 1836

[7] Archives du Conservatoire de Paris p91 à 93 ia804700.us.archive.org/28/items/leconservatoiren02pier/leconservatoiren02pier.pdf

[8] Gazette et revue musicale du dimanche 16 avril 1837. Catalogue publié chez Maurice Schlesinger p135

[9] Extrait de la Gazette et revue musicale du dimanche 30 avril 1837

[10]Gazette et revue musicale du 25 décembre 1836

1837: Sebastian Lee and Joseph Gusikow, 2 musical stars in Paris

Written by Pascale Girard

Today I would like to share with you a precious hunting treasure. It’s a small rarity unearthed at the BnF and which I jealously guard. Sometimes, I admit, my passion for Sebastian Lee leads me to develop what I would call Gollum syndrome, this character from The Lord of the Rings obsessed with his precious bagouze to which he devotes an exclusive cult. It is therefore necessary to keep in mind that the fruits of this research are made to be shared. Therefore, I suggest that we read together a letter from Sebastian Lee to which I will give some explanations of text and context. Here it is:

M. Habeneck

Rue de la Chaussée d’Antin, 28

Paris

Monsieur,

J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien honorer de votre présence le concert que je dois donner le mardi 17 janvier à 9 heure du soir dans la salle Chantereine, 19 bis avec M. Gasikow

Veuillez recevoir, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

S.Lee

Sir,

I have the honor of asking you to honor with your presence the concert that I am to give on Tuesday, January 17 at 9 p.m. in the Chantereine hall, 19 bis with Mr. Gasikow.

Please accept, Sir, the assurance of my highest consideration.

S.Lee

This is the concert Sebastian Lee refers to in his email

Extract from the Gazette and Musical Review No. 2 of Sunday, January 8, 1837

***Mardi 17 janvier, aura lieu dans la salle Chantereine N°19bis, un grand concert donné par MM Gusikov et Lée; on entendra MM Urhan, Zimmermann, Block, Huner, Ledwig, Lentz, Wein, Ehrard, et Mlle d’Hennin. Nous donnerons prochainement le programme détaillé.

***On Tuesday, January 17, a major concert will take place in the Chantereine Hall No. 19bis, given by Messrs. Gusikov and Lée; we will hear Messrs. Urhan, Zimmermann, Block, Huner, Ledwig, Lentz, Wein, Ehrard, and Mlle d’Hennin. We will announce the detailed program soon.

This is the second concert planned in Paris with Gusikow. A first concert had already been given at the Salle Pleyel a few weeks earlier, but with other musicians, including Sebastian Lee. The critics reported very positive feelings: « Mr. Gusikow gave his musical evening last Tuesday in the salons of Mr. Pleyel. There were many people. Messrs. [Friedrich] Kalkbrenner, [Sebastian] Lee, Mademoiselle [Dolores] Nau; Mr. [Prosper] Derivis and [François] Wartel were responsible for completing the program; and they acquitted themselves of this task like skillful artists, as always. The sweet voice of Mademoiselle Nau, the manner in which Mr. Kalkbrenner performed a Pensée by Bellini, a brilliant fantasy for piano, excited lively applause, and Messrs. Derivis and Wartel, in a duet entitled « The Man with the Jacket » (an excellent piece full of color and verve by Mr. [Louis] Clapisson),have shown themselves to be singers full of fire, and comedians of very good taste. For the beneficiary, he has justified his reputation, and that is saying a lot. The difficulties he performs on his instrument are truly prodigious, and one regrets, hearing him, that his patience is not exercised on a less thankless subject. One regrets this all the more since Mr. Gusikow’s musical feeling seems to be very good; his traits are always of remarkable elegance, his melodies phrased with taste and purity, and one could not imagine that such pronounced nuances of forte and piano could be obtained with the help of small sticks with a very weak and sometimes rather ambiguous sonority. It is a piquant musical curiosity. » [unsigned article]

The Pleyel concert hall; according to the newspaper l’Illustration of June 9, 1855, p365

The second Gusikow and Lee concert, as mentioned in the press, is to take place this time at the hall at 19 bis rue Chantereine, a theater that unfortunately no longer exists. When trying to find out what this venue was, it is difficult to be certain. There was indeed a theater in the old rue Chantereine in Paris, the Théâtre Olympique, but it was destroyed in 1816 to be replaced by the Bains-Chantereine located at number 15 of the street. Rue Chantereine also had a very interesting private mansion, that of Joséphine de Beauharnais, the Empress.

The Bonaparte Hotel on rue Chantereine (now rue des Victoires), by G.de Reseit, Foundation Napoléon/François Doury

Le mystère de l’opus 52 « Promenade en Gondole » une barcarolle de Sebastian Lee ca 1850

Par Pascale Girard

Alors qu’on s’apprête à envoyer notre prochaine republication chez l’imprimeur, je fais face à une frustration récurrente dans mes recherches, à savoir, lâcher prise. Parfois, on n’aura pas le fin-mot de l’histoire et c’est comme ça. Peut-être qu’on trouvera les réponses plus tard, mais peut-être pas; et ça c’est très dur pour moi. Je boucle, boucle et re-reboucle, et toutes les pistes sont des impasses. Alors que je dois accepter qu’on va mettre cet opus 52 sous presse dans quelques jours, je vous partage ici mes pensées non-conclusives sur sa génèse.

C’est d’abord l’histoire d’un manuscrit chiné que je récupère avec très peu d’informations. Le vendeur me dit que la publication daterait de 1850 environ. Premier problème, la Gazette et revue musicale de Paris datée du 13 janvier 1850 continent la publicité de l’opus 54 de Sebastian Lee, un air à paraître sur l’opéra de La Fée au Roses, de Fromental Halévy, sorti l’année précédente.

A gauche, la publicité parue dans la Gazette et revue musicale de Paris datée du 13 janvier 1850 et à droite, la couverture de l’opus 54 de Sebastian Lee, annoncé dans la publicité ci-contre.

Notre Promenade en Gondole, qui est l’opus 52, ainsi que l’opus 53, Grande Fantaisie dramatique sur le Prophète, un Opéra de Giacomo Meyerbeer, sont donc déjà écrits et techniquement déjà publiés. Le Prophète a été joué pour la première fois le 16 avril 1849 à l’Opéra de Paris, rebaptisé « Théâtre de la Nation » après a révolution de 1848.

Publicité Brandus & Cie tirée de la Gazette et revue musicale du 24 juin 1849

Je conclue d’abord que l’opus 53 n’a pu être composé qu’entre le 16 avril 1849 et le 24 juin 1849, date à laquelle l’opus 53 est annoncé en publicité. L’opus 52 est donc forcément antérieur à avril 1849 et pour compliquer encore un peu plus la chose, aucun périodique musical de l’époque ne fait allusion à cet opus 52. Ni en 1848, ni en 1849 et encore moins en 1850 ou on est déjà loin dans les numéros d’opus de Sebastian Lee. Je ne trouve rien, comme si cette œuvre était complètement passée sous les radars. Aucune pub sortie par S.Richault, l’éditeur, pas plus que de performance annoncée dans un concert (joué par Sebastian Lee ou pas). Non, cette année là je sais qu’Auguste Tolbecque a joué les variations de Guido et Genevra [opéra de Fromental Halévy], opus 11 paru en 1839 de Sebastian Lee, le 17 juin 1849 à un de ses concerts, que ça a plu, mais la Barcarolle, walou!

Concert philanthropique organisé salle Sainte Cécile, 49 bis, rue de la Chaussée d’Antin à Paris par Charles Bonnesseur

La même année en 1849, Sebastian Lee joue pour la 2ème fois avec Jacques Offenbach un quatuor écrit par ce dernier.

Extrait des nouvelles de la Revue et Gazette Musicale du 15 avril 1849 par Maurice Bourges

Contrairement à ce que Maurice Bourges prétend, la première représentation de ce même quatuor 4 ans plus tôt avait été un fiasco.

Extrait de la Gazette et revue musicale de paris du 27 avril 1845 relatant le concert organisé par Jacques Offenbach salle Hertz 38, rue de la Victoire à Paris, le 8 avril de cette même année et critiqué par le même Maurice Bourges.

C’est un autre concert de Jacques Offenbach au théâtre de la Tour-d’Auvergne le 24 avril 1847 qui avait été un succès. Offenbach n’avait pas fait jouer son quatuor et notre Cher Sebastian n’y avait pas participé cette année là.

Extrait de la Gazette et revue musicale de Paris du 14 avril 1847, article rédigé par Maurice Bourges (encore lui) p150

Mais je m’égare. Nous sommes donc en 1849 et je n’ai aucune trace de ma Barcarolle Promenade en Gondole, opus 52 de Sebastian Lee. Il me faut donc peut-être remonter d’avantage dans le temps. Quand j’épluche la presse musicale de 1848, je ne trouve rien non plus, mais ça me surprend moins car 48 a été une année pourrie. Edouard Monnais le résume bien dans son article d’ouverture du N°1 de la Gazette et revue musicale de Paris de janvier 1849 dont voici un extrait « En historien fidèle il faut constater que le chant des Girondins partagea seul avec la Marseillaise, l’honneur de saluer la république nouvelle. Pendant des mois entiers les Girondins et la Marseillaise composèrent tout notre répertoire lyrique […] ici l’abîme s’ouvre, une monarchie s’écroule et la république s’élève sur ses débris!!! […] que de mauvais vers et de mauvaise musique coulant à plein bords […] que de Tyrtées jeunes et vieux aspirants à détrôner Rouget de Lisle […] des concours furent ouverts pour la composition de chants nationaux, et l’expérience démontra une fois de plus qu’on ne commande pas de refrains populaires […] Il faut noter les traits courageux de quelques grands artistes que le choc révolutionnaire n’ébranla pas. Ainsi, peu de jour avant le 23 février, Mme [Marie] Pleyel avait annoncé qu’elle donnerait un concert, et, en femme vraiment forte, elle le donna peu de jour après. Elle voulu bien jouer aussi dans un concert de la Gazette musicale. [Giacomo] Meyerbeer avait promis aux directeurs de l’Opéra de leur livrer son Prophète, et, loin de songer à retirer sa parole, il se hâta de la confirmer par écrit.  Mais par malheur, les théâtres ne pouvaient pas braver les événements dont les contre-coups exercèrent d’affreux ravages.

L’Opéra National succomba le premier, après avoir essayé d’un retour au genre ancien Cirque-Olympique. L’Opéra-comique changea de direction entre la fameuse journée du 16 avril et l’autre non moins fameuse journée du 15 mai ; car désormais chaque mois avait ses journées, et nous touchions aux plus déplorables de toutes, à celles de juin, qui firent verser tant de sang et de pleurs. Le Grand Opéra venait de donner l’Apparition [opéra de Germain Delavigne], qui ne fit qu’apparaître. L’Opéra-comique reprenait la Fille du régiment, [de Gaetano Donizetti] la veille même du jour ou la guerre éclata à Paris. Le début de Mme Ulgade-Beaucé devait avoir lieu, dans le Domino Noir, [de Daniel Auber] le vendredi, jour de la première bataille. Ah ! Détournons nos souvenirs de cette funèbre époque, et consolons-nous en pensant que du moins les journées de juin furent les dernières que la France ait eu à déplorer. Il fallait à l’anarchie une leçon formidable. La leçon a été donnée, à quel prix, juste ciel ! Et nous voyons qu’elle a profité. Six mois de calme et de légalité ont dissipé bien des terreurs et cicatrisé bien des blessures.

Archives de l’Opéra de Paris. journal de Régie, 3ème série, p251, source: BNF Dernières représentations avant l’état de siège

L’Assemblée nationale est d’abord bien généreusement venue au secours de tous les théâtres, en attendant que le public fût en état d’y revenir lui-même. Peu à peu leur situation s’est améliorée et ils n’ont plus eu à subir que les chances ordinaires du plus ou du moins de succès de leurs ouvrages, du plus ou du moins de talents de leurs artistes.

Le Président de l’Assemblée nationale, M. [Armand] Marrast, a souvent invité la musique et les musiciens à ses réceptions parlementaires.

L’association des artistes-musiciens s’est signalée par l’à-propos de ses idées et par son activité à les mettre en pratique. Elle a rouvert l’Elysée nationale [1] pour y célébrer des fêtes musicales, la chapelle du palais de Versailles pour y exécuter une messe et le théâtre du même palais pour y donner un concert […] et maintenant il ne nous reste plus qu’à supplier l’année 1849 de marcher du pas le plus ferme et à la fois le plus prudent qu’il lui sera possible (car partout ou elle ira nous seront bien forcés de la suivre), d’éviter à tout prix les erreurs de sa sœur ainée, en un mot de tâcher d’être une année parfaitement sage et parfaitement heureuse, s’il y a moyen. Nous l’en conjurons au nom de l’art et des artistes qui en seraient réduits au suicide si chaque année prenait l’habitude d’amener avec elle une telle révolution ».

Le parc de l’Elysée-national sous le Second Empire (1852-1870) Source: Wikipedia

A l’Opéra, le journal de bord signal à 2 reprises l’état de siège. En Février et du 23 juin au 21 Juillet 1848.

Source: BNF

Mauvaise nouvelle pour les affaires de l’Opéra, mais la relâche des musiciens signifie que notre Cher Sebastian a eu plus de temps que d’habitude pour composer. La Barcarolle Promenade en Gondole a donc très probablement été écrite pendant la révolution de 1848 au 73 de la rue des Martyrs, dans l’appartement familial. A cette époque, son fils Edouard a 13 ans, et sa fille, la petite Caroline, 6 ans.

Maintenant qu’on sait « à la louche » quand a été composée cet opus 52 et les raisons probables de sa non-édition l’année de sa composition, intéressons nous à la dédicace. L’ouvrage est pour Mademoiselle Caroline Morin. J’ai trouvé 3 pistes: 3 fausses routes!

Piste N°1, M. [Laurent-Joseph] Morin [de Clagny] compositeur d’opéras et professeur de déclamation au Conservatoire de musique de Paris. Un voisin (il habite dans le même arrondissement que ce Cher Sebastian). Ils se connaissent très probablement et si M. Morin avait eu une fille, peut-être l’ouvrage eut-il été pour elle. Ce n’est pas le cas.

Piste N°2, Melle Caroline, ballerine de l’Opéra de Paris. Il la connaissait potentiellement. Au départ je l’ai confondue avec une Caroline Morin veuve d’un Théophile Bernard qui avait suscité mon intérêt parce-que son fils, Charles-Auguste Bernard, était régisseur au Théâtre des Variétés, selon l’acte de décès de la veuve en 1906 (voir ci-dessous). Par ailleurs, cette Melle Caroline, ballerine à l’opéra, danse à 2 reprises un divertissement avec un M. Théodore. Je me disais que je les tenais!!! Et bien pas du tout, il s’avère qu’il s’agit de Melle Caroline Lassiat et de M. Théodore Martin (qui d’ailleurs ne s’appelle pas Théophile, comme quoi, je fatigue).

Caroline Morin, qui habite dans le 9ème arrondissement de Paris, a un fils, Charles Bernard régisseur au théâtre des variétés, le bon nom, la bonne tranche d’âge, la connexion avec l’art et la musique… Et ça ne colle pas!

Mariés en 1855, Melle Caroline Morin était donc encore célibataire en 1848, date de la composition de la Barcarolle, ça pouvait coller.

Le lundi 3 décembre 1849, sous la direction de M. Auguste Mabille, chorégraphe attitré du Théâtre de la Nation, on trouve un divertissement avec 4 danseurs pendant la représentation du Prophète de Meyerbeer. La représentation, commencée à 7h15, annonce ce divertissement au 3ème acte avec un pas de 2 exécuté par Melle Caroline et M. Théodore.

Piste N°3: Par ricochet, j’apprends que le directeur du Théâtre des Variétés de 1848 à 1849 n’est autre qu’un certain Edouard Morin. Ca ne me mène nulle part non plus 🙁

Résumons-nous donc, je n’ai pas la date exacte de la composition de notre Barcarolle Promenade en Gondole. Elle a certainement été composée pendant les événements de 1848, mais il semble qu’elle n’ait jamais fait l’objet de promotion dans la presse et qu’elle n’ait peut-être même jamais été jouée en public au moment de sa sortie en 1850. Que dire encore? Que la barcarolle est un genre musical vocal ou instrumental de mesure ternaire qui évoque le mouvement lent d’une barque et, par extension, d’une gondole, car il s’agit d’un chant d’amour. Venue du mot barcaiolo, qui désigne le batelier, lui-même issu de barca, barque, la barcarole, barcarola [2] Oubliée sous la Révolution [de 1789], la Barcarolle revient à la mode sous la Restauration et jusqu’à la fin du siècle. Si cet opus 52 a été composée en 1848, date de la chute de la monarchie française, est-ce que ce n’est pas une manifestation de soutien déguisé au roi? Non, car l’opus 53 est dédié à Louis-Napoléon Bonaparte dit Napoléon III,  élu au suffrage universel masculin, le 10 décembre 1848, après coup d’état et révolution de 1848. La pub Brandus pour l’opus 53 apparait dans la gazette du 21 octobre 1849 cité p336

Je n’ai pas encore parlé de l’opus 51 qui précède la Barcarolle Promenade en Gondole et qui est aussi une bizarrerie. il s’agit de Fantaisies sur les motifs d’Obéron, Euryanthe et Presiosa de Carl Weber. D’abord ce sont 3 opéras différents, chose rare. En général, une œuvre propose les variations d’un seul et même opéra. Mais bon. Admettons.

D’abord Obéron sorti en 1826 (soit il y a 22 ans quand Sebastian Lee en compose une Fantaisie. Il ne l’a jamais joué à l’Opéra de Paris puisqu’il n’y travaille qu’à partir de 1837). C’est une histoire de Roi des Elfes, Oberon, qui se dispute sur l’inconstance humaine avec sa Reine Titania. Ils se sont jurés de ne plus s’aimer tant qu’ils n’auront pas trouvé un couple d’amoureux constants jusqu’à la mort. Sont choisis Huon et Rézia, pour relever le défi; et ils vont souffrir. Ensuite Euryanthe, opéra joué pour la 1ère fois en 1823 à Vienne et à Paris le 6 avril 1831 (toujours pas pendant que ce Cher Sebastian y travaillait). Encore un drame romantique avec un pitch qui se déroule dans le palais du roi Louis de France à Prémery ou le comte Adolar chante les louanges de sa promise, Euryanthe. Le comte Lysiart conteste la fidélité de la jeune fille et affirme qu’il pourrait la séduire s’il s’en donnait la peine. Adolar mise sa fortune et ses terres sur la fidélité d‘Euryanthe et exige que son ami lui fournisse éventuellement une preuve de sa victoire. Ca va encore mal se passer avant une fin heureuse. Et enfin Préciosa, joué à Berlin en 1821. Un 3ème opéra romantique qui se déroule cette fois en Espagne. Un jeune noble tombe amoureux d’une belle gitane et se joint à sa bande afin de pouvoir rester auprès d’elle. On découvrira par la suite que Preciosa est elle-même d’origine noble: aucun obstacle ne s’opposera plus alors à leur union.

Ce Cher Sebastian serait-il d’humeur badine? En fait, c’est peut-être le contraire. Alors que Paris est à feu et à sang, les mélodies sentimentales qu’il compose sont peut-être tout simplement une échappatoire à la brutalité qui sévit dans la réalité du Paris de 1848. Cet opus 51 est dédié à Monsieur le Vicomte Julien de Reviers de Maury, un polytechnicien officier d’artillerie.

En remontant encore le temps, je ne trouve qu’un seul article en 1847 sur les opus sortis cette année-là.

Extrait de la Gazette Musicale de Paris du 9 mai 1847 p158. Et vous avez bien lu, on en est à l’opus 42.

10 opus on été écris entre Mai 1847 et janvier 1849, date à laquelle on reprend le fil de l’histoire des parutions à l’opus 54. Auparavant, voici ce que je sais:

Opus 43: Fantaisie sur l’Ode Symphonie Le Désert et sur les Hirondelles de Félicien David pour Violoncelle avec accompagnement de Piano, 1847

Opus 44: le Premier Bal, 1847 dédié à M. Léon Paixhans

Opus 45: Souvenir du Lac des quatre Cantons. Barcarolle pour violoncelle et piano (B&H ca.1847) dédié à son ami Théodore Delamarre

Opus 46: Divertissement sur des motifs de l’opéra Luisa Strozzi de Gualterio Sanelli, Leipzig: Breitkopf & Härtel, ca. 1847

Opus 48: Sérénade sur ‘Don Pasquale’ opéra de Donizetti in G Major for Cello and Piano ca 1850

Opus 50: Réminiscences de opéra Le val d’Andorre (Lemoine) dédié à son élève et ami Emile Colliau

Opus 51: Fantaisie sur des Motifs d’Oberon, Euryanthe et de Preciosa de C.M. de Weber, pour violoncelle avec accompagnement de piano, dédié à Monsieur le Vicomte Julien de Reviers de Mauny chez Hofmeister ca 1850

Voilà, vous savez tout. Il ne me reste que très peu de temps pour faire la découverte qui relie tous les points. Si vous avez une idée, merci de me la partager en commentaire. Pendant ce temps, il me faudra m’ouvrir pleinement au Wabi Sabi japonais et accepter la nature fondamentalement imparfaite de ce travail.

Fantaisies et variations : les parents pauvres de la musique savante?

English

Par Pascale Girard

Ci-dessus, gravure de Charles Bour (1814-1881) pour la publication de la partition piano et chant du Prophète de Meyerbeer (1849)

Quand j’ai commencé à reconstituer le catalogue de Sebastian Lee, j’ai assez rapidement remis la main sur des œuvres musicales de type Fantaisies sur des airs d’opéras célèbres. Toute fière de moi, je me suis empressée de montrer mes trouvailles à mon Bon Maître pour lui partager le trésor. Alors que je lui tends, tout sourire, la copie de la « Grande Fantaisie dramatique sur l’air du Prophète de Giacomo Meyerbeer », opus 53 de Sebastian Lee, chiné à grand ’peine à la bibliothèque Nationale Autrichienne et récupéré à prix d’or [1], le voilà qui y jette un œil dédaigneux et me lance : « Alors ça, laisse tomber, c’est pas intéressant. On se concentre sur des œuvres originales ». J’étais sous le choc. Pour ma part cette œuvre était tout à fait originale et écrite de la main de ce cher Sebastian. Néanmoins, connaissant mon Bon Maître, qui ne se laisse pas tourner les oreilles par quelques fanfreluches musicales, il a planté une graine. Comme il n’a jamais cessé de me surprendre par la justesse de ses goûts bien affutés et son érudition musicale — et que, surtout, quand il dit quelque chose je l’écoute — on n’a rien republié des Variations et Fantaisies de Sebastian Lee, j’ai mis le sujet en pause en me disant que je creuserai la thématique plus tard et qu’on avait déjà bien assez à faire avec les opus validés « originaux ». Cependant, récemment, un article du chercheur et musicologue Oscar Catalan Gonzalez publié par la BNF a ravivé ma curiosité à cet égard. Dans sa thèse, Oscar Catalan Gonzalez explique que « ce genre musical […] cherche à imiter les chanteurs à succès avec l’espoir d’atteindre leur vocalité, à l’instrument. » [2] Il confirme également que la « production conséquente de ce genre musical en France au XIXe siècle prouve d’emblée l’affection que l’auditeur [de l’époque] lui porte dans différentes manifestations. Néanmoins, il est surprenant de constater que malgré son succès, en plus d’être considéré comme ‘sans importance’ [3], ce répertoire est souvent qualifié de ‘mauvaise musique’ par les instrumentistes eux-mêmes. » [2] et d’ajouter que la flûte, autour de laquelle ses recherches sont axées, a une similitude de timbre avec la voix humaine. Ce qui m’a fait sourire car j’ai entendu à maintes reprises la même affirmation concernant le violoncelle. L’analyse de M. Catalan Gonzalez s’applique donc au delà du champs de la flûte qu’il étudie.

Quoi qu’il en soit, flûte ou biniou, s’il est bien un genre déprécié dans la musique savante, c’est l’art des arrangements, chers au XIXème siècle. A Paris, les théâtres lyriques faisaient sensation avec différentes productions de compositeurs, rockstars de leur temps, tels les Giacomo Meyerbeer (1791-1864), Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) ou Fromental Halévy (1799-1862). Les cantatrices qui assuraient les premiers rôles de ces productions étaient adulées par les foules. On se battait parfois pour un billet de spectacle comme le rapporte Ernest Deschamps, chroniqueur et gérant de la Revue et Gazette Musicale en 1849 aux côtés de Louis Brandus, [4]. Dans son article, il relate l’hystérie collective autour de la personne de Jenny Lind, cantatrice Suédoise en tournée à New-York pour y interpréter son rôle de Norma dans l’opéra éponyme, composé par  Vincenzo Bellini ; opéra qui, au passage avait fait sa première 20 ans plus tôt à Milan.

Source: Wikipedia

Le public au comportement fanatique montre bien l’engouement de ce siècle pour les divertissements musicaux et la manne financière que ces productions représentaient : « Le Rossignol [5]  […] n’a pas encore chanté, ce n’est que le prologue ! […] La marche triomphale du rossignol […] la présentation au rossignol de cinq cents dames auxquelles il est obligé de serrer la main ; la description du mobilier spécialement commandé à l’hôtel Irving pour le rossignol et qui a coûté 30 000frs [6], la nouvelle que Barnum, l’entrepreneur, a loué Castle Garden qui tient 8000 personnes pour donner des concerts, l’envoi d’innombrables bouquets et autres témoignages d’estime que le rossignol refuse […] jamais on a vu pareil fureur […] les chemins de fer et les bateaux à vapeur versent des torrents de voyageurs venus voir la merveille suédoise […] on nous donne [6] la description du rossignol, Jenny Lind n’est point une beauté classique, elle a beaucoup de traits d’une allemande et de ceux d’une écossaise. Un prix de 1000frs est accordé à l’auteur de la meilleure pièce de vers en l’honneur du rossignol. Il y a 750 concurrents! Et par conséquent 749 mécontents […] les journaux se remplissent de la vente [des billets de concert] de la veille, il pleuvait à torrents et cependant environ 5000 personnes se pressaient aux bureaux pour avoir des billets. Le prix primitif du billet [aux enchères] était de US$3 (15frs). Le commissaire monte sur scène et commence par déclarer qu’il est à la place même ou se trouvera le rossignol. Le premier billet adjugé donnera le droit de choisir la place qui conviendra le mieux. La première enchère va à US$25, ce sont les 2 grands hôtels, celui d’Irving et celui de York qui se font une concurrence des plus animée. Ils ont des ordres pour leurs locataires, mais ils sont ignominieusement distancés par un simple citoyen, M.Genin, chapelier, qui enlève d’assaut le premier billet au prix de US$225 (1250Frs). Quand son nom est proclamé, toute l’assemblée se lève et pousse 3 hourras en son honneur […] Quel est donc ce mystère? Est-ce un compère? Non, c’est une réclame. Cet intelligent négociant a, dit-on, approfondi la philosophie de l’annonce. On lui dit qu’il fait une folie, il répond qu’il saura bien en trouver les intérêts. On lui donne US$50 de surenchère, il n’en donnerait pas son billet pour US$500. Ses concurrents sont 3 apothicaires qui ont fait fortune par les annonces, et qui envient son sort, car maintenant le nom de Genin chapelier va faire tourner toutes les têtes. On prétend que le jour du concert, il compte se distinguer en suspendant un immense chapeau dans la salle. […] à 2h, M.[Julius] Benedict venu de Londres pour diriger l’orchestre fait son entrée. Pendant ce temps là, le rossignol se promène et jouit de la vue splendide sur la baie en s’entretenant gracieusement avec 3 dames qui ont eu le privilège d’entrer. Le rossignol a une robe à carreaux, un châle rouge et un chapeau de soie vert. Quand le rossignol apparait sur scène, il est reçu par un tonnerre d’applaudissements. Il pâlit légèrement, effet de l’émotion. Elle commence Casta Diva [Le 1er air de Norma], l’enthousiasme est cette fois impossible à décrire. On nous dit [4] que l’orchestre oublie qu’elle est une créature terrestre, et est prêt à tomber à genoux et à l’adorer. Aux portes, la foule fait émeute ; le rossignol est obligé de s’envoler par une porte dérobée […]nous craignons pour les jours du rossignol […] L’autre jour, le rossignol était sur un balcon avec deux autres dames. Une de ces dames, une des trois, après avoir mangé une pêche, jette le noyau dans la rue. On s’est battu pour le ramasser ; on craint qu’il n’y ait eu des morts ou des blessés. On assure aussi qu’un des gants du rossignol a été ramassé, et que l’heureux possesseur de ce trésor fait payer 1 shelling pour baiser l’extérieur, et 2 shellings pour baiser l’intérieur du gant. »

Vue grand angle de New York City avec Battery Park en arrière-plan, 1851. Recoloration contemporaine. Auteurs: HEINE, Wilhelm (1827-1885) et Robert KUMMER (1810-1889). Source: Christies/Wikipedia

Voilà ou on en est. Aujourd’hui il faudrait qu’une Madonna balance sa petite culotte pour attirer une telle exaltation, un noyau de pêche ne ferait pas l’affaire. Mais à cette époque, point de radio, de télé ou de Netflix. Les soirées et weekends sont rythmés par ces divertissements en salle et dans les salons bourgeois. L’enseignement de la musique, qui s’est démocratisé depuis la création du Conservatoire de musique de Paris en 1795, et encore plus avec l’émergence des manufactures d’instruments de musique en série (Boehm en 1828, Kriegelstein en 1831  et dès 1802 à Mirecourt pour les instruments à cordes frottées) connait un engouement certain et nombre de personnes « de la bonne société » organisent des événements musicaux privés dans leurs salons ou dans des salles de spectacle tel les salles Erard et Pleyel pour ne citer que des lieux de légendes parisiennes.

Extrait de la critique d’Henri Blanchard pour la revue et gazette musicale N°24 du 17 juillet 1849. Il est question de l’exécution de l’opus 11 de Sebastian Lee: Souvenirs sur le thème d’opéra Guido et Ginerva de Fromental Halévy, interprété par Auguste Tolbecque lors d ‘un concert salle Ste Cécile sous le patronage de M. Antonin Guillot [Valeton de Sainbris]

Toute cette activité musicale est copieusement commentée par différents périodiques appartenant aux grandes maisons d’éditions et qui en font des critiques, revues et autres articles. Elles s’octroient l’exclusivité de certains compositeurs et monopolisent les retranscriptions de leurs opéras à succès. Les publications de partitions de ces opéras permettent que ces spectacles soient joués dans le monde entier. En outre, ces mêmes éditeurs proposent également, dans la foulée, des réductions pour divers instruments solistes accompagnés de piano. On peut le voir sur la publicité ci-dessous, la partition du célèbre opéra du Prophète de Giacomo Meyerbeer, est proposée sous différentes réductions composées par des noms célèbres de l’époque, dont notre cher Sebastian pour le violoncelle avec accompagnement de piano. Ces réductions sont destinées aux amateurs et à l’organisation de musique de Chambre exécutée dans les Salons ou de plus petites salles de concerts lors d’événements musicaux plus intimistes.

Publicité Brandus & Cie parue dans la revue et gazette musicale N°43 du 28 octobre 1849 p343. Source: Google eBooks

La musicologue Rachel Nicole Becker explore l’opprobre jetée sur ce qu’elle nomme ironiquement « Trash Music », littéralement « musique de poubelle », pour qualifier les arrangements musicaux des opéras du XIXème siècle qu’elle tente de réhabiliter en faisant la distinction entre des réductions paraphrasant les airs d’origine et les variations qui proposent en un mouvement le résumé de tout un opéra avec moult déclinaisons, ornements et détours dont la valeur est toute différente.

Elle donne l’exemple de Franz Liszt (également mentionné dans la publicité de Brandus & Cie de 1849 ci-dessus pour ses morceaux à paraitre sur les airs du Prophète) au travers des réflexions du compositeur Joaquim Raff qui écrit de la Fantaisie de Liszt sur Le Prophète de Giacomo Meyerbeer « c’est un mystère pour moi de voir comment on peut se donner une telle peine pour arranger un thème comme celui-ci […] avec la même dépense d’inventions, on aurait facilement pu produire une pièce originale de la plus grande importance. » Et Becker de souligner que dans cet arrangement, Franz Liszt produit 765 portées de composition nouvelle d’après les 8 portées du thème de Meyerbeer. [11]

Franz Liszt (1811–1886), à l’âge de 16 ans, 1858

Kenneth Hamilton [9] remarque que « si l’on écoute un arrangement de [Sigismund] Thalberg avec plaisir, il est probable que nous trouvions une autre de ses pièces ennuyeuse ». En revanche, « chaque Fantaisie composée par Liszt offre des points d’intérêts potentiels uniques. Les compositions de Liszt basées sur des opéras existants encapsulent parfois un acte entier en une pièce de concert de 15mn, juxtaposant et combinant les thèmes dans la foulée »[8] Ce concept « d’encapsulage » d’une œuvre plus importante dans une fantaisie , nous dit Rachel Nicole Becker, est un leitmotiv chez Liszt, cependant, elle soutient que ce n’est pas un cas exclusif mais bien un trait commun caractéristique du genre. [10]

Sigismund Thalberg, vers 1880. Source: BNF / Wikipedia

Elle explique, en outre, que la production de Fantaisies sur des airs d’Opéras fonctionnaient comme des « bandes d’annonces de cinéma, offrant un aperçu des opéras étant sortis dans une ville mais pas encore distribués, permettant au public de se faire une idée du thème avant de s’engager à la dépense d’un billet et d’une soirée complète. » [8] Dans certains cas, la publication de Fantaisies sur un air d’opéra se répandait plus rapidement après la Première de l’opéra en question. Rachel Nicole Becker en donne l’exemple avec Un Ballo [in Maschera de Giuseppe Verdi] qui n’a pas été joué à Londres avant 1861 mais dont la Fantaisie sur les airs de Un Ballo in Maschera de Verdi par Joseph Rummel ainsi qu’Albert W Berg Un Ballo in Maschera pour piano ont été publié à Londres en 1859 et 1860 respectivement. [8]

Il semble également que le genre de la Fantaisie soit tombé en désuétude au profit du nouveau genre symphonique car si les Variations et Fantaisies étaient l’apanage des compositions virtuoses, cette même virtuosité s’est trouvé dénigrée par les critiques musicaux, notamment. Rachel Nicole Becker cite Dana Gooley qui parle d’un sens « d’inévitabilité historique » dans « le triomphe des artistes sur les virtuoses » et l’émergence du goût « symphonique », mais la diabolisation de la virtuosité ainsi que le déclin subséquent et dans la durée de la musique virtuose, décrite par Edouard Hanslick comme « une gâterie saturée de sensualité et d’enthousiasme » ont été fabriqués et n’étaient pas inévitables. [9] Et Becker de noter que « les écrits de Dana Gooley pointent spécifiquement la responsabilité des critiques musicaux en ayant monté l’opinion publique contre ces pièces virtuoses et leurs interprètes et en diminuant artificiellement le standing des pièces musicales comme les Fantaisies à travers (ironiquement) des répétitions mécaniques de phrases comme des ornements excessifs et de la virtuosité superficielle » [12]

« Dans la musicologie récente, les défenseurs de la Fantaisie comme genre estimable en appel au sérieux mérite de l’Art musical Allemand et mentionnent les variations de Mozart et Beethoven sur des arias d’opéra. Par exemple, le musicologue Charles Suttoni fait référence à une variation de Mozart sur Antonio Salieri, Giovanni Paisiello et Christophe Gluck ainsi que Beethoven sur Karl Dittersdorf, André Gréty et Antonio Salieri comme des proto-fantaisies » [13]

Pour ma part, j’en appelle à l’excellentissime Josep Castanyer Alonso, violoncelliste à l’Orchestre Philarmonique Royal de Stockholm et à son quintet de violoncelles exécutant un fragment de Carmen, l’opéra de Bizet, arrangé par Werner Thomas-Mifune que je trouve superbe et pour lequel j’achèterais un billet sans hésiter pour l’écouter en live. Bien évidemment, il ne s’agit pas de mes goûts, alors revenons à ce merveilleux Josep Castanyer Alonso qui, outre son talent de violoncelliste, évoque dans sa courte biographie sur YouTube qu’il (je le cite) « joue un petit peu de piano à côté ». Voici que, pour s’amuser, il a décidé de reprendre la chansonnette « Barbie Girl » sorti en 1997, une création du groupe Aqua qui aura nécessité les efforts de pas moins 4 compositeurs : la Norvégienne Lene Crawford Nystrøm , et les Danois Claus Norreen,  René Dif et Soren Rasted pour produire un morceau de 3,17mn dont voici un aperçu de la partition [consultable dans son intégralité ici]

Source : MuseScore , transcripteur Cody Walton d’après Aqua « Barbie girl »

On ne juge pas, le morceau s’est vendu à plus de 8 millions d’exemplaires.

Et voici donc les arrangements du talentueux Josep Castanyer Alonso qui décide d’en reprendre le thème au piano à la manière tour à tour de Mozart, Beethoven, Shumann, Shubert, Chopin et enfin Ravel.

Le merveilleux Josep Castanyer Alonso et ses arrangements de Barbie Girl – Source: https://www.youtube.com/@JosepCastanyerAlonso

Donc, là, on sera bien d’accord que la performance n’a rien à voir avec les sirupeux covers pudiquement nommés Easy Listening d’un pianiste paraphrasant de grands thèmes (d’opéras ou non) en se permettant parfois un rythme de Bossa Nova déplacé. Une musique volontiers qualifiée de « musique d’ascenseur » par les plus cléments, voire quand le sacrilège musical est trop important « de chiottes d’autoroute » par les plus courroucés. On peut aussi écouter la version de Barbie Girl de Josep Castanyer Alonso mais cette fois à la manière d’une fugue à trois voix — ça m’a tiré les larmes.

Le sublimissime Josep Castanyer Alonso et sa fugue à 3 voix sur le thème de Barbie Girl. Source: https://www.youtube.com/@JosepCastanyerAlonso

Et il persiste et signe en faisant une variation sur la petite mélodie scandée par le haut-parleur du van de crèmes glacées qui circule dans son quartier à la recherche de clients, prouvant, s’il en était encore besoin, que la Fantaisie et la Variation sont des genres musicaux qui transcendent leurs thèmes d’origine, ces derniers n’ayant pas d’influence sur la qualité finale de l’arrangement. Seul le compositeur, sa technique, sa créativité et son talent feront la différence et produiront une œuvre digne d’intérêt ou un vulgaire « pot-pourri insipide » pour reprendre les termes de Carl Almenräder [14]

le prodigieux Josep Castanyer Alonso et sa fugue sur le thème du « ice cream van » Suédois (oui, je suis fan!!!! Aaah!!! Si quelqu’un possède un de ces gants ou un noyau de pêche mâchouillé par sa très sainte personne, merci de contacter la rédaction. Ca nous intéresse!!!)

N’en déplaise donc à mon Bon Maître, mais je republierai donc toutes les Fantaisies et Variations sur des thèmes d’opéras arrangés par Sebastian Lee, jusqu’à la dernière, car on oubliera pas qu’il était au sommet de son art, compositeur, violoncelliste soliste du Grand Opéra de Paris pendant 30 ans, et, je l’ai découvert il y a peu, professeur au Collège Stanislas de Paris [15]. Je n’ai pas encore découvert une seule de ses œuvres ne présentant pas d’intérêt. Ouvrons donc nos chakras et redonnons leurs lettres de noblesse à ce genre trop longtemps dénigré et pourtant digne d’un regain d’intérêt.

Notes

[1] Les bibliothèques proposent des services de reproduction mais font payer très cher leurs prestation de copie et d’envoi par courrier électronique. Par ailleurs, ils ajoutent d’autres frais si les contenus reproduits sont distribués et/ou partagés. C’est pourquoi l’obtention d’un document est très onéreuse.

[2] Oscar Catalan Gonzalez, thèse de doctorat intitulée : Un modèle vocal issu de l’opéra : l’exemple des Fantaisies pour flûte sur des thèmes d’opéra en France au XIXe siècle (La Sorbonne, 2022)

[3] Charles Soullier, Nouveau dictionnaire de musique illustré, Paris, Bazault, 1855, p. 124 in

[4] Revue & gazette musicale N°39 du 29 Septembre 1850 « Jenny Lind à New-York » p325-326

[5] Le Rossignol est un surnom donné à jenny Lind par le chroniqueur Ernest Deschamps.

[6] 30 000 francs français en 1849 seraient l’équivalent de US$150 000, basé sur le prix du billet donné dans l’article (US$3 = 15frs). Rapporté à l’inflation (basé sur les publication du US Department of Labor), la somme équivaudrait à US$5,98 millions actuels.

[7] ici, l’auteur de l’article cite le journal des débats qui rapporte au bimensuel français les faits et gestes quotidiens de la cantatrice en tournée dans leur ville grâce à des communications avec des journaux locaux en mentionnant : « Nous empruntons au Journal des Débats relation extraite des journaux américains. On y verra que si le peuple des Etats-Unis ne peut, comme le peuple français, se vanter d’être le plus spirituel de la terre, il en est assurément le plus enthousiaste, et qu’il se fait un point d’honneur de laisser bien loin l’exemple déjà passablement excessif que les Anglais lui avaient donné. Du reste, les triomphes obtenus il y a quelques années dans le même pays par Fanny Eilsler rendent ceux de jenny Lind vraisemblables. La danse avait précédé le chant ; c’est l’ordre inverse de celui que la fourmi conseille à la cigale dans la fable de La Fontaine. » 

[8] Trash Music, valuing XIXth century Italian Opera Fantasias for Woodwinds, Rachel Nicole Becker, St John’s College 2017

[9] Kenneth Hamilton, « The Opera Fantasia and transcriptions of Frantz Liszt: a critical study (thèse non publiée, Université d’Orxford, 1989 p315 in Rachel Nicole becker, Trash Music, valuing XIXth century Italian Opera Fantasias for Woodwinds, St John’s College 2017

[10] Walker, “Liszt Franz 10 arrangements”, in Ibid

[11] Lewis Foreman et Susan Foreman, London: A Musical Gazetteer (Yale University Press, 2005) p302 in Ibid p15

[12] Dana Gooley, “The battle against instrumental virtuosity in the early nineteenth century”, Franz Liszt and his World, ed. By Christopher Gibbs and Dana Gooley (Oxford: Princeton University Press, 2006), p76, in ibid

[13] Suttoni, “Piano fantaisies and descriptions”, Grove Music Online, in Ibid

[14] James B. Kopp, The Bassoon (Londres: Yale University Press, 2012) p139 in Ibid.

[15] Selon un article paru dans la gazette et Revue musicale de Paris N°30 du 26 Juillet 1846 qui relate un concert philanthropique au Collège Stanislas par la Société de patronage pour les enfants dans les manufactures de Mme Emma Collard. J’en reparlerai dans un prochain article.

Banner image (above) part of the engraving by Charles Bour (1814-1881) used for the frontispiece of the original score of Le Prophète by Meyerbeer (1849).

Fantasies and Variations: The Poor Country Cousins of Classical Music?

Written by Pascale Girard. Thank you to Sheri Heldstab and friends for translating, correcting, proofreading and improving this article.

When I began to reconstruct Sebastian Lee’s catalog of compositions, it didn’t take long before I got my hands on his arrangements of Fantasies derived from famous operatic arias. I was excited to share my finds with my cello instructor, and feeling very proud of myself, I took the first opportunity to show him my new-found treasures. Smiling gleefully, I handed him a copy of the “Great Dramatic Fantasy on the Air of the Prophet by Giacomo Meyerbeer” [“Grande Fantaisie dramatique sur l’air du Prophète de Giacomo”], opus 53, by Sebastian Lee.  This was not easily found in the Austrian National Library, and obtaining the copy had been quite expensive for me, personally.[1] My instructor looked at it disdainfully and said, “Forget it, it’s not important. We’ll focus on original works.” I was shocked! This work was completely original, and written by my favorite composer, Sebastian Lee.

However, my instructor (who doesn’t allow his ears be wooed by a few musical frills) has never ceased to amaze me with his musicality and musical knowledge – so when he says something, I generally listen. Consequently, we have not republished any of Sebastian Lee’s “Variations and Fantasies”. I decided that I would delve into that at a later date since we already had enough to do with the “original” validated opuses.

Recently, however, a PhD thesis defense by researcher and musicologist Oscar Catalan-Gonzalez was published by the Bibliothèque Nationale de France (BNF).  His thesis rekindled my curiosity about Sebastian Lee’s « Variations and Fantasies ». In his thesis, Catalan-Gonzalez explains that “this musical genre […] seeks to imitate successful singers, with the hope of achieving their vocality, on the instrument.” [2] He also confirmed for me that the “consequent production of this musical genre in France in the 19th century immediately proves the affection that the listener had for it in different manifestations. Nevertheless, it is surprising to note that despite its success, in addition to being considered ‘unimportant’, this repertoire is often described as ‘bad music’ by the instrumentalists themselves.” [2] He adds that the flute, on which his research focused, is similar in timbre to the human voice. This made me smile as I have heard the same remark made about cellos time and time again. Catalan-Gonzalez’s analysis, therefore, applies to instruments other than just the flute.

No matter what the instrument, flute or bagpipe, if there is an underappreciated genre in the modern “classical” repertoire, it is in the art of arrangements, which were greatly enjoyed by the public in the 19th century. In Paris, opera theaters caused a sensation with various productions by composers – the rockstars of their time – such as Giacomo Meyerbeer (1791-1864), Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) and Fromental Halévy (1799-1862). The singers who played the leading roles in these productions were adored by the public. Crowds sometimes became violent over tickets to the shows, as reported by Ernest Deschamps, columnist and manager of the Revue et Gazette Musicale in 1849, along with Louis Brandus [3]. In Deschamps’ article, he describes the collective hysteria surrounding the Swedish singer Jenny Lind, on tour at the time in New York in her role as Norma in the opera of the same name, composed by Vincenzo Bellini, and which, incidentally, had its premiere 20 years earlier in Milan.

Source: Wikipedia

The audience’s fanatical behavior clearly shows this century’s craze for musical entertainment and the financial windfall that these productions represented: “The Nightingale[4] … has not yet sung, this is just the beginning!… The triumphal march of the Nightingale … the presentation to the Nightingale of five hundred ladies with whom she is obliged to shake hands, the description of the furniture specially ordered from the Irving Hotel for the Nightingale and which cost 30,000 francs[5], the news that Barnum, the entrepreneur, has rented Castle Garden, which holds 8000 people, to give concerts, the sending of countless bouquets and other tokens of affection that the Nightingale refuses … never have we seen such fury … the railways and steamboats pour out torrents of travelers who have come to see the Swedish marvel … we are given a description of the Nightingale, Jenny Lind is not a classic beauty, she has many features of a German and of a Scottish woman. A prize of 1000frs [francs] is awarded to the author of the best poem in honor of the Nightingale. There are 750 competitors! And as a result, 749 dissatisfied people … the newspapers were filled with news of the sale [of concert tickets] the day before, it was raining in torrents and yet around 5,000 people were rushing to the offices to get tickets. The original price of the ticket [at auction] was US$3 (15frs).The commissioner goes on stage and begins by declaring that he is in the same place where the Nightingale will be.The first ticket sold will allow the owner of the ticket to choose their own seat.The first bid goes to US$25, it is the 2 large hotels, the Irving and the York, which are in very lively competition. They have orders for their tenants, but they are ignominiously left behind by a simple citizen, Mr. Genin, a hatter [haberdasher], who storms off with the first ticket, having won the bid at the price of US$225 (1250Frs).When his name is proclaimed, the whole assembly rises and gives him three cheers … What is happening? Is he a friend? No, it’s a ploy. This intelligent businessman is said to have delved deeper into the philosophy of advertising.They tell him that he is crazy, he replies that he will know how to make a profit from it. We offer him US$50 [over his bid], he wouldn’t give his ticket for US$500. His competitors are 3 pharmacists who made their fortune through advertisements, and who envy him, because now the name of Mr. Genin the Haberdasher will turn all heads. It is claimed that on the day of the concert, he plans to distinguish himself by hanging a huge hat in the room. … at 2 a.m., Mr. [Julius] Benedict, who had come from London to conduct the orchestra, entered. Meanwhile, the Nightingale walks and enjoys the splendid view of the bay while chatting graciously with 3 ladies who had the privilege of joining her. The Nightingale has a checked dress, a red shawl and a green silk hat. When the Nightingale appears on stage, it is to thunderous applause. She turned slightly pale, the effect of overwhelming emotion. She begins Casta Diva [Norma’s first song], the enthusiasm this time is impossible to describe. We are told [6] that the orchestra forgets that she is an earthly creature, and is ready to fall on its knees and worship her. At the gates, the crowd riots; the Nightingale is forced to fly away through a back door … we fear for the days of the Nightingale … The other day the Nightingale was on a balcony with two other ladies. One of the ladies, after eating a peach, threw the pit into the street. The crowds fought to pick it up; there are concerns that there may have been deaths or injuries during the fight. It is also said that one of the Nightingale’s gloves was picked up, and that the lucky owner of this treasure charges 1 shilling [7] to kiss the outside, and 2 shillings to kiss the inside of the glove.”

Wide angle view of New York City (Manhattan Island with Battery Park in the background), 1851. Contemporary recoloring.

Authors: HEINE, Wilhelm (1827-1885) and Robert KUMMER (1810-1889). [8]

This is where we are. Today, a pop music star would have to show more than just skin to the audience to generate the same degree of rapture – a simple peach pit would not be enough. But at that time, there was no radio, TV, or Netflix. Evenings and weekends were punctuated by these entertainments, both in the theaters and in the bourgeois living rooms of the time. The teaching of music had been democratized since the creation of the Paris Conservatory of Music in 1795, and even more so with the emergence of mass-produced musical instrument manufacturers (Boehm in 1828, Kriegelstein in 1831, and, for bowed string instruments, Mirecourt in 1802). A great deal of enthusiasm was beginning to form around learning to play a musical instrument and a number of people “from good society” began to organize private musical events in their living rooms or in performance halls such as the Erard and Pleyel halls, to name only a few places of Parisian legends.

Excerpt from Henri Blanchard’s review of the performance of Sebastian Lee’s opus 11: “Memories on the theme of the opera Guido and Ginerva by Fromental Halévy”, performed by Auguste Tolbecque during a concert at the Ste Cécile hall under the patronage of Mr. Antonin Guillot [Valeton de Sainbris][9]

Approximate translation:  “Also distinguishing themselves on this musical morning were: Mr. Auguste Tolbecque, performing on the cello “Variations on Guido and Ginevra” by Mr. Lee with accuracy and good expression; Mr. Verroust, who performed a charming oboe solo of his own composition; Mr. Goria, who played an entire piece from an Italian opera on the piano for us, and his charming saltarella; and finally, Mr. Malezieux, who came to tell us about the juicy gossip currently circulating about Father Trinquefort to prove to us that he had not died of cholera as rumor had claimed.”

All this musical activity is copiously commented on by various periodicals belonging to the major publishing houses, which produce critiques, reviews, and other articles. They grant themselves exclusivity for certain composers and monopolize the transcriptions of their successful operas. The publication of these operatic scores finances the performances of the operas around the world. At the same time, these publishers also offer discounts for various solo instruments accompanied by piano. We can see in the advertisement below that the score of the famous opera “The Prophet” by Giacomo Meyerbeer is offered in different variations, composed by famous names of the time, including our dear Sebastian (for the cello with piano accompaniment). These reductions [10] are intended for amateurs and are written as Chamber music to be performed in Salons or smaller concert halls during more intimate musical events.

Brandus & Cie advertisement published in La Revue et Gazette Musicale, 1849. [11]

The musicologist Rachel Nicole Becker explores the vilification of what she ironically calls « Trash Music »[12].  She attempts to rehabilitate the instrumental arrangements of 19th century operas by making the distinction between reductions (musically paraphrasing the original works) and variations (musically summarizing an entire opera with many variations, ornaments, and changes) – the value of each being completely different.

She gives the example of Franz Liszt – also mentioned in the 1849 Brandus & Cie advertisement, above, for his pieces based upon the themes of Le Prophète – by quoting the German composer Joachim Raff’s opinions of Liszt’s Fantasy on The Prophet by Giacomo Meyerbeer “it is a mystery to me how one can go to such trouble to arrange a theme like this … with the same expenditure of inventions, one could easily have produced an original piece of the greatest importance.” In response to this critique, Becker points out that Liszt’s arrangement produces 765 staves of new composition based on the 8 staves of Meyerbeer’s theme. [12]

Franz Liszt (1811–1886), 1858

Kenneth Hamilton [13] remarks that « if we listen to one arrangement of [Sigismund] Thalberg with pleasure, we are likely to find another of his pieces boring. » On the other hand, “…each Fantasy composed by Liszt offers unique potential points of interest. Liszt’s compositions based on existing operas sometimes encapsulate an entire act into a 15-minute concert piece, juxtaposing and combining themes in the process.”[12] This concept of « encapsulating » a larger work into a Fantasy , Becker tells us, is a leitmotif in Liszt; however, she maintains that this is not an exclusive case but rather a common characteristic of the genre. [14]

Sigismund Thalberg, circa 1880. Source: BNF / Wikipedia

She further explains that the production of Fantasies of operas functioned like « cinema trailers, offering an overview of operas having been released in a city but not yet distributed, allowing the public to get an idea of the theme before committing to the expense of a ticket and a full evening.” [12] In some cases, the publication of Fantasies on operas spread more quickly after the premiere of the opera in question. Becker gives the example of Un Ballo in Maschera [by Giuseppe Verdi], which was not performed in London before 1861 but whose Fantasies, written by Joseph Rummel as well as Albert W Berg, were published in London in 1859 and 1860 respectively. [15]

It also seems that the genre of operatic Fantasy has fallen into disuse in favor of the new symphonic genre because if Variations and Fantasies were comparable to virtuoso compositions, this same virtuosity found itself denigrated – particularly by musical critics. Becker quotes Dana Gooley who speaks of a sense of « historical inevitability » in « the triumph of artists over virtuosos » and the emergence of « symphonic » taste. However, the demonization of virtuosity as well as the subsequent decline in the duration of virtuoso music, described by Edouard Hanslick as « a treat saturated with sensuality and enthusiasm » were manufactured and were not inevitable. [16] Becker also notes that « the writings of Dana Gooley specifically point to the responsibility of musical critics in having turned public opinion against these virtuoso pieces and their performers and in artificially diminishing the standing of musical pieces like the Fantasies through (ironically) mechanical repetitions of phrases like excessive ornaments and superficial virtuosity”. [12]

“In recent musicology, defenders of Fantasy as an estimable genre appeal to the serious merit of German musical art and mention the variations of Mozart and Beethoven on opera arias. For example, musicologist Charles Suttoni refers to a variation by Mozart on Antonio Salieri, Giovanni Paisiello and Christophe Gluck, as well as Beethoven on Karl Dittersdorf, André Gréty and Antonio Salieri as proto-fantasies ». [17]

For my part, I’ll look to the excellent example of Josep Castanyer Alonso, cellist at the Royal Stockholm Philharmonic Orchestra, and his cello quintet performing a fragment of Carmen (an opera written by Bizet) arranged by Werner Thomas-Mifune. I think this arrangement is superb and would buy a ticket in a heartbeat to hear it performed live. Obviously, this is not about my tastes, so let’s return to this wonderful cellist Josep Castanyer Alonso who, in addition to his talent as a cellist, mentions in his short biography on YouTube that he “…also play[s] the piano a bit…” For fun, he decided to create not one, but two Fantasies of the song “Barbie Girl”, a popular song released in 1997 by the group “Aqua”.  The original song “Barbie Girl” required the writing efforts of no less than 4 composers (Lene Crawford Nystrøm from Norway, and Claus Norreen , René Dif and Soren Rasted all from Denmark) to produce a 3.17 minute-long song.

Transcription of Aqua’s “Barbie Girl” arranged by Cody Walton [18]

(No judgment here, the song has sold more than 8 million copies!)

Here is one of the two Fantasy arrangements of “Barbie Girl” by the talented Josep Castanyer Alonso [19], who has arranged the modern theme in the style of Mozart, Beethoven, Schumann, Schubert, Chopin and finally Ravel (with hilarious commentary in the video).

The wonderful Josep Castanyer Alonso and his arrangements of Barbie Girl[20]

Perhaps we can agree that the performance has nothing to do with the syrupy covers – modestly named “Easy Listening” – of a pianist paraphrasing great themes (opera or not) sometimes allowing himself a Bossa Nova beat. This music is described as “elevator music” by the most lenient and as “motorway garbage” by the most offended when the musical sacrilege is just too much to bear. However, we can also listen to the version of “Barbie Girl” by the sublime Josep Castanyer Alonso but this time in the style of a three-part fugue – it brought tears to my eyes.

The sublime Josep Castanyer Alonso and his three-voice fugue on the theme of “Barbie Girl”. [21]

He continues his art with the creation of a variation on the short melody played by the ice cream truck that drives around his neighborhood.  The transformation of the ice cream truck’s bit of auditory doggerel proves, if proof is still necessary, that Fantasy and Variation are musical genres which transcend their original themes, with the original theme having no influence on the final quality of the arrangement. Only the composer, his technique, his creativity, and his talent will make the difference between a work worthy of interest or a vulgar “tasteless medley” to use the terms of Carl Almenräder.[22]

The prodigious Josep Castanyer Alonso and his fugue on the theme of the Swedish ice cream truck (yes, I’m a fan!!!! Aaah!!! If anyone has one of his gloves or a peach pit gnawed on by his divine person, please contact the editorial staff! We are interested!!!) [23]

Thus, with no offense intended to my cello instructor, I will be republishing all of the Fantasies and Variations on Opera Themes arranged by Sebastian Lee, right down to the last one. We should not forget that he was at the peak of his career at the time that he arranged those pieces: artist, composer, solo cellist at the Grand Opéra de Paris for 30 years, and, I recently discovered, professor at the Collège Stanislas de Paris. [24] I have yet to find a single one of his works uninteresting. So let us open our minds and restore honor to this denigrated genre which is deserving of renewed interest.

Notes:

[1] Libraries such as this one allow reproductions to be made, but they charge for scanning and emailing the document.  In addition, they charge an extra fee if the image is going to be reproduced or shared, as if they owned the copyright.  Thus, obtaining a copy of a document can be quite expensive.
[2] Oscar Catalan-Gonzalez, doctoral thesis, “A Vocal Model from Opera: The Example of Fantasies for Flute on Opera Themes in France in the 19th Century” (La Sorbonne, 2022), https://bnf.hypotheses.org/27165, (accessed online 28 December 2023).
[3] La Revue et Gazette Musicale Vol. 17, No. 39, 29 September 1850 “Jenny Lind à New-York” pp. 325-326, https://books.google.com/books?id=8NXtdepgEF4C, (accessed online 28 December 2023).

[4] “The Nightengale” is a nickname given to Jenny Lind by Ernest Deschamps.
[5] 30,000 French Francs in 1849 would have been worth approximately US(1849)$5,400 based on the bidding price by Mr. Genin given later in the same article (US$225 = 1250Frs).  When adjusted for inflation (based on records published by the U.S. Department of Labor), that would be the approximate equivalent of US(2023)$213,700.
[6] Here, the author of the article cites the Journal des Débats, which, every other week, reports the daily doings and actions of the singer on tour in their city thanks to communications with local newspapers, mentioning: “We borrow from the Journal des Débats their relationship with American newspapers. We will see that if the people of the United States cannot, like the French people, boast of being the most spiritual on earth, they are certainly the most enthusiastic, and that they make it a point of honor to surpass the already rather excessive example that the English had provided. Moreover, the triumphs obtained a few years ago in the same country by Fanny Eilsler make those of Jenny Lind plausible. The dance had preceded the song; it is the opposite order to that which the ant advises to the grasshopper in La Fontaine’s fable.
[7] A New York shilling, or “York shilling” was worth approximately 12.5 US cents.  According to Caleb Crain, “the currency and coinage in the U.S. before the Civil War is a great big mess … the emerging consensus seems to be that the New York shilling, or “York shilling,” was worth about 12.5 U.S. cents between the 1830s and 1850s, but that the actual coin referred to was a Spanish (or Latin American) real. There were eight reales in a Spanish dollar; thus the nickname for Spanish dollars, “pieces of eight.” (This would also explain the slang reference to a quarter as “two bits,” i.e., two reales, or two York shillings.)” Caleb Crain, “What was the (New) York shilling?”, https://steamthing.com/2020/02/what-was-the-new-york-shilling.html (accessed online 28 December 2023).
[8] https://en.wikipedia.org/wiki/File%3ABirds-eye_view_of_New_York,_1851.png (accessed online 28 December 2023).
[9] La Revue et Gazette Musicale Vol. 16, No. 24, 17 July 1849, p. 188, https://books.google.com/books?id=iLlCAAAAcAAJ, (accessed online 28 December 2023).
[10]In music, a reduction is an arrangement or transcription of an existing score or composition in which complexity is lessened to make analysis, performance, or practice easier or clearer; the number of parts may be reduced or rhythm may be simplified, such as through the use of block chords.”  [Wikipedia, “Reduction (music)”]
[11] La Revue et Gazette Musicale Vol. 16, No. 43, 28 October 1849, p.343, https://books.google.com/books?id=iLlCAAAAcAAJ, (accessed online 28 December 2023).
[12] Rachel Nicole Becker , “Trash Music, Valuing 19th Century Italian Opera Fantasias for Woodwinds”, St John’s College 2017, https://doi.org/10.17863/CAM.26391, (accessed online 28 December 2023).
[13] Kenneth Hamilton, “The Opera Fantasia and Transcriptions of Frantz Liszt: a Critical Study” (unpublished thesis, Oxford University, 1989) as cited on p.315 in [12].
[14] Walker, “Liszt, Franz, 10 arrangements”, as cited in [12].
[15] Lewis Foreman and Susan Foreman, “London: A Musical Gazetteer” (Yale University Press, 2005) p.302 as cited on p.15 in [12].
[16] Dana Gooley, “The Battle Against Instrumental Virtuosity in the Early Nineteenth Century, Franz Liszt and his World”, ed. Christopher Gibbs and Dana Gooley (Oxford: Princeton University Press, 2006), p76,
as cited in [12].
[17] Charles Suttoni, “Piano Fantasies and Descriptions”, Grove Music Online (https://doi.org/10.1093/gmo/9781561592630.article.O005677), as cited in [12].
[18] https://musescore.com/user/4367091/scores/11667406 (accessed online 28 December 2023).
[19] https://www.konserthuset.se/en/royal-stockholm-philharmonic-orchestra/members-in-the-orchestra/cello/josep-castanyer-alonso/ (accessed online 28 December 2023).
[20] https://www.youtube.com/watch?v=WRfsibwR5x4 (accessed online 28 December 2023).
[21] https://www.youtube.com/watch?v=qsE7H6YPfco (accessed online 28 December 2023).
[22] James B. Kopp, The Bassoon (Londres: Yale University Press, 2012) p.139 as cited in [12].
[23] https://www.youtube.com/watch?v=ZV0e7vd0mL8 (accessed online 28 December 2023).

[24] According to an article published in La Gazette et Revue Musicale No. 30, 26 July, 1846, about a philanthropic concert at the Collège Stanislas by the Society of patronage for children in the factories of Mrs. Emma Collard. To be discussed in a future blog entry.

Translation Note:  This translation attempts to be true to both the ideas and the tone of voice used by the author.  That said, some French idioms do not translate perfectly to English.  In those cases, I have attempted to maintain the concept, if not the exact words, of this translation.

Translated to English by Sheri H.